Hydrobie saumâtre

Peringia ulvae | (Pennant 1777 )

N° 3640

Atlantique Nord-Est, Méditerranée

Clé d'identification

Coquille dextre, spiralée et pointue
Deux à six millimètres de long
Estrans sablo-vaseux ou vaseux et milieux saumâtres à vase ferme
Souvent en très grand nombre
Anneau noir près de la pointe des tentacules
Tentacule gauche plus épais que le tentacule droit
Présence d'un petit tentacule palléal

Noms

Autres noms communs français

Hydrobie des ulves

Noms communs internationaux

Laver spire shell, mud snail (nom valable pour tous les Hydrobiidés) (GB), Wadslakje, brakwaterhorentje (NL), Glatte Wattschnecke (D), Stor dyndsnegl (DK), Mudderfjæresnegl (Norvegien Bokmål), Gjørmefjøresnigel (Norvegien Nynorsk), Wodożytka pospolita (PL), Stor tusensnäcka (S)

Synonymes du nom scientifique actuel

Turbo ulvae Pennant 1777
Hydrobia ulvae (Pennant 1777)
Paludestrina ulvae (Pennant, 1777)
Paludina ulvae (Pennant, 1777)
Sabanea (= Sabinea) ulvae (Pennant, 1777)
Turbo subumbilicatus Montagu 1803
Rissoa ulvae Jeffreys 1847
Rissoa barleei Jeffreys, 1847
Peringia cyclolabris Bourguignat 1876
Peringia castroi Locard 1899
Peringia lusitanica Locard 1899
Peringia paulinoi Locard 1899
De très nombreux synonymes et sous-espèces existent et Hydrobia ulvae a été longtemps employé et l'est encore.

Distribution géographique

Atlantique Nord-Est, Méditerranée

Zones DORIS : ● Europe (côtes françaises), ○ [Atlantique Nord-Est, Manche et mer du Nord françaises], ○ [Méditerranée française]

L'hydrobie saumâtre est présente de la Finlande au Banc d'Arguin, au large de la Mauritanie, en passant par la mer Baltique, la mer du Nord, la Manche, les côtes du golfe de Gascogne, d'Espagne, du Portugal, du Maroc, et elle est présente également en Méditerranée.

Biotope

Cette espèce vit sur la vase dure, sur le sable vaseux aussi bien sur l'estran* que dans les estuaires, dans les lagunes et les zones saumâtres, voire dans les marais salants. Elle peut être présente des hauts niveaux (en général au-dessus de la mi-marée) à l'infralittoral* jusqu'à 20 mètres de profondeur.
Bien que souvent présente sur des algues comme les ulves ou sur des herbiers sous-marins comme ceux de Zostera noltii ou encore de prairies de salicorne ou d'obione, elle abonde aussi quand les algues macroscopiques sont absentes.
Peringia ulvae vit dans des milieux où la salinité peut être de 30 à 40 ‰ (ou plus) mais aussi jusqu'à moins de 10 ‰ et même à une salinité plus faible.

Description

La coquille spiralée, dextre*, de l'hydrobie saumâtre est allongée et lisse (à la loupe on observe de très fines stries de croissance serrées croisées avec des stries longitudinales encore plus fines). En général on compte 6 tours et elle peut mesurer jusqu'à 6 mm de haut pour 3 mm de large. L'ouverture est un peu en forme de poire. La lèvre interne de l'ouverture ne laisse voir qu'une fente ombilicale*.
La coquille, blanche et légèrement transparente est recouverte d'un fin périostracum* brun à jaune. Les premiers tours de la coquille apparaissent plus sombres que les suivants. Ceci est du aux organes de l'animal vivant qui sont localisés dans les premiers tours, et visibles par transparence.
Le corps de l'animal est gris clair avec souvent des taches noires et jaunes. Le mufle* est long et se termine par deux lobes. Souvent on observe une bande transversale plus sombre sur le mufle et une tache triangulaire ou rectangulaire entre les deux tentacules* longs et minces. Un œil est présent à la base de chacun de ces tentacules.
Sous l'extrémité de chaque tentacule on peut observer un petit anneau sombre (irrégulier à gauche, régulier à droite). Le tentacule gauche est un peu plus épais que le droit. Le pied* porte un opercule* corné ovale.

