Petites
ascidies (4 mm) transparentes à brunes, parfois jaune-verdâtre
Zoïdes portés par un pédoncule court (1 à 2 mm)
Corps plutôt rectangulaire, comprimé latéralement
Individus reliés par un fin stolon brun clair
Colonies plutôt lâches
Atlantique Nord-Est, Manche, Méditerranée
Zones DORIS : ● Europe (côtes françaises), ○ [Méditerranée française], ○ [Atlantique Nord-Est, Manche et mer du Nord françaises]Perophora listeri est présente dans l'Atlantique Nord-Est, en Manche et en mer du Nord, ainsi qu'en Méditerranée.
Cette
espèce fréquente plutôt les petits fonds en Méditerranée. On la rencontre
jusqu’à une cinquantaine de mètres de profondeur (une trentaine en
Manche-Atlantique). Les supports utilisés peuvent être extrêmement variables :
roches, algues, phanérogames*, d'autres ascidies (pyuridés notamment) et même
parfois des crustacés.
Perophora listeri est une ascidie sociale de petite taille, la hauteur maximale étant de 4 à 5 mm. La tunique* est translucide et laisse voir le sac branchial et l’anse intestinale. Très souvent, l’intestin opaque et brunâtre, positionné sur le côté gauche de la branchie*, tranche avec le reste du corps. La couleur de la tunique est blanc/brun avec parfois des reflets verdâtres. Les individus vivants plus profondément présentent une couleur jaune verdâtre liée à la présence de pigments spécifiques dans les cellules.
Le siphon* buccal (inhalant*) est apical* et le siphon atrial* (exhalant*) légèrement latéral (dans le tiers supérieur du corps). Les zoïdes* sont comprimés latéralement. Ils sont fixés au support par un court pédoncule*, d’un à deux millimètres de long, parfois visible en milieu naturel.
Le sac branchial comporte quatre rangées de stigmates*. Les larves* ont le même nombre de rangées.
A la loupe binoculaire, il est possible d’observer la présence de six lobes*, arrondis, autour du siphon buccal, et de quatre à six lobes, également arrondis, autour du siphon cloacal. Des taches orange sont systématiquement présentes entre les lobes du siphon cloacal.
Les individus sont reliés entre eux par des stolons* rampants, qui peuvent parfois disparaître chez les individus âgés. Ces stolons se divisent de manière irrégulière. Les zoïdes forment des colonies peu compactes d’individus apparemment arrangés sans ordre.
Perophora listeri peut être confondue avec beaucoup d’ascidies de petite taille, en commençant évidemment par les espèces du même genre, dont plusieurs espèces exotiques fréquentent désormais nos eaux. Les espèces du genre Pycnoclavella présentent un pédoncule* plus long, bien visible sous l’eau si on y prend garde.
Perophora listeri peut être confondue aujourd’hui avec l’espèce exotique Perophora japonica, la pérophore japonaise. Cette dernière présente souvent des zoïdes* légèrement plus grands, de couleur jaunâtre. Les colonies sont souvent plus compactes (pas d’espace entre individus). Les zones de croisement des stolons* forment des étoiles jaunes très caractéristiques de l’espèce (mais malheureusement pas toujours visibles). Sorties de l’eau, les colonies de Perophora japonica restent dressées, ce qui n’est pas le cas des colonies de Perophora listeri.
En Atlantique et en Méditerranée, il est également possible de rencontrer Perophora viridis, d’origine américaine. Cette espèce de taille similaire à Perophora listeri, présente une belle couleur jaune-verdâtre. A la loupe binoculaire, on peut observer que les siphons* sont bordés d’une douzaine de lobes* anguleux, un lobe court étant entouré de deux lobes longs.
Enfin, en Méditerranée uniquement, Perophora listeri peut éventuellement être confondue avec Ecteinascidia herdmani, l’ascidie miniature jaunâtre, qui arbore une très belle couleur jaune vert. Les zoïdes de cette dernière sont plus grands que ceux de Perophora listeri. Les siphons buccaux sont par ailleurs ornés de 12 lobes pointus, que l’on peut voir à fort grossissement. Enfin, chez cette espèce, le siphon atrial est perpendiculaire au siphon buccal, et approximativement situé à mi-hauteur.
