Faceline à stries rouges

Facelina rubrovittata | (Costa A., 1866)

N° 2095

Méditerranée et Atlantique proche de Gibraltar

Clé d'identification

Long corps effilé de couleur gris bleuté modérément translucide
Taille des tentacules labiaux supérieure à celle des rhinophores "annelés"
4 à 5 groupes de cérates dorsaux, en fuseaux bien séparés les uns des autres
Cérates de couleur rose, rouge à brune, avec apex blanc
5 lignes longitudinales rouges et blanches souvent interrompues, la plus visible en position médiane sur le dos, les autres sur les flancs

Noms

Autres noms communs français

Faceline à lignes rouges

Noms communs internationaux

Red stripes facelina (GB), Facelina punti rossi (I), Facelina rayas rojas (E)

Synonymes du nom scientifique actuel

Aeolis rubrovittata Costa, 1866
Acanthopsole rubrovittata Trinchese, 1866
Hervia berghii (Vayssière, 1888) serait un individu juvénile de F. rubrovittata que Vayssière n'aurait pas correctement identifié, eu égard à l'absence des nodosités sur les rhinophores des plus jeunes, lui laissant à penser qu'il s'agissait d'une Hervia sp.

Distribution géographique

Méditerranée et Atlantique proche de Gibraltar

Zones DORIS : ● Europe (côtes françaises), ○ [Méditerranée française]

Principalement présente en mer Méditerranée occidentale (Espagne, France, Italie...), la distribution de Facelina rubrovittata s'étend jusqu'à la Turquie [Türkmen & Demirsoy 2009].
Elle est souvent indiquée comme endémique* de Méditerranée mais sa présence sur les côtes atlantiques de l'Espagne du Sud, au niveau des côtes ouest de l'Andalousie (l'espèce est bien présente à Gibraltar et sur les côtes andalouses orientales) est notifiée chez [Cervera & al. 2004].

Biotope

On rencontre cette espèce en eaux peu profondes, 20 m semblent un maximum, et sur des fonds plutôt rocheux, souvent aux environs des herbiers de posidonies ou dans des zones dans lesquelles elle est susceptible de trouver les hydraires qui constituent sa nourriture.

Description

Il s'agit d'un nudibranche éolidien au corps généralement très effilé et pouvant atteindre 30 mm (certains auteurs sont plus réservés sur la taille).
La couleur du corps est gris bleuté, modérément translucide avec des cérates* allant du rose au brun, le plus souvent rouges. La queue, se terminant en pointe, ne porte pas de cérates et est bien visible sur l'arrière.

A l'avant d'une tête plutôt sombre, les deux longs tentacules* labiaux sont blancs, roses ou jaunâtres très pâles sur leurs deux derniers tiers et montrent une longueur supérieure à celle des deux rhinophores*, qui sont implantés en retrait.
Ces rhinophores, également sombres à la base et clairs sur leur moitié supérieure (blanche à rosée), portent une demi-douzaine de nodosités ou de bourrelets (3 à 6) plutôt que des lamelles proprement dites. Si les plus jeunes individus ne montrent aucun de ces renflements, le nombre peut chez l'adulte varier et aller jusqu'à six. A la base extérieure de chaque rhinophore, on peut distinguer un simple point noir : la tache oculaire.
Les deux palpes pédieux*, angles antérieurs du pied, sous le mufle, ne sont guère visibles que lorsque l'animal mange et sur une vue "à sa hauteur". La bouche se situe entre ces deux palpes.

Derrière la tête et assez espacés entre eux, 4 ou 5 panaches de cérates s'insèrent de chaque côté du pied, en face à face. Les 2 premiers groupes se détachent particulièrement des suivants, laissant une zone vierge de cérates entre eux.
Ces cérates, papilles implantées sur une base blanc opaque, apparaissent de couleur rose ou rouge à brune avec un apex blanc. Ils sont falciformes* et généralement orientés vers l'arrière, donnant l'aspect très particulier de fuseaux ou corolles autour du corps.
Ce sont les ramifications de la glande hépato-pancréatique à l'intérieur des cérates qui colorent ceux-ci en rose, rouge à brun.

Trois à, plus généralement, cinq lignes longitudinales rouge vif à vermillon, inégalement bordées de blanc opaque, parcourent le corps. Rectilignes, elles sont néanmoins souvent interrompues sur leur longueur, se résumant parfois même à quelques points plus ou moins allongés.
Compte tenu de cette nuance dans la continuité, la ligne principale marque la médiane du corps, en partant de la jonction des palpes labiaux, y laissant sous-jacente une belle zone blanche opaque en triangle, et filant vers la partie caudale.
Ensuite, de chaque côté, une ligne des mêmes couleurs, franche ou pointillée, débute sous les rhinophores et court sur le dos au niveau des panaches de cérates. Les plaques blanches sur lesquelles se fixent les cérates appartiennent à cette ligne. Enfin, une ligne identique strie longitudinalement les flancs, depuis les maxillaires jusqu'à l'arrière du pied, en passant largement sous les groupes de cérates.

