Sphérome denté

Sphaeroma serratum | (J. C. Fabricius, 1787)

N° 5674

Manche-mer du Nord, Atlantique, Méditerranée

Clé d'identification

Animal d’une dizaine de millimètres de longueur
Corps ovale, bombé dorsalement et aplati ventralement
Premier segment thoracique fusionné avec la tête
Péréiopodes (pattes marcheuses) tous semblables sauf les premiers qui se sont transformés en maxillipèdes (appendices buccaux)
Peut se rouler en boule à la manière des cloportes
Uropodes externes présentant des indentations nettes
Au microscope : les péréiopodes et les maxillipèdes sont dotés de soies plumeuses

Noms

Autres noms communs français

Sphérome, sphérome dentelé (in Loyer, 1995 : 78)

Noms communs internationaux

Toothed sphaeroma (GB)

Synonymes du nom scientifique actuel

Oniscus conglobator Pallas, 1766
Sphaeroma conglobator (Pallas, 1766)
Oniscus globator Pallas, 1772
Oniscus serratus J. C. Fabricius, 1787

Distribution géographique

Manche-mer du Nord, Atlantique, Méditerranée

Zones DORIS : ● Europe (côtes françaises)

Originaire des côtes atlantiques et méditerranéennes, l’espèce a progressivement colonisé une grande partie des côtes mondiales. En Atlantique Nord-Est, elle est observée depuis les Açores jusqu’en Irlande.
Elle est rare ailleurs ; elle a été signalée sur les côtes de l’Atlantique Nord-Ouest, de l'Afrique Est et Ouest et de l’océan Indien.
La limite de répartition septentrionale correspond à l’isotherme 9 °C en avril.
L’espèce a été introduite récemment sur les côtes sud-américaines (Brésil, Argentine, Uruguay).

Biotope

Sphaeroma serratum est une espèce qui vit dans la zone de balancement des marées (espèce intertidale*). On la rencontre sous les pierres ou dans les crevasses des rochers sur l’estran, aux environs de la mi-marée et un peu au-dessus (son optimum se situant juste au-dessous du niveau haut des marées de mortes eaux). Elle fréquente également les massifs de Sabellaria alveolata et les coquilles vides qui sont dans les laisses de mer.
En Méditerranée, elle est une espèce caractéristique de l’habitat EUNIS* A2.13 (biocénoses méditerranéennes du détritique médiolittoral).
En Atlantique, en Manche et mer du Nord, elle est une espèce indicatrice de l’habitat 1140-6 (sédiments hétérogènes envasés). L’espèce se rencontre habituellement en milieu marin pur mais elle ne dédaigne pas les eaux saumâtres comme les estuaires (l’adulte a, expérimentalement, une plage moyenne de tolérance de salinité allant de 2 g/L. à 75 g/L, ce qui en fait clairement une espèce euryhaline*).
Cependant, en milieu naturel, lorsque la salinité baisse, elle est remplacée par d’autres espèces du genre Sphaeroma (comme Sphaeroma hookeri ou Sphaeroma rugicauda) ou Lekanesphaera (autrefois rattaché au genre Sphaeroma).

Description

L'animal adulte mesure une dizaine de millimètres de long rappelant l’allure d’un cloporte. La couleur, qui est souvent unie, varie du beige très clair, presque blanc, au gris foncé.
Le corps, ovale, est bombé dorsalement et aplati ventralement.
Le premier segment thoracique est fusionné avec la tête.
La « queue » (pléotelson*) est arrondie. Les uropodes*, biramés, sont fixés latéralement, les exopodites* (ou endopode) et endopodites (ou exopode) ayant approximativement la même longueur. Les endopodes des uropodes sont arrondis à l’apex*. Les exopodes des uropodes sont mobiles et présentent des indentations très nettes.
Les péréiopodes* sont tous semblables (sauf les premiers, qui se sont transformés en maxillipèdes*) et portent des soies* plumeuses.
Les maxillipèdes ne présentent pas de lobes et portent également des soies plumeuses.
Les antennes sont constituées d’un pédoncule de 5 articles et d’un flagelle* de 15 à 18 articles. Tous les articles du flagelle portent une soie simple à l’extrémité distale (la plus éloignée).

