Anoli grêle

Saurida gracilis | (Quoy & Gaimard, 1824)

N° 2478

Indo-Pacifique tropical, mer Rouge, Méditerranée

Clé d'identification

Corps fuselé à tête aplatie et pédoncule caudal très fin, taille maximale : 32 cm
Bouche largement fendue laissant voir des gencives couvertes de petites dents villiformes
Couleur de fond gris pâle à beige, mouchetée de petites taches blanches
Trois selles noires généralement visibles sur le dos, bandes et taches noires intercalées sous la ligne latérale
Caudale fourchue

Noms

Autres noms communs français

Arna salace, vivace (Maurice)

Noms communs internationaux

Blotchy lizardfish, graceful lizardfish, gracile lizardfish, gracile saury, slender grinner, slender lizard fish, slender saury, graceful lizardfish (GB), Pesce lucertola gracile (I), Lagarto grácil (E), Peixe-banana gracioso (Portugais), Gespikkelde akkedisvis, sierlike akkedisvis (Afrique du Sud)

Synonymes du nom scientifique actuel

Saurus gracilis Quoy & Gaimard, 1824
Saurus minutus Lesueur, 1825

Distribution géographique

Indo-Pacifique tropical, mer Rouge, Méditerranée

Zones DORIS : ● Indo-Pacifique, ○ [Mer Rouge]

Cette espèce se rencontre en mer Rouge et dans les zones tropicales et subtropicales de l’océan Indien et du Pacifique Ouest et centre.
Sur la bordure ouest de l’océan Indien, on la trouve de Djibouti à la province du Cap oriental en Afrique du Sud, et vers l’est elle s’étend jusqu’à la mer d’Andaman et l’Australie en passant par Madagascar, les Mascareignes*, les Seychelles et les Maldives.
Dans le Pacifique, on la trouve d’ouest en est du sud du Japon à Hawaï et des côtes orientales de l’Australie à la Polynésie française en passant par la Nouvelle-Calédonie et la plupart des îles océaniques comprises entre ces limites.

Le premier signalement de l‘espèce en Méditerranée (et à notre connaissance le seul à la date de publication de cette fiche [11/2024]) a été fait en 2021 dans le golfe de Tunis. L’individu capturé est peut-être passé par le canal de Suez (ce serait donc une espèce lessepsienne*), mais l’absence de signalements de l’espèce en Méditerranée orientale peut aussi évoquer un transport de larves* dans les eaux de ballast des cargos en provenance de mer Rouge.

Biotope

Saurida gracilis est une espèce côtière et benthique* qu’on trouve sur des fonds sableux et sablo-détritiques ou limoneux ainsi que dans les herbiers des lagons* et des platiers*. On peut aussi la trouver sur fonds rocheux. Elle n’est pas dépendante des habitats coralliens.
Elle est commune entre 1 et 12 m, mais sa distribution verticale peut aller jusqu’à 135 m.

Description

Description succincte : le corps de ce poisson-lézard est long et fusiforme avec une tête aplatie large et pointue, et un pédoncule* caudal très fin. La bouche est largement fendue et elle laisse voir de nombreuses petites dents sur les gencives même quand la bouche est fermée. Les yeux, relativement gros, sont situés juste au-dessus de la bouche. Les nageoires dorsale et anale sont hautes et de faible longueur, la caudale est fourchue. La taille maximale documentée est de 32 cm.
La couleur de fond est gris pâle à beige au-dessus de la ligne latérale* et blanche en dessous. Elle est mouchetée de très nombreuses petites taches blanches et présente généralement trois selles* noires qui descendent jusqu’à la ligne latérale, dans la moitié postérieure du dos. Sous cette ligne se trouvent de larges bandes noires verticales irrégulières et des taches noires plus petites entre ces bandes.

Description détaillée :
Morphologie
Le corps de l’anoli grêle est long et fuselé, il s’amincit régulièrement de la partie postérieure de la tête au pédoncule* caudal. Sa tête est large et longue, son museau est pointu et son pédoncule caudal est comprimé et très fin. La hauteur du corps (calculée à l’aplomb du premier rayon de la dorsale) entre environ 7 fois dans la longueur standard* (LS = longueur sans la queue). Il est couvert par des écailles cycloïdes* de grande taille. La taille maximale documentée pour l’espèce est de 32 cm.

