Nouvelles découvertes sur les hydraires

Nouvelles découvertes sur les hydraires
Nouvelles découvertes sur les hydraires
  • Lieu de prise de vue : Martinique
  • Date de prise de vue : 02/2012
  • Nom du photographe : H. Galea, R. Ferry, J.M. Bertot
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Comment citer cette question :
https://doris.ffessm.fr/Forum/Nouvelles-decouvertes-sur-les-hydraires2

Réf : 9671

Horia GALEA le 26/10/12

Romain Ferry, Jean-Marie Bertot et moi-même, tous participants aux projet DORIS, avons le plaisir de vous annoncer deux découvertes sur les hydraires (Cnidaria: Hydrozoa) que nous avons faites récemment en Martinique, et qui font l'objet d'un article qui vient d'être publié aujourd'hui dans le journal Zootaxa:

(1)
l'élucidation du cycle de vie de Dentitheca dendritica (Fig. A-E), une espèce décrite il y a 112 ans par Charles Cleveland Nutting, de l'Université de Iowa (Etats-Unis).

Nul plongeur habitué aux Caraïbes n'a pu passer, sans la remarquer, à côté de cette espèce dont les colonies forment d'immenses éventails pouvant atteindre 50 cm de hauteur, voire davantage. Elle se rencontre sur des fonds sablonneux des récifs et des herbiers, entre 3 et 30 m de profondeur.

L'espèce a été re-décrite récemment par l'un d'entre nous (Galea 2010) sur la base de spécimens, malheureusement stériles, trouvés en Guadeloupe.

Jusqu'en 2004, les gonothèques (enveloppes chitineuses protégeant les "organes" reproducteurs) de cette espèce sont restées inconnues. C'est Eberhard Wedler, de l'Université de Magdalena (Colombie), qui, en transplantant des colonies de quatre espèces d'hydraires, dont D. dendritica, de leur environnement habituel vers un biotope nouveau (en leur faisant subir, de cette façon, des conditions de stress), obtient, pour la première fois, la formation de gonothèques. Dans sa publication, Wedler (2004) illustre ces structures (2 photos en microscopie électronique à balayage), mais ne les décrit pas et ne fait aucune mention du mode de reproduction de l'espèce.

C'est en Octobre 2010 que Romain et Jean-Marie ont trouvé, pour la première fois (d'après nos connaissances), des colonies fertiles dans la nature. La chance nous a souri à nouveau en Février 2012, lors de ma mission en Martinique. Nous avons ainsi pu obtenir du matériel en pleine reproduction (les deux sexes), que nous avons photographié, puis fixé pour une étude ultérieure en laboratoire.

Dans notre publication (Galea, Ferry & Bertot 2012), nous montrons que D. dendritica se reproduit par l'intermédiaire de médusoïdes. Ces vecteurs, porteurs des gamètes, sont en réalité des méduses atrophiées, dépourvues de bouche (incapables de se nourrir) et de tentacules. L'étude au microscope a également révélé l'absence de cellules myoépithéliales dans la structure de l'ombrelle (cloche natatoire) du médusoïde, synonyme de l'incapacité de ceux-ci de se contracter, donc de nager. Les médusoïdes libèrent, par conséquent, leurs gamètes à l'intérieur même des gonothèques, puis dégénèrent sur place.

Les colonies restent fertiles pendant environ 5 jours, ce qui explique la rareté de l'observation du phénomène de reproduction chez cette espèce. Les sexes sont séparés et un seul médusoïde est produit par gonothèque. Une fois libérés dans la colonne d'eau, les gamètes mâles et femelles fusionnent pour donner des zygotes; ceux-ci se divisent, donnant naissance à une larve nageuse (planula) qui, une fois fixée sur un substrat adéquat, se métamorphose en un polype primaire, qui régénérera une nouvelle colonie.

Les médusoïdes sont très largement absents au sein de la Famille des Plumulariidae, dont fait partie D. dendritica. Seuls deux exceptions sont connues à ce jour, dont une qui implique un congénère du Brésil, D. bidentata (Jäderholm, 1920). Le médusoïde de cette dernière est morphologiquement différent, puisqu'il possède des cellules myoépithéliales qui lui permettent de se contracter afin de sortir de sa gonothèque, puis de nager activement et de disperser ainsi ses gamètes dans la colonne d'eau.

Il existe des indications que les 4 autres espèces connues de Dentitheca se reproduiraient par l'intermédiaire de médusoïdes, mais des études sur le vivant sont nécessaires pour vérifier ces suppositions.

(2) la découverte d'une nouvelle espèce de Nemalecium (Fig. F-I)
. Tout plongeur en eaux chaudes (Atlantique, Indo-Pacifique) aura remarqué, voire touché, le très connu et urticant Nemalecium lighti (Hargitt, 1924), l'unique espèce connue de son genre.

Lors de ma dernière plongée en Martinique avec Romain et Jean-Marie, nous avons eu la surprise de trouver un hydraire avec de grosses gonothèques visibles à l'œil nu, poussant abondamment sur des fils de pêche accrochés au fond.

