Demoiselle à points bleus

Stegastes lacrymatus | (Quoy & Gaimard, 1825)

N° 3243

Mer Rouge, océan Indien, océan Pacifique Ouest et centre

Clé d'identification

Taille maximale 10 cm
Couleur dominante brune à grise plus ou moins foncée
Pédoncule caudal brun clair à blanc
Taches bleu électrique éparses sur le corps et la tête
Nageoires dorsale, anale et caudale largement couvertes d’écailles

Noms

Autres noms communs français

Boeteur perlé (Maldives), marmite (Maurice), demoiselle mouchetée

Quoy et Gaimard lui donnent le nom commun de « Glyphisodon Vidal », l’épithète spécifique étant de nom d’un chirurgien de la marine mort de la fièvre jaune pendant l’expédition qui a mené à la découverte de l’espèce.

Noms communs internationaux

Whitespotted devil, jewel damsel, jewel damselfish, yellowtail, princess damselfish, ocellate damselfish (GB), Juwelen Riffbarsch (D), Juweel-nooientjie (Afrique du Sud)

Synonymes du nom scientifique actuel

Glyphisodon lacrymatus Quoy & Gaimard, 1825
Abudefduf lacrymatus (Quoy & Gaimard, 1825)
Plectroglyphidodon lacrymatus (Quoy & Gaimard, 1825)
Glyphisodon nivosus Hombron & Jacquinot, 1853
Abudefduf florulentus (Günther, 1862)
Glyphidodon florulentus Günther, 1862

NB : Le nom scientifique de la demoiselle à points bleus était jusqu’en mai 2021 Plectroglyphidodon lacrymatus. L’espèce a changé de genre à la suite d’une étude basée sur l’ADN* (Tang et al.), pour devenir Stegates lacrymatus. La majeure partie de la littérature scientifique qui lui était jusqu’alors consacrée, et qui a servi à l’élaboration de cette fiche, utilise le nom devenu synonyme mais il s’agit bien de la même espèce.

Distribution géographique

Mer Rouge, océan Indien, océan Pacifique Ouest et centre

Zones DORIS : ● Indo-Pacifique, ○ [Mer Rouge]

L’espèce est présente en mer Rouge et dans les zones tropicales et subtropicales de l’océan Indien et des parties Ouest et centre du Pacifique.
Sur la bordure ouest de l’océan Indien, on la trouve du Yémen (île de Socotra) au nord de l’Afrique du Sud (KwaZulu-Natal). Vers l’est, elle est documentée des Comores aux côtes australiennes, en passant par Madagascar, les Mascareignes*, les Seychelles, les Maldives, l’Inde et la mer d’Andaman.
Dans l’ouest de l’océan Pacifique, elle est documentée du sud du Japon à l’Australie ; sa distribution vers l’est va jusqu’à l’archipel des Australes (Polynésie française), en passant par la Nouvelle-Calédonie et la plupart des îles comprises entre ces limites.

Biotope

La demoiselle à points bleus vit en milieu récifal dans des biotopes* mêlant des massifs coralliens et des zones sablo-détritiques. Elle privilégie les substrats* couverts d’algues.
Sa distribution verticale va de 1 à 40 mètres.

Description

Description succincte : ce poisson-demoiselle peut mesurer jusqu’à 10 cm. Son dos est élevé et son profil ventral nettement convexe. La tête est massive et pointue. La caudale est fourchue. La couleur dominante peut aller du brun au gris. La moitié supérieure du corps est constellée de nombreuses taches bleu électrique. Ces taches sont plus petites sur la tête. Les nageoires dorsale, anale et caudale sont largement couvertes d’écailles, dont certaines portent des taches bleues. La base des pectorales est noire. Le pédoncule* caudal est brun clair, jaunâtre ou blanc.

Description détaillée :
Morphologie
Le corps de la demoiselle à points bleus est ovale avec un dos élevé et un arc ventral prononcé. Il est comprimé latéralement. Sa hauteur (distance calculée à l’aplomb de la base du troisième rayon dur de la dorsale) entre 1,8 à 1,9 fois dans sa longueur standard* (longueur sans la queue). Il est couvert d’écailles de grande taille. La taille maximale généralement documentée pour l’espèce est de 10 cm, mais un spécimen préservé par J.E. Randall mesure 10,7 cm.

La tête vue de profil est massive et pointue. La nuque et l’espace interorbitaire* sont couverts de petites écailles, qui deviennent plus grandes sur la plaque sous-orbitaire, le préopercule* et l’opercule*. La bouche est terminale et protractile* ; elle est petite et oblique, avec des lèvres épaisses et ourlées. Il n’y a qu’une paire de narines. Les yeux sont globuleux, haut placés, de grande taille et indépendants.

