Crevette Myside de Slabber

Mesopodopsis slabberi | (Van Beneden, 1861)

N° 5511

Europe (Méditerranée, Atlantique Nord-Est, Manche et mer du Nord)

Clé d'identification

Petite crevette transparente
Corps élancé, 15 mm de long au maximum
Yeux positionnés à l’extrémité de longs pédoncules et très écartés

Noms

Autres noms communs français

Crevette opposum

Noms communs internationaux

Steeloog-aasgarnaal, steurgernal met trompetwyze oogen (palémon aux yeux en trompette) (NL)

Synonymes du nom scientifique actuel

Podopsis slabberi Van Beneden, 1861
Mysis slabberi (Van Beneden, 1861)
Macropsis slabberi (Van Beneden, 1861)
Leptocaris slabberi (Van Beneden, 1861)
Parapodopsis goesi Czerniavsky, 1882
Parapodopsis cornuta Czerniavsky, 1882

Distribution géographique

Europe (Méditerranée, Atlantique Nord-Est, Manche et mer du Nord)

Zones DORIS : ● Europe (côtes françaises), ○ [Méditerranée française], ○ [Atlantique Nord-Est, Manche et mer du Nord françaises]

L’espèce est abondante dans les eaux européennes depuis la Scandinavie jusqu’à la mer Noire, et le long des côtes africaines atlantiques jusqu’en Afrique du Sud. Assez curieusement, cette espèce n’est pas rencontrée en Atlantique Nord-Ouest.

Biotope

Mesopodopsis slabberi est une espèce euryhaline*, inféodée aux eaux saumâtres. On la rencontre dans toutes les eaux de ce type, jusqu’à une concentration en sel de l’ordre de 0,5 ‰, bien qu’elle ait une préférence pour les milieux mésohalins (zone où la salinité est comprise entre 3–5‰ et 18‰). Elle peut être rencontrée le long des côtes assez loin des estuaires (jusqu'à 65 m de profondeur), mais fréquente assez peu le milieu réellement marin.

Au niveau européen (European Nature Information System ou EUNIS), cette espèce est considérée comme une espèce caractéristique de l’habitat A5.221 (sable mobile infralittoral soumis à des variations de salinité, estuaires).

Description

Le corps de cette espèce est longiligne et transparent, pouvant atteindre 15 mm de long. Le céphalothorax* est particulièrement étroit devant le sillon cervical. Le bord postérieur du céphalothorax est légèrement incurvé et laisse apparaître la totalité des deux derniers segments thoraciques (segments 7 et 8). L’abdomen est long et aussi large, voire plus large, que le thorax, s’amincissant vers la "queue". Le dernier segment abdominal (le sixième) est environ deux fois plus long que l’avant-dernier.

Les yeux sont situés à l’extrémité de pédoncules* très longs (17% de la longueur totale du corps en moyenne). La cornée ne couvre que 2/9 de la surface totale des yeux. Les antennes* 2 sont couvertes d’écailles longues et étroites, bordées de soies*.
Les pédoncules supportant les antennes sont constitués de trois segments dont le dernier, élargi, est orné d’une forte soie. Il existe un dimorphisme sexuel perceptible à ce niveau : les pédoncules sont plus gros chez les mâles. Les mâles disposent d’une excroissance bulbeuse à base de l'antennule* qui n’existe pas chez les femelles (le processus masculinus). Les antennes sont encadrées par une paire d’écailles antennaires, bordées de longues soies sur toute leur longueur.

Le thorax et l’abdomen présentent la structure classique de tous les Mysidés : le thorax porte 8 paires de « pattes » biramées, appelées péréiopodes*. Les premières paires d’appendices thoraciques sont modifiées en pattes-mâchoires (maxillipèdes*), utilisées pour filtrer les particules alimentaires. L’abdomen porte quant à lui 5 paires de pléopodes*.

Le telson*, très caractéristique de l’espèce, est court (moins de la moitié du dernier segment abdominal), arrondi et bordé de soies. Il comporte normalement une épine de chaque côté (certains auteurs signalent qu’elles ne seraient pas toujours présentes).

En ce qui concerne les uropodes* (« queue », en fait ce sont les derniers appendices abdominaux, encadrant le telson), les exopodes* sont longs (plus de trois fois la longueur du telson) et étroits, bifurquant légèrement vers l’extérieur. Les endopodes* font environ les 2/3 de la longueur des exopodes. Ils portent chacun un statocyste* bien visible.

