Tube calcaire de section circulaire
Présentant des collerettes évasées à intervalles irréguliers sur la partie détachée du substrat
Tube sinueux sur le substrat puis se relève presque droit
Panache branchial verdâtre avec des zébrures brunes
Mercierelle, ver blanc (nom donné par les scaphandriers professionnels normands)
Australian tube worm (GB), Tüten-Kalkröhrenwurm (D), Trompetkalkkokerworm (NL), Australsk kalkrørsorm (DK), Australisk kalkrörsmask (S)
Mercierella enigmatica Fauvel, 1923
Phycopomatus enigmaticus (Fauvel, 1923)
Sphaeropomatus, Mercierellopsis, Neopomatus sont des noms de genre qui ont été utilisés également.
Cosmopolite dans les régions tempérées
Zones DORIS : ● Europe (côtes françaises), ○ [Méditerranée française], ○ [Atlantique Nord-Est, Manche et mer du Nord françaises]Cosmopolite dans les régions tempérées.
Ficopomatus enigmaticus est une espèce opportuniste présente sous les latitudes tempérées (dans l'hémisphère Sud, entre les isothermes 16 °C et 21 °C). C'est une espèce typique du domaine paralique* (plans d'eau entre le domaine marin et le domaine continental), présente dans les eaux saumâtres côtières supportant des variations de salinité de 8 à 40 0/00 avec un optimum entre 10 et 30 0/00. Cette espèce est sensible à l'action des vagues (le tube calcaire est fragile) et préfère les zones protégées peu profondes avec de l'eau stagnante ou peu mobiles (comme les bassins portuaires, les canaux, les lagunes, les estuaires, les marais maritimes) turbides et riches en matière organique.
Les premiers individus à l'origine d'un récif peuvent se fixer sur des végétaux aquatiques, des coquilles de gastéropodes, de bivalves, de crabes et même des tortues et sur tout substrat* dur (roches, quais, piliers, portes d'écluse, bouteilles).
Cette annélide polychète vit dans des tubes calcaires blancs (parfois recouverts d'une couche brune pour les plus vieux), de 2 à 4 cm (voire 10 cm) de long pour quelques millimètres de large, de section circulaire ou semi-circulaire. A intervalles irréguliers on observe des collerettes larges et évasées, parfois réduites, montrant ainsi les positions successives de l'ouverture du tube. Les tubes solitaires ou juvéniles peuvent avoir une carène médiane faible. Le tube est d'abord sinueux sur le substrat puis se relève presque droit.
Le panache branchial porte des filaments (radioles*) disposés en deux demi-cercles (5 à 9 à gauche, 7 à 10 à droite) quelquefois plus courts ventralement. Chaque radiole porte deux rangs de pinnules* ciliées de plus en plus grandes vers l'extrémité. Certaines n'en portent pas. Le panache est verdâtre avec des zébrures brunes.
L'opercule* brun en forme de figue porte sur la partie supérieure aplatie une plaque cornée bordée par 1 à 4 rangs d'épines sombres recourbées vers l'intérieur. Certains rangs peuvent être irréguliers ou incomplets. Le pédoncule* de l'opercule est lisse, quelquefois légèrement ridé sous le bulbe de l'opercule avec un sillon dorsal peu profond.
L'annélide mesure 20 mm de long (4 à 44 mm).
Il existe d'autres espèces proches vivant dans les mêmes conditions, la distinction se fait essentiellement au niveau de l'opercule et de ses épines, de l'éventuelle carène médiane (et des membranes thoraciques) :
Dans de tels biotopes* il y a peu d'espèces aussi abondantes. On peut cependant observer d'autres serpules comme :
Spirobranchus triqueter (Linnaeus, 1758) et S. lamarcki (Quatrefages, 1866) (même fiche 2775 que S. triqueter), mais leur tube est collé au support sur toute leur longueur et il présente une crête axiale se terminant en dent saillante sur le sommet de l'ouverture.
Serpula vermicularis Linnaeus, 1767 avec un tube rond (portant des stries longitudinales) décollé du substrat pour leur extrémité antérieure, et un panache en fer à cheval.
Hydroides elegans (Haswell, 1883). Le tube est lisse, cylindrique, en forme de S et collé au support sur toute sa longueur.
Hydroides ezoensis Okuda, 1934. Le tube, décollé distalement du substrat, est de section semi-circulaire avec deux carènes longitudinales.
Ficopomatus enigmaticus est un filtreur* suspensivore*. Les pinnules* ciliées des radioles* produisent un courant d'eau qui conduit et concentre les particules en suspension et filtre ainsi la masse d'eau. Les particules de 2 à 16 µm (détritus organiques, phytoplancton* et petits flagellés) sont engluées par un mucus et amenées par des cils à la bouche où elles sont ingérées.
Les larves* planctoniques* se nourrissent de phytoplancton.
