Doris de Krohn

Felimida krohni | (Vérany, 1846)

N° 813

Mer Méditerranée et Atlantique oriental

Clé d'identification

Nudibranche de couleur rose à bleu pâle
Manteau recouvert de 3 bandes jaunâtres continues
Rhinophores pourpres, lamellés et rétractiles
Branchies en couronne pourpre, rétractiles
Taille comprise entre 5 et 30 mm

Noms

Noms communs internationaux

Krohn's doris (GB), Doride de Krohn, cromodoride di Krohn (I), Doris de Krohn (E), Krohn-Doris (D), Doris van Krohn (NL)

Synonymes du nom scientifique actuel

Glossodoris krohni Vérany, 1846
Doris krohni Vérany, 1846 (est parfois trouvé D. krohnii Vérany, 1846)
Chromodoris trilineata Von Ihering, 1880
Chromodoris krohni (Verany, 1946)

Le nom de genre Felimida a remplacé chez certaines espèces celui de Chromodoris après une étude de Johnson et Gosliner en 2012 de typage des Chromodoris par l'ADN mitochondrial.
Tous les sites scientifiques de référence n'ont pas encore intégré cette modification récente (et peut-être transitoire). Le nom de genre Chromodoris est donc encore provisoirement utilisé pour les photos, dans l'attente d'une harmonisation des sites et d'une pérennisation du nom de genre.

Distribution géographique

Mer Méditerranée et Atlantique oriental

Zones DORIS : ● Europe (côtes françaises), ○ [Méditerranée française], ○ [Atlantique Nord-Est, Manche et mer du Nord françaises]

On trouve le doris de Krohn en mer Méditerranée et sur les côtes de l'Atlantique Est (des îles Britanniques jusqu'au Cap Vert).

Biotope

Ce doris fréquente des profondeurs comprises entre 5 et 30 mètres et se rencontre notamment sur les éponges dont il se nourrit (Ircinia, Hymeniacidon...).

Description

Le doris de Krohn est un nudibranche allongé de 5 à 30 mm de long (15 mm en moyenne).

Le manteau*, un peu translucide, est généralement mauve mais peut varier de rose pâle à bleu-violet. Selon la nuance exprimée, on peut observer une bande mauve pâle à bleu ciel, iridescente, près de la marge du manteau. Celle-ci est toujours bordée par un liseré jaune.
L'animal montre sur le dos trois lignes jaunâtres (entre jaune vif et blanc cassé) longitudinales : une ligne centrale et deux excentrées qui courent parallèlement depuis les rhinophores* jusqu'au bouquet branchial, les lignes latérales se rejoignant à l'arrière de cette zone. Ces lignes sont souvent interrompues. Sur une vue rapprochée, on peut remarquer que ces trois lignes, opaques, apparaissent généralement un peu en relief.
On peut parfois aussi observer sur ce manteau des petits points blancs ou jaunes. Il est intéressant de noter que selon la distribution géographique, ces motifs dorsaux peuvent varier de manière importante. Ainsi, sur certains individus africains, les lignes dorsales peuvent être totalement remplacées par une constellation de petits points jaunes.

A l'avant, sur la tête, les rhinophores* sont de couleur pourpre, toujours plus sombre que le manteau, et ils sont lamellés (12-20 lamelles). Le panache branchial est également pourpre et constitué par 6 à 8 feuillets branchiaux. Ils forment une couronne autour de l'anus. Les rhinophores et les branchies peuvent éventuellement être marqués de petits points blancs qui suivent lamelles et feuillets. Ces deux organes sont rétractiles en cas de dérangement de l'animal.
La partie caudale du pied est visible sur l'arrière de l'animal. Elle porte parfois une ligne blanche ou jaune mais ce n'est pas systématique.

Espèces ressemblantes

Parmi les Chromodoridés, un certain nombre montre une couleur globale proche. On peut citer :

Felimida britoi (Ortea & Pérez, 1983) : le doris de Brito peut être de couleur très proche. Il montre bien 3 lignes jaunes à blanches sur le manteau mais celles-ci sont souvent anastomosées entre elles et forment des entrelacs, notamment concernant les lignes latérales. De plus, même lorsque les lignes sont plutôt blanches, le centre de la ligne médiane est jaune vif. Le bord du manteau possède une marge diffuse blanche avec du jaune en périphérie. Les rhinophores sont lignés de blanc sur l'arrière et les feuillets branchiaux sont structurés de violet sur un panache plutôt translucide.

