Corps comprimé latéralement, un peu arqué ventralement et couleur jaune-sable
Observé de face, il louche
Antennes au moins 3 fois plus longues que les antennules
Pattes 3 beaucoup plus longues que les 4 et 5
Longueur jusqu'à 18 mm (femelles) et 25 mm (mâles)
En haut des plages de sable fin, sous les algues de la laisse de mer
Ecrelle, piulé, pou de sable, puce de mer, puce de sable, sautereau, sauterelle, sauticot de sable, talitre sauteuse
C'hwenn-mor (breton), Puça (catalan)
Sand hopper, beach flea (GB), Strandfloh (D), Strandvlo (NL), Zmieraczek plażowy (Polonais), Karkaleci i rërës (Albanais), Lys sandhopper (DK)
Oniscus locusta Pallas P. S., 1766
Cancer (Gammarus) saltator Montagu, 1808
Astacus Locusta Pennant, 1812
Talitrus littoralis Leach, 1814
Talitrus locusta Leach, 1814
Talitrus locustra Sars, 1890
Atlantique Nord-Est, Manche, Méditerranée
Zones DORIS : ● Europe (côtes françaises), ○ [Atlantique Nord-Est, Manche et mer du Nord françaises], ○ [Méditerranée française]Le talitre sauteur est présent dans l'Atlantique Nord depuis le sud de la Norvège et la Baltique jusqu'à la Macaronésie* (Açores, Canaries). Il est aussi présent en Méditerranée et en mer Noire. En France, il a été signalé sur toutes les côtes mais il est cependant moins commun sur les côtes méditerranéennes à cause de l'absence de marées (et de l'étroitesse des plages ?).
Le talitre sauteur se rencontre sur le sable fin du haut des plages, sous les débris divers et les algues des laisses de mer. Dans ce milieu, c'est souvent l'espèce dominante. Les algues fournissent un abri avec une humidité ambiante.
Le corps du talitre sauteur est très épais, court, robuste et lisse. Il est aplati sur les côtés (comprimé latéralement) et un peu arqué ventralement.
Sa tête est grosse. Ses yeux (sessiles = non pédonculés*) sont ronds et noirs : en regardant de face l'animal droit dans les yeux, on a l'impression qu'il louche. Les antennes* sont au moins 3 fois plus longues que les antennules. Les antennules* atteignent l'extrémité du 4e article du pédoncule des antennes et n'ont pas de flagelle accessoire.
Le gnathopode* I est simple, robuste, épineux. Le gnathopode II est simple et peu développé ; son carpe* est dilaté dans sa partie proximale et son propode* est plus court que le carpe. Les pattes 3 sont beaucoup plus longues que les 4 et 5. Les uropodes* sont épineux. Le telson* est près de deux fois plus large que long.
Chez le mâle, les antennes sont rouge-orangé et beaucoup plus développées que chez les femelles. Elles atteignent presque la longueur du corps ; leur flagelle est très robuste et se compose de 33 à 35 articles.
La longueur totale de l'animal peut atteindre 18 mm chez les femelles et 25 mm chez les mâles qui sont donc nettement plus gros que les femelles. La couleur est assez variable, souvent jaune-sable avec ou sans taches brunes. Le tube digestif est souvent visible par transparence et se présente comme un fil sombre médio-dorsal sous la cuticule*.
Dans le genre Talitrus, le talitre sauteur T. saltator est la seule espèce européenne. Une confusion est possible avec l'orchestie de Deshayes Deshayesorchestia deshayesii chez laquelle le mâle possède au second gnathopode une pince très développée munie d'un forte épine à la base du propode. Des marques brunes sont fréquentes sur le corps de cette espèce qui se rencontre dans les mêmes biotopes que T. saltator mais y est beaucoup moins abondante et se situe dans la zone supralittorale* inférieure donc légèrement plus basse dans la zonation que T. saltator qui se situe de préférence dans la zone supralittorale supérieure.
Sur les estrans rocheux ces deux espèces sont remplacées par l'orchestia - puce de mer Orchestia gammarellus qui ne louche pas.