L’espèce possède des chromatophores*, que l’on peut observer notamment à la base des uropodes et sur l’abdomen. Ceux-ci ne permettent pas de colorer significativement l’espèce.

Espèces ressemblantes

Les Mysidacés se ressemblent fortement au premier regard. Mesopodopsis slabberi est la seule espèce à présenter des pédoncules oculaires aussi longs, ce qui facilite sa détermination, même en plongée (mais il faut une bonne vue…).

Alimentation

Mesopodopsis slabberi est une espèce omnivore, comme la plupart des Mysidacés, qui peut se nourrir de déchets organiques présents dans l’eau ou directement de phytoplancton* (diatomées* notamment), voire de petit zooplancton*. Des études en laboratoire ont montré que la durée de nutrition des femelles est notablement supérieure à celle des mâles (environ 30%).

Les Mysidacés se nourrissent en générant un courant d'eau à l’aide des rames externes (les exopodes*) de leurs péréiopodes*. Le courant entraîne les particules alimentaires qui sont filtrées par les maxillipèdes*, situées à l’avant du thorax. Des proies plus importantes peuvent également être capturées à l’aide des endopodes* (des copépodes notamment). Mesopodopsis slabberi pratique accidentellement le cannibalisme, en se nourrissant des jeunes individus à leur sortie de la poche incubatrice. L’analyse de la structure de ses mandibules*, tranchantes, montre cependant que cette espèce est davantage adaptée à la consommation de détritus.

Reproduction - Multiplication

Les sexes sont séparés. La reproduction se produirait à partir du printemps dans la Manche. En Méditerranée, la reproduction aurait lieu quasiment toute l’année. Les gonades* sont situées dans le thorax. Les mâles présentent deux gonopores* dans le 8e segment thoracique ainsi que deux pénis, situés à la base de la dernière paire de péréiopodes*. Les femelles présentent deux gonopores situés dans le 6e segment thoracique. Elles possèdent également une poche incubatrice, le marsupium*, formée par des expansions lamellaires reliées aux paires de péréiopodes 1 à 7, appelées oostégites*.

La fécondation est externe, même si elle a lieu après un bref accouplement : le mâle insère ses pénis dans la poche incubatrice de la femelle et y dépose son sperme. Ceci induit ensuite la ponte des œufs par la femelle dans sa poche incubatrice. Les œufs, en fin d'incubation, éclosent dans la poche incubatrice et les juvéniles y restent pendant un court laps de temps.
Cette reproduction très particulière conduit les anglophones à désigner couramment les Mysidacés sous le nom de « crevette opossum ». Ce terme est également utilisé en français, mais de façon moins commune.

Les femelles portent jusqu’à 25 juvéniles, le nombre de juvéniles étant notamment lié à la taille de la mère. Le développement est direct (pas de phase larvaire*). La durée de développement des juvéniles est d’une quinzaine de jours à 15°C.

Vie associée

Le milieu préférentiellement fréquenté par Mesopodopsis slabberi, hostile à beaucoup d’espèces marines, se caractérise par un petit nombre d’espèces, mais que l’on peut rencontrer en grand nombre. Mesopodopsis slabberi est ainsi très souvent associé dans les estuaires à un autre Mysidacé, Neomysus integer et à des copépodes caractéristiques de ce milieu (Eurytemora affinis, Acartia tonsa, Acartia bifilosa, etc.). Neomysus integer est encore plus résistant à la désalinisation que Mesopodopsis slabberi (on le trouve même en eau douce). Il est donc retrouvé davantage à l’amont que Mesopodopsis slabberi, souvent en quantité plus importante (plusieurs milliers, voire dizaine de milliers, d’individus par m3).

De par son abondance en milieu estuarien, Mesopodopsis slabberi constitue un élément important des réseaux trophiques estuariens. De nombreux prédateurs s’en nourrissent et, chez plusieurs espèces de poissons (dont le bar commun), le contenu stomacal peut montrer jusqu’à 60% de Mesopodopsis slabberi.

Cette espèce peut être parasitée par le nématode Anisakis simplex.