Comme toutes les ascidies, Perophora listeri se nourrit en filtrant l’eau qu’elle fait circuler dans son atrium*. L'eau, chargée des particules nutritives, pénètre par le siphon* buccal. Ce dernier est muni d'une couronne de tentacules* sensoriels. Par contraction, ils sont capables de boucher l'entrée aux objets aspirés de trop grande taille. L’eau qui a pénétré dans l'animal débouche à l'intérieur d'un sac branchial*, puis est amenée au niveau de fentes que l'on appelle les trémas. Elle passe ensuite dans la cavité péribranchiale, puis ressort par le siphon cloacal*, également appelé siphon atrial*.
Les particules sont retenues au niveau des fentes du filtre et sont enrobées par du mucus, l'ensemble constituant un agrégat nutritif qui est conduit par le battement des cils vers l'estomac via l'œsophage. La digestion y est facilitée par l'action d'une glande digestive qui y est accolée. Après le passage dans l'intestin, les déchets de la digestion sont évacués par un anus débouchant dans le siphon cloacal.
Dans une colonie d’ascidies sociales, comme Perophora listeri, le sang circule dans les stolons* entre chaque individu. Chaque individu peut donc faire profiter le reste de la colonie du résultat de son alimentation.
La reproduction des ascidies sociales comme Perophora listeri présente une alternance de cycles sexués et asexués. Elles sont hermaphrodites*. Chez Perophora listeri, les gonades* sont situées dans la boucle intestinale, du côté gauche du corps. La fécondation est interne et le développement indirect. Les gonades prennent la forme d’un ovaire central, unique, entouré de testicules organisés en rosette.
La reproduction asexuée se réalise par bourgeonnement le long des stolons* émis initialement par l'individu souche, l’oozoïde*, issu pour sa part de la reproduction sexuée. Les nouveaux individus, les blastozoïdes*, se forment près de l’extrémité d’un stolon, de sorte qu’une colonie en croissance montrera des individus dont la taille décroit progressivement le long du stolon (puisqu’ils sont plus jeunes). Des cellules s’accumulent à l’extrémité du stolon et finissent pas former une vésicule à double paroi – une paroi externe d’origine ectodermique* (il s’agit de la continuation de la paroi externe du stolon et donc de l’oozoïde) et une paroi interne issue de la paroi séparative entre les deux canaux sanguins (cette paroi, d’origine mésenchymateuse, est constituée de deux couches de cellules dans la zone de bourgeonnement, qui se séparent pour constituer la paroi interne de la vésicule). Le sang circule entre les deux parois. Cette vésicule donnera ensuite naissance au futur individu. Chaque blastozoïde est orienté par rapport au stolon, la partie ventrale étant dirigée vers l’extrémité du stolon (la partie dorsale faisant donc face aux individus plus anciens de la colonie).
La
reproduction sexuée de Perophora listeri a lieu au printemps en
Méditerranée (et sans doute un peu plus tard dans la Manche puisque des
individus en cours d’ovogénèse sont encore rencontrés en été). Le sperme* est
émis dans l’eau, puis récupéré par les individus lors de la filtration. L’incubation
a lieu dans la cavité péribranchiale, à droite
de la branchie. Les larves*, mesurant environ 0,3 mm de long et au nombre
pouvant atteindre la dizaine, sont émises après éclosion.
Dans sa description très détaillée de cette espèce, Joseph Jackson Lister indique que le rythme cardiaque est très régulier chez chaque individu mais que ce rythme varie entre individu, avec une contraction toutes les 1,5 à 2 secondes.
Chaque stolon* comporte deux canaux de circulation sanguine, chacun ayant un sens de flux opposé à l’autre. La paroi séparant les deux canaux disparaît vers l’extrémité des stolons en cours de croissance, ce qui permet d’assurer un retour sanguin. La paroi externe du stolon est une extension de la tunique de chaque individu, de sorte que l’on peut considérer que tous les individus d’une colonie reliés par un stolon ont une tunique unique.
Le sens de circulation du flux sanguin alterne très régulièrement (toutes les 30 secondes à 2 minutes selon les observations de J.J. Lister), les artères devenant des veines et réciproquement. Ceci induit un changement du sens de circulation sanguine dans les stolons. Le sang circulant dans le cœur de chaque individu est composé en partie du sang provenant des stolons et du sang conservé à l’intérieur de l’animal.