Le talitre sauteur est nécrophage* et détritivore*. Son alimentation est constituée de végétaux en épave arrivant sur les plages et d'origine marine ou terrestre (algues, zostères, feuilles mortes...) et d'organismes marins morts, notamment d'origine planctonique*, transportés par le vent, comme des vélelles ou des janthines. Les algues en décomposition (algues brunes en particulier) fournissent donc une source de nourriture à ces puces de mer qui sont de véritables éboueurs recyclant tous les détritus organiques.
Le talitre sauteur est gonochorique*. La différenciation sexuelle est plus précoce chez les mâles que chez les femelles ; elle se manifeste entre 1 et 4 mois après l'éclosion et à partir de 8,5 mm de longueur totale. Au moment de la reproduction, les femelles développent des oostégites* bordés de soies à la base des pattes thoraciques ; les mâles devenus pubères (adultes) possèdent un appareil copulateur (une sorte de pénis) sur la face interne des 7e péréiopodes*.
La reproduction qui dépend de la photopériode a lieu en été. Les femelles pondent puis incubent leurs œufs de mai à août. L'espèce a une ou deux générations par an. La fécondité fluctue de 10 à 23 œufs selon la taille des femelles. L'incubation dure 8 à 20 jours selon la température ambiante. Il n'y a pas de larve*, le développement est direct. Ce sont des juvéniles semblables aux adultes qui quittent la poche incubatrice de la femelle.
La durée de vie des talitres varie de 6 mois dans le sud de sa zone de distribution à 21 mois dans le nord.
Les prédateurs du talitre sauteur sont principalement des oiseaux limicoles* comme les gravelots Charadrius hiaticula et C. alexandrinus, le bécasseau variable Calidris alpina, le pipit maritime Anthus petrosus ou le tournepierre à collier Arenaria interpres. Les Laridés (mouettes et goélands) peuvent également mettre les puces de mer à leur menu.
Il existe des prédateurs plus petits, par exemple certains coléoptères comme la grande nébrie des sables Eurynebria complanata ou la cicindèle maritime Cicindela maritima. Enfin le hérisson Erinaceus europaeus, l'araignée-loup Arctosa perita, le lézard des ruines Podarcis siculus et l'hirondelle de rivage Riparia riparia peuvent être occasionnellement des prédateurs du talitre sauteur.
Le talitre sauteur est par ailleurs parasité par la grégarine du talitre Cephaloidophora talitri. Des nématodes pathogènes peuvent éventuellement s'en prendre aux talitres. Le talitre sauteur est accompagné dans son habitat par d'autres espèces d'amphipodes comme Deshayesorchestia deshayesii, Britorchestia brito, Orchestia gammarellus et de l'isopode Tylos europaeus.
Le talitre peut faire des bonds d'une vingtaine de cm de hauteur. C'est la partie arrière du corps qui, déplié soudainement, assure le saut par appui sur les pattes caudales (uropodes*).
Le talitre sauteur se tient peu profondément dans le sable humide pendant la journée. Il n'y a pas réellement de terrier élaboré. Des glandes tégumentaires produisent une sécrétion consolidant les parois des galeries et évitent au sable de coller à l'animal.
Les spécimens s'apprêtant à muer se positionnent en haut de la plage. Dissimulés le jour dans des terriers juste sous la surface du sédiment, les talitres sont très actifs la nuit et fuient la marée montante. Leur localisation en haut d'estran est fonction du cœfficient de la marée. Le talitre nage très bien mais ne supporte pas une immersion prolongée dans l'eau.
L'animal semble grégaire et se concentre là où les conditions sont favorables (humidité, nourriture...) avec des densités pouvant atteindre plusieurs centaines d'invidus / m2. Le déplacement rapide (fuite devant un prédateur ou en cas de dérangement) se fait par bonds successifs suivi d'un enfouissement.
Les déplacements horizontaux peuvent se faire de la terre vers la mer (et vice et versa) et aussi parallèlement au rivage . En une nuit, un animal peut parcourir jusqu'à 200 m. L'animal utilise la lumière (solaire ou lunaire) pour s'orienter. Son activité qui dépend de la photopériode* commence au crépuscule et dure pendant toute la nuit.
L'animal entre plus ou moins en hibernation en hiver et s'enfouit alors plus profondément que d'habitude (à plusieurs dizaines de cm de la surface).
