Aplysie translucide beige clair à brun rougeâtre
Manteau strié de lignes brunes et des taches bleues
Corps couvert de papilles simples ou ramifiées
Petite taille, de l'ordre de 6 à 7 cm
A faible profondeur, parfois en très grand nombre
Lièvre de mer à points bleus, lièvre de mer à anneaux bleus
Lined sea hare, blue ring sea hare, furry sea hare (GB), Blaupunkt Seehase (D)
Aplysia striata Quoy & Gaimard, 1832
Stylocheilus longicauda Quoy & Gaimard, 1825
Notarchus polyomma Mörch, 1863
Aclesia polyomma (Mörch, 1863)
Stylocheilus erythraeus Bergh, 1908
Cette espèce a longtemps posé problème quant à son nom. Le doute concernait Stylocheilus longicauda et provenait des descriptions originales respectives de Quoy & Gaimard, en 1825 et 1832, qui laissaient planer quelques incertitudes sur l'identité de chacune, suggérant que ces deux morphes étaient probablement de la même espèce. Il a fallu attendre le début du 20s. pour que ces espèces soient un peu plus clairement séparées par les spécialistes, l'espèce rayée correspondant à S. striatus.
Indo-Pacifique
Zones DORIS : ● Indo-Pacifique, ○ [Mer Rouge], ● CaraïbesLongtemps, le lièvre de mer strié a été soupçonné d'une une distribution circumtropicale* ( mer Rouge, Indo-Pacifique tropical et océan Atlantique tropical).
Une révision de 2020 cantonne dorénavant S. striatus dans l'Indo-Pacifique tropical, de la mer Rouge à Hawaï..
Stylocheilus striatus se rencontre de la zone intertidale* jusqu'à 30 m de profondeur. On le trouvera surtout à faible profondeur, sur fond sablo-vaseux, là où se développent les algues et les cyanobactéries qui composent l'essentiel de son alimentation.
Ce petit lièvre de mer au corps allongé peut atteindre 6 à 7 cm de long. Le corps translucide beige clair à brun rougeâtre présente de fines lignes brunes ou vertes et des taches de même couleur dont la zone centrale est bleue. La tête porte deux paires de tentacules. A la base des rhinophores* on peut distinguer les yeux. Des papilles simples ou ramifiées couvrent le corps.
Comme les autres aplysies, l'animal dérangé produit un liquide violet. Il ne possède pas de coquille et la branchie est visible dorsalement, entre les parapodes*.
Cette aplysie ressemble de loin à Bursatella leachii mieux connue des aquariophiles.
Elle a été longtemps confondue avec Stylocheilus longicauda (Quoy & Gaimard, 1825) dans certaines publications.
Depuis 2020, Stylocheilus striatus est réservé à l'Indo-Pacifique (de la mer Rouge aux îles hawaïennes) et 2 autres espèces proches sont dorénavant établies dans d'autres régions :
Stylocheilus striatus broute les algues microscopiques ainsi que le film de cyanobactéries qui se développe sur les rochers ou à la surface des sédiments vaseux. Lors des efflorescences* (blooms) de Lyngbya majuscula (cyanobactérie produisant des toxines - voir la rubrique informations complémentaires), Stylocheilus striatus s'en nourrit sans dommage. Accessoirement, on l'a déjà observé brouter des éponges.
Stylocheilus striatus comme toutes les aplysies est hermaphrodite* simultané (chaque individu peut jouer en même temps le rôle du mâle et celui de la femelle). Le pénis, rétracté quand il n'est pas en fonction, sort sur le côté droit. L'orifice génital femelle est placé un peu plus en arrière. Les animaux peuvent ainsi former de longues chaînes d'accouplement ou un individu est mâle pour le précédent et femelle pour le suivant.
La ponte forme un long cordon brun ou verdâtre accroché au substrat (comme un tas de spaghettis). Les œufs sont blanchâtres.
Cette aplysie est consommée par plusieurs espèces d'Opisthobranches comme Philinopsis speciosa et Gymnodoris aurita.