J.J. Lister a étudié ce qui se passait lorsque les stolons sont sectionnés à la base d’un individu. Les battements cardiaques commencent pas cesser, puis reprennent de manière irrégulière avant de retrouver un rythme stable. Le sang veineux (sensé repartir pour partie vers le stolon) est stocké dans l’animal. Cependant, au premier renversement du flux sanguin, une partie du sang part à l’eau, jusqu’à ce que la plaie se colmate.
Les zoïdes ne sont pas observables toute l’année. Perophora listeri entre en phase de dormance sous forme de stolons dormants, chargés de sang, qui redonneront naissance à des blastozoïdes* lorsque les conditions du milieu redeviendront satisfaisantes.
Ezda May Deviney a réalisé une expérience intéressante, publiée en 1934, qui consistait à couper des stolons en petits morceaux d’un millimètre de long (sur une espèce voisine, Perophora viridis). Les tronçons se ferment en moins de 24 heures aux deux extrémités et produisent ensuite des zoïdes*, ce qui montre la puissance de régénération de ces espèces. Dans ce cas particulier, l’organogénèse diffère de celle observée lors du bourgeonnement classique le long des stolons.
G. Freeman a publié en 1964 les résultats d’une expérience élégante dans laquelle il a irradié des colonies de Perophora viridis. La réinjection de sang non irradié, sous un délai maximum de 3 jours, a conduit les stolons irradiés, qui seraient morts sans cette intervention, à rebourgeonner. G. Freeman a montré que les lymphocytes jouent un rôle fondamental dans cette régénération.
Perophora listeri est l’espèce type* du genre Perophora.
Ascidie-clochette d'Europe : le nom français reprend l’une des caractéristiques de l’habitus de cette ascidie.
Perophora : le zoologiste allemand Arend Friedrich August Wiegmann (1802-1841) n’a pas explicité l’étymologie du nom Perophora quand il a désigné ce nouveau genre en 1835. On peut cependant aisément en déduire l’étymologie. Le nom de genre Perophora provient du grec ancien [pero- ] = sac, bourse, et [-phoros] = porter ; il signifie donc littéralement « porteur de bourse/sac », allusion probable à l’allure générale d’une colonie constituée de stolons* reliant des zoïdes*.
listeri : l’espèce a été décrite initialement en 1834 par Joseph Jackson Lister (1786-1869), opticien et zoologiste amateur britannique (qui travaillait au quotidien dans le négoce de vin) et qui n’avait à l’époque pas proposé de nom. Postérieurement à la traduction, dans un journal allemand, de l’article initial de J.J. Lister paru dans les Philosophical Transactions of the Royal Society of London, A. Wiegmann a proposé d’attribuer à cette espèce le nom Perophora listeri en hommage au descripteur initial de cette espèce.
Numéro d'entrée WoRMS : 103759
| Termes scientifiques | Termes en français | Descriptif | |
|---|---|---|---|
| Embranchement | Chordata | Chordés | Animaux à l’organisation complexe définie par 3 caractères originaux : tube nerveux dorsal, chorde dorsale, et tube digestif ventral. Il existe 3 grands groupes de Chordés : les Tuniciers, les Céphalocordés et les Vertébrés. |
| Sous-embranchement | Urochordata / Tunicata | Urochordés / Tuniciers | Chordés marins fixés (ascidies) ou pélagiques (thaliacés), solitaires ou coloniaux. Epaisse tunique cellulosique. Deux siphons, pharynx bien développé, la chorde larvaire régresse chez l'adulte (sauf chez les Appendiculaires). |
| Classe | Ascidiacea | Ascidies / Ascidiacés | Tuniciers fixés. Solitaires ou coloniaux (seuls capables de bourgeonnement). Chorde uniquement au stade larvaire. Siphon inhalant au sommet, proche du siphon exhalant latéral. Souvent en eau peu profonde. |
| Ordre | Phlebobranchia | Phlébobranches | Le sac branchial* a des sinus longitudinaux qui portent ou non des papilles internes mais qui ne sont jamais plissés. Ascidies essentiellement solitaires. Gonades* situées sur l’anse du tube digestif ou à proximité. |
| Famille | Perophoridae | Pérophoridés | Zoïdes en une seule partie reliés par des stolons. |
| Genre | Perophora | ||
| Espèce | listeri |
Tuniciers et Céphalocordés (Ascidies...)
