Platydoris sanglante

Platydoris cruenta | (Quoy & Gaimard, 1832)

N° 2979

Mer Rouge, océan Indien et océan Pacifique Ouest et centre

Clé d'identification

Grand doridien ovale pouvant atteindre 100 mm
De couleur blanche et beige avec de nombreux petits traits sombres sur le manteau
Présence de grosses plaques rouges, sauf dans certaines régions occidentales de sa distribution
Manteau dissimulant complètement le pied
Rhinophores lamellés et branchies gris-beige émergeant de larges fourreaux lobés

Noms

Noms communs internationaux

Bloody platydoris (GB)

Synonymes du nom scientifique actuel

Doris cruenta Quoy & Gaimard, 1832
Platydoris arrogans Bergh, 1877

Platydoris striata (Kelaart, 1858), vivant uniquement en mer Rouge et dans l'ouest de l'océan Indien, est dorénavant considérée comme synonyme de P. cruenta ([Dorgan & al. 2002]) par plusieurs scientifiques (T. Gosliner, par ex.).
Pour autant, certains sites de taxonomie donnent encore ce taxon comme valide et certains scientifiques considèrent les deux espèces comme différentes (N. Yonow, par ex.). P. striata est visuellement très ressemblante mais elle ne porte pas les grosses taches rouges bien reconnaissables. Une analyse génétique comparative sera sans doute déterminante.

Distribution géographique

Mer Rouge, océan Indien et océan Pacifique Ouest et centre

Zones DORIS : ● Indo-Pacifique, ○ [Mer Rouge]

Platydoris cruenta fréquente quasiment tout l'Indo-Pacifique ! Espèce présente en mer Rouge si on considère P. striata comme un synonyme de P. cruenta (voir infra, § Autres noms scientifiques parfois utilisés, mais non valides : P. striata) et qui descend jusqu'à l'Afrique du Sud. On la trouve, d'ouest en est, depuis les côtes africaines de l'océan Indien (et donc Mayotte et La Réunion) jusqu'à la Nouvelle-Calédonie, les Vanuatu, les îles Marshall dans le Pacifique. Du nord au sud du Pacifique, on la rencontre du Japon à l'Australie tropicale.

Biotope

On rencontre l'espèce, principalement la nuit, sur les tombants rocheux et les éboulis récifaux où se développent les spongiaires qui constituent ses proies.

Description

Grand doridien au large corps très ovalisé et aplati, pouvant atteindre une taille de 100 mm, Platydoris cruenta porte un manteau* blanchâtre à beige avec une bordure généralement claire. On observe des taches crème et un réseau de nombreux traits courbes marron maille toujours le manteau de manière spécifique, même si chez certains individus, certaines zones du dorsum* peuvent en manquer. Le manteau est très souvent maculé de larges taches rouges, parfois orange. A noter : les espèces de mer Rouge et de l'ouest de l'océan Indien (comme à La Réunion) ne possèdent pas de grandes taches rouges sur le dorsum (voir § "Autres noms scientifiques parfois utilisés, mais non valides" : P. striata). La partie centrale du dos est longitudinalement un peu plus élevée que le reste du manteau, cela correspond au pied* même de l'animal dans lequel sont concentrés la majorité des organes. Ce manteau à très large marge couvre tout l'animal et on ne distingue généralement pas son pied.
Au toucher, le manteau est assez rugueux, et de consistance rigide.

A l'avant sont implantés les deux courts rhinophores*, émergeant de fourreaux élevés, blancs à l'intérieur. Ces rhinophores sont gris-beige et lamellés (35 à 39 lamelles).

La bouche et les tentacules* pédieux* ne sont pas visibles, cachés par la marge du manteau qui vient bien en avant de la zone orale.
Sur l'arrière de la "bosse" correspondant au pied, se trouve le panache branchial. Lui aussi est protégé par un fourreau important à 6 lobes, de couleur extérieure beige à traits bruns et intérieure blanche. Ce panache branchial est composé de 6 feuillets tripinnés* gris-beige, nervurés de brun sombre.

Vu d'en dessous, le manteau est blanc à crème, ainsi que le pied et la sole* pédieuse. Il y a néanmoins de petits traits fins sombres dans la zone de jointure manteau-pied, sur le pied lui-même et parfois autour de la médiane de la sole. Il arrive que de grosses taches rouges ou orange marquent également le dessous du manteau.