Nous avons examiné des échantillons à l'aide d'une loupe binoculaire et nous nous sommes vite rendu compte que les gonothèques portaient et libéraient des médusoïdes. L'identité de l'hydraire fut vite trouvée: il appartenait, sans l'ombre d'un doute, au genre Nemalecium… sauf que ses polypes étaient en perpétuel mouvement à la recherche de nourriture, leurs tentacules s'élevaient indépendamment à des hauteurs différentes, et la région gastrique était typiquement colorée en jaune intense, tout pour le distinguer de son congénère N. lighti.

Nous avons documenté par des photos la libération des médusoïdes et des observations en laboratoire ont permis de mettre en évidence des caractères morphologiques permettant de distinguer, de façon objective, notre trouvaille de N. lighti.

Notre espèce a été nommée N. gracile, faisant ainsi allusion au port des colonies, moins robustes et plus petites (jusqu'à 3,5 cm) que celles de N. lighti. Les médusoïdes nageurs de ces deux espèces montrent une homogénéité structurelle au sein du genre, à l'exception des produits de leurs cellules urticantes, les cnidocystes. Une étude microscopique minutieuse a ainsi permis de mettre en évidence deux autres types de cnidocystes jamais documentés chez Nemalecium, faisant passer leur nombre de 2 à 4.

Des colonies de N. gracile ont été trouvées ultérieurement sur les feuilles de Thalassia testudinum, sur l'algue Halimeda sp., des bivalves (ex. Pinna carnea) et autres substrats artificiels, alors que N. lighti affectionne notamment les éponges, les parties mortes des gorgones et les tubes de certains gros polychètes.

Bibliographie:

Galea, H.R. (2010) Additional shallow-water thecate hydroids (Cnidaria: Hydrozoa) from Guadeloupe and Les Saintes, French Lesser Antilles. Zootaxa, 2570, 1–40.

Galea, H.R., Ferry, R. & Bertot, J.M. (2012) Medusoids in the life cycle of Detitheca dendritica et Nemalecium gracile sp. nov. (Cnidaria: Hydrozoa). Zootaxa, 3527, 43–54.

Wedler, E. (2004) Inducción de formación de gonóforos de hidrozoos en el medio natural para fines taxonómicos. Revista Intropica, 1, 85–90.


Edit VM : liens rajoutés
Romain (OCEANvironnement) FERRY
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Romain (OCEANvironnement) FERRY le 27/10/12

Merci à tous pour les encouragements. S'il n'y avait pas eu l'équipe de Doris et des Doriens nous n'aurions jamais rencontré Horia qui est quelqu'un d'exceptionnel et qui fourni un travail de recherche inestimable.
Anne PROUZET
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Anne PROUZET le 27/10/12

Et j'oubliais, une mention particulière pour la commission bio du CRESSMA Martinique, qui a eu l'audace et le courage d'organiser la mission Hydraires en Martinique !
Comme dit Philippe, merci aux amateurs passionnés grâce à qui les choses arrivent !
Anne PROUZET
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Anne PROUZET le 27/10/12

Génial ! Je viens juste de découvrir le post et je suis enthousiasmée.
Les images sont fabuleuses aussi.

Bravo, félicitations Horia, tu fais vraiment avancer la connaissance avec tes travaux. Tout ce que j'espère, c'est que tu pourras continuer et apporter ton expertise sur toutes les autres "eaux" françaises, où il y a encore de la friche !
Tu sais que tu peux compter sur notre soutien.

Je vais reprendre ces informations passionnantes et détaillées dans la fiche.

Merci à toute l'équipe de Martinique de nous avoir ménagé la surprise en gardant le secret, (Romain et Jean-Marie vous avez vraiment l'oeil pour débusquer les petites merveilles ! )
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Horia GALEA le 27/10/12

Merci à tous ceux qui nous ont adressé de gentils mots!
Frédéric ANDRÉ
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Frédéric ANDRÉ le 26/10/12

Merci pour ce très beau travail qui fait avancer la connaissance,
Félicitation aux auteurs,
Amitiés,
Fred
Daniel BURON
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Daniel BURON le 26/10/12

bonsoir
Bravo, bravo, bravo ; et Véro a bien raison
bubu
Véronique LAMARE
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Véronique LAMARE le 26/10/12

Bravo, on en redemande.
Vincent MARAN
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Vincent MARAN le 26/10/12

Encore un très beau résultat scientifique qui découle, on peut le dire, du magnifique réseau qui s'est mis en place, et continue à prospérer, grâce à DORIS.

Bravo à Horia, Romain et Jean-Marie.

Bien amicalement

Vincent
Philippe BOURJON
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Philippe BOURJON le 26/10/12

Bravo ausi à Romain et Jean-Marie! Ce n'est ni la première ni la dernière fois que des "amateurs" passionnés sont à l'origine de découvertes scientifiques, et c'est vraiment réjouissant!
Et ce qui le serait encore plus, c'est que davantage de scientifiques se rendent compte de ce qu'ils ratent en ignorant le travail de ces observateurs obsinés et souvent très compétents...
Frédéric ZIEMSKI
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Frédéric ZIEMSKI le 26/10/12

Merci infiniment Horia pour ces nouvelles et pour ces trouvailles !!!
Et bravo...

Très amicalement
Frédéric

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