Sphérome cornu

Dynamene bidentata | (Adams, 1800)

N° 5724

Atlantique Nord-Est, Manche, mer du Nord

Clé d'identification

Animal de 6 à 7 mm maximum
Corps ovale, bombé dorsalement et aplati ventralement
Premier segment thoracique fusionné avec la tête
Pléotelson présentant une encoche arrondie
Chez les mâles, présence de deux longues excroissances portées par le 6e segment du péréon
Ne se roule pas en boule en cas de dérangement

Noms

Autres noms communs français

.

Noms communs internationaux

Horned isopod ( GB)

Synonymes du nom scientifique actuel

Oniscus bidentata Adams, 1800
Dynamene bidentatus (Adams, 1800)
Naesa bidentata (Adams, 1800)

Distribution géographique

Atlantique Nord-Est, Manche, mer du Nord

Zones DORIS : ● Europe (côtes françaises), ○ [Atlantique Nord-Est, Manche et mer du Nord françaises]

L’espèce se rencontre dans les eaux de l’Atlantique Nord-Est, depuis la Grande-Bretagne (où elle semble s’étendre progressivement vers le nord) jusqu’aux côtes marocaines.
L’espèce est observée sur les côtes néerlandaises, mais uniquement sur des objets transportés par les courants. Elle ne vit donc pas naturellement dans cette zone.
Quelques observations ont été faites en Méditerranée (Pyrénées-Orientales, sud-ouest de la Corse, golfe de Naples).
Elle a été également introduite sur les côtes sud-africaines.

Biotope

Dynamene bidentata fréquente deux types de biotopes* différents au cours de son existence.
Les juvéniles vivent sur les algues dont ils se nourrissent, notamment Fucus vesiculosus, Fucus serratus, Himanthalia elongata, Ascophyllum nodosum et Sargassum muticum (où Dynamene bidentata représente fréquemment l’espèce la plus abondante, particulièrement lorsque les thalles* poussent dans des mares).
Les adultes sont plus cryptiques* et se protègent à l’abri des anfractuosités de la roche ou dans des cavités diverses (comme des murailles vides de la balane Perforatus perforatus ou, plus rarement, des crampons* de laminaires). On peut également les observer parmi les récifs de Sabellaria alveolata.
L'espèce semble apprécier les récifs artificiels positionnés dans la zone de balancement des marées.
Elle se rencontre dans l’espace médiolittoral*, à partir de la zone de mi-marée, et, plus rarement, dans l’espace infralittoral* proche.

Description

Dynamene bidentata présente l’allure classique de tous les Sphéromatidés, ressemblant globalement à un cloporte, avec un corps ovale, bombé dorsalement et aplati ventralement. La taille maximale est de 7 mm chez les mâles et 6 mm chez les femelles. Chez les femelles, tous les segments du péréon* sont similaires. Les mâles présentent deux excroissances importantes portées par le sixième segment du péréon, qui débordent sur le septième segment. Il y a par ailleurs, chez les mâles, deux projections plus petites sur les bords de ce sixième segment.

Les cinq segments antérieurs du pléon* sont soudés les uns aux autres. Le sixième segment est soudé au telson* pour former un pléotelson*. Le pléotelson présente une encoche arrondie caractéristique.
Par ailleurs, les mâles arborent une projection bilobée sur le pléotelson, alors que ce dernier est lisse chez les femelles. De profil, le pléotelson est régulièrement arrondi.

Les uropodes*, bien visibles, sont latéraux et biramés.

La couleur varie fortement, les mâles étant souvent bruns et les femelles verdâtres, rouges ou jaunes. Les femelles qui se sont accouplées muent et deviennent blanches. Les mâles matures arborent des couleurs particulièrement vives, en particulier lorsqu’on les trouve parmi les algues.

Espèces ressemblantes

Toutes les espèces de Sphéromatidés se ressemblent fortement et il est nécessaire d’observer avec attention le pléotelson*, avec la présence attendue d’une encoche arrondie, pour bien identifier les espèces appartenant au genre Dynamene.