La longueur de la tête atteint ou dépasse le quart de la longueur standard. Vue de dessus, elle est en forme d’ogive à pointe arrondie. La nuque est aplatie et le museau est court ; il descend en oblique de l’espace interorbitaire* vers la lèvre supérieure. La bouche, terminale et oblique, est très largement fendue : la commissure des lèvres dépasse la verticale de la limite supérieure du préopercule*. Les lèvres forment un rebord le long des mâchoires, et un petit bec à leur extrémité antérieure. La partie extérieure des gencives, toujours visible, porte une multitude de petites dents villiformes* plus ou moins couchées vers l’intérieur. Les yeux, placés en position dorsolatérale, sont globuleux ; le diamètre de la protubérance dans laquelle ils sont enchâssés fait à peu près la moitié de la hauteur de la tête à leur niveau. Ils saillent de part et d’autre de l’espace interorbitaire et se situent juste au-dessus de la lèvre supérieure, à peu près à l’aplomb de la moitié de sa longueur. Il y a deux paires de narines ; les narines antérieures sont dotées d’un rabat charnu long et fin sur leur bord postérieur.

Aucune nageoire n’a de rayons durs. La dorsale est haute (la hauteur de ses premiers rayons est égale ou supérieure à celle du corps) et sa base est courte (elle ne porte que 11 rayons mous) ; elle se situe à peu près au milieu de la longueur standard. La taille de ses rayons diminue régulièrement du premier au dernier. Une très petite nageoire adipeuse se trouve à la verticale du septième rayon de la nageoire anale. L’anale, qui se situe très en arrière de la dorsale, a la même morphologie qu’elle mais elle est moins haute. La caudale est nettement fourchue. Les pectorales sont relativement longues : quand elles sont plaquées contre le corps, leur pointe dépasse l’aplomb de la base des pelviennes. Les pelviennes sont très longues, leur pointe atteint l’aplomb de la deuxième moitié de la dorsale. Elles sont placées latéralement de part et d’autre de l’abdomen* (pas sous le ventre) et sont donc particulièrement éloignées l’une de l’autre.

Couleur
La couleur de fond au-dessus de la ligne latérale* est gris pâle à beige plus ou moins jaunâtre ou verdissant. Elle est barrée par des zones légèrement plus foncées formant des selles* discrètes et est mouchetée de très nombreuses petites taches blanches dispersées sans ordre apparent. Elle est blanche sous la ligne latérale*. Trois larges selles noirâtres à noires qui rejoignent la ligne latérale sont présentes en partie postérieure du dos : la première se trouve derrière la dorsale, la deuxième derrière la nageoire adipeuse et la troisième au bout du pédoncule caudal. Ces selles peuvent être manifestes ou être diluées en groupes de taches noires plus ou moins denses jusqu’à parfois presque disparaître, notamment en situation de stress. Certains individus présentent en outre cinq à six barres obliques jaunâtres au-dessus de la ligne latérale, dont certaines peuvent fusionner. La ligne latérale est chevauchée par huit à dix grosses taches noires vaguement circulaires qui se prolongent en autant de bandes grossièrement rectangulaires jusqu’à la partie ventrale. Entre ces bandes se trouvent des taches noires à peu près circulaires. Trois des bandes verticales prolongent les selles noires de la partie dorsale. Ces motifs sont eux aussi susceptibles de se déliter et de devenir très discrets. La ligne latérale, généralement bien visible, se manifeste par une série de tirets blancs et forme une carène discrète dans le dernier tiers du corps.

La tête présente les mêmes couleurs que la partie supérieure du corps au-dessus de la bouche. On peut souvent observer une ligne blanchâtre médiane de la pointe du museau à l’espace interorbitaire inclus, qui comprend parfois deux paires de ramifications latérales obliques, l’une rejoignant la lèvre supérieure, l’autre la partie supérieure des yeux. La pupille est noire, elle est entourée d’un cercle doré par l’iris*, qui est gris à beige avec des marques brunes parfois disposées en étoile au-delà. La partie située sous la bouche est blanche avec de larges taches brunes alignées transversalement sur la mâchoire inférieure. Les parties latérales des lèvres sont noirâtres et portent des bandes blanches plus ou moins régulièrement espacées, avec parfois un centre noir. Les gencives présentent 6 à 8 bandes verticales blanches alternant avec une couleur de fond noirâtre.

