Pierre NOËL
le 10/09/12
Bonjour,
Voici quelques principes généraux pour la conservation de spécimens à des fins d'identification et/ou de mise en collection scientifique ou présentation didactique / muséologique. Ceci ne concerne que les tissus mous à conserver en liquide ; pour les tissus durs (os, carapaces, coquilles) il existe d'autres méthodes plus adaptées à la conservation à sec.
En général, pour les crustacés et de nombreux autres groupes (échinodermes, mollusques, poissons, éponges...),
le mieux est d'utiliser de l'alcool (éthanol) à 70 ou
75 % ; pour le premier bain (et surtout si c'est le seul) le volume de liquide doit être au moins une dizaine de fois le volume de l'échantillon (pour que le titre en alcool ne baisse pas trop). A cette concentration, l'action de l'alcool est surtout antiseptique et déshydratante. Les concentrations d'alcool à 95% ou 100% ont une action fixatrice (pour l'histologie et la cytologie), donc à ne pas utiliser en conservation d'échantillon standard. Pour un examen morphologique à fins d'identification ultérieure, on peut remettre l'échantillon dans l'eau, et il redevient souple et facile à manipuler. On peut le remettre ensuite dans l'alcool à 70°.
Le formol a été utilisé dans le passé pour conserver des échantillons anatomiques, en particulier pas très frais, parfois déjà partiellement putréfiés...(vétérinaires). Il est maintenant reconnu que ce produit est cancérigène et son utilisation réglementée [
L’arrêté du 13 juillet 2006 modifiant l’arrêté du 5 janvier 1993 inclut les « travaux exposant au formaldéhyde » dans la liste des substances, préparations et procédés cancérogènes au sens du deuxième alinéa de l’article R. 231-56 du code du travail]. Je crois que son utilisation est interdite sur les navires océanographiques américains (= états-uniens). Par ailleurs, après traitement au formol, il n'est pas possible de faire de biologie moléculaire. Enfin, les tissus sont durcis, il peut y avoir décalcification (par l'acide formique) et pour les arthropodes en particulier, les appendices se cassent très facilement et à l'examen on a le corps d'un côté et les pattes de l'autre. Le puzzle n'est pas toujours très facile à reconstituer, surtout lorsque plusieurs spécimens appartenant à des espèces différentes sont dans le même bocal. Pendant longtemps, il a été préconisé d'utiliser le formol à 10% dans l'eau de mer ; si on peut concevoir une telle concentration pour des charognes, ce n'est pas utile de le faire systématiquement. J'ai fait il y a longtemps des essais de dilution et du formol à 1% conserve des crustacés correctement une semaine, sans trop les durcir. Je suppose qu'à cette concentration, l'action est davantage antiseptique que fixatrice. En cas d'usage de formol (= déconseillé), perndre toutes les précautions requises : gants (pas de contact direct avec la peau), sous la hotte ou dans un local très aéré, ou mieux à l'extérieur si possible ; ne jamais respirer les émanations de formol. Etiqueter clairement les échantillons fixés au formol ; la conservation se fait ensuite en alcool boraté.
Il existe des
alternatives de terrain car on n'a pas toujours avec soi un flacon d'alcool. Penser à des boissons alcoolisées fortes (
rhum agricole, whisky ou autre "digestifs" du même acabit ! 45° minimum), au froid (
congélation), au
sucre ("confiture") ou au
sel ("saumure") à saturation, au liquide de refroidissement de moteur de voiture (éthylène-glycol), cuisson, déshydratation etc. Pour le transport par avion ou postal, après un traitement préliminaire d'au moins 24h, égoutter et emballer en condition "humide". C'est souvent suffisant avant de transférer l'échantillon dans une solution "définitive" au laboratoire. On peut associer plusieurs agents conservateurs, par exemple rhum agricole + frigo en attendant le transport de retour de vacances... Les plongeurs ont parfois des destinations lointaines...
Enfin, pour les
organismes aquatiques gélatineux (plancton, méduses, anémones, certains bryozoaires, algues...), le formol (à 3 - 5%) salé et neutralisé peut être utilisé en ajoutant du glycérol (glycérine) pour "épaissir" le liquide conservateur. Il existe des ouvrages et publications spécialisés qui traitent de la fixation et de la conservation des spécimens (muséologie ou autre).
J'ai essayé de répondre de façon un peu générale à la question posée. Pour les cas particulier, me contacter et je tâcherai de trouver la meilleure information disponible auprès de collègues plus compétents que moi en la matière.
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