Il existe cinq espèces appartenant au genre Dynamene dans nos eaux métropolitaines.
Sur les côtes de la Manche et de l’Atlantique, il est possible de confondre Dynamene bidentata avec Dynamene magnitorata. Les femelles de cette dernière espèce présentent un pléotelson* au profil plus abrupt que celui de Dynamene bidentata.
Chez les mâles de Dynamene magnitorata, les excroissances portées par le sixième segment du péréon* ont un diamètre sensiblement constant sur toute leur longueur, alors qu’il s’affine progressivement chez Dynamene bidentata. Ces excroissances présentent par ailleurs des tubercules* sur leur partie dorsale chez Dynamene magnitorata, alors qu’elles sont simplement rugueuses chez Dynamene bidentata. Enfin, Dynamene magnitorata est plus petit que Dynamene bidentata (6 mm au maximum pour les mâles et 4,8 mm maximum pour les femelles). Par ailleurs, les adultes de Dynamene magnitorata ont des préférences différentes en matière d’habitat : on les trouvera généralement plus bas sur l’estran*, voire dans l’étage infralittoral*, et dans divers lieux protecteurs (Balanus crenatus, éponges du genre Halichondria ou Hymeniacidon, espaces entre des ascidies sociales, etc.).

Dynamene bidentata n’est pas présente en Méditerranée. On pourra par contre y rencontrer Dynamene bicolor, Dynamene bifida et Dynamene edwardsi. Une observation de Dynamene magnitorata, plus rare en Méditerranée, n’y est pas non plus impossible. La publication de Pedro Vieira & al. (2016) fournit les informations nécessaires pour identifier ces différentes espèces pour les deux sexes.

En Guadeloupe et plus largement dans les Caraïbes, on trouvera Dynamene angulata.

Alimentation

Cette espèce est herbivore (ou phytophage*) et les juvéniles vivent généralement sur les algues dont ils se nourrissent (majoritairement Fucus serratus et Sargassum muticum, mais aussi Ascophyllum nodosum, Himanthalia elongata et Gelidium sp.). Arrontes & al. (1990) ont montré que Dynamene bidentata se nourrit principalement d’espèces pérennantes* (jamais moins de 60 %, même lorsque des algues plus facilement consommables sont présentes), alors que Dynamene magnitorata consomme beaucoup d’espèces saisonnières. L’analyse du contenu de l’estomac d'individus se nourrissant de Fucus vesiculosus a montré que les cellules reproductrices de l’algue sont particulièrement appréciées, au point de remplir 100 % de leur estomac.

Les femelles en âge de procréer ne se nourrissent plus, la dernière mue conduisant à des modifications importantes de la bouche. Les mâles semblent également ne plus se nourrir lorsqu’ils gardent leurs femelles. Les mâles arriveraient à survivre plus longtemps que les femelles grâce aux stocks de lipides constitués avant l’arrêt de l’alimentation.

Viejo (1999) a montré que Sargassum muticum abritait des individus plus petits, donc plus jeunes, que ceux abrités par Fucus vesiculosus, dans le nord de l’Espagne. Ceci pourrait traduire une évolution du régime alimentaire au cours de la croissance de Dynamene bidentata.
Arrontes et Anadón (1990) ont également observé, sur les côtes nord-espagnoles, que les individus présents sur Fucus vesiculosus, étaient plus âgés que ceux présents sur Gelidium ou Cystoseira. Ils n’ont ainsi observé de jeunes individus de stade 1 sur Fucus vesiculosus, que durant la période d’abondance extrême de cette espèce sur cette algue, abondance qui intervient de juillet à octobre. En dehors de cette période, l’algue n’est colonisée que par des individus plus âgés, les juvéniles des stades 1 et 2 se cantonnant aux Gelidium et Cystoseira.
Il a été observé en laboratoire que les individus les plus jeunes pouvaient avoir du mal à râper les couches superficielles des algues qu’ils souhaitaient consommer.

Les juvéniles ne se nourrissent que lorsqu’ils sont recouverts par la marée. Des études expérimentales (Wieser,1962) ont montré que l’espèce, gardée en captivité pendant un court moment conserve un rythme de nutrition lié aux marées.

Dynamene bidentata se nourrit moins la nuit que le jour mais ces mêmes expérimentations ont montré que la diminution d’oxygène liée à l’arrêt de la photosynthèse la nuit serait à l’origine de cette baisse d’activité, un animal maintenu en laboratoire dans une eau à taux d’oxygène constant se nourrissant de manière constante nuit et jour.