Comme d'autres lièvres de mer, Stylocheilus striatus produit un liquide violacé lorsqu'il est dérangé.
Cette espèce peut parfois se rencontrer en très grand nombre : plusieurs milliers d'individus sur quelques mètres carrés et des files de centaines d'individus se suivant comme des chenilles processionnaires. Ce comportement grégaire a été décrit à plusieurs endroits dans le monde : îles Caraïbes, Hawaï, grande barrière australienne. Il est nommé "swarming" (= essaimage) par les anglophones. On penserait a priori à un phénomène saisonnier pour la reproduction se produisant au printemps (de septembre à novembre dans l'hémisphère sud) mais il y a des exceptions. Il a été observé en novembre 2005 dans le lagon de la Saline sur l'île de la Réunion par Ph. Bidgrain et D. Nardin.
Toutefois l'interprétation de ce phénomène de fortes concentrations d'individus appartenant à la même espèce est assez controversée. Le Dr. B. Rudman pose la question de l'origine de ces concentrations saisonnières : correspondent-elles à une migration vers un endroit précis ou à une attraction due à des phéromones* ou encore ces organismes sont-ils accumulés passivement par les vagues, les courants, le vent ?
Comme ces accumulations conduisent à des mortalités massives, Rudman pencherait plutôt pour une conjonction d'évènements comme une installation massive de larves, un bon développement de l'algue fourrage, de bonnes conditions climatiques pendant la période de croissance, etc... (Rudman, 2002).
Cette espèce stocke des toxines issues de la cyanobactérie qu'elle consomme.
La cyanobactérie Lyngbya majuscula (Dillwyn) Harvey, 1833 sécrète différentes toxines comme l'aplysiotoxine et la débromaplysiotoxine (les molécules ont d'abord été découvertes chez le mollusque) à l'origine de démangeaisons chez des nageurs (à Hawaï par exemple) lors de fortes efflorescences* de cette espèce. Ces toxines après études se révèlent fortement cancérigènes.
Stylocheilus striatus selon Capper & all (2002) est un consommateur vorace de Lyngbya majuscula et contient dans sa glande digestive l'aplysiotoxine et la débromaplysiotoxine. Du fait de la localisation de ces substances dans la glande digestive, les auteurs ne pensent pas qu'il s'agisse pour le mollusque d'un système de défense.
Stylocheilus striatus a une large phase de dispersion planctonique et les larves semblent préférer Lyngbya majuscula pour se poser. Cependant, notre mollusque peut consommer de nombreuses autres algues voire même des éponges, mais ne semble pas indisposé par une consommation parfois exclusive de Lyngbya majuscula et possède certainement un système de protection contre ces toxines capables d'induire des tumeurs chez les animaux de laboratoire.
Lièvre de mer strié : francisation de son nom scientifique, en rapport direct avec les stries que l'espèce porte sur le corps.
Stylocheilus : du grec [stylos] = colonne et [cheilos] = lèvre : sur la partie inférieure de la bouche, la lèvre est dilatée latéralement et forme des expansions coniques aiguës comme une troisième paire de tentacules. Ce caractère, avec les tentacules munis de papilles, sont les caractéristiques du genre Stylocheilus créé par John Gould en 1852.
striatus : du latin [striatus] = strié.
