Le crabe de vase, crabe noir, crabe de Brière, crabe de boue, crabe du Zuiderzee
Harris mud crab, Zuiderzee crab, dwarf crab, white-tipped mud crab, white fingered mud crab, estuarine mud crab, mud crab, estuarine crab (GB), Fango Granchio (I), Cangrejo de Harris, cangrejo del lodo, cangrejo del lodo de Harris (E), Brackwasserkrabbe, Rundkrabbe, Zuiderzeekrabbe (D), Østamerikansk, brakvandskrabbe (DK), Brakwaterkrabbetje, zuiderzeekrabbetje, zwart krabbetje (NL), Krabik amerykanski (Pol), Golandsky crab (Ru), Vitfingrad brackvattenskrabba (S)
Pilumnus harrisii Gould, 1841
Panopeus wurdemannii Gibbes, 1850
Heteropanope tridentata Maitland , 1874
Heteropanope tridentatus Maitland, 1874
Pilumnus tridentatus Maitland, 1874
Rhithropanopeus harrisii tridentatus Maitland, 1874
Atlantique nord-américain, Europe, Méditerranée
Zones DORIS : ● Atlantique Nord-Ouest, ● Europe (côtes françaises), ○ [Atlantique Nord-Est, Manche et mer du Nord françaises], ○ [Méditerranée française]Le crabe de vase américain est natif de la côte Atlantique nord-américaine entre le Nouveau Brunswick et le golfe du Mexique. Il a été introduit :
- En Europe où il a été signalé dès 1874 dans le Zuiderzee. Il y est présent dans de nombreux endroits (mer du Nord, Baltique, Suède, Danemark, Allemagne, Pays-Bas, Belgique, Grande Bretagne, Portugal, Espagne, Italie, Bulgarie, Roumanie). Il est aussi présent en mer Noire, mer Caspienne, Russie et Iran.
- Ailleurs dans le monde, il a été aussi introduit sur la côte du Pacifique nord-américain en Californie et dans l'Oregon, dans le canal de Panama, au Brésil et au Japon.
En France, l'espèce est considérée comme présente dès 1938 dans l'estuaire de la Loire où elle aurait été observée par des pêcheurs. Vingt ans plus tard, elle a été signalée plus "officiellement" dans le canal de Caen à la mer et dans l'estuaire de l'Orne en 1956. Par la suite elle a été signalée dans le port du Havre, en Basse Seine, dans le canal de Tancarville, en Grande Brière, dans les estuaires de la Loire, de la Gironde et de l' Adour. Plus récemment on l'a trouvée sur les côtes françaises méditerranéennes, dans l'étang de Berre, près de Marseille d'où elle a gagné l’estuaire du Vidourle, limite entre le Gard et l'Hérault. L'espèce semble en forte régression dans des endroits où elle était commune auparavant (estuaire de la Loire, par exemple). Dans les zones où l’espèce a été introduite, les populations présentent de fortes variations.
Cette espèce infralittorale* vit à faible profondeur en eau saumâtre (estuaires, lagunes, ports) et parfois en eau douce où des populations arrivent à se maintenir. On la rencontre habituellement entre 0 et 10 m de profondeur, avec un maximum de -37 m. Elle se tient souvent sous divers débris et entre les tubes du cascail Ficopomatus enigmaticus ; on la trouve aussi en compagnie la fausse moule brune Mytilopsis leucophaeta dans des milieux qui peuvent être légèrement vaseux, ou sous les pierres et parmi les coquilles d'huîtres. Ce petit crabe semble s’accommoder de milieux assez pollués, en particulier par les hydrocarbures où il est une des rares espèces à subsister dans de telles conditions.
Le crabe de vase américain est de taille modeste. La femelle est un peu plus petite que le mâle. Ce dernier mesure jusqu'à 20 mm de large et 15 mm de long. Les femelles peuvent être ovigères* à partir de 8 mm. Les plus grands spécimens connus atteignent 26 mm de large. Le poids varie de 1,5 à 4 g.
La carapace est quadrangulaire, avec des régions bien accentuées, unie et sans poils ; elle possède deux rangées transversales de granules sur la région antérieure et une rangée médiane sur sa face dorsale ainsi que sur les pattes. Ses bords antéro-latéraux sont arrondis avec quatre dents peu marquées dont les deux premières sont confondues et la dernière est la plus petite.
Les pinces sont fortes et inégales, la droite étant souvent la plus développée. Les pattes ambulatoires sont velues, minces, plus courtes que les pinces. Les segments abdominaux, chez la femelle, sont libres et individualisés ; chez le mâle les segments 3, 4, et 5 sont confondus.
Dorsalement, la couleur générale est gris-jaune sale à brun-vert avec parfois des points sombres rougeâtres sur la carapace ; la face ventrale est jaune pâle ; les doigts des pinces sont blanc-crème.