Reproduction - Multiplication

Dynamene bidentata est une espèce gonochorique*. Il existe un dimorphisme* sexuel marqué, les mâles étant légèrement plus grands que les femelles et, surtout, présentant deux excroissances importantes sur le sixième segment du péréon*.

Après la mue de passage au stade 8 pour les mâles (stade adulte) ou au stade 7 pour les femelles (stade pré-adulte), les individus changent de mode de vie et se déplacent dans des anfractuosités de la roche ou des murailles de Perforatus perforatus. Un mâle vit entouré de plusieurs femelles (jusqu’à une quinzaine), qu’il protège activement. Ainsi, lorsqu’il occupe une muraille de Perforatus perforatus, il place la partie postérieure de son corps, particulièrement cuirassée, de façon à obstruer l’ouverture de la muraille, les femelles étant positionnées sous lui. La partie exposée du corps du mâle pourra se couvrir alors de nombreux épibiontes* (algues, bryozoaires, etc.), qui aideront au camouflage.
Après l’accouplement, la femelle subit une dernière mue (passage au stade 8) et cesse de s’alimenter. Sa coloration change alors et elle devient blanche ou translucide. Les œufs sont conservés dans la poche marsupiale* de la femelle, constituée de 4 paires d’oostégites*, pendant deux à trois mois. Une femelle porte généralement une centaine d’œufs. Si le nombre d’œufs descend en dessous de 50, ils risquent d’être emportés par le courant maintenu en permanence par la femelle pour ventiler sa ponte. A l’inverse, un nombre d’œufs trop important (supérieur à 140) peut conduire à un écartement trop important des oostégites, conduisant également à une perte d’œufs. Après éclosion, les larves* passent par cinq stades dans la poche marsupiale avant d’être relâchées (bien que certaines larves puissent quitter le marsupium dès le stade 4 – le stade marsupial 5 est en fait le même que le stade 1 juvénile).

Après avoir relâché leurs larves, les femelles sont évacuées par le mâle de l’enclos protecteur où se trouve le harem. Les femelles, très affaiblies, meurent alors rapidement, alors que les mâles peuvent s’accoupler une seconde fois avec un nouveau groupe de femelles.

Sur les côtes anglaises, les juvéniles sont relâchés entre mai et juin. Leur vie planctonique* est relativement brève et ils se fixent rapidement sur les algues qui leur serviront de nourriture. Ils atteignent la phase adulte avant l’hiver et vont alors s’abriter.
Sur les côtes espagnoles il y a deux portées par an, le premier accouplement ayant lieu en hiver et l’autre au début de l’été.

La croissance des juvéniles passe par sept mues*, la huitième mue correspondant au passage à l’âge adulte. Le stade 7, dernier stade avant le stade adulte, est plus court chez les mâles que chez les femelles (12 jours contre 32 jours), pour les raisons évoquées plus haut (migration de la femelle de stade 7 avec le mâle de stade 8). Le dimorphisme sexuel n’est perceptible qu’à partir de la sixième mue.

Sur les côtes espagnoles, le sex-ratio* évolue au cours de l’année : les individus nés à la sortie de l’hiver présentent un sex-ratio nettement déséquilibré en faveur des mâles alors que c’est l’inverse pour les individus nés en été.

Vie associée

Les femelles ovigères* de Dynamene bidentata peuvent être parasitées* par l’isopode épicaride Ancyroniscus bonnieri. Le cycle de vie de ce parasite est assez complexe. Des larves* dites cryptonisciennes, qui sont des mâles protandres*, pénètrent dans l’hôte femelle avant sa phase ovigère. Une seule larve se développe alors dans le corps de l’hôte, se fixe dans l’estomac ou l’hépatopancréas puis se transforme en femelle. La fécondation est très précoce. La femelle fécondée creuse son chemin jusqu’au marsupium* de l’hôte une fois la phase ovigère de ce dernier engagée. Le parasite se nourrit alors de la ponte de son hôte, la tête et les segments thoraciques du parasite étant dans le marsupium de l’hôte tandis que l’abdomen reste dans son corps. Le parasite développe son propre marsupium, sous forme de deux sacs reliés entre eux, l’un à l’intérieur du corps de l’hôte, l’autre dans son marsupium (c’est, en fin de développement, tout ce qu’il reste du parasite). Les œufs du parasite, de couleur orangée et qui occupent la totalité du marsupium de l’hôte, donnent naissance à des larves épicarides dans le marsupium de l’hôte, qui sont relâchées dans le milieu marin. Ces larves se développent alors sous la forme de larves cryptonisciennes, dont l’allure rappelle, en plus petit, les anilocres, comportant une première phase parasite sur un hôte planctonique* (un copépode*).
Le taux d’infection peut atteindre 35 % dans les environs de Roscoff (29). Il diminue lorsque l’on remonte vers le nord de l’aire de répartition de l’espèce.

