Lucine lactée

Loripes orbiculatus | Poli, 1795

N° 5191

Manche, Atlantique Nord (centre et Est), Méditerranée et mer Noire

Clé d'identification

Coquille presque circulaire, équivalve, équilatérale
Diamètre moyen de 13 à 25 mm
Coloration externe blanc laiteux
Valves lisses ornées de stries d’accroissement plus ou moins marquées
Umbo central
Crochets contigus et incurvés vers le côté antérieur
Deux dents cardinales bifides sur chaque valve
Une seule dent latérale dans chaque valve
Deux empreintes musculaires de forme différente
Ligne palléale en arc de cercle et continue

Noms

Autres noms communs français

Lucine de Desmarest, loripes orbiculaire, petit ongle

Noms communs internationaux

Milkwhite moonshell, shiny moon clam (GB), Glänzende Mondmuschel (D), Melkwitte cirkelschelp (NL)

Synonymes du nom scientifique actuel

Loripes lacteus (Linnaeus, 1758) sensu Poli, 1791
Amphidesma lucinale Lamarck, 1818
Loripes lucinalis (Lamarck, 1818)
Loripes leucoma (W. Turton, 1822)
Lucina leucoma W. Turton, 1822
Arctoe lineolata Risso, 1826
Loripes desmarestii (Payraudeau, 1826
Lucina desmarestii Payraudeau, 1826
Lucina amphidesmoides Deshayes, 1832
Lucina lactoides Deshayes, 1846
Lucina luteola Deshayes, 1846
Lucina elata
Locard, 1891
Loripes lacteus var. angulata Bucquoy, Dautzenberg & Dollfus, 1896
Loripes lacteus var. lenticularis Bucquoy, Dautzenberg & Dollfus, 1896

Distribution géographique

Manche, Atlantique Nord (centre et Est), Méditerranée et mer Noire

Zones DORIS : ● Europe (côtes françaises), ○ [Atlantique Nord-Est, Manche et mer du Nord françaises], ○ [Méditerranée française]

Peu commune le plus souvent, cette lucine peut être abondante (plusieurs dizaines d’individus par m2) quand les conditions du milieu lui sont favorables.

Elle est présente sur la côte nord-est de l’Angleterre en mer du Nord, en Manche, de la côte sud du Royaume-Uni à la Bretagne. On la rencontre également en Atlantique Nord-Est, des côtes bretonnes au sud de la péninsule ibérique et le long des côtes africaines jusqu’au Sénégal. Elle fréquente les eaux des archipels de Madère et des Canaries ainsi que celles de la Méditerranée et de la mer Noire.

Biotope

Cette espèce benthique* et endobionte* a une préférence édaphique* pour les sables fins ou les fonds de graviers plus ou moins vaseux, les prairies de zostères ou de posidonies (Posidonia oceanica) des étages médio- et infralittoral* jusqu’à 150 m de profondeur environ.
Elle est surtout présente dans des milieux réducteurs côtiers c’est-à-dire des biotopes* hypoxiques* (comme la vase noire présente près des émissaires d’eaux usées riches en hydrogène sulfuré ou sulfure d’hydrogène H2S).

Description

Loripes orbiculatus possède une coquille presque circulaire, équivalve* et équilatérale*. Elle est convexe et solide, d’un diamètre moyen de 13 à 25 mm, jusqu’à 27 mm au maximum. Sa coloration externe est blanc laiteux, grisâtre ou légèrement teinté d’ocre. Les deux valves* sont lisses, ornées de stries plus ou moins marquées, généralement fines, indiquant les périodes successives d’accroissement. On remarque également de nombreuses et très fines lignes rayonnantes (seulement visibles à la loupe). On observe parfois un très mince périostracum*, teinté de beige ou jaunâtre. L’umbo*, central, est petit. Les crochets, assez saillants, sont contigus et incurvés vers le côté antérieur (prosogyres*). La lunule* est courte, assez profonde et cordiforme*. L’écusson* est absent et le ligament externe profondément encastré. La marge est lisse.

L’intérieur de la coquille est blanc mat. En observant la charnière hétérodonte*, on distingue sur chaque valve deux dents cardinales* discrètes, bifides*. Elles