Sac branchial et boules de fèces
Les 4 rangées de stigmates du sac branchial et les boules de fèces dans la boucle intestinale sont bien visibles par transparence.
Saint-Suliac, Rance (35), Manche.
26/08/2023
Tuniciers et Céphalocordés (Ascidies...)
Petit pédoncule
Perophora listeri est relié au stolon par un petit pédoncule de 1 à 2 mm de long alors que Perophora japonica en est dépourvu.
Saint-Suliac, Rance (35), Manche.
26/08/2023
Colonie lâche le long de fins stolons
Il est rare de pouvoir observer les fins stolons d'où se développent les zoïdes de façon espacée.
Plage de Binimel, La, Minorque, Archipel des Baléares, Méditerranée, Espagne, 1 m
02/07/2021
Espèce discrète en Méditerranée
La petite taille et la transparence des zoïdes rend cette ascidie difficile à observer.
Plage de Bottaï, Port-de-Bouc (13), 1 m
01/01/2025
Quatre rangées de trémas
Les quatre rangées de trémas sont visibles par transparence sur cet individu vu de son côté droit (siphon cloacal à gauche de la photo).
Plage de Bottaï, Port-de-Bouc (13), Méditerranée, 1 m
01/01/2025
Ver plat prédateur
Beaucoup de vers plats sont prédateurs d'ascidies. Ici Prostheceraeus vittatus est en train de consommer Perophora listeri.
Saint-Suliac, Rance (35) Manche.
22/08/2022
Dessin de Perophora listeri
Illustration du côté gauche de Perophora listeri décrivant l’anatomie d’un zoïde. Le cœur, situé à droite de la branchie, est invisible.
Figure 152 page 280, Lahille 1890
Reproduction de documents anciens
1890
Rédacteur principal : Christophe QUINTIN
Vérificateur : Frédéric ANDRÉ
Responsable régional : Yves MÜLLER
Alié A., Hiebert L., Scelzo M., Tiozzo S., 2020, The eventful history of nonembryonic development in tunicates, Journal of Experimental Zoology (Molecular and Developmental Evolution, 3, 250-266.
Chandelon T., 1875, Recherches sur une annexe du tube digestif des Tuniciers, Bulletin de l’Académie Royale de Belgique, 39, 911–949.
Deviney E.M., 1934, The behavior of isolated pieces of ascidian (Perophora viridis) stolon as compared with ordinary budding, Journal of the Elisha Mitchell Scientific Society, 49(2), 185-224.
Fiala-Medioni A., 1974, Ascidies du benthos rocheux de Banyuls-sur-mer, inventaire faunistique et notes écologiques, Vie et Milieu, XXIV, 193 - 207.
Freeman G., 1964, The Role of Blood Cells in the Process of Asexual Reproduction in the Tunicate Perophora viridis¸ Journal of Experimental Zoology, 156, 157-184.
Garstang W., 1891, Report on the Tunicata of Plymouth, Journal of the Marine Biological Association of the United Kingdom, 2(1), 47-67.
Lahille F., 1890, Recherches sur les Tuniciers, Thèse présentée à la faculté des sciences de Paris, 274-283.
Lefevre, G., 1898, Budding in Perophora, Journal of Morphology, XIV(3).
Lister J. J., 1834, Some observations on the structure and functions of tubular and cellular Polypi, and of Ascidiae, Philosophical Transactions of the Royal Society of London, 124, 365-388.
Médioni A., 1970, Les peuplements sessiles des fonds rocheux de la région de Banyuls-sur-mer : Ascidies-bryozoaires (Première partie), Vie et Milieu, Observatoire Océanologique - Laboratoire Arago, 591-656.
INPN
Les textes et images sont sous licence et ne sont pas libres de droit.
Pour les ayants-droits, connectez-vous.
Pour toute demande d'utilisation (exemple d'un formateur Bio de la FFESSM...) contactez nous ici.