Felimida purpurea (Risso in Guérin, 1831) : le doris rose est très similaire à F. krohni mais sans les lignes jaunes. Le manteau mauve translucide, margé de jaune, est uniforme.

Felimida luteorosea (Von Rapp, 1827) : le doris tacheté mauve a le manteau violet, souvent plus soutenu que F. krohni. Il présente en plus de gros pois jaunes et aucune ligne longitudinale.

Felimida luteopunctata (Gantès, 1962) : espèce rencontrée principalement sur les côtes sud de la Méditerranée occidentale et les côtes africaines atlantiques. Il ressemble à l'espèce précédente mais avec de très nombreux points jaunes, plus petits que chez F. luteorosea ainsi que des mouchetures blanches sur les rhinophores.

HYpselodoris picta (Schultz in Philippi, 1836) : une des nombreuses couleurs portées par le doris géant peut être également le mauve (il peut être beaucoup plus bleu, presque noir ou presque totalement jaune pâle !). On peut voir sur le dos et sur les flancs de cette grande espèce une multitude de petits traits, de petits points, de cercles de couleur jaune vif.

D'autres espèces atlantiques et/ou méditerranéennes appartenant au genre Hypselodoris et Felimare (rassemblées arbitrairement dans le groupe dit des "doris bleus") ont un manteau à fond bien plus bleu que violet et la marge jaune/orange du manteau souvent plus étroite. Les lignes dorsales sont également différentes, souvent blanches et parfois accompagnées de lignes bleues plus claires.

Il s'agit notamment de :
- Hypselodoris tricolor (une ligne centrale blanche, des traits latéraux clairs) ;
- Felimare gasconi (une large ligne médiane blanche accompagnée d'une ou deux lignes parallèles beaucoup plus fines et souvent interrompues, bordure du manteau orange franc passant au blanc sur la tête. Une ligne blanche sur les flancs se rejoignant sur la queue) ;
- Felimare malacitana et Felimare cantabrica (plus grands que notre espèce, une bordure jaune et une parallèle bleu vif à l'intérieur. Une fine ligne jaune centrale et une multitude de petits points jaunes autour) ;
- Felimare fontandraui (une ligne centrale blanche "déchirée" et des traits latéraux clairs) ;
- Felimare villafranca (de couleur indigo avec un réseau de fines lignes jaunes ou orange, blanches ou bleues sur tout le corps) ;
- Felimare orsinii (une seule ligne centrale blanche, très fine, bordure du manteau à l'identique).

Rhinophores et branchies, toujours bleus mais parfois soulignés de lignes selon les espèces, servent aussi à la discrimination. Notons qu'eu égard à la taille, c'est avec les juvéniles des "doris bleus" que la confusion est maximale.

Alimentation

Ces nudibranches sont des carnivores et ils se nourrissent de certaines éponges du genre Ircinia ou encore de Hymeniacidon sanguinea.

Reproduction - Multiplication

Comme tous les nudibranches, Felimida krohni est hermaphrodite et se reproduit par voie sexuée.
L'accouplement se fait toujours deux à deux dans un rapport proximal, les individus se présentant tête-bêche sur leur côté droit. En effet, les organes de reproduction, oviducte* et spermiducte*, débouchent conjointement en un "pénis" copulatoire situé derrière la partie céphalique, du côté droit du pied. Entrés en contact, les deux partenaires échangeront leurs spermatozoïdes respectifs puis se quitteront. La fécondation sera interne et chacun pourra ensuite pondre de son côté.
D'avril à septembre, les pontes forment des bandes gélatineuses de 10 mm environ en forme de spirale et de couleur variable (les œufs sont blancs). Quelques temps après naîtront de ces pontes de petites larves planctoniques qui subiront plusieurs modifications avant de se transformer en un animal juvénile.

Divers biologie

Les nudibranches sont munis de divers organes des sens. Parmi ceux-ci, une paire de rhinophores se trouve sur la tête de l'animal. Ce sont des organes chémorécepteurs (sensibles aux molécules chimiques) qui servent notamment à appréhender l'environnement physique : présence de proies, de congénères, échanges et communications… Ils servent également à la prise d'informations concernant les courants, les températures, l'orientation, etc. D'autres appendices, comme les palpes labiaux situés près de la bouche, ont une fonction plus tactile.