Les sexes sont séparés, mais certains individus (3 %) peuvent présenter un hermaphrodisme* protandrique* (les mâles se transforment en femelles). La durée de vie est de 4 à 8 ans (10-12 en aquarium). Au moment de la reproduction (une fois par an dans nos régions mais, ailleurs, plusieurs fois par an), les ovules et les spermatozoides* sont libérés de juillet à septembre, dans l'eau (18 °C minimum) où ils se rencontrent. La fécondation est externe. Les larves trochophores se nourrissent d'algues planctoniques unicellulaires et se dispersent passivement dans le plancton pendant 3-4 semaines. La larve peut se fixer sur tous les substrats mais elle préfère des substrats rugueux et surtout d'autres tubes de la même espèce.
Les récifs formés par l'accumulation des tubes modifient profondément l'écosystème en ralentissant les courants, augmentant la sédimentation et surtout en offrant un substrat dur favorisant la colonisation de ce récif par un grand nombre d'organismes fixés tels que des bryozoaires, des balanes, des ascidies et des hydraires, et un grand nombre d'espaces et d'interstices entre les tubes pour des crustacés amphipodes, isopodes, décapodes et de petits polychètes ainsi que des mollusques, voire des algues. Ces récifs sont à l'origine souvent d'une augmentation de la biodiversité.
Les récifs peuvent mesurer de quelques centimètres d'épaisseur à plusieurs mètres (2 à 4 mètres voire 7m) et on a mesuré jusqu'à 70 000 à 180 000 individus par m². Certains récifs couvrent plusieurs km². En Normandie, des récifs hémisphériques de 45 cm de diamètre ont été récoltés avec des tubes de 25 cm de longueur disposés de manière rayonnante.
Cette espèce peut survivre dans des eaux peu oxygénées, eutrophiques* voire polluées.
Certains récifs déclinent sans raison apparente.
Par sa croissance rapide, Ficopomatus enigmaticus modifie rapidement l'écosystème de façon physique, chimique et biologique.
Cette espèce invasive peut encroûter la coque des navires, les ouvrages portuaires, réduire la largeur des canaux, obstruer des canalisations et même bloquer des écluses voire agir sur l'aspect esthétique de certaines lagunes.
Cette espèce a été introduite dans de nouveaux habitats par transport des larves dans les ballasts des navires, par les salissures sur les coques des navires de commerce ou de plaisance, lors de l'introduction d'espèces de mollusques comestibles, ou simplement par la dérive planctonique des larves. Comme cette espèce est tolérante aux variations de salinité, et de croissance rapide avec une forte fécondité elle colonise rapidement les milieux favorables.
De nombreuses techniques ont été proposées pour tenter d'éradiquer cette espèce (courant d'eau douce, grattage, traitement antifouling, ….).
Les vers peuvent survivre dans leurs tubes pendant quelques heures hors de l'eau, mais ne présentent pas de formes de résistance.
L'origine géographique de cette espèce n'est pas clairement définie, elle provient probablement des régions tempérées de l'hémisphère sud, plus particulièrement de l'océan Indien en y incluant les côtes ouest et sud de l'Australie voire le Pacifique Ouest.
Cascail : nom donné à Arcachon et en Languedoc, amas de pierres tranchantes dans le Sud-Ouest.
Mercierelle, traduction du nom de genre donné par Fauvel.
ver blanc: quand on s'approche, les vers rétractent leur panache et les tubes, blancs, sont visibles.
Ficopomatus: le nom de genre n'est pas expliqué par son auteur (Southern R 1921), L'opercule a une forme de figue : Ficus [latin]= figue et poma [grec] = opercule.
Le nom de genre Mercierella est dédié au professeur L. Mercier qui a observé et apporté à P. Fauvel les premiers spécimens.
enigmaticus : cette espèce est apparue soudainement en grande quantité dans le canal de Caen à la mer.
Numéro d'entrée WoRMS : 130988
Termes scientifiques | Termes en français | Descriptif | |
---|---|---|---|
Embranchement | Annelida | Annélides | Vers segmentés (annelés) à section cylindrique, à symétrie bilatérale constitués de segments semblables. Le premier segment porte la bouche et le dernier l’anus. Nombreuses formes marines, dulcicoles ou terrestres, libres ou parasites. |
Classe | Polychaeta | Polychètes | Annélides marines. Chaque segment porte des excroissances locomotrices (les parapodes) plus ou moins développées, munies de touffes de soies chitineuses rigides. Chez la plupart des espèces, la tête porte plusieurs organes sensoriels, des mâchoires, et souvent un panache branchial coloré. Animaux libres dans la colonne d'eau ou sur les sédiments mais aussi galéricoles ou tubicoles. |
Sous-classe | Sedentaria - Canalipalpata | Annélides polychètes sédentaires - Canalipalpata | Annélides polychètes sédentaires vivant dans des tubes ou des terriers semi-permanents, avec une paire de palpes creusés d'un sillon longitudinal cilié. |
Ordre | Sabellida | Sabellides | Métamérie très altérée, corps divisé en deux régions distinctes, une thoracique à segments peu nombreux et une abdominale, le plus souvent à segments très nombreux, parfois seulement 3 segments chez les très petites espèces. Prostomium indistinct et peristomium faisant une collerette plus ou moins développée, entière ou divisée en lobes, branchies volumineuses (2 lobes semi-circulaires ou spiralés portant de nombreux filaments ou rayons garnis de barbules ciliées) en panache terminal disposé en entonnoir entourant la bouche. |
Famille | Serpulidae | Serpulidés | Tube calcaire blanc, non enroulé en spirale, attaché au substrat. Panache de 30-40 appendices tentaculaires (radioles) dont quelques-uns sont transformés en un opercule. Parfois en groupes. |
Genre | Ficopomatus | ||
Espèce | enigmaticus |
Grégaire
La plupart des vers sont rétractés. On observe l'ouverture élargie caractéristique. Un ver, en haut et au milieu montre son panache et son opercule.