Les nageoires impaires sont translucides à jaunâtres avec des rayons alternant des segments noirs et blancs.
Les pectorales et les pelviennes présentent les mêmes couleurs et motifs, mais les segments noirs des rayons tendent à former des taches ovales plus ou moins alignées débordant sur les membranes.
La nageoire adipeuse est noire avec une à deux bandes transversales blanches.

La livrée de nuit ne diffère pas de la livrée diurne.

Espèces ressemblantes

Dans sa distribution, la présence de larges selles noires sur le dos et de grandes taches noires sous la ligne latérale distinguent Saurida gracilis de la plupart des espèces de son genre. Les exceptions sont les suivantes :

  • Saurida nebulosa : cette espèce était considérée comme un des synonymes de S. gracilis depuis 1904, jusqu’à ce que Waples la rétablisse en 1981 au rang d’espèce. Ces deux espèces, qui partagent leurs patrons de couleurs et l’essentiel de leur distribution, sont donc très difficiles à distinguer visuellement. Le seul moyen qui puisse occasionnellement y aider est la taille des pectorales, qui sont plus longues chez S. gracilis : quand elles sont plaquées sur le corps, leur pointe dépasse la partie antérieure de la base des pelviennes (la plupart du temps visibles) alors qu’elle l’atteint sans la dépasser chez S. nebulosa. Il est parfois possible d’utiliser ce critère de distinction sur le terrain ou d’après photo quand les pectorales sont déployées. La pointe des pectorales se trouve aussi à l’aplomb des 2e à 3e rangs d’écailles devant la dorsale chez S. gracilis (4e à 6e chez S. nebulosa) ; mais malgré la grande taille des écailles ce critère est particulièrement ardu à évaluer d’après photo pour les valeurs médianes quand cette nageoire est déployée, du fait des problèmes de perspective.
    Les autres différences sont peu ou pas visibles : la tête est proportionnellement un peu moins longue chez S. nebulosa, la taille de la mâchoire supérieure est différente, de même que la dentition et la pigmentation des branchies et du péritoine. Cependant, la taille maximale de S. nebulosa est moins grande (19 cm en longueur standard, vs 32 cm chez S. gracilis), ce qui permet de confirmer les individus dépassant les 22 à 23 centimètres.
    Concernant la distribution géographique : Saurida nebulosa n’est présente ni en mer Rouge ni en Méditerranée.

  • Saurida flamma : les gencives, visibles quand la bouche est fermée, sont rouge-orangé vif avec des barres verticales blanches régulièrement espacées. Cette espèce se rencontre à Hawaï, dans l’atoll Johnston, dans l’archipel des Australes et aux îles Pitcairn.
Quelques espèces du genre Synodus présentent des selles noires sur le dos et des marques noires sur et sous la médiane horizontale des flancs (par ex. S. dermatogenys, ou S. binotatus), mais aucune espèce du genre ne présente une bouche dont la partie extérieure des gencives, toujours visible dans le genre Saurida, est tapissée par de très nombreuses petites dents villiformes* avant la première rangée de grandes dents.

Alimentation

L’anoli grêle est carnivore. Il se nourrit essentiellement de poissons qu’il chasse à l’affût, et occasionnellement de crustacés.

Reproduction - Multiplication

A notre connaissance et à la date de publication de cette fiche (11/2024), la reproduction n’est pas documentée chez cette espèce. Toutefois, les Synodontidés sont des espèces gonochoriques* (les sexes sont séparés).

Une étude menée au sud-est de l’Inde (Muthupettai, État du Tamil Nadu) montre que les œufs de Saurida gracilis sont pélagiques* et se rencontrent presque toute l’année, avec un pic de décembre à février.

La livrée des juvéniles ne diffère pas de celle des adultes.

Vie associée

Le ver plathelminthe Osphyobothrus multivitellatus infeste les ouïes* de l’anoli grêle.

Divers biologie

Compte non tenu des petites dents qui tapissent ses gencives, la dentition de Saurida gracilis comprend une rangée de dents latérales longues, fines et pointues sur chaque mâchoire. On trouve en outre deux séries de dents palatines* de part et d’autre du palais : la plus extérieure est continue sur toute la mâchoire grâce à quelques dents présentes sur le vomer*, l’autre consiste en une plaque oblongue formée par trois à quatre courtes rangées de dents plus ou moins alignées près des bords internes de la première. De plus, la langue est couverte de très petites dents dirigées vers l’arrière.