Le talitre sauteur est sensible aux pollutions marines de surface, en particulier aux marées noires, aux pollutions par les métaux lourds, par les substances anti-salissures, les "marées vertes" etc. Il est également très affecté par le tourisme et la sur-fréquentation estivale des plages, en particulier suite au nettoyage mécanique qui supprime les laisses de mer. La pollution lumineuse côtière pourrait perturber l'espèce dans son rythme d'activité. Les talitres ont tendance à disparaître des zones polluées aussi le genre Talitrus est-il considéré comme un indicateur biologique de la bonne qualité de l'eau de mer.
T. saltator joue un rôle écologique important dans la mesure où il contribue à l'aération du sable sous les algues en décomposition et assure un transfert d'énergie entre la production primaire par les algues et les niveaux trophiques* plus élevés représentés par leurs prédateurs.
Talitre et sauteur sont les noms français correspondant au nom latin.
Talitrus : du latin [talitrum] = chiquenaude (léger coup donné avec un doigt qu'on replie contre le pouce et qu'on relâche brusquement)
saltator : du latin [saltatorie] = en sautant, en dansant.
Numéro d'entrée WoRMS : 103220
Termes scientifiques | Termes en français | Descriptif | |
---|---|---|---|
Embranchement | Arthropoda | Arthropodes | Animaux invertébrés au corps segmenté, articulé, pourvu d’appendices articulés, et couvert d’une cuticule rigide constituant leur exosquelette. |
Sous-embranchement | Crustacea | Crustacés | Arthropodes à exosquelette chitineux, souvent imprégné de carbonate de calcium, ayant deux paires d'antennes. |
Super classe | Multicrustacea | ||
Classe | Malacostraca | Malacostracés | 8 segments thoraciques, 6 segments abdominaux. Appendices présents sur le thorax et l’abdomen. |
Sous-classe | Eumalacostraca | Eumalacostracés | Présence d’une carapace recouvrant la tête et tout ou partie du thorax. |
Super ordre | Peracarida | Péracarides | Les femelles sont dotées d'une cavité d'incubation formée par des expansions lamelleuses des péréiopodes. |
Ordre | Amphipoda | Amphipodes | Péracarides comprimés latéralement, dépourvus de carapace, et possédant de nombreuses paires d'appendices souvent modifiés. Ils sont représentés par les gammares, les talitres, les caprelles... |
Sous-ordre | Senticaudata | ||
Famille | Talitridae | Talitridés | |
Genre | Talitrus | ||
Espèce | saltator |
Un beau mâle
Sur cette vue latérale droite, il est possible de voir les antennes colorées en orange et presque aussi longues que le corps, caractéristiques du mâle. Le corps massif, globuleux, avec une cuticule lisse est propice à l'enfouissement dans le sable.
Landrellec (22), estran
16/03/2010
Sur le sable
La coloration générale du talitre sauteur est similaire à celle du sable. La ligne noire médio-dorsale correspond à l'intestin visible par transparence. Les antennes orange puis blanches pourraient correspondre à une amputation suivie d'une régénération bilatérale : une prédation ratée?
Locmaria Plouzane (29), estran
27/04/2015
Je louche
Si on regarde le talitre sauteur de face bien dans les yeux, on a l'impression qu'il louche ; c'est un des critères de reconnaissance utiles sur le terrain. Les antennes orangées et relativement longues semblent indiquer qu'il s'agit d'un mâle.
Pleubian (22)
16/04/2014
A table
La nourriture du talitre sauteur est constituée principalement d'algues et d'autres débris apportés par la mer en haut de plage. Il raffole des algues brunes... (à gauche). De nuit, le talitre sauteur est plus clair et a les yeux moins noirs que de jour (détail à droite). L'intestin noir central ne peut pas changer de couleur car c'est son contenu qui lui donne sa teinte sombre et non des cellules pigmentaires ou visuelles.
Pleumeur-Bodou (22), île Grande, estran, en début de nuit
07/2011
Des petits trous, des petits trous...
Pour se protéger de la déshydratation et des prédateurs, le talitre sauteur creuse des trous dans le sable fin du haut des plages.
Landrellec (22), estran
16/03/2010
Acrobaties dans une laisse de plage
Le talitre sauteur vit principalement au niveau des laisses de plage où il trouve protection et nourriture. Il doit y faire parfois des acrobaties pour s'y mouvoir. Les antennes blanches et relativement courtes semblent indiquer qu'il s'agit d'une femelle.