La nageoire dorsale épineuse dessine un arc de cercle. Ses deux premières membranes sont fortement échancrées, les autres l’étant de moins en moins en progressant vers l’arrière.
Les rayons de la dorsale molle sont nettement plus longs et forment une pointe orientée vers l’arrière.
L’anale est aussi haute que la dorsale molle et de forme à peu près identique, mais sa pointe est plus arrondie.
La nageoire caudale est fourchue. Ces trois nageoires (dorsale, anale, caudale) sont largement couvertes d’écailles plus petites que celles du corps, seules leurs franges en étant dépourvues.
Les pectorales sont relativement longues, leur pointe arrive à l’aplomb du 9e ou 10e rayon dur de la dorsale quand elles sont plaquées sur le corps.
Les pelviennes sont longues et pointues.

Couleurs
La couleur dominante du corps est un brun plus ou moins foncé qui peut virer au gris anthracite plus ou moins bleuté. Le pédoncule caudal est brun clair, jaunâtre ou blanc. Le bord des écailles est noirâtre, ce qui donne au corps un aspect réticulé. Certaines de ces écailles, situées dans la moitié supérieure du corps chez les adultes, portent en leur centre une tache bleu électrique (parfois parme, et/ou entourée d’un halo blanchâtre). Ces taches ont tendance à se raréfier, voire à disparaître, chez les grands adultes. On peut trouver des écailles marquées de taches parme sur l’abdomen.

La couleur de la tête est la même que celle du corps, dans une teinte parfois plus foncée ou verdissante. Elle porte de nombreuses taches bleues de taille variable mais plus petites que celles du corps. Les écailles présentes sur la plaque sous-orbitaire, le préopercule et l’opercule peuvent être de couleur bleue ou parme. L’iris* des yeux est doré autour de la pupille et cuivre ou brun, avec ou sans petites taches bleues au-delà.

La dorsale et l’anale sont de la même couleur que le corps, à l’exception de la frange postérieure beige à orange sale de la nageoire dorsale (et parfois, de façon plus discrète, de l’anale). Certaines des écailles qui les recouvrent portent des points bleus plus petits que ceux qui marquent le corps. La dorsale a un liseré distal bleu ; l’anale porte un liseré bleu sur son bord antérieur. La première partie des rayons de la caudale peut être beige pâle, jaunâtre ou blanche en fonction de la couleur du pédoncule caudal, et ses membranes sont translucides. La base des pectorales est bleu marine à noire, ses rayons sont bruns et ses membranes translucides à jaune sale. Les pelviennes ont des rayons bruns, une membrane de couleur identique à celle du corps et un liseré bleu sur leur bord antérieur.

La livrée de stress ajoute à la couleur du corps des lignes verticales irrégulières d’écailles plus pâles, qui se répartissent sur les flancs et s’accompagnent, quand le stress augmente, d’un pâlissement du dos et d’une à plusieurs selles de même couleur sur la nuque. Ces lignes peuvent être réduites à quelques écailles isolées. Il semble que cette livrée puisse provoquer un brunissement du pédoncule caudal, qui devient alors de la même couleur que le corps.

La livrée des juvéniles est décrite dans la section consacrée à la reproduction.

Espèces ressemblantes

Dans le sud-ouest de l’océan Indien la demoiselle à points bleus peut être confondue avec Stegastes pelicieri. Les deux espèces se ressemblent beaucoup, mais chez S. pelicieri le pédoncule caudal est de la même couleur que le corps (vs très généralement brun clair à blanc chez S. lacrymatus). De plus, la dorsale épineuse compte 14 rayons chez S. pelicieri alors qu’il n’y en a que 12 chez S. lacrymatus. Le décompte de ces rayons d’après photo est relativement aisé quand cette nageoire est déployée, ce qui n’est pas rare quand on approche de ce poisson territorial et agressif.

Alimentation

La demoiselle à points bleus est essentiellement herbivore, mais elle manifeste aussi une omnivorie opportuniste (certains auteurs la considèrent même comme omnivore). Elle se nourrit d’algues qu’elle « cultive » dans un « jardin », ainsi que de la microfaune épiphyte qu’elles portent, de diatomées*, de divers détritus organiques, de cyanobactéries, et à l’occasion de zooplancton*. Les algues ingérées sont diverses : on peut y trouver des algues rouges des genres Polysiphonia, Gelidiopsis, Laurencia, Polysiphonia, Gelidium, etc., des algues corallines du genre Amphiroa, ainsi que des microalgues.