Espèces ressemblantes

Si l'on fait abstraction du cas ambigu de Platydoris striata évoqué au § Synonymes, Platydoris cruenta peut éventuellement être confondue avec quelques autres grands doridiens du même genre.
Par exemple :

Platydoris scabra (Cuvier, 1804). Avec une taille et une forme similaire, il est facile de confondre les deux espèces. Mais P. scabra montre un manteau clair, blanc à crème pâle, avec de grosses taches éparses brunes, violettes ou grises qui couvrent une large partie du notum* et qui résultent, regardées de près, d'un fin maillage, plus ou moins dense selon les zones, de toutes petites taches brunes. Le manteau peut être finement bordé de jaune pâle ou d'orangé sur son pourtour. Les rhinophores sont jaunâtres et les branchies blanches avec lignages noirs sur le rachis des lamelles. Le dessous du manteau est uniformément clair avec des pigments sombres autour du pied.
Cette Platydoris ne possède jamais de grosses taches rouges sur le dos !

Platydoris formosa (Alder & Hancock, 1864). Le corps est crème et il est parsemé de nombreuses petites taches brunes et de plaques rouges, paraissant parfois même entièrement rouge ou orangé. Elle se distingue par des rhinophores rouges émergeant de fourreaux imposants, ainsi que par des traits noirs sur la face extérieure des branchies gris-beige. La face inférieure du manteau porte des taches rouges, plus grosses près du pied que de la marge.

Platydoris cinerobranchiata Dorgan, Valdès & Gosliner, 2002. Le manteau est beige avec de très très petits points noirs et de grandes taches rouge-orange. Rhinophores lamellés et branchies sont de couleur brun-violet sombre. La face ventrale est parsemée de très petites taches sombres. L'animal peut atteindre les 200 mm.

Platydoris elliotti (Alder & Hancock, 1864). Présente de l'Inde à la Nouvelle-Calédonie, l'espèce a un corps jaunâtre avec beaucoup de petits points sombres et parfois quelques petites taches blanc opaque. Une bande gris verdâtre, constituée de taches sombres, fait le tour du manteau. Le dessous du manteau jaunâtre porte des taches brun sombre. Atteint 150 mm.

Il existe encore d'autres Platydoris mais soit la distribution ne correspond pas (P. argo, P. augustipes...), soit leur taille moindre les élimine (P. dierythros, P. sanguinea, P. inornata...), soit les motifs et couleurs du manteau (P. ocellata, P. inframaculata...) empêchent la confusion avec P. cruenta.

Parmi les autres grands (+ de 100 mm) doridiens, les Asteronotus (A. cespitosus, A. hepaticus...) portent de grosses vésicules en relief sur le manteau et ne peuvent être confondus avec P. cruenta, pas plus que les grands Pleurobranchidés (Pleurobranchus grandis, Pleurobranchus forskalii...).

Alimentation

Platydoris cruenta est une mangeuse d'éponges, comme beaucoup de Nudibranches Doridiens, qui rongent leur proie grâce à leur radula*. Mais nous manquons d'éléments pour déterminer de quelle(s) espèce(s) de spongiaire(s) se nourrit exactement P. cruenta.

Reproduction - Multiplication

Platydoris cruenta est hermaphrodite* et la copulation se fera deux à deux, en position tête-bêche, les organes génitaux débouchant derrière la tête sur le flanc droit du pied. Le pénis est armé de petits crochets (9 rangées de 2 à 4 petits crochets allongés), le vagin n'en a pas, et les deux individus ainsi "connectés" échangeront leurs gamètes* mâles.
Ils pourront ensuite aller pondre chacun de leur côté.
La ponte est un large ruban spiralé de couleur rouge sang.

Divers biologie

A l'instar de la grande majorité des Nudibranches, a fortiori des Doridiens mangeurs d'éponges, notre Platydoris cruenta possède une radula, sorte de bande râpeuse située dans la bouche et qui lui permet de ronger ses proies afin de se nourrir. En tenant compte des disparités intraspécifiques des individus, une formule* radulaire de Platydoris cruenta, pour un spécimen étudié de 67 mm, peut s'énoncer ainsi : 40 x (98.0.98). Ce qui se peut lire : 40 rangs, composés chacun de 98 dents à gauche, aucune au centre et 98 à droite. La disposition radulaire ainsi que la forme et la disposition des dents sont bien entendu adaptées au régime alimentaire de l'espèce donnée.
Pour notre espèce, et puisqu'il n'y a pas de dent centrale, on observe que les dents latérales les plus intérieures de chaque rangée sont des crochets très marqués, formés d'une base plus longue que la simple pointe sans denticules*. Les dents suivantes n'ont pas plus de denticules mais le crochet formé privilégie la cuspide* par rapport à la base. Enfin, les dents les plus extérieures se sont un petit peu redressées, elles sont moins crochues et pour les plus périphériques sont entaillées au sommet et à la base.