A l'instar de la grande majorité des nudibranches, a fortiori des doridiens mangeurs d'éponges, notre doris de Krohn possède une radula*, sorte de bande râpeuse située dans la bouche et qui lui permet de ronger ses proies afin de se nourrir. Il s'agit d'un ensemble de denticules organisés selon un schéma spécifique à l'espèce. L'observation et la description de cette radula grâce à des outils optiques, microscope ou loupe binoculaire, sont primordiales dans la discrimination et la taxonomie des espèces. Cela ne pouvant bien entendu pas se faire sur l'animal vif, cette étude est affaire de spécialistes. Dans sa thèse, [Gantès 1980] indique une formule radulaire de 35(20.20), prise sur un individu de 9 mm, et décrit la radula ainsi : "Dent avec une cuspide*, un denticule externe et trois externes".

Chez Felimida krohni comme chez de nombreux doridiens, l'anus se trouve sur le dos, au milieu du bouquet branchial.
Ce bouquet de feuillets branchiaux sert bien entendu aux échanges gazeux qui permettent la respiration de l'animal.

Il est probable que c'est chez les individus juvéniles que l'on trouve les lignes dorsales les plus claires, blanches à jaune pâle, alors que les petits points jaunes pouvant consteller le manteau entre les lignes n'apparaissent que chez les adultes.

Origine des noms

Origine du nom français

Doris de Krohn : provient de son ancien nom scientifique Chromodoris khroni, dédié à A.D. Krohn.

Origine du nom scientifique

Felimida : L'origine de ce nom de genre, originellement créé en 1971 par les malacologues brésiliens Eveline et Ernst Marcus, n'est pas connue, le couple étant un habitué des dénominations... "bizarres" et n'ayant jamais aimé donner d'explications sur ceux-ci. L'origine du nom Felimida est sans doute à chercher dans la sympathie appuyée d'Ev. Marcus (1901-1990) pour les chats (Felis)...

krohni : l'espèce est dédiée au Dr. Auguste David Krohn (1803-1891). Zoologiste russe d'origine allemande, pionnier de la biologie marine, correspondant de Charles Darwin, il est notamment l'auteur de travaux et de descriptions sur de nombreux groupes d'animaux marins.

Classification

Termes scientifiques Termes en français Descriptif
Embranchement Mollusca Mollusques Organismes non segmentés à symétrie bilatérale possédant un pied musculeux, une radula, un manteau sécrétant des formations calcaires (spicules, plaques, coquille) et délimitant une cavité ouverte sur l’extérieur contenant les branchies.
Classe Gastropoda Gastéropodes Mollusques à tête bien distincte, le plus souvent pourvus d’une coquille dorsale d’une seule pièce, torsadée. La tête porte une ou deux paires de tentacules dorsaux et deux yeux situés à la base, ou à l’extrémité des tentacules.
Sous-classe Heterobranchia Hétérobranches
Super ordre Nudipleura Nudipleures
Ordre Nudibranchia Nudibranches Cavité palléale et coquille absentes chez l’adulte. Lobes pédieux souvent absents aussi. Respiration cutanée, à l’aide de branchies, de cérates ou d’autres appendices. Tête portant une ou deux paires de tentacules, les tentacules postérieurs ou rhinophores peuvent parfois être rétractés dans des gaines. Principalement marins ou d’eau saumâtre.
Sous-ordre Doridina Doridiens Corps aplati. Anus dorsal entouré complètement ou partiellement par des branchies de remplacement ramifiées qui peuvent être rétractées (voire absentes). Mangeurs d’éponges, habituellement armés de spicules calcaires internes.
Famille Chromodorididae Chromodorididés Doridiens au corps mou allongé et étroit, à coloration vive. Dos en général lisse, bord du manteau développé à l’avant. Pied effilé à l’arrière, dépassant du manteau. Rhinophores lamellés, tentacules buccaux courts et coniques, branchies pennées.
Sous-famille Chromodoridinae Chromodoridinés
Genre Felimida
Espèce krohni

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