Espèces ressemblantes

Tous les représentants de la famille des Sphaeromatidés se ressemblent énormément et leur détermination fiable reste complexe. La présence d’indentations sur les exopodes* des uropodes*, observables à l’œil nu, réduit déjà le nombre d’espèces possibles, la seule confusion possible dans le biotope habituel de l’espèce étant Lekanesphaera levii.
La séparation entre les deux espèces nécessite l’utilisation du microscope et est assez immédiate, les soies des péréiopodes de Lekanesphaera levii étant simples alors que celles de Sphaeroma serratum sont plumeuses.
L’observation des maxillipèdes, sans bosse, confirmera la diagnose
.

Alimentation

Sphaeroma serratum est, comme tous les représentants de la famille des Sphaeromatidés, un détritivore*, se nourrissant des débris végétaux présents dans sa zone de vie (algues et phanérogames* marines). Des études (Prato & al. 2012) ont montré que cette espèce se nourrissait également de débris animaux, en quantité non négligeable, et de diatomées* lorsque celles-ci prospèrent (donc plutôt lorsque les eaux sont chaudes).

Reproduction - Multiplication

Les sexes sont séparés et il existe un dimorphisme* sexuel. Les mâles sont légèrement plus grands que les femelles et possèdent des antennes plus fortes. Les femelles présentent une allure générale plus globuleuse. Des cas résiduels d’hermaphrodisme* sont cependant signalés dans la littérature.

La fécondation* est interne, les mâles étant dotés de deux stylets copulateurs. Les œufs sont conservés jusqu’à éclosion dans une poche marsupiale* présente sur l’abdomen de la femelle, formée par des oostégites*.
Sur les côtes du Finistère, les premières éclosions ont lieu au mois de juin et les dernières en septembre. La période effective de reproduction est plus étendue dans les eaux chaudes, où les femelles se reproduisent une fois l’année de leur naissance puis deux fois l’année suivante. Les jeunes larves* débutent leur croissance au sein de la poche marsupiale, qu’elles quittent lorsqu’elles atteignent une taille d’environ 2 mm. A ce stade, les larves ressemblent déjà à l’adulte mais ne possèdent que 6 paires de pattes thoraciques (contre 7 chez les adultes).
La poche marsupiale joue notamment un rôle de protection contre les variations de salinité du milieu ambiant, les jeunes larves ne possédant pas de capacités d’osmorégulation (régulation des concentrations en sels dissous dans les liquides de l'organisme).
Les jeunes individus sont sexuellement indifférenciés. Il y a plusieurs mues* de croissance avant une mue de différenciation sexuelle, qui a lieu entre 2 mois et 4 mois après avoir quitté leur mère, ce délai dépendant de la température de l’eau.
Les mâles adultes ne muent plus après la mue de puberté, après laquelle ils vivront encore de six mois à un an. Les femelles peuvent vivre plus longtemps que les mâles.

Vie associée

Sphaeroma serratum est fréquemment rencontré avec un petit isopode commensal, Jaera (Metajaera) hopeana beaucoup plus petit, que l’on rencontrera sur la face inférieure des Sphaeroma, habituellement entre les péréiopodes*.

Sphaeroma serratum est régulièrement infesté par un protozoaire, Palavascia sphaeromae. Ce protozoaire se développe dans le proctodeum (partie terminale du système digestif) de son hôte. Les animaux sains se contaminent en mangeant de la nourriture contaminée par un autre animal. La reproduction du protozoaire est généralement synchronisée avec la mue de l’hôte, même si ceci n’est pas absolument indispensable compte tenu de la localisation du parasite à l’extrémité du système digestif. La relation entre le protozoaire et le crustacé isopode s’apparente davantage à du commensalisme* qu’à du parasitisme*. Le protozoaire se fixe sur les parois internes du proctodeum sans les pénétrer. Le taux de contamination peut être très élevé, puisqu’il atteint 95 % certains mois dans l’étang de Thau.

