Madrépore colonial de couleur brune
Colonies encroûtantes et parfois partiellement bosselées
Polypiérites entièrement immergés dans les parties épaisses des colonies
Calices de 1 à 2,5 mm de diamètre
Polype avec 24 tentacules épais et courts
Oculine
Encrusting coral (GB), Madrepora incrustante (I), Madrepora encrustante, madrepora patagonica (E), Krustenkoralle (D), Korstkoraal (NL)
Méditerranée
Zones DORIS : ● Europe (côtes françaises), ○ [Méditerranée française]Le madrépore encroûtant est endémique* de Méditerranée où il a une très large répartition. Il est commun, sauf dans le nord du bassin occidental où il est plus rare. Il est quand même présent sur les côtes françaises, au moins à Marseille (13) et à Banyuls-sur-Mer (66). En Espagne, son expansion est rapide vers le nord de la Catalogne.
Il occupe plus de 20 000 km2 en Méditerranée et la surface qu'il colonise augmente régulièrement.
Il y a peu, il a été introduit accidentellement à Veracruz (Mexique) dans le golfe du Mexique où des colonies sont observées depuis 2015.
Cette espèce généralement photophile* se rencontre entre 1 et 10 m de profondeur, sur les fonds rocheux de préférence calcaires ou sur substrats* artificiels comme dans les ports par exemple. On la rencontre parfois dans des grottes superficielles.
Contrairement à la majorité des espèces de Scléractiniaires, cette espèce semble très tolérante à la pollution, aux variations de salinité, du pH et de la température de l’eau (observée entre 11 °C et 26 °C).
Oculina patagonica est un corail dur, ou madrépore, colonial. Les colonies sont le plus souvent encroûtantes et parfois bosselées, voire buissonnantes mais jamais arborescentes. Quand elles sont buissonnantes, les branches sont réduites à des excroissances courtes peu ramifiées et ne sont présentes que sur une partie de la colonie. Les colonies, de couleur brune, peuvent faire de quelques centimètres carrés à quelques mètres carrés. L'épaisseur de la colonie est faible à sa périphérie mais peut atteindre plusieurs centimètres dans sa partie centrale.
Les polypiérites*, colonnes calcaires supportant chacune un polype*, sont entièrement immergés dans la masse calcaire de la colonie dans les parties épaisses et ne dépassent pratiquement pas alors que dans les parties les plus fines, ils dépassent de 2 à 4 mm formant des structures évoquant des petits volcans. Ils sont généralement très serrés les uns contre les autres. Les calices* (cratères) des polypiérites mesurent de 1 à 2,5 mm de diamètre et portent 12 septes* principaux bien visibles alternant avec 12 septes plus fins et discrets. La columelle* est très réduite.
Le polype compte 24 tentacules* épais et courts, disposés en 2 couronnes. Ils sont bruns marqués de petites verrues blanches.
Il existe plusieurs autres espèces dans le genre Oculina qui se trouvent toutes dans l'océan Atlantique tropical Est et Ouest. La présence de polypiérites entièrement enfoncés dans la masse calcaire est spécifique à O. patagonica.
En Méditerranée, on peut rencontrer d'autres madréporaires mais ils ont tous des tentacules proportionnellement plus longs. Parmi les coraux coloniaux citons :
Cladocora caespitosa forme plutôt des colonies massives, mais parfois encroûtantes. C'est également une espèce photophile*. Les calices* sont plus grands, jusqu'à 5 mm de diamètre et les polypiérites* bien individualisés, pouvant atteindre 3 à 4 cm de haut, ont une colonne largement striée. Les tentacules* sont au nombre de 30 ou plus et se terminent par une petite boule.
Madracis pharensis est une espèce sciaphile* que l'on rencontre au plafond des grottes ou des surplombs. Les colonies sont généralement de couleur brune, encroûtantes formant de petites boules. Les calices, généralement pentagonaux, mesurent environ 2 mm de diamètre et sont peu serrés, ce qui donne un aspect caractéristique à ce corail. Les septes* principaux sont au nombre de 10 seulement.
Phylangia americana mouchezii est une espèce plutôt photophile encroûtante ou buissonnante. Les polypiérites sont très gros (10 mm de diamètre, > 20 mm de hauteur) et bien individualisés. Les septes sont au nombre de 48 avec une columelle* centrale en forme de dôme bien visible. Les tentacules, généralement déployés, sont très longs (au moins 10 mm), translucides avec de nombreuses verrues blanches et terminés par une petite boule.