Un petit tentacule palléal* est présent entre le bord du manteau* et la lèvre externe de la coquille.

Espèces ressemblantes

En Europe, il existe de nombreuses espèces de petits gastéropodes à la coquille allongée de la taille et à peu près de la forme de Peringia ulvae. Plusieurs espèces sont exclusivement d'eau douce (dulçaquicoles) et d'autres sont présentes dans des eaux plus ou moins salées. Seules les espèces d'eaux salées à saumâtres sont prises en compte ici.
La répartition de certaines de ces espèces peut se chevaucher (l'hydrobie saumâtre y compris).

Malgré de nombreuses variations individuelles au sein de ces espèces, la pigmentation des tentacules semble être un caractère utilisable pour séparer les différentes espèces d'hydrobies de ces milieux.
Les espèces ci-dessous ne vivent pas dans des milieux soumis à la marée.

  • Espèces présentant des marques sombres sur les tentacules
    - Hydrobia acuta neglecta Muus 1963 ou hydrobie du Danemark présente sur chaque tentacule une zone sombre en forme de V inversé, longue sur le tentacule droit et courte sur le tentacule gauche. Cette sous-espèce, discrète, vit dans des lagunes peu profondes d'eau salée (10 à 35 ‰). Elle fait partie d'un ensemble divisé en deux zones géographiques : Hydrobia acuta acuta (Draparnaud, 1805) en Méditerranée et en mer Noire et Hydrobia acuta neglecta sur la côte ouest de la Manche, la mer du Nord et la mer Baltique. Entre ces deux zones, du sud de la Bretagne aux côtes de l'Afrique de l'Ouest, une autre espèce très proche est présente : Hydrobia glyca Servain, 1880.
  • Espèces ne présentant pas de marques sombres sur les tentacules
    - Ecrobia ventrosa (Montagu, 1803) ou hydrobie atlantique, vit dans des lagunes d'eau salée (1 à 36 ‰) peu profondes. Les tours de la coquille sont plus dilatés. En arrière de l'œil on observe une zone claire.
    - Potamopyrgus antipodarum (Gray, 1843) ou hydrobie des antipodes, les tentacules sont souvent sombres et parfois il y a une bande transversale claire sur le mufle. En arrière de l'œil on observe une zone foncée. Cette espèce vit dans des milieux à faible salinité (0 à 16 ‰) avec un léger courant.

Alimentation

Peringia ulvae a été observé pour la première fois au pays de Galles, par Pennant en 1777 en présence d'ulves (la laitue de mer : Ulva lactuca) mais ce mollusque gastéropode est le plus souvent présent sur des surfaces de vase apparemment nues. Cette espèce consomme des microorganismes associés aux particules de sédiment comme des diatomées* benthiques*, des cyanobactéries* et la matière organique des fins détritus contenus sur et dans la vase.
Elle peut se nourrir des épibiontes* présents sur les algues, voire des algues elles-mêmes comme les ulves avec semble-t-il une préférence pour les entéromorphes.
Quand elle se déplace à la surface de l'eau sous le film superficiel grâce au radeau muqueux qu'elle sécrète, elle consomme ce dernier avec les particules organiques qui s'y sont engluées.

Reproduction - Multiplication

Les sexes sont séparés (gonochorie*), et la fécondation se fait par copulation. Les mâles, un peu plus petits que les femelles ont un pénis, juste derrière la tête, courbe, lisse en forme de faucille et à l'extrémité pointue (les caractéristiques de cet organe participent à l'identification des espèces d'Hydrobiidés).
Les individus ne se reproduisent qu'une seule fois dans leur vie (on parle de semelparité*). La femelle pond, de mars à octobre, 3 à 7 (voire plus) œufs incolores de 70 à 90 µm de diamètre, dans des capsules plano-convexes contenant également une masse de gelée. Elle attache ses capsules sur les coquilles des individus vivants voisins mais aussi sur des coquilles vides (certainement par manque de substrat* dur). Les capsules acquièrent une couche protectrice de grains de sable ou de vase.