Reproduction - Multiplication

A notre connaissance et à la date de publication de cette fiche (11/2024), la reproduction n’est pas documentée chez cette espèce. Toutefois, les Pomacentridés sont tous des pondeurs démersaux* dont les œufs sont pondus et fertilisés sur le substrat. Ils font l’objet de soins parentaux qui diffèrent selon les espèces. La reproduction se fait en couples (vs en groupes). Les larves* sont pélagiques*.

La durée de vie larvaire de l‘espèce, calculée d’après l’examen des otolithes* de 10 individus prélevés à Palau, se situe entre 18 et 23 jours (Wellington et Victor, 1989), et entre 22 et 27 jours pour 6 individus prélevés sur la Grande barrière de corail (Australie) et en Papouasie-Nouvelle Guinée (Thresher et al., 1989). A l’issue de cette période dont elles ne peuvent pas reculer l’échéance, les post-larves* devront trouver un récif pour le coloniser*. Contrairement à d’autres espèces, qui peuvent adapter leur durée de vie larvaire aux circonstances, cette nécessité limite la capacité de dispersion de la demoiselle à points bleus.

Les juvéniles ont le dos nettement moins haut que les adultes et un profil ventral beaucoup moins convexe. Leur couleur de fond est un vert olive plus ou moins cuivré et plus ou moins foncé. De grosses taches rondes bleu électrique cerclées de noir sont présentes sur l’ensemble du corps et la nageoire dorsale (parfois aussi l’anale). Ces taches sont plus petites sur la tête. La dorsale molle, l’anale et la caudale sont translucides avec des rayons jaunâtres. Une grande tache noire plus ou moins circulaire marque la partie postérieure de la dorsale épineuse et le haut du dos. Cette marque peut porter des taches bleues identiques à celles du corps. Contrairement à ce qu’on observe chez les adultes, le pédoncule caudal est de la même couleur que le corps.

Vie associée

Stegastes lacrymatus est l’hôte spécifique du ver trématode Derogenes pearsoni.

Divers biologie

La demoiselle à points bleus vit sur un territoire de 1 à 2 m2, isolé ou limitrophe de celui d’individus de son espèce ou d’autres, dans lequel elle « cultive » plusieurs espèces d’algues (gazon algal comme macroalgues). Elle ne procède pas systématiquement, comme le font d’autres espèces de demoiselles « jardinières », au désherbage (évacuation des espèces d’algues indésirables). Cependant, on trouve toujours davantage d’algues nourricières et de détritus organiques dans ses territoires qu’à l’extérieur et les algues y sont plus longues. Elle défend agressivement son territoire contre les espèces herbivores (poissons comme oursins). Dans le cas de territoires contigus, elle est plus agressive envers ses conspécifiques* qu’envers les autres espèces. Ce qui expliquerait pourquoi, étant donné le coût énergétique de leur défense, les territoires contigus à ceux de conspécifiques sont plus petits et plus riches en algues nourricières que les territoires isolés.

Stegastes lacrymatus défèque exclusivement dans une à quatre petites portions de la périphérie de son territoire, et très majoritairement dans l’une d’elles quand plusieurs sont utilisées. Ces micro-emplacements dédiés se trouvent à l’écart de la zone de nourrissage.

Une étude faite en conditions expérimentales en 2006 (Parmentier et al.) montre que Stegastes lacrymatus produit des sons à l’occasion de comportements agressifs. Des sons qualifiés de « bruits secs » étaient émis quand un observateur approchait de l’aquarium où étaient réunis six individus. Ils expriment probablement l’agressivité liée à la territorialité. De nombreuses espèces de la famille des Pomacentridés émettent des sons variés durant la chasse et à l’occasion de comportements agressifs ou de reproduction.

La dentition de la demoiselle à points bleus est constituée par une rangée de dents incisiformes* sur chaque mâchoire.

L’espèce est diurne*.

La nageoire dorsale comprend 12 rayons durs et de 15 à 18 rayons mous, l’anale comprend 2 rayons durs et de 13 à 14 rayons mous. Les pectorales ont de 18 à 20 rayons.
La ligne latérale* contient 17 à 21 écailles perforées.

Informations complémentaires

Les juvéniles du poisson-chirurgien Acanthurus pyroferus sont mimétiques des poissons-anges du genre Centropyge. Dans un site de Papouasie-Nouvelle Guinée, ces juvéniles imitent l'ange Centropyge vroliki pour limiter l’agressivité de la demoiselle à points bleus Stegates lacrymatus quand ils se nourrissent sur le territoire de cette dernière (Eagle et Jones, 2004). Les contenus stomacaux montrent que la diète* du poisson-ange diffère de celle de la demoiselle, ce qui expliquerait sa tolérance, alors que celle du chirurgien est plus proche de la sienne. Randall (2005) relativise l’argument de la diète et pense que la moindre agressivité de la demoiselle viendrait plutôt du caractère méfiant du poisson-ange, qui se précipite dans un abri à la moindre approche. Quoi qu’il en soit, les juvéniles du chirurgien Acanthurus pyroferus profitent ainsi à la fois d’une nourriture abondante et d’un territoire protégé par un propriétaire agressif.