Divers biologie

Mesopodopsis slabberi est une espèce hyperbenthique (vivant normalement très près du fond), capable de migrations verticales, notamment pour se nourrir près de la surface dans la journée. Elle peut être rencontrée jusqu’à une profondeur de 65 mètres. Elle peut former des essaims relativement importants, les concentrations moyennes rencontrées dans l’estuaire de la Seine étant de l’ordre de 6 à 10 individus par m3 , cette concentration pouvant atteindre localement plusieurs milliers d’individus par m3. Les concentrations relevées sont plus importantes à marée haute, ce qui suggère également des migrations horizontales en lien avec la marée. Une étude réalisée sur une plage de Belgique, à proximité immédiate du port de Zeebrugge, a montré que l’espèce était particulièrement présente durant les marées diurnes, mais presque totalement absente la nuit.
Les femelles sont davantage euryhalines que les mâles. L’espèce semble préférer les eaux saumâtres en hiver et les eaux à plus forte salinité en été, probablement pour des raisons de reproduction.

Chez les Mysidacés, la respiration est assurée directement par des échanges cuticulaires*. Il n’y a donc pas de branchies.

Informations complémentaires

Des études génétiques portant sur plusieurs populations de Mesopodopsis slabberi ont montré que cette espèce recouvre probablement plusieurs espèces cryptiques*, avec au moins 6 lignées distinctes (2 en Atlantique, 3 en Méditerranée et 1 en Mer Noire). Le résultat de ces études a été renforcé par une analyse des caractéristiques morphologiques de ces populations.

Les Mysidacés, notamment Americamysis bahia, sont classiquement utilisés pour réaliser des tests éco-toxicologiques. Compte tenu de la prédominance de Mesopodopsis slabberi dans les écosystèmes estuariens européens, il a naturellement été envisagé d’utiliser cette espèce pour réaliser des tests adaptés à nos eaux. Pour pouvoir y parvenir, des essais de reproduction en laboratoire de cette espèce ont été réalisés et ont permis d’obtenir des résultats satisfaisants, les individus étant alimentés par des larves nauplii* d’Artemia. Il n’existe pas encore de protocole d’essais toxicologiques normalisé fondé sur Mesopodopsis slabberi, contrairement à ce que l’EPA (Environmental Protection Agency) a pu réaliser aux Etats-Unis avec Americamysis bahia.

Origine des noms

Origine du nom français

Crevette Myside de Slabber précise le groupe auquel appartient ce petit crustacé et rappelle le nom d'espèce (proposition de DORIS).

Origine du nom scientifique

Le genre Mesopodopsis a été nommé par Voldemar Czerniavsky à partir du préfixe grec [méso-] = qui signifie au milieu et du nom de genre Podopsis, initialement décrit par John Vaughan Thomson et construit à partir du grec [podos] = pied et [opsis] = vue, allusion directe au long pédoncule qui porte les yeux chez les espèces du genre.

Van Beneden, zoologiste belge (1846-1910), a dédié cette espèce à Martinus Slabber, (1740-1835) un administrateur public de Zélande et biologiste amateur, qui dessina cette espèce en 1778, soit près d’un siècle plus tôt, en lui attribuant un nom vernaculaire (le 2e dans les noms néerlandais) sans la décrire d’un point de vue scientifique (la nomenclature binomiale n’avait alors que 20 ans).

Classification

Numéro d'entrée WoRMS : 120072

Termes scientifiques Termes en français Descriptif
Embranchement Arthropoda Arthropodes Animaux invertébrés au corps segmenté, articulé, pourvu d’appendices articulés, et couvert d’une cuticule rigide constituant leur exosquelette.
Sous-embranchement Crustacea Crustacés Arthropodes à exosquelette chitineux, souvent imprégné de carbonate de calcium, ayant deux paires d'antennes.
Classe Malacostraca Malacostracés 8 segments thoraciques, 6 segments abdominaux. Appendices présents sur le thorax et l’abdomen.
Sous-classe Eumalacostraca Eumalacostracés Présence d’une carapace recouvrant la tête et tout ou partie du thorax.
Super ordre Peracarida Péracarides Les femelles sont dotées d'une cavité d'incubation formée par des expansions lamelleuses des péréiopodes.
Ordre Mysida Mysides
Famille Mysidae Mysidés
Genre Mesopodopsis
Espèce slabberi

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