Selon le milieu de vie, deux situations différentes se présentent :
  • La plupart des populations vivent dans la zone de balancement des marées et produisent plus d'œufs (7 à 22). Chacun donne une larve* véligère* planctonique* planctotrophique* qui a un développement complet dans le plancton (environ 4 semaines) ce qui leur permet un grand potentiel de dispersion.
  • Les populations vivant dans les lagunes pondent des œufs plus gros (lécithotrophes*), moins nombreux (3 à 7). Chacun donne une larve benthique* qui se métamorphose* au bout de deux jours.

Un tel mode de reproduction qui dépend des conditions environnementales est appelé pœcilogonie*.

A marée basse, la prédation par les oiseaux est beaucoup plus forte et la mortalité par dessiccation, en été, peut être importante. Dans les lagunes, les populations de Peringia ulvae sont toujours submergées et la prédation par les oiseaux est moins importante, mais les poissons sont également des grands consommateurs de ces petits mollusques. En revanche, il n'y a pas de mortalité par dessiccation.

Peringia ulvae peut vivre jusqu'à 5 ans en aquarium et plus de 4 ans en Arctique. Mais en général les individus vivent un peu plus d'un an à deux ans et demi. Les individus issus d'œufs pondus au printemps peuvent se reproduire en automne tandis que ceux ayant éclos en automne passent l'hiver avant de se reproduire au printemps.

Vie associée

Cette espèce est grégaire et est souvent présente avec de très fortes densités d'individus, de l'ordre de 60 000 individus par m² voire jusqu'à 300 000 individus par m². D'ailleurs, parfois, le substrat paraît granuleux tellement il y a de coquilles.

Dans le milieu où Peringia ulvae est présente on trouve également des espèces de mollusques bivalves comme des coques (Cerastoderma), des scrobiculaires ou lavignon (Scrobicularia plana), des annélides polychètes comme des néréis (Hediste diversicolor) et des crustacés amphipodes comme des Corophium. Ce petit crustacé, dans la zone de balancement des marées, est très souvent associé à l'hydrobie saumâtre.

Peringia ulvae est un maillon important du réseau trophique* de son habitat. Elle est l'aliment de base de nombreux invertébrés tels l'anémone de mer Nematostella vectensis et du mollusque Retusa obtusa (truncatula) (qui tous deux consomment de jeunes individus) ou encore le plathelminthe Leptoplana tremellaris et de nombreux vertébrés comme les poissons à marée haute et de très nombreux oiseaux à marée basse.

Peringia ulvae est l'hôte d'une vingtaine de parasites (des vers trématodes digènes) aux cycles de vie plus ou moins complexes avec des hôtes intermédiaires. Par exemple le gastéropode consomme les fientes d'oiseaux parasités contenant les œufs du parasite . Ces œufs éclosent et se développent dans le mollusque. Soit ce dernier est directement consommé par un oiseau, soit les larves du parasite sont libérées dans l'eau et pénètrent dans un poisson ou un crustacé ou se fixent sur un végétal. Ce second hôte est ensuite mangé par un oiseau. Ces cycles des parasites concernent de nombreux poissons et crustacés et les nombreux oiseaux qui fréquentent les vasières où vivent les mollusques. Des oies, des canards dont les tadornes de Belon, des goélands et de nombreux limicoles (comme les chevaliers) et même des mammifères sont concernés.

Le parasitisme est à l'origine, chez Peringia ulvae, d'un "gigantisme" des individus (les coquilles peuvent mesurer 9 à 10 mm) et également d'une castration des mâles ou d'un changement de sexe chez les femelles. Ce gigantisme serait probablement lié au fait que les gonades* sont détruites par le parasite et donc les nutriments, au lieu d'être utilisés pour la reproduction seraient disponibles pour la croissance. Le parasitisme affecte également le comportement et ralentit l'activité de l'hôte. La coquille des individus parasités est souvent colonisée par des épibiontes*.