Étang de Berre, Martigues (13), 2 m
16/09/2007
Annélide polychète dans un tube calcaire
La plupart des vers sont rétractés. On observe l'ouverture élargie caractéristique. Un ver, en haut et au milieu montre son panache et son opercule.
Étang de Berre, Martigues (13), 2 m
16/09/2007
colonie dans l'étang de Vic
dans l'étang côtier de Vic (Vic La Gardiole 34), à 1 km de l'embouchure de La Robine. Colonie établie à l'ombre d'un pont. 0.5m
07/05/2016
Ficopomatus enigmaticus, gros plan sur le panache et l'opercule
Le panache branchial et l'opercule sont bien visibles chez cet individu en pleine expansion.
Port du Havre, Bassin Fluvial (zone IV du paralique), 1.5m
24/08/08
Groupe dense dans l'étang de Vic
Photo composite d'une surface densément colonisée par les Ficopomatus: moitié en haut à gauche, les panaches sont sortis = dominante brune; en bas à droite, ils sont rétractés.
Port du Havre, Bassin fluvial (zone IV du paralique), 1.5m
15/08/10
Longs tubes calcaires et cylindriques
Plage des Marettes, Vitrolles, étang de Berre (13), 2 m
13/06/2020
Comparaison panaches sortis-panaches rétractés
Photo composite d'une surface densément colonisée par les Ficopomatus : moitié en haut à gauche, les panaches sont sortis = dominante brune ; en bas à droite, ils sont rétractés
Plage des Marettes, Vitrolles, étang de Berre (13), 2 m
13/06/2020
Tubes avec collerettes
Les différentes étapes de la croissance de ces animaux sont marqués par les collerettes.
Les Heures-Claires, Istres, étang de Berre (13), 3 m
31/05/2020
Quelques tubes vides
Les doigts du photographes donnent l'échelle de ces petits tubes calcaires.
La Pointe, Berre-l'Etang (13), 3 m
20/06/2020
Rédacteur principal : Yves MÜLLER
Correcteur : Gérard BRETON
Responsable régional : Yves MÜLLER
Camus P., Compère C., Blanchet A., Dimeet J., Hamon D., Lacotte N., Peleau M., Lassalle E., 2000, Ficopomatus enigmaticus : écologie, répartition en France et Bretagne, nuisances et moyens de lutte sur le site atelier du port de Vannes, Ifremer environnement, 9p.
Dittmann S., Rolston A., Benger S.N., Kupriyanova E.K., 2009, Habitat requirements, distribution and colonisation of the tubeworm Ficopomatus enigmaticus in the Lower Lakes and Coorong, Report for the South Australian Murray-Darling Basin Natural Resources Management Board, Adelaide, 101p .
Dixon D.R., 1981, Reproductive biology of the serpulid Ficopomatus enigmaticus in the Thames estuary S.E. England, Journal of Marine Biologie Association of United Kingdom, 61, 805-815.
Fauvel, P., 1923, Un nouveau serpulien d'eau saumâtre Merceriella n.g., enigmatica n.sp., Bulletin de la Société Zoologique de France, 47, 424-430.
Hove H. A. ten, Weerdenburg J.C.A., 1978, A generic revision of the brackish-water serpulid Ficopomatus Southern 1921 (Polychaeta: Serpulinae), including Mercierella Fauvel, 1923, Sphaeropomatus Treadwell, 1934, Mercierellopsis Rioja 1945 and Neopomatus Pillai 1960, Biological Bulletin, 154, 96-120 .
Schwindt E, Iribarne O.O., 2000, Settlement sites, survival and effects on benthos of an introduced reef-building polychaete in a SW atlantic coastal lagoon, Bulletin of Marine science, 67(1), 73-82.
La page de Ficopomatus enigmaticus dans l'Inventaire National du Patrimoine Naturel : INPN