Espèces ressemblantes

Les lignes rouges et blanches longitudinales sont un indicateur assez sûr pour identifier Facelina rubrovittata ainsi qu'à un moindre degré les cérates falciformes emplis de rouge. Mais on peut pointer quelques espèces présentant des éléments communs.

Flabellina lineata (Lovén, 1846) possède, à l'instar de Facelina rubrovittata, des papilles dorsales apparaissant également rouges (d'orange à brune) de par le contenu des organes digestifs, avec une zone des cnidosacs* bien blanche. Mais d'une part le port de ces cérates, moins falciformes, différemment implantés et érigés, n'a rien à voir avec celui de F. rubrovittata mais de plus, le corps translucide ne porte pas de ligne rouge dans sa longueur. Il y a uniquement une fine ligne blanche, courant de l'extrémité des tentacules labiaux jusqu'à la queue. Les rhinophores sont complètement lisses.

Calmella cavolini (Vérany, 1846) possède également des cérates rouges à l'apex blanc. Mais contrairement à Facelina rubrovittata, le corps est entièrement blanc et ne porte aucune ligne rouge dans sa longueur. On peut observer au devant du mufle deux belles taches ovoïdes violettes très caractéristiques ! Beaucoup plus petit que F. rubrovittata, ce nudibranche ne dépasse pas les 12 mm.

Dondice banyulensis Portmann & Sandmeier, 1960, montre dans certains cas des cérates pouvant être presque rouges, mais l'apex n'en est jamais blanc. Le corps blanc bleuté translucide possède de fines lignes blanc opaque mais aucune ligne rouge pour les accompagner. Là encore, la forme, la disposition et la tenue, hérissée, des cérates n'est pas comparable.

Facelinopsis marioni (Vayssière, 1888) a un corps entièrement rose, comme les tentacules buccaux et les rhinophores lamellés au bouton terminal blanc. La médiane du dos est marquée d'une fine ligne blanche. Les cérates, repliés vers l'arrière, reçoivent un large placard blanc opaque sur leur face antérieure.

Piseinotecus gabinierei (Vicente, 1975) a comme point commun une implantation des cérates par groupe, en faisceaux éloignés les uns des autres et de longs tentacules labiaux sur un corps blanc, effilé. Mais ces groupes de cérates sont généralement de couleur brune à noire et aucune ligne rouge ne vient marquer le dos.

Cuthona nana
(Alder & Hancock, 1842) n'est pas présente en Méditerranée et ne peut donc être confondue avec notre espèce. Les cérates roses à rouges sont plus nombreux et différemment implantés que chez F. rubrovittata.
Flabellina browni (Picton, 1980) et Flabellina gracilis (Alder & Hancock, 1844) sont également disqualifiées quant à la confusion, leur distribution étant uniquement atlantique. Si elles montrent bien des cérates rouges, elles n'ont pas de marque de même couleur sur leur corps blanc translucide.
Flabellina verrucosa (M. Sars, 1829), aux cérates pouvant être rouges, est aussi écartée pour la même raison : sa distribution nord-atlantique.

Alimentation

Facelina rubrovittata se nourrit sur les hydraires du genre Eudendrium sp., dont elle dévore les polypes*.
L'observation et les photographies de cette espèce permettraient en outre de suggérer que des Campanulariidés, comme Orthopyxis sp. pourraient également participer à l'alimentation.

Reproduction - Multiplication

Comme tous les mollusques opisthobranches, la faceline à stries rouges est hermaphrodite*. Elle possède en effet les organes reproducteurs des deux sexes, simultanément fonctionnels.
Deux adultes matures sont nécessaires pour la fécondation. Les individus se placeront dans une position caractéristique tête-bêche (pas toujours évidente à repérer comme telle chez les éolidiens), les organes génitaux débouchant sur le flanc droit, derrière la tête. Chez Facelina rubrovittata, le pénis est armé de fines épines et lors de la "connexion", les partenaires vont échanger leurs gamètes* mâles respectifs. Puis chacun va pouvoir aller commettre de son côté, une ponte spiralée, probablement en écheveau de couleur blanche.

Divers biologie

Les nudibranches sont munis de divers organes des sens. Parmi ceux-ci, une paire de rhinophores se trouve sur la tête de l’animal. Ce sont des organes chémorécepteurs* (sensibles aux molécules chimiques) qui servent notamment à appréhender l’environnement physique : présence de proies, de congénères, échanges et communications… Ils servent également à la prise d’informations distales* concernant les courants, les températures, l’orientation, etc.
D'autres appendices, comme les palpes labiaux et tentacules pédieux, situés près de la bouche, ont une fonction plus tactile et proximale.