Numéro d'entrée WoRMS : 224662
Termes scientifiques | Termes en français | Descriptif | |
---|---|---|---|
Embranchement | Mollusca | Mollusques | Organismes non segmentés à symétrie bilatérale possédant un pied musculeux, une radula, un manteau sécrétant des formations calcaires (spicules, plaques, coquille) et délimitant une cavité ouverte sur l’extérieur contenant les branchies. |
Classe | Gastropoda | Gastéropodes | Mollusques à tête bien distincte, le plus souvent pourvus d’une coquille dorsale d’une seule pièce, torsadée. La tête porte une ou deux paires de tentacules dorsaux et deux yeux situés à la base, ou à l’extrémité des tentacules. |
Sous-classe | Heterobranchia | Hétérobranches | |
Ordre | Aplysiida | Aplysides | Coquille petite (ou absente) généralement recouverte par le manteau (parapodes). Présence ou non d’une branchie plissée, tête portant des tentacules et des rhinophores. Cavité palléale située à droite. Mangeurs de végétaux. Tous marins, zones côtières. |
Famille | Aplysiidae | Aplysiidés | |
Genre | Stylocheilus | ||
Espèce | striatus |
Une aplysie facilement identifiable
Stylocheilus longicauda est une petite aplysie translucide beige clair. Son manteau présente de nombreuses papilles ramifiées. Observez les lignes qui parcourent son corps ainsi que les minuscules points bleus.
La Réunion, 5 m
26/10/2005
Tache bleues
Cet individu en extension nous permet d'admirer les très belles taches bleues de sa robe.
Egypte, 15 m
15/05/2009
Tête et oeil
Le petit point noir situé en avant des rhinophores est l’œil de l’aplysie.
Lagon de l'Ermitage, La Réunion, 1,5 m
07/11/2010
Sur un fond meuble
Cette aplysie affectionne les fonds meubles peu profonds, où se développent les algues et les cyanobactéries qui composent l'essentiel de son alimentation.
Combien d'individus voyez-vous sur cette photo ?
La Réunion, 5 m
26/10/2005
Agrégation
Les épisodes de reproduction réunissent de nombreux individus. Il y en avait une cinquantaine sous le bloc qui servait d’abri à ces individus.
Lagon de l'Ermitage, La Réunion, 1,5 m
07/11/2010
Ponte
Les cordons verts contenant les œufs sont déposés sur toute la surface concernée par l’agrégation et sont éventuellement entassés les uns sur les autres. On voit ici un individu qui semble avoir du mal à se libérer de l’un de ces cordons.
Lagon de l'Ermitage, La Réunion, 1,5 m
07/11/2010
Détail de la ponte
Comme on le voit sur cette photo, les œufs peuvent être verdâtres, la gaine les contenant étant translucide.
Lagon de l'Ermitage, La Réunion, 1,5 m
07/11/2010
Juvénile
Cette photo prise de nuit montre un individu d’à peine plus d’1 cm qui semble chercher un signe lui permettant de s’orienter. Il n’y avait aucun individu de son espèce aux alentours.
Lagon de l'Ermitage, La Réunion, 1,5 m
27/10/2010
Des chenilles processionnaires ?
Eh non... il s'agit de centaines d'aplysies.
Ce comportement correspond-il à une migration vers un endroit précis ou à une attraction dûe à des phéromones ou encore ces organismes à larve planctonique sont-ils accumulés passivement par les vagues, les courants, le vent ?...
La Réunion, 5 m
27/10/2005
Swarming
...Rudman pencherait plutôt pour une conjonction d'évènements comme une installation massive de larves, un bon développement de l'algue fourrage, de bonnes conditions climatiques pendant la période de croissance, etc...
La Réunion, 5 m
27/10/2005
Quand le doute subsistait...
Il a longtemps existé un certain différent entre spécialistes concernant cet animal.
Certains considéraient que l'espèce pouvait être celle décrite par Quoy & Gaimard au 18e s. comme Stylocheilus longicauda.
Depuis la fin des années 1990, début 2000, des convictions se sont formées et certains auteurs des années 2010-2012, respectant le doute existant encore dans la littérature, ont nommé cette version striée comme "la forme benthique de S. longicauda", sans oser la nommer S. striatus.
Dorénavant, les publications récentes (post 2013) nomment S. longicauda la version jaune et sans lignes généralement rencontrée dans les algues
flottantes, et baptisent cette espèce-ci, avec les rayures, Stylocheilus striatus.
WoRMS répertorie les deux espèces. La raison de ce dilemme revient probablement aux auteurs des descriptions initiales des deux taxons : Quoy & Gaimard.