R. harrisii est la seule espèce du genre Rhithropanopeus. Dans les milieux estuariens qu'il fréquente, le crabe de vase américain est à peu près le seul à avoir sa forme un peu arrondie. Il a une ressemblance superficielle avec certains crabes de la famille des Pilumnidés (genre Pilumnus) ou Xanthidés (genre Xantho) mais ces crabes ne sont pas vasicoles et se rencontrent davantage sous les pierres ou en milieu sableux et franchement marin.
On peut rencontrer ce crabe dans les mêmes habitats côtiers que des Carcinus (C. maenas et C. astuarii) ou des Hemigrapsus (H. sanguineus, H. takanoi, H. nudus et H. oregonensis) mais ces espèces ont une forme de la carapace assez différente, pentagonale avec 5 dents antéro-latérales pour les premiers et plutôt carrée pour les derniers.
Le crabe de vase américain est omnivore ; il peut consommer à la fois des éléments végétaux et être prédateur d’animalcules (annélides polychètes, bivalves, amphipodes, ostracodes, copépodes, insectes...). Les adultes se nourrissent d'algues, de fins détritus ainsi que de petits crustacés, de moules comme la moule zébrée Dreissena polymorpha ou la moule commune Mytilus edulis. Les jeunes consomment des cnidaires tels la cordylophore de la Caspienne Cordylophora caspia. C'est un crabe très peu mobile qui creuse des galeries dans les berges et vit souvent à proximité de la petite balane ivoire Amphibalanus improvisus.
Les mues ont lieu principalement en fin d'hiver et au printemps. La maturité sexuelle est acquise au bout d'un an. Trois ou quatre jours après la copulation, la femelle pond 1 000 à 16 000 œufs selon sa taille et les conditions écologiques. Il y a plusieurs pontes successives. Les femelles ovigères* sont observées en été de juin à août. Le développement larvaire* comporte 4 stades zoé* et une mégalope*. Il se tient essentiellement à l'automne.
Sur les côtes atlantiques américaines, d'autres crabes comme ceux du genre Callinectes (ex. C. sapidus) ou du genre Hemigrapsus (ex. H. sanguineus) peuvent entrer en compétition avec le crabe de vase américain. Sur les côtes atlantiques européennes, les crabes compétiteurs potentiels sont le crabe vert atlantique Carcinus maenas et le crabe à pinceaux de Takano Hemigrapsus takanoi ; en Méditerranée ce pourrait être par exemple le crabe vert méditerranéen Carcinus aestuarii.
Outre les espèces compétitrices, divers prédateurs sont connus, en particulier des poissons comme l'anguille européenne Anguilla anguilla, l'anguille américaine Anguilla rostrata, le flet Platichthys flesus, le chaboisseau commun Myoxocephalus scorpius, la blennie vivipare Zoarces viviparus, et les esturgeons de la mer Caspienne. Des oiseaux côtiers (limicoles, laridés...) peuvent également consommer ces petits crabes. Enfin signalons que le crabe de vase américain est parasité par la sacculine Loxothylacus panopei, par un protozoaire : l'haplosporidie Minchinia cadomensis et par des virus voisins de l'Herpès.
Ce crabe originaire des côtes nord-américaines est le premier crabe à avoir été introduit en Europe. Il est maintenant acclimaté sur la plupart des côtes, y compris en certains endroits de la Méditerranée et de la mer Noire. Il est particulièrement présent dans les zones fortement anthropisées. Il pourrait se propager soit à l’occasion de transport d’huîtres dans les zones conchylicoles, soit via les salissures sur les coques des bateaux ou dans leurs ballasts. Ce crabe pourrait être vecteur du syndrome des points blancs (résultats du dépôt anormal de sels de calcium au niveau de l'épiderme cuticulaire).
L'espèce est trop petite pour avoir un intérêt halieutique. Elle ne semble pas produire habituellement de changements conséquents dans les milieux colonisés. C'est une source de nourriture potentielle pour les poissons d'estuaires.
La première partie "crabe de vase" évoque le milieu de vie habituel de l'espèce à savoir les estuaires plus ou moins vaseux, et "américain" fait référence à la zone géographique d'où l'espèce est native.
Rhithropanopeus : Du grec [Rheithron] = le courant, le lit d'un fleuve, et du latin [Panopeus] nom de genre de crabes principalement américains*
harrisii : espèce dédiée en 1841 par Augustus A. Gould au Dr. T. H. Harris.
*Dans la mythologie grecque, Panopeus était le fils de Phocus et d'Asteria et frère jumeau de Crisus. Le mot Panopeus lui-même veut dire "tout en œil" et sa signification dans le contexte de ce crabe est inconnue.