Une étude menée dans l’archipel des Chagos (Gunn et al., 2023) montre que les comportements territoriaux de Stegastes lacrymatus ne sont pas les mêmes selon que ses territoires avoisinent une île infestée par des rats noirs (Rattus rattus) ou une île qui en est exempte. Les territoires sont plus grands et le niveau d’agressivité de la demoiselle est moins élevé dans le premier cas que dans le second. Cela est dû à la moindre richesse qualitative de la ressource et en conséquence à une réduction du coût énergétique de la défense d’un territoire à la fois grand et pauvre. Le guano des oiseaux de mer contient en effet des substances azotées qui enrichissent l’apport nutritionnel des algues consommées par les poissons herbivores. Or, les rats s’attaquent aux œufs, aux poussins et aux adultes de ces oiseaux, entraînant leur déclin ou leur disparition, et modifient ainsi les comportements de certaines espèces de poissons.

Statuts de conservation et réglementations diverses

Le statut de l’espèce n’est pas évalué par l’UICN*.

Origine des noms

Origine du nom français

Demoiselle : ce nom commun est donné à l’ensemble des Pomacentridés (et parfois aussi aux poissons-anges). Il semble associé aux assemblages de couleurs vives qui constituent la livrée de la plupart des espèces de ces groupes, peut-être en référence à une présumée coquetterie vestimentaire chez les jeunes filles.

à points bleus : en référence aux taches bleues qui marquent le corps de l’animal.

Origine du nom scientifique

Stegastes : du verbe grec [stegazo], qui signifie « héberger », par extension « garnir d'un toit » et par dérivation, couvrir de tuiles.
Le genre est créé en 1840 par Leonard Jenyns (1800-1893), homme d'église et naturaliste britannique, dans The zoology of the voyage of H. M. S. Beagle, under the command of Captain Fitzroy, R. N., during the years 1832 to 1836 (Partie IV, pp. 62-63). Il indique que l’équivalent latin du mot grec [stegastes] est [tector], dérivé du verbe [tego], qui signifie « couvrir, recouvrir », et il note dans sa description latine que les nageoires impaires sont presque entièrement couvertes d’écailles. Il ajoute dans sa description en anglais, pour distinguer le genre nouveau du genre Pomacentrus, qu’aucune des espèces du second genre n’a les nageoires dorsale et anale aussi complètement couvertes d’écailles que l’espèce qu’il examine. C’est donc cette particularité qui motive le choix du nom du genre.
Le genre contient actuellement 30 espèces acceptées. L’espèce-type* est Stegastes imbricatus.

lacrymatus : ce mot vient du verbe latin [lacrimo], qui signifie pleurer, verser des larmes.
L’espèce est décrite en 1825 par les naturalistes français Quoy et Gaimard, dans Voyage autour du Monde... exécuté sur les corvettes de S. M. "L'Uranie" et "La Physicienne," pendant les années 1817, 1818, 1819 et 1820 (Tome 3, Descriptions des Poissons, chap. IX, pages 388-389) sous le nom scientifique de Glyphisodon lacrymatus. Les descripteurs n’expliquent pas le choix de l’épithète spécifique, sans doute parce qu’ils l’ont fait plus haut dans le même volume (p. 204), en décrivant le Tetraodon lacrymatus (l’actuel Arothron meleagris) de Cuvier, et en précisant que son descripteur l’a ainsi nommé à cause des multiples taches blanches dont le corps de ce poisson est couvert. Or, Quoy et Gaimard mentionnent dans leur description que la robe de G. lacrymatus est « agréablement parsemée de petits points blancs opalins » (le bleu a disparu sur le poisson préservé). On peut donc penser que l’épithète spécifique de S. lacrymatus lui vient également des taches bleues qui couvrent son corps.
La localité du type* est l’île de Guam, dans le Pacifique.

Classification

Numéro d'entrée WoRMS : 1551095

Termes scientifiques Termes en français Descriptif
Embranchement Chordata Chordés Animaux à l’organisation complexe définie par 3 caractères originaux : tube nerveux dorsal, chorde dorsale, et tube digestif ventral. Il existe 3 grands groupes de Chordés : les Tuniciers, les Céphalocordés et les Vertébrés.
Sous-embranchement Vertebrata Vertébrés Chordés possédant une colonne vertébrale et un crâne qui contient la partie antérieure du système nerveux.
Classe Teleostei
Famille Pomacentridae Pomacentridés
Genre Stegastes
Espèce lacrymatus

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