Polycyathus muellerae est une espèce sciaphile rencontrée dans les grottes et les surplombs où elle peut couvrir aussi bien le plafond, les parois ou le plancher. Les colonies peuvent faire plusieurs mètres carrés et sont constituées de gros polypiérites individualisés. La lame base qui les relie est très fine, et souvent non visible car recouverte d'épibiontes*. La colonie ressemble donc plus à un tapis de polypes solitaires, mais c'est bien une espèce coloniale. Le calice comporte 48 septes avec une grande cavité centrale, d'où le nom de madrépore-coupe. Les tentacules sont assez longs (3 à 4 mm), translucides avec de petites verrues blanches et terminés par une petite boule blanche.
Hoplangia durotrix ne se rencontre que dans les zones obscures (grottes, surplombs....). Les colonies sont constituées de polypiérites bien individualisés, généralement de couleur blanche, de petite taille (< à 6 mm) mais pouvant atteindre 30 mm de hauteur. Les tentacules sont le plus souvent rétractés pendant le jour.
C'est une espèce carnivore qui utilise ses tentacules munis de cnidocytes* urticants pour capturer ses proies, principalement des larves* et petits crustacés planctoniques*.
Ses tissus contiennent aussi des zooxanthelles*, principalement Symbiodinium psygmophilum. Ce sont des algues qui sous l'influence de la lumière et grâce à la photosynthèse* vont produire, entre autres, des sucres qui vont nourrir le corail. Ce sont ces algues qui donnent la couleur marron aux tissus du madrépore encroûtant.
Il existe une reproduction asexuée par scissiparité* qui va permettre à un individu de se diviser en 2 nouveaux individus et ainsi de suite ce qui permet d'agrandir la colonie, qui n'est finalement constituée que de clones de l'individu initial. Il peut y avoir également bourgeonnement* avec expulsion d'un polype* qui se fixera plus loin pour faire une nouvelle colonie.
Oculina patagonica a également une reproduction sexuée, mais plus rare. C'est une espèce gonochorique*. Il existe des individus mâles et des individus femelles. Chaque colonie étant constituée de clones d'un même individu, on parle alors de colonies gonochoriques. Les gamètes* se développent en été, quand l'eau est la plus chaude, et sont libérés dans la colonne d'eau où a lieu la fécondation* en septembre quand la température de l'eau baisse. Ce phénomène est souvent corrélé avec la pleine lune. La reproduction peut avoir lieu dans des eaux à fortes variations de température, de salinité, de turbidité, de courant, de pollution... Les œufs puis les larves* ont une vie planctonique*.
C'est une espèce pionnière, c'est-à-dire une des premières à s'installer quand un substrat* vierge est disponible.
Oculina patagonica peut contenir des zooxanthelles* symbiotiques* dans ses tissus (on parle d'espèce hermatypique*) et vit alors dans les zones éclairées (espèce photophile*). Ce madrépore peut également être présent dans des grottes superficielles, sans lumière et ne contient alors pas de zooxanthelles.
Ce madrépore supporte tout type de qualité des eaux, y compris les eaux polluées ce qui explique sa présence parfois abondante dans les ports et marinas, les jetées et sur les structures métalliques immergées.
Il a été observé en Israël, lors des fortes chaleurs d'été accompagnées par un réchauffement important de l'eau, un blanchiment d'Oculina patagonica dû à l'expulsion des zooxanthelles*. Ces algues étant responsables de la coloration des tissus du corail, il apparaît blanc quand elles sont absentes. Il semble que ce madrépore se remette bien de ce stress contrairement à ce qui se passe dans certains récifs coralliens tropicaux.
La description originale de cette espèce a été faite en 1908 à partir de fossiles provenant d'Argentine, aucun individu vivant n'avait été trouvé en mer. Elle a été redécrite en 1966 suite à la découverte par Luigi Morra, membre du club de plongée de Turin (Circolo subaquei di Torino), d'une colonie vivante à Savone en Italie, dans la zone polluée du port au voisinage de la sortie des égouts. Des études génétiques récentes (2015) ont montré qu'elle était différente des autres espèces du genre Oculina d'Amérique du Sud et qu'il s'agit bien d'une espèce native de Méditerranée. Contrairement à ce que l'on peut encore lire dans une partie de la littérature ou sur Internet, il ne s'agit donc pas d'une espèce importée d'Amérique du Sud comme on le croyait avant. De nombreux articles scientifiques antérieurs à 2015 qualifient Oculina patagonica d'alien ou d'envahisseur de la Méditerranée. Il est cependant surprenant que cette espèce commune dans les petits fonds notamment sur les côtes espagnoles, grecques, israéliennes et une partie des côtes italiennes, n'ait jamais été observée et mentionnée avant 1966.