Numéro d'entrée WoRMS : 107414
Termes scientifiques | Termes en français | Descriptif | |
---|---|---|---|
Embranchement | Arthropoda | Arthropodes | Animaux invertébrés au corps segmenté, articulé, pourvu d’appendices articulés, et couvert d’une cuticule rigide constituant leur exosquelette. |
Sous-embranchement | Crustacea | Crustacés | Arthropodes à exosquelette chitineux, souvent imprégné de carbonate de calcium, ayant deux paires d'antennes. |
Classe | Malacostraca | Malacostracés | 8 segments thoraciques, 6 segments abdominaux. Appendices présents sur le thorax et l’abdomen. |
Sous-classe | Eumalacostraca | Eumalacostracés | Présence d’une carapace recouvrant la tête et tout ou partie du thorax. |
Super ordre | Eucarida | Eucarides | Présence d'un rostre. |
Ordre | Decapoda | Décapodes | La plupart marins et benthiques. Yeux composés pédonculés. Les segments thoraciques sont fusionnés avec la tête pour former le céphalothorax. La première paire de péréiopodes est transformée en pinces. Cinq paires d'appendices locomoteurs (pinces comprises). |
Sous-ordre | Brachyura | Brachyoures | Les brachyoures ont un abdomen réduit replié sous le céphalothorax. Ils sont représentés par les crabes et les araignées de mer. |
Famille | Panopeidae | Panopeidés | |
Genre | Rhithropanopeus | ||
Espèce | harrisii |
Crabe de 3/4 face
Noter la couleur brun sombre et les grosses pinces.
Cadman corner, Nouveau Brunswick, Canada, 5 m
18/10/2007
Crabe de profil
Sur ce cliché, il est possible de voir la carapace relativement lisse et les pattes poilues. La couleur d'ensemble est brun sombre.
Cadman Corner, Nouveau Brunswick, Canada, 5 m
18/10/2007
Dans l'étang de Bolmon, couvert de vase
Ce petit crabe mesure environ 25 mm. Sur la photo il est recouvert de sédiment orange gluant, c'est le milieu dans lequel il vit.
Etang de Bolmon, étang de Berre (13), <1 m
18/12/2018
Petit crabe farouche
Ce petit crabe (15 mm environ pour la largeur de la carapace) est très farouche. Il a été observé ici prés du déversoir d'eau douce EDF et où l'eau est peu salée. Il s'agit probablement d'un jeune individu.
Chemin du Canet, Saint-Chamas, étang de Berre (13), 0,5 m
20/06/2020
Petit crabe farouche (2)
Il était petit (15 mm pour la largeur de la carapace) et très farouche
Chemin du Canet, Saint-Chamas, étang de Berre (13), 0,5 m
20/06/2020
Dessin ancien
Vue dorsale montrant la morphologie générale du crabe de vase américain. Noter la pince droite un peu plus forte que la gauche comme c'est habituel chez cette espèce.
Dessin tiré de la publication suivante : Holthuis L. B., 1987. Vrais crabes. in Fischer W., M. Schneider, M.-L. Bauchot. Fiches FAO d'identification des espèces pour les besoins de la pêche. Méditerranée et Mer Noire. Zone de pêche 37. Révision I. Volume I. Végétaux et invertébrés, éditions F.A.O., Rome : 321-367.
Reproduction de documents anciens
1987
Rédacteur principal : Pierre NOËL
Correcteur : Pierre NOËL
Responsable régional : Laurent FEY
Breton G., 2005, Le port du Havre (Manche orientale, France) et ses peuplements: un exemple de domaine paralique en climat tempéré, Bulletin de la Société Zoologique de France, Paris, 130(4), 381-423.
Brunel P., Bossé L., Lamarche G., 1998, Catalogue of the marine invertebrates of the Estuary and Gulf of Saint Lawrence, Canadian Special Publication of Fisheries and Aquatic Sciences, 126, 1-405.
Christiansen M. E., 1969, Crustacea Decapoda Brachyura. Marine Invertebrates of Scandinavia, Oslo, Norvegian University Press, (2), 1-143.
Dewarumez J.-M., Gevaert F., Massé C., Foveau A., Grulois D., 2011, Les espèces marines animales et végétales introduites dans le bassin Artois-Picardie, UMR CNRS 8187 LOG et Agence de l’Eau Artois-Picardie, 1-132.
Eno N. C., Clark R. A., Sanderson W. G. (eds), 1997, Non native marine species in British waters: a review and directory, Joint Nature Conservation Committee, Peterborough, U.K, 1-152.
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et procès verbaux des réunions - Commission internationale pour
l'exploration scientifique de la Mer Méditerranée, Monaco,
36, 407.
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La page de Rhithropanopeus harrisii dans l'Inventaire National du Patrimoine Naturel : INPN