Divers biologie

L'hydrobie saumâtre se déplace en rampant sur le substrat* à marée haute mais elle peut également s'enfoncer dans le substrat ou pénétrer dans les terriers d'autres organismes à marée descendante. Quand les individus sont recouverts d'eau, ils peuvent grimper sur des objets présents à la surface de la vase (pierres, piquets, objets en plastique), les mâles plus souvent que les femelles. Certains individus rampent sous la surface de l'eau en se servant d'un radeau de mucus qu'ils sécrètent. Ils peuvent, alors, être emportés par les courants ce qui participe à leur dispersion.

Lors des très grandes marées, de grandes quantités de cette espèce peuvent être déposées sur les hauts niveaux de la plage avec ou sans des algues vertes. Comme cette espèce n'est active qu'en présence d'eau, les individus peuvent rester bloqués jusqu'à leur mort. Toutefois, Peringia ulvae peut supporter une certaine dessiccation.

Informations complémentaires

En Gironde, en raison de la prédation par les oiseaux, 13 % seulement des individus survivent plus de trois mois après la métamorphose et moins de 1 % après 9 mois.

La famille des Hydrobiidés est connue dans le registre fossile depuis 170 millions d'années.
Autrefois les différents Hydrobiidés appartenaient à la superfamille des Rissooidea (ex- Rissoacea).

L'hydrobie saumâtre produit en grandes quantités des boulettes fécales de 0,5 à 1 mm de diamètre. Là où la densité de ces animaux est élevée, ces boulettes peuvent envahir le milieu.
Dans la mer des Wadden (au nord des Pays-Bas et sur la côte allemande) les boulettes fécales peuvent atteindre des concentrations de 18 000 boulettes par litre d'eau de mer.

Suite à l'exposition à un perturbateur endocrinien* présent en faible quantité dans le milieu, une masculinisation des femelles de gastéropodes marins dont Peringia ulvae a été observée. A la fin du processus les femelles ne peuvent plus se reproduire. Ces observations et études sur plusieurs espèces de gastéropodes marins ont conduit à l'interdiction (depuis l'année 2000) du tributylétain (ou TBT) comme produit antifouling. Ces espèces de gastéropodes marins sont d'excellents bio indicateurs pour surveiller cette pollution chimique.

Origine des noms

Origine du nom français

Hydrobie saumâtre fait allusion à un de ses milieux de vie.

Origine du nom scientifique

Peringia : dédié, en 1874, par Alcide Paladilhe (1814-1877), à la famille Pering qui lui donna l'hospitalité, lors de son séjour à Londres en 1870. Ce médecin montpellierain est l'auteur d'articles sur la zoologie pour plusieurs revues de sciences naturelles et le père du compositeur Émile Paladilhe (1844-1926).

ulvae : génitif du latin [ulva] = herbe des marais, l'algue ne vit pas dans les marais mais dans les hauts niveaux de l'estran : donc des ulves. Notre gastéropode peut se trouver sur des ulves sur lesquelles il est supposé vivre et se nourrir.

Hydrobia : du grec [hydro] = eau et du grec [bio] = vie, donc qui vit dans l’eau. Nom de genre donné par W. Hartmann en 1821 sans précision.

Classification

Numéro d'entrée WoRMS : 151628

Termes scientifiques Termes en français Descriptif
Embranchement Mollusca Mollusques Organismes non segmentés à symétrie bilatérale possédant un pied musculeux, une radula, un manteau sécrétant des formations calcaires (spicules, plaques, coquille) et délimitant une cavité ouverte sur l’extérieur contenant les branchies.
Classe Gastropoda Gastéropodes Mollusques à tête bien distincte, le plus souvent pourvus d’une coquille dorsale d’une seule pièce, torsadée. La tête porte une ou deux paires de tentacules dorsaux et deux yeux situés à la base, ou à l’extrémité des tentacules.
Sous-classe Caenogastropoda Caenogastropodes
Ordre Littorinimorpha Littorinimorphes
Famille Hydrobiidae Hydrobiidés

Coquille de forme variable: globuleuse ou conique plus ou moins allongée; péristome continu, souvent épaissi; opercule corné ou calcaire, spiralé ou strié concentriquement. Eaux douces, saumâtres, parfois terrestre. Adam 1960:138.

Sous-famille Hydrobiinae Hydrobiinés
Genre Peringia
Espèce ulvae

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