En 1972, à partir d'échantillons de la colonie de Savone (Italie), des chercheurs marseillais ont introduit des fragments à Marseille (13) dans une eau de bonne qualité par 17 m de fond dans le Parc National des Calanques, sur le site de l'Impérial de terre (île de Riou). La colonie s'est développée pendant le suivi scientifique des 2 années suivantes, malgré la profondeur. Cependant, après enquête auprès des plongeurs locaux, il ne semble plus y avoir de trace de cette colonie actuellement.
La même année, les mêmes chercheurs ont également introduit des échantillons de Savone par 4 m de fond dans l'anse des Cuivres, devant la Station Marine d'Endoume à Marseille. Ces échantillons ont décliné notamment après les tempêtes d'hiver probablement à cause des particules fines soulevées. Trois mois plus tard, ces échantillons moribonds ont été transplantés sur le site de l'Impérial de terre, sur 5 m de fond. Ils ont récupéré un état de santé satisfaisant et aujourd'hui (2021) la colonie fait plus de 2 m2 et a même essaimé sur l'îlot du Grand Congloué situé à 800 m de là.
Un autre échantillon, issu de la colonie de l'Impérial de terre a été introduit en 1974 dans une eau polluée au niveau de l'usine EDF de Ponteau, entre Martigues et Carro sur la Côte bleue (13) à l'ouest de Marseille. Le site n'est pas accessible pour la plongée loisir pour vérifier si la colonie a prospéré ou disparu.
L'augmentation de la population d'Oculina patagonica en Méditerranée serait due à l'artificialisation des côtes qui offre un substrat* adéquat pour son développement. Contrairement à la majorité des coraux dans le monde, l'anthropisation des côtes et les changements climatiques ne semblent donc pas affecter cette espèce. Cependant, l'augmentation du CO2 dans l'air entraîne une augmentation de ce gaz qui se dissout dans l'eau, se traduisant par une acidification des eaux. Le squelette calcaire des madrépores sera probablement fragilisé par cette acidification.
Cette espèce est classée LC (least Concern, c'est-à-dire préoccupation mineure) sur la liste rouge de 2017 de l'UICN*.
Son commerce international, comme celui de tous les coraux (Scléractiniaires) est réglementé par l'Annexe II de la convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction (CITES). Il est interdit, que cela soit entier sous forme vivante ou morte, ou sous forme de fragment. Son commerce peut cependant être autorisé avec un permis d'exportation ou un certificat de réexportation si certaines conditions sont remplies et avec l'assurance que le commerce ne nuira pas à la survie de l'espèce dans la nature.
Madrépore encroûtant décrit l'aspect des colonies de ce madrépore (corail dur) qui forme des plaques encroûtantes.
Oculina : du latin [oculus] = œil et du diminutif [-ina]. Les calices* de la colonie rappellent de nombreux petits yeux.
patagonica : car décrit à partir de fossiles provenant de Patagonie en Argentine.
Numéro d'entrée WoRMS : 135210
Termes scientifiques | Termes en français | Descriptif | |
---|---|---|---|
Embranchement | Cnidaria | Cnidaires | Organismes aquatiques (marins pour la plupart) libres ou fixés, carnivores, principalement à symétrie radiaire, caractérisés par des cellules urticantes : les cnidocytes. Deux morphologies principales : le polype et la méduse. La larve est une planula. |
Classe | Anthozoa | Anthozoaires | Cnidaires exclusivement marins, solitaires ou coloniaux, uniquement sous la forme polype (jamais de phase méduse dans le cycle de vie). |
Sous-classe | Hexacorallia / Zoantharia | Hexacoralliaires / Zoanthaires | Anthozoaires coloniaux ou solitaires, tentacules lisses, polypes à symétrie d’ordre 6. |
Ordre | Scleractinia | Scléractiniaires / Madréporaires | Hexacoralliaires coloniaux (quelques espèces solitaires) produisant un exosquelette calcaire abritant de petits polypes. |
Famille | Oculinidae | Oculinidés | |
Genre | Oculina | ||
Espèce | patagonica |
Plaque encroûtante
Oculina patagonica est un corail dur colonial formant des plaques encroûtantes.
Grand Congloué, Marseille (13), 5 m
23/12/2018
Colonie de près
De plus près, on voit que les colonies encroûtantes présentent aussi quelques excroissances courtes, jamais arborescentes. Les tentacules des polypes sont déployés le jour ce qui donne cette impression de duvet sur la colonie.