Il faudra sans doute se pencher sur cette ambiguïté à la lumière des études phylogénétiques et dans l'attente, DORIS suit la voie de deux espèces séparées, à l'instar de ses sites de référence taxonomique.
Etang salé, La Réunion, 50 cm, de nuit, en PMT
Frédérique & Sébastien VASQUEZ
28/11/2014
A La Réunion ! (dans tous les sens de l'expression)
Jeunes et vieux, même combat !
Les agrégations en vue de l’accouplement réunissent des individus de tous âges.
lagon de l'Ermitage, La Réunion, 1,5 m
10/11/2010
En mer Rouge
Cet individu présente une teinte brun chocolat, presque rougeâtre. Les papilles ramifiées sont nettement visibles.
Abu Galawa, Fury Shoal, Egypte, 15 m
14/05/2009
Rédacteur principal : Daniel NARDIN
Rédacteur : Yves MÜLLER
Vérificateur : Frédéric ZIEMSKI
Vérificateur : Alain-Pierre SITTLER
Responsable historique : Frédéric ZIEMSKI
Responsable régional : Yves MÜLLER
Apte D., 2013, A first record of the benthic form of Stylocheilus longicauda (Quoy & Gaimard, 1824) (Anaspidea: Aplysiidae) from Gujarat and Maharashtra along the mainland west coast of India, Journal of Threatened Taxa, 5(17), 5299–5300.
Bazzicalupo E., Crocetta F., Gosliner T.M., Berteaux-Lecellier V., Camacho-García Y.E., Chandran B.K.S., Valdés Á., 2020, Molecular and morphological systematics of Bursatella leachii de Blainville, 1817 and Stylocheilus striatus Quoy & Gaimard, 1832 reveal cryptic diversity in pantropically distributed taxa (Mollusca : Gastropoda : Heterobranchia), Invertebrate Systematics, 34, 535-568.
Capper A., Tibbets I., O'Neil J.M., Shaw G.R., 2002, A review of feeding preference and deterrence in three faunal aspect species associated with cyanobacterial blooms of Lyngbya majuscula in Southeast Queensland, Australia. Pdf disponible ici.
2017, The embryonic life history of the tropical sea hare Stylocheilus striatus (Gastropoda: Opisthobranchia) under ambient and elevated ocean temperatures, PeerJ 5:e2956.
Jochum A., Favre A., 2017, First record of the sea slug Stylocheilus striatus (Quoy & Gaimard, 1825) (Anaspidea, Aplysiidae) and swarm-ing behavior for Bazaruto Archipelago, Mozambique with the first record of Pleurobranchus forskalii Rüppel & Leuckart, 1828 (Nudipleura, Pleurobranchidae) for Bazaruto Island (Gastropoda, Heterobranchia), Check List, 13(5), 435–441.
Nagle D.G., Camacho F.T., Paul V.J., 1998, Dietary preferences of the opisthobranch mollusc Stylocheilus longicauda for secondary metabolites produced by the tropical cyanobacterium Lyngbya majuscula, Marine Biology, 132, 267-273.
Quoy J.R., Gaimard J.P., 1832, VOYAGE DE DECOUVERTES DE L'ASTROLABE PENDANT LES ANNEES 1826-1827-1828-1829, SOUS LE COMMANDEMENT DE M.J. DUMONT D'URVILLE, ZOOLOGIE, 2, 1-686.
Yonow N., Hayward P.J., 1991, OPISTHOBRANCHES DE L'ILE MAURICE, AVEC LA DESCRIPTION DE DEUX ESPECES NOUVELLES (MOLLUSCA : OPISTHOBRANCHIA), Revue française d'aquariologie herpétologie, 18(1), 1-30.
Rudman W.B., 1999 (August 5), Stylocheilus striatus (Quoy & Gaimard, 1832). [In] Sea Slug Forum. Australian Museum, Sydney.
La page de Stylocheilus longicauda (pour S. striatus) dans l'Inventaire National du Patrimoine Naturel : INPN