Divers biologie

Sept phénotypes* ont été identifiés en Bretagne chez cette espèce par Bocquet, Lévi et Tessier en 1951 (voir bibliographie), conditionnés par 4 couples d’allèles (version variable d'un même gène). Cinq d’entre eux sont structuraux :

  • Albicans (couleur uniforme – blanc, gris ou noir),
  • Discretum (tacheté),
  • Lunulatum (présence de taches blanches frontales, latérales ou caudales),
  • Ornatum (aspect marbré lié à la juxtaposition de plages de différentes couleurs),
  • Signatum (3 bandes blanches longitudinales).
    Les deux derniers types correspondent à des variations liées à la présence de chromatophores rouges (Rubrum) ou orange (Aurantiacum).

Ces types ne sont pas intégralement retrouvés dans les populations en limite de répartition septentrionale, ni dans les populations correspondant à des zones d’introduction anthropique* de l’espèce. Ces phénotypes très marqués ont permis la réalisation de nombreuses études sur les populations de cette espèce. Les populations sont caractérisées par des pourcentages propres de chaque phénotype, qui restent constants d’une génération à l’autre mais peuvent varier fortement sur une faible distance géographique (cas des populations rencontrées sur les côtes finistériennes). Les études réalisées ont par ailleurs montré qu’il y avait une réelle panmixie* chez cette espèce (les couples ne se forment pas en fonction de leur phénotype et tous les allèles sont compatibles).

La dessalure des eaux de l’étang de Berre dans les années 1970, liée à la mise en service de l’usine hydroélectrique de Saint-Chamas, a provoqué la disparition de Sphaeroma serratum de cet étang, espèce à laquelle s’est substituée Lekanesphaera hookeri, espèce plus euryhaline que la précédente. Cette espèce a elle-même fini par fortement régresser dans l’étang compte tenu de la poursuite des apports d’eau douce et de l’apparition de zones anoxiques*. La modification de l’exploitation de l’usine hydroélectrique engagée au milieu des années 2000 a permis d’améliorer la situation.

Sphaeroma serratum est une espèce relativement résistante à la pollution, nettement plus que Idotea balthica par exemple, et plusieurs études ont été réalisées pour utiliser cet isopode comme bio-indicateur de pollution aiguë aux métaux lourds. Ces études ont donné des résultats probants, mais il n’existe pas actuellement de protocole normalisé fondé sur ce crustacé.

Régina Wetzer & al. ont démontré récemment (2018) que la famille des Sphaeromatidés n’est pas monophylétique*. Cependant, au sein de cette famille, l’étude a montré que le genre Sphaeroma était monophylétique et constituait un clade frère de Lekanesphaera. Cette étude conforte donc, parmi toutes ses conclusions, la validité des genres Sphaeroma et Lekanesphaera.

Origine des noms

Origine du nom français

Sphérome denté : simple traduction du nom scientifique.

Origine du nom scientifique

Le nom du genre, Sphaeroma, provient du grec ancien [sphairoma] = quelque chose d’arrondi, allusion directe à la faculté de cette espèce de se mettre en boule en cas de danger.
Le nom d’espèce serratum provient du latin [serratus] = dentelé. Ce nom a été donné par l'entomologiste danois Johan Christian Fabricius (1745-1808) en 1787 pour souligner la présence d’indentations sur les exopodes* des uropodes*.

Classification

Numéro d'entrée WoRMS : 118973

Termes scientifiques Termes en français Descriptif
Embranchement Arthropoda Arthropodes Animaux invertébrés au corps segmenté, articulé, pourvu d’appendices articulés, et couvert d’une cuticule rigide constituant leur exosquelette.
Sous-embranchement Crustacea Crustacés Arthropodes à exosquelette chitineux, souvent imprégné de carbonate de calcium, ayant deux paires d'antennes.
Super classe Multicrustacea
Classe Malacostraca Malacostracés 8 segments thoraciques, 6 segments abdominaux. Appendices présents sur le thorax et l’abdomen.
Sous-classe Eumalacostraca Eumalacostracés Présence d’une carapace recouvrant la tête et tout ou partie du thorax.
Super ordre Peracarida Péracarides Les femelles sont dotées d'une cavité d'incubation formée par des expansions lamelleuses des péréiopodes.
Ordre Isopoda Isopodes Corps comprimé dorso-ventralement, première paire d’antennes beaucoup plus petite que la seconde, yeux non pédonculés. 7 paires de pattes de même apparence.
Sous-ordre Sphaeromatidea Sphaeromatidés
Famille Sphaeromatidae Sphaeromatidés
Genre Sphaeroma
Espèce serratum

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