Rayol, Canadel-sur-mer (83), estran
18/06/2010
Laisse de plage
Sur les plages méditerranéennes, en raison de la sur-fréquentation touristique estivale, les laisses de mer sont souvent "nettoyées" et disparaissent au grand dam des talitres sauteurs qui ne trouvent plus d'habitat favorable à la nutrition et à la reproduction.
Rayol, Canadel-sur-mer (83), haut de plage
18/06/2010
Marques brunes sur le dos
Dans un environnement sombre, le talitre sauteur présente une robe avec des nuances brunes pour mieux se dissimuler dans la laisse de mer.
Rayol, Canadel sur mer (83), haut de plage
18/06/2010
Tout gris
La couleur d'ensemble du talitre sauteur présente des variations locales : ici, ce mâle est plutôt gris-bleu.
Saint-Jacut-de-la-mer (22), estran
24/04/2008
Sur le sable de la haute plage
Les antennes relativement courtes et bleutées de cet individu indiquent qu'il s'agit d'une femelle. La ligne noire sur le dessus de l'abdomen correspond à l'intestin visible par transparence sous les téguments.
Presqu'île Renote, Trégastel (22), estran
07/2009
A Noirmoutier
Pour voir un talitre sauteur, le rencontrer dans son biotope, à l'heure où il sort se dégourdir les pattes :
- haut de l'estran
- plage de sable moyen à fin
- le soir vers 21h00 donc en extrême début de nuit
- très proche d'un paquet d'algues de la laisse de mer.
Île de Noirmoutier (85), plage de Barbâtre
08/2013
Rédacteur principal : Pierre NOËL
Vérificateur : Véronique LAMARE
Responsable régional : Véronique LAMARE
Barbier M., Charniaux-Cotton H., Fried-Montaufier M.C. 1966, Présence dans les secondes antennes des mâles de Talitrus saltator et Orchestia gammarella (Crustacés Amphipodes) d'un taux relativement élevé d'astaxanthine, Comptes rendus de l'Académie des Sciences de Paris, série D, 263 (20), 1508-1510.
Barrois T., 1888, Catalogue des Crustacés marins, recueillis aux Açores durant les mois d'août et septembre 1887, Le Bigot frères éd., Lille, 1-110.
Bellan-Santini D., Bigot L., Bourcier M., Massé H., Picard J., Poizat C., Roman M.-L., 1994, Les biocénoses benthiques : substrats meubles. in Bellan-Santini D., Lacaze J.-C., Poizat C., eds, Les biocénoses marines et littorales de Méditerranée, synthèse, menaces et perspectives. Coll. Patrimoines naturels, Secrétariat de la faune et de la flore, Muséum national d'histoire naturelle, Paris, 19, 52-76.
Chassé C., 1978, Esquisse d'un bilan écologique provisoire de l'impact de la marée noire de L" Amoco-Cadiz" sur le littoral. in Journée spéciale Amoco Cadiz, Brest, France, 7 Juin 1978, Publications du C.N.E.X.O, série "Actes de colloques" n° 6, 115-134.
Dauvin J.-C., Bellan-Santini D., 2002, Les crustacés amphipodes Gammaridea benthiques des côtes françaises métropolitaines: bilan des connaissances. Crustaceana, Leiden, 75(3-4), 299-340.
Garnaud J., 1942, Les talitres, essai d'une nouvelle alimentation pour l'élevage des salmonidés, Bulletin Français de Pisciculture, 127, 65-70.
Le Roux M.-L., 1937, Les amphipodes gammariens dans le Calvados. Répartition et caractéristiques biologiques. Mémoires de la Société linnéenne de Normandie, nouvelle série - section zoologique, 1(2), 1-47.
Reid D. M., 1947, Talitridae (Crustacea Amphipoda), Synopses of the British Fauna, Harrow, 7, 1-25.
Toulmond A., Truchot J.-P., 1964, Inventaire de la Faune Marine de Roscoff (Nouvelle série), Amphipodes, Éditions de la Station Biologique de Roscoff, supplément aux Travaux de la station biologique de Roscoff, 1-38.
La page de Talitrus saltator dans l'Inventaire National du Patrimoine Naturel : INPN