L’anoli grêle chasse à l’affût, le plus souvent plus ou moins ensablé. Il capture des poissons circulant juste au-dessus du substrat*, mais il peut faire des ascensions fulgurantes pour capturer un poisson nageant à quelques mètres du fond.

Il fait confiance à son camouflage quand il est ensablé et se laisse alors approcher facilement pourvu que la manœuvre soit lente. S’il se sent repéré, il fuira pour se réensabler plus loin.

L’espèce est solitaire en dehors des périodes de reproduction.

Aucune nageoire n’a de rayons durs. La nageoire dorsale comprend 11 rayons mous (parfois 12) et l’anale 9 à 10. Les nageoires pectorales ont 13 rayons (parfois 12 ou 14). Les pelviennes ont 9 rayons.
La ligne latérale* comprend de 46 à 52 écailles.

Informations complémentaires

La présence de petites dents visibles sur les gencives quand la bouche est fermée est une caractéristique du genre Saurida.

La vessie natatoire* est atrophiée ou absente dans les espèces de la famille des Synodontidés.

La famille des Synodontidés comprend deux sous-familles : celle des Synodontinae, qui comprend les genres Synodus et Trachinocephalus, et celle des Harpadontinae, qui comprend les genres Saurida et Harpadon.

L’espèce est pêchée artisanalement. Elle peut aussi être une victime collatérale de la pêche au chalut.

Statuts de conservation et réglementations diverses

Le statut de Saurida gracilis pour l'UICN* est LC (Least Concerned, traduit par « Préoccupation mineure »), ce qui signifie que les informations recueillies sur l’espèce ne permettent pas de la classer dans les autres catégories, notamment dans les trois qui alertent sur une menace (CR : en danger critique d’extinction, EN : en danger, VU : vulnérable). En fonction de quoi elle n’est pas actuellement concernée par des mesures de protection.

Origine des noms

Origine du nom français

Anoli : les noms communs « anoli », ou « anole », viennent de celui d’un genre de lézards arboricoles (Anolis) présents notamment en Amérique centrale et aux Antilles. Cette comparaison vient de ce que la tête à museau pointu et à large bouche des poissons de la famille des Synodontidés évoque, plus ou moins selon les espèces, celle des lézards. On retrouve la comparaison dans le nom commun anglais de la famille (« lizardfishes », poissons-lézards).

grêle : traduction du nom d’espèce scientifique.

Origine du nom scientifique

Saurida : le genre est décrit en 1850 par le zoologiste français Achille Valenciennes (1794-1865) dans Histoire naturelle des poissons (Tome vingt-deuxième, Suite du livre vingt-deuxième, pages 499-500). Il le crée pour distinguer des espèces du genre Saurus (synonyme de l’actuel Synodus), créé par Cuvier, qui présentent notamment des différences dans l’organisation des dents palatines. Le nom latin [saurus] vient du grec [sauros], qui signifie « lézard ».
Le genre possède actuellement (2024) 23 espèces acceptées.

gracilis : le mot latin « gracilis » signifie mince, maigre ou grêle.
L’espèce est décrite en 1824 par les naturalistes français J.R.C. Quoy et J.P. Gaimard, dans Voyage autour du Monde... exécuté sur les corvettes de L. M. "L'Uranie" et "La Physicienne," pendant les années 1817, 1818, 1819 et 1820, chap. IX, pp. 224-225. Les descripteurs ont probablement trouvé malingre le spécimen qu’ils étudiaient et ils l’ont nommé Saurus gracilis, le « Saurus grêle ». Il faut dire qu’il s’agissait d’un très jeune individu mesurant 11,4 cm, alors que les grands adultes peuvent atteindre 32 cm.
La localité du type* se trouve dans l’archipel d’Hawaï (alors appelé îles Sandwich).

Classification

Numéro d'entrée WoRMS : 217662

Termes scientifiques Termes en français Descriptif
Embranchement Chordata Chordés Animaux à l’organisation complexe définie par 3 caractères originaux : tube nerveux dorsal, chorde dorsale, et tube digestif ventral. Il existe 3 grands groupes de Chordés : les Tuniciers, les Céphalocordés et les Vertébrés.
Sous-embranchement Vertebrata Vertébrés Chordés possédant une colonne vertébrale et un crâne qui contient la partie antérieure du système nerveux.
Classe Teleostei
Ordre Aulopiformes Aulopiformes
Famille Synodontidae Synodontidés
Genre Saurida
Espèce gracilis

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