Divers biologie

La limite septentrionale de répartition de Dynamene bidentata semble liée à l’isotherme* hivernal 6-7 °C, température qui permettrait le déroulement complet du cycle de reproduction. Les femelles maintenues au laboratoire dans une eau à 5 °C ne produisent pas de descendance viable.

Le mâle de Dynamene bidentata est capable de tuer la balane Perforatus perforatus dans laquelle il souhaite s’installer. Il s’introduit de force dans la muraille et empêche alors la respiration et la nutrition du malheureux propriétaire, qui mourra en trois à quatre jours. La force exercée par les mâles de Dynamene bidentata lorsqu’ils sont en position de protection dans une balane est très importante et il peut être très difficile de les déloger.

Les études conduites par Duarte & al. (2015) dans le nord de l’Espagne ont montré que la disparition progressive de Fucus serratus, induit par le réchauffement des eaux, se traduisait par une raréfaction de Dynamene bidentata.

Informations complémentaires

La coloration de Dynamene bidentata recouvre 5 phénotypes* distincts :

  • uniformis (couleur uniforme, le phénotype de loin le plus courant),
  • ornata,
  • flavolineata (une ligne jaune),
  • bimaculata (2 taches claires)
  • et lineata (une bande claire longitudinale).

Les morsures produites par Dynamene bidentata lors de sa nutrition sur Fucus vesiculosus et Fucus spiralis sont exploitées ultérieurement par des amphipodes comme Apohyale prevostii ou Apohyale perieri pour se nourrir.

Origine des noms

Origine du nom français

Sphérome cornu : la proposition de nom français est dérivée du nom commun anglais, utilisé sur le site iNaturalist, en adjoignant l’adjectif « cornu » au terme sphérome, utilisé de manière générique pour tous les membres de la famille des sphéromatidés.

Origine du nom scientifique

Dynamene était, dans la mythologie grecque, une Néréide, l’une des 50 filles de Nereus et de Doris.

Le nom d’espèce bidentata provient du latin et signifie littéralement « à deux dents », en référence aux proéminences portées par les mâles de cette espèce sur le segment 6 du péréon*.

Classification

Numéro d'entrée WoRMS : 256988

Termes scientifiques Termes en français Descriptif
Embranchement Arthropoda Arthropodes Animaux invertébrés au corps segmenté, articulé, pourvu d’appendices articulés, et couvert d’une cuticule rigide constituant leur exosquelette.
Sous-embranchement Crustacea Crustacés Arthropodes à exosquelette chitineux, souvent imprégné de carbonate de calcium, ayant deux paires d'antennes.
Super classe Multicrustacea
Classe Malacostraca Malacostracés 8 segments thoraciques, 6 segments abdominaux. Appendices présents sur le thorax et l’abdomen.
Sous-classe Eumalacostraca Eumalacostracés Présence d’une carapace recouvrant la tête et tout ou partie du thorax.
Super ordre Peracarida Péracarides Les femelles sont dotées d'une cavité d'incubation formée par des expansions lamelleuses des péréiopodes.
Ordre Isopoda Isopodes Corps comprimé dorso-ventralement, première paire d’antennes beaucoup plus petite que la seconde, yeux non pédonculés. 7 paires de pattes de même apparence.
Sous-ordre Sphaeromatidea Sphaeromatidés
Famille Sphaeromatidae Sphaeromatidés
Genre Dynamene
Espèce bidentata

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