Les rhinophores sont les organes chémosensoriels de l'animal et lui permettent de collecter des informations fondamentales sur son environnement distant grâce aux données moléculaires présentes dans l'eau. Posséder des organes sensoriels efficients diminue la coûteuse dépense énergétique allouée à la recherche de nourriture, de partenaires potentiels, etc. L'odeur, le goût, le toucher sont mobilisés. Ainsi, plusieurs nerfs convergent pour relier les rhinophores aux ganglions cérébraux, afin d'amener le stimulus chimique et déclencher la réponse appropriée par le cerveau. Il en va de même pour les deux nerfs des deux tentacules oraux qui sont directement reliés au cerveau.

La rugosité du manteau au toucher est due à la présence de nombreux spicules* (caryophyllidia) insérés dans le tégument. Ces caryophyllidia contribuent probablement ainsi, outre à structurer l'épiderme, à la défense de l'animal en le rendant peu agréable à croquer, désagréable aux prédateurs. Cet état de fait rend sans doute la production de défenses chimiques, rencontrée chez d'autres doridiens, inutile. Mais cela reste encore à prouver. De la même manière, les doridiens sont réputés pour produire des métabolites* secondaires et des pigments à partir des spongiaires qu'ils consomment et qu'ils utilisent pour parfaire leur camouflage. En est-il de même pour Platydoris cruenta ?

Informations complémentaires

Platydoris cruenta est une espèce peu commune, principalement rencontrée la nuit.

Comme chez quelques espèces récurrentes d'Opisthobranches (Platydoris argo, Risbecia tryoni, Aglaja tricolorata, Philinopsis depicta...), on rencontre souvent Platydoris cruenta par paire. Des chercheurs ont identifié ce comportement, chez certaines espèces, comme un prélude à l'accouplement sexuel, avec un seul partenaire potentiel à la fois, qui "tourne autour" d'un autre pendant des heures. Cette hypothèse reste à démontrer, notamment pour P. cruenta.

Origine des noms

Origine du nom français

Platydoris sanglante : francisation du nom scientifique de l'espèce, Platydoris cruenta.

Origine du nom scientifique

Platydoris : composé de Platy, qui provient du grec [platus] = large et plat, et de Doris, fille d’Océanos (ou Okéanos) et de Téthys. Mariée à Nérée, dieu de la mer calme, Doris eut cinquante filles (les Néréides, nymphes de la mer, parmi lesquelles Doto, Thétis, Galathée, Cymodocé...). Ce nom de Doris est utilisé pour composer beaucoup de noms de genre de Nudibranches (Chromodoris, Goniodoris, Glossodoris, Ardeadoris, Hypselodoris, Gymnodoris, etc.). Les Platydoris sont donc des doris très aplatis.
Le genre Platydoris a été décrit en 1877 par Rudolph Bergh (1824-1909) et le type* en est Platydoris argo (Linnaeus, 1758), originellement Doris argo.

cruenta : du latin [cruenta] = ensanglantée, couverte de sang. Pointe sans doute aucun les plaques rouges qui maculent le manteau de la plupart des individus. L'absence de ces taches chez les individus de mer Rouge et de l'océan Indien occidental avait d'ailleurs conduit à les nommer autrement (Platydoris striata) jusqu'à [Dorgan & al. 2002].

Classification

Termes scientifiques Termes en français Descriptif
Embranchement Mollusca Mollusques Organismes non segmentés à symétrie bilatérale possédant un pied musculeux, une radula, un manteau sécrétant des formations calcaires (spicules, plaques, coquille) et délimitant une cavité ouverte sur l’extérieur contenant les branchies.
Classe Gastropoda Gastéropodes Mollusques à tête bien distincte, le plus souvent pourvus d’une coquille dorsale d’une seule pièce, torsadée. La tête porte une ou deux paires de tentacules dorsaux et deux yeux situés à la base, ou à l’extrémité des tentacules.
Sous-classe Heterobranchia Hétérobranches
Super ordre Nudipleura Nudipleures
Ordre Nudibranchia Nudibranches Cavité palléale et coquille absentes chez l’adulte. Lobes pédieux souvent absents aussi. Respiration cutanée, à l’aide de branchies, de cérates ou d’autres appendices. Tête portant une ou deux paires de tentacules, les tentacules postérieurs ou rhinophores peuvent parfois être rétractés dans des gaines. Principalement marins ou d’eau saumâtre.
Sous-ordre Doridina Doridiens Corps aplati. Anus dorsal entouré complètement ou partiellement par des branchies de remplacement ramifiées qui peuvent être rétractées (voire absentes). Mangeurs d’éponges, habituellement armés de spicules calcaires internes.
Famille Discodorididae Discodorididés Forme aplatie ovale ou un peu rectangulaire. Pied plus petit que le manteau granuleux. Possibilité d’autotomie du bord du manteau. Présence de glandes à acide. Tentacules buccaux coniques ou digitiformes.
Genre Platydoris
Espèce cruenta

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