Mye perce-pierre

Rocellaria dubia | (Pennant, 1777)

N° 2774

Méditerranée et Atlantique Nord-Est

Clé d'identification

Partie visible :
Orifices en huit (8) perforant le substrat solide
Partie abritée :
Coquille en forme de poire
Large ouverture ventrale
Charnière sans dents

Noms

Autres noms communs français

Rocellaire perce-pierre, rocellaire

Noms communs internationaux

Flask-shell (coquille en forme de gourde) (GB), Bohrklaffmuscheln (D), Steenboorder (NL)

Synonymes du nom scientifique actuel

Mya dubia Pennant, 1777
Gastrochaena dubia (Pennant, 1777)
et beaucoup d’autres…

Distribution géographique

Méditerranée et Atlantique Nord-Est

Zones DORIS : ● Europe (côtes françaises), ○ [Méditerranée française], ○ [Atlantique Nord-Est, Manche et mer du Nord françaises]

Rocellaria dubia est présent dans l'Atlantique Est (de l'ouest de l'Irlande à l'Angola), au Cap-Vert, aux Canaries et à Sainte Hélène, ainsi qu'en Méditerranée et en mer Noire.

Biotope

Ce bivalve se rencontre dans l'étage infralittoral* ou circalittoral* supérieur (jusqu'à -50 m). Il creuse les roches calcaires, le grès, les coquilles épaisses de bivalves, les coraux ou les concrétions d'algues. Cette espèce préfère les substrats* horizontaux ou faiblement inclinés avec parfois un fort taux de sédimentation. Elle a la capacité d’éviter l’obstruction des siphons. L'abri endolithique* procure une protection à Rocellaria dubia dont les valves sont fragiles et dont le manteau est exposé par une large ouverture ventrale. Ce bivalve peut également vivre dans un substrat meuble.

Description

Rocellaria dubia est un bivalve lithophage (littéralement : qui mange la pierre) dont la seule partie visible est la sortie des siphons inhalant et exhalant qui perforent le substrat* solide. Les deux siphons séparés par une cloison (septum) forment un "8" caractéristique. L'entrée du siphon inhalant est cerclée de 18 papilles, avec une alternance de grandes et petites papilles. Il en est de même du siphon exhalant mais le nombre de papilles est de 24 et il possède en outre un cône central transparent (membrane valvulaire ou valvule). L'animal lui-même est invisible car enfoncé dans la cavité qu'il creuse dans son substrat. Il se tient au fond de la cavité où il se fixe par le pied*, muni d'une ventouse, qui fait saillie dans l'ouverture pédieuse.
La coquille très fine, formée de deux valves identiques (bivalve), est totalement protégée par la roche ou le substrat solide. Elle est petite : 2 à 3 cm environ et elle a une forme de poire (ou de vase à col étroit), étirée sur sa partie antérieure et plus rebondie sur la partie postérieure. Elle possède une grande ouverture ovale découvrant les parties molles dans la zone ventrale. La charnière reliant les deux valves ne possède pas de dents. La surface extérieure de la coquille a une apparence ondulée à cause des nombreuses stries de croissance. L'animal est blanchâtre, avec une paire de siphons relativement gros, cylindriques et parallèles, de couleur grisâtre dont l'extrémité est rougeâtre avec des teintes violettes.

Espèces ressemblantes

Le bivalve endolithe* Bryopa aperta (G.B. Sowerby I, 1823) laisse également apparaître des sorties de siphons perforant la roche. Ils se distinguent de ceux de Rocellaria dubia par une collerette de calcaire à leur extrémité.

En particulier dans les eaux chaudes tropicales, plusieurs espèces des genres Rocellaria et Gastrochaena peuvent se présenter, pour le plongeur, sous ce même aspect (tubes en 8 sortant d'un substrat calcaire).

Alimentation

Ce bivalve est un filtreur* microphage* suspensivore* grâce au courant généré au niveau des branchies et passant par les siphons. C'est ainsi qu'il accède aux matières organiques (plancton*) dont il va se nourrir. Un système de cils assure un courant à partir du siphon inhalant, ce courant permettant l'oxygénation des branchies et le transport de la nourriture. Les résidus non désirés sont rejetés par le siphon exhalant sous forme de pseudofèces.

Reproduction - Multiplication

La reproduction des espèces de cette famille est mal connue. Les sexes devraient être séparés (gonochoriques*) et la fécondation externe conduit à des larves* pélagiques* (planctoniques*).

Vie associée

Rocellaria dubia peut s'installer dans l'épaisseur de la coquille de bivalves tels que Ostrea edulis (huître plate), Pinna nobilis (grande nacre) ou plus rarement Venus verrucosa (praire) ou Glycymeris nummaria (une amande de mer présente en Méditerranée orientale hors de la zone DORIS). Les bivalves à croissance rapide comme l'huître ou la nacre encapsulent R. dubia dans des sécrétions calleuses. Ceux à croissance lente comme la praire ou l'amande accueillent moins de R. dubia et en souffrent plus (mortalité accrue).