Comme la plupart des nudibranches, Facelina rubrovittata possède une radula*. Il s'agit d'une bande râpeuse située dans la bouche et constituée de denticules* différemment organisés selon un schéma bien spécifique à l’espèce. L’observation et la description de cette radula grâce à des outils d'observation (binoculaire, microscope optique ou électronique à balayage) sont primordiales dans la discrimination et la taxonomie des espèces. Cela ne pouvant bien entendu pas se faire sur l'animal vif, cette étude est affaire de spécialistes.
Chez les facelines, la radula est unisériée (une seule dent caractéristique, répétée sur plusieurs rangs) et chez Facelina rubrovittata, elle est formée d'une cuspide* médiane, portant 4 à 8 denticules de chaque côté. On peut compter environ 16 à 20 dents et la formule radulaire admise pour cette espèce peut être énoncée comme suit : 18 x 0.1.0. (ce qui se lit : 18 rangs successifs de 1 dent centrale. Aucune dent latérale).

Un des moyens de défense les plus utilisés par les nudibranches, notamment les éolidiens, est la récupération des armes utilisées par leurs proies spécifiques, puis le recyclage de ces armes à leur propre profit. Ainsi, Facelina rubrovittata, qui mange la tête des polypes d'hydraires, non seulement n'est pas blessée par l'action fortement urticante des nématocystes* de l'hydraire mais fait migrer ces cellules (une des hypothèses est que ces nématocystes sont embryonnaires mais le mécanisme de cette immunité est encore relativement mal connu) intactes jusqu'à l'extrémité de son système digestif et les stocke dans ses cnidosacs*, au sommet des cérates. Ces cellules urticantes sont désormais allouées à sa propre protection et se déclencheront si la faceline à stries rouges est attaquée. Effectivement, on ne lui connaît pas vraiment de prédateurs...

La respiration des éolidiens se fait non pas au travers de branchies, comme chez d'autres sous-ordres de nudibranches, mais directement au travers de la membrane des cérates dorsaux. On parle donc de respiration cutanée.

La vision, ou ce qui s'en rapprocherait, est réalisée par les taches oculaires situées au pied des rhinophores. Il s'agit de simples zones d'afférences lumineuses, qui ne permettent sans doute à l'animal que de distinguer des contrastes ombre/lumière, jour/nuit et peut-être de mouvements.

Origine des noms

Origine du nom français

Faceline à stries rouges : simple francisation du nom scientifique de l'espèce, Facelina rubrovittata.

Origine du nom scientifique

Facelina : vient du latin et désigne un aspect avec des lignes. Ce terme a autrefois désigné les fagots dans lesquels Oreste aurait amené la statue de Diane de Scythie en Italie. Mythologiquement, Facelina est d'ailleurs le surnom de Diane en Sicile.
L’adverbe latin facete concerne par ailleurs quelque chose d'élégant, de fin...
Le genre Facelina a été décrit par Joshua Alder & Albany Hancock, en 1855 et comprend à ce jour une vingtaine d'espèces. Le type* du genre est Facelina auriculata (Müller, 1776), ex-Eolidia coronata Forbes & Goodsir, 1839.

rubrovittata
: du latin [rubro] = rouge, incarné, et [vittata] = ornée de bandelettes, garnie de rubans, terme latin souvent employé en botanique pour signifier "qui possède des bandes, rayée". On peut donc entendre ici rubrovittata comme : ornée de bandes rouges. Ce sont effectivement les trois à cinq lignes rouges longitudinales qui ont servi à baptiser l'espèce.

Classification

Termes scientifiques Termes en français Descriptif
Embranchement Mollusca Mollusques Organismes non segmentés à symétrie bilatérale possédant un pied musculeux, une radula, un manteau sécrétant des formations calcaires (spicules, plaques, coquille) et délimitant une cavité ouverte sur l’extérieur contenant les branchies.
Classe Gastropoda Gastéropodes Mollusques à tête bien distincte, le plus souvent pourvus d’une coquille dorsale d’une seule pièce, torsadée. La tête porte une ou deux paires de tentacules dorsaux et deux yeux situés à la base, ou à l’extrémité des tentacules.
Sous-classe Heterobranchia Hétérobranches
Super ordre Nudipleura Nudipleures
Ordre Nudibranchia Nudibranches Cavité palléale et coquille absentes chez l’adulte. Lobes pédieux souvent absents aussi. Respiration cutanée, à l’aide de branchies, de cérates ou d’autres appendices. Tête portant une ou deux paires de tentacules, les tentacules postérieurs ou rhinophores peuvent parfois être rétractés dans des gaines. Principalement marins ou d’eau saumâtre.
Sous-ordre Cladobranchia Cladobranches
Famille Facelinidae Facelinidés Eolidiens au corps grêle, aux cérates groupés en faisceaux, sans pédoncule. En général tentacules pédieux, rhinophores à lamelles ou annelés.
Genre Facelina
Espèce rubrovittata

Nos partenaires