Grand Congloué, Marseille (13), 5 m
05/01/2020
Gros plan
Dans une colonie d'Oculina patagonica, les individus, dont les tentacules sont rétractés sur cette photo, sont très proches les uns des autres.
Impérial de terre, Marseille, 5 m
28/06/2020
Polypes
Les polypes ont 24 tentacules.
Impérial de terre, Marseille (13), 5 m
20/05/2018
Polypiérites enchâssés
Chez Oculina patagonica, contrairement aux autres espèces de ce genre, les polypiérites (colonnes calcaires supportant les polypes) sont très souvent complètement immergés et ne dépassent pas de la masse calcaire de la colonie. Cela se voit bien sur cette photo, notamment dans la partie gauche et en bas, alors qu'au centre, les polypiérites font saillie. Cependant leur hauteur ne dépasse pas 2 à 4 mm.
Grand Congloué, Marseille (3), 5 m
23/12/2018
Ouverts ou fermés
Les polypes de la partie supérieure de cette colonie sont rétractés, laissant apparaître les calices, alors que dans la partie inférieure de la photo les polypes sont déployés.
Grand Congloué, Marseille, 5 m
23/12/2018
En Algérie
Contrairement à ce que pourrait laisser penser son nom scientifique, Oculina patagonica ne vient pas d'Amérique du Sud et est une espèce native et endémique de Méditerranée.
Tipasa, Algérie, 1 m
12/07/2016
A Marseille
Cette espèce a été introduite sur ce site à Marseille en 1973. De quelques centimètres carrés à l'époque, elle couvre plus de 2 m² de nos jours. Pour cela elle se reproduit de façon asexuée, par scissiparité, chaque polype se divisant en 2 permettant à la colonie d'augmenter sa surface.
Impérial de terre, Marseille (13), 5 m
07/06/2020
Bourgeonnement
Les colonies s'agrandissent par scissiparité des polypes à partir d'un polype initial et forment des plaques encroûtantes. De temps en temps, des polypes peuvent bourgeonner et expulser le bourgeon qui va se fixer un peu plus loin. Celui-ci par division successive va former une nouvelle colonie. C'est ce qui est montré sur cette photo où l'on voit au moins 5 plaques différentes, correspondant à 5 colonies. La limite entre 2 colonies est marquée par une crête claire, qui correspond à une zone de combat entre les polypes des 2 colonies, chacune cherchant à s'étendre.
Impérial de terre, Marseille (13), 5 m
16/06/2019
Echelle
Les deux sars communs donnent une idée de la taille de la colonie. La couleur brune de cette espèce est due à des algues symbiotiques, les zooxanthelles, vivant dans les tissus du madrépore.
Impérial de terre, Marseille (13), 5 m
27/10*2019
Dans un port
Oculina patagonica vit dans les premiers mètres et supporte des eaux de mauvaise qualité. On la retrouve naturellement dans les ports comme ici en Algérie.
Tipasa, Algérie, 1 m
12/07/2016
Rédacteur principal : Sylvain LE BRIS
Vérificateur : Gaël ROCHEFORT
Responsable régional : Sylvain LE BRIS
Colín García N.A., Campos J.E., Tello Musi J.L., Perez España H., Carrara X.C., 2018, First record of the invasive coral Oculina patagonica de Angelis, 1908 (Cnidaria, Scleractinia) in the Gulf of Mexico, Check List 14(4), 613-617.
Leydet K.P., Hellberg M.E., 2015, The invasive coral Oculina patagonica has not been recently introduced to the Mediterranean from the western Atlantic, BMC Evol. Biol., 15(1),1–13.
Rubio-Portillo E, Vázquez-Luis M, Izquierdo-Muñoz A, Ramos-Esplá A.A., 2014, Distribution patterns of alien coral Oculina patagonica De Angelis D'Ossat, 1908 in western Mediterranean Sea, J. Sea Res., 85, 372–378.
Sartoretto S., Harmelin J.-G., Bachet F, Bejaoui N, Lebrun O, Zibrowius H, 2008, The alien coral Oculina patagonica De Angelis (Cnidaria, Scleractinia) in Algeria and Tunisia, Aquatic Invasions, 3(2), 173-180.
Zibrowius H., 1976, Les scléractiniaires de la Méditerranée et de l'Atlantique nord-oriental. Thèse Univ. Aix-Marseille, 320 p, 106 planches.
La page d'Oculina patagonica dans l'Inventaire National du Patrimoine Naturel : INPN