Rocellaria dubia a également été signalée dans l'algue calcaire Lithophyllum stictaeforme (feuille de pierre encorbellée), le corail Leptopsammia pruvoti (corail jaune solitaire) ou Cladocora caespitosa (cladocore).

Informations complémentaires

Les larves* planctoniques issues de la reproduction s'installent dans une crevasse ou un trou de l'habitat habituel du bivalve, où elles se métamorphosent en juvéniles. Ces juvéniles creusent ensuite la cavité qui les abritera au fur et à mesure de leur croissance. Les siphons sont plutôt courts et fusionnés presque jusqu'à leur extrémité.

Le mécanisme par lequel R. dubia peut creuser dans la coquille d'autres bivalves ou dans un substrat calcaire a été longtemps débattu. Il semble établi que des moyens chimiques et mécaniques soient mis en œuvre. Des sécrétions chimiques sont produites par des glandes de la partie antérieure du manteau tandis que la coquille peut réaliser une abrasion mécanique. Le trou est progressivement agrandi antérieurement par l'action des substances chimiques permettant à l'animal de grandir en longueur tandis que le volume est élargi postérieurement par abrasion physique. Il n'y a pas de rotation de la coquille à l'intérieur de la cavité. Les deux actions combinées permettent à l'animal de grossir dans toutes les directions. R. dubia est capable de sécréter la gangue calcaire (aragonite) qui entoure le tube des siphons grâce à une glande qui reste à décrire.

Contrairement à la plupart des autres bivalves endolithiques, R. dubia peut sécréter de fines couches d'aragonite qui recouvrent les parois des cavités érodées. D'autres dépôts d'aragonite forment des excroissances tubulaires qui protègent et prolongent les siphons. Ainsi cette espèce peut supporter des taux de sédimentation importants.

Cette espèce participe activement à la bioérosion. Elle est retrouvée dans de nombreux substrats archéologiques immergés (comme le marbre, les tesselles de mosaïque,…).

Le ciment du tunnel sous-marin de la baie de Rijeka (Croatie) composé d'agrégats de roche calcaire a été inspecté après 11 ans d'immersion. Des densités de 200 à 500 R. dubia par m2 avec un maximum de 4100 individus par m2 ont été relevées. A forte densité, les tubes des siphons des individus voisins étaient interconnectés et le ciment si érodé qu'il en était friable.

Des études expérimentales menées sur le site de Baiae (près de Naples) sur des panneaux de calcaire immergés ont montré la colonisation rapide (12 mois) des substrats par cette espèce.

Des coquilles fossiles en tous points semblables à R. dubia datent du Miocène moyen soit entre – 11 et – 16 millions d’années. Des Gastrochaenidés sont connus depuis le Jurassique (soit 170 millions d’années).

Origine des noms

Origine du nom français

Mye perce-pierre, les valves de l'animal rappellent une mye miniature ayant la capacité de perforer les pierres.

Origine du nom scientifique

Rocellaria : provient, avec une petite entorse étymologique, du nom de la ville de La Rochelle. Voici ce qui est écrit dans le "Journal de Conchyliologie" de 1888 : "Agassiz a critiqué comme « vox barbara » ce genre Rocellaria [Blainville, 1828] qui, tirant son étymologie de La Rochelle (en latin Rupella), devrait être remplacé par Rupellaria. Mais le nom de Rupellaria ayant déjà été employé dans un autre sens, nous pensons que celui de Rocellaria, malgré son étymologie vicieuse, n’est pas à rejeter : le langage scientifique, aussi bien que le langage vulgaire, sont remplis de ces irrégularités."

dubia : du latin [dubitare] = hésiter, douter… L'auteur, Pennant 1777, a probablement hésité à assimiler cette espèce à une mye (nom originel : Mya dubia) qui a une morphologie assez identique. On peut supposer que le choix du nom de l’espèce est en rapport avec ce doute.

Classification

Numéro d'entrée WoRMS : 505249

Termes scientifiques Termes en français Descriptif
Embranchement Mollusca Mollusques Organismes non segmentés à symétrie bilatérale possédant un pied musculeux, une radula, un manteau sécrétant des formations calcaires (spicules, plaques, coquille) et délimitant une cavité ouverte sur l’extérieur contenant les branchies.
Classe Bivalvia / Lamellibranchia / Pelecypoda Bivalves / Lamellibranches / Pélécypodes Mollusques aquatiques, filtreurs, au corps comprimé latéralement. Coquille composée de 2 valves articulées disposées de part et d’autre du plan de symétrie. Absence de tête, de pharynx, de radula et de glande salivaire.
Sous-classe Heterodonta Hétérodontes Charnière à dents dissociées. Siphon bien développé permettant aux organismes de se nourrir et de respirer tout en restant enfouis.
Famille Gastrochaenidae Gastrochaenidés

Bivalve perforant la roche (grès, calcaire) et autres substrats calcaires organiques (coquilles, coraux, concrétions d'algues calcaires). Les membres de cette famille sont généralement de distribution tropicale ou subtropicale. L'unique représentant européen est Rocellaria dubia.

Genre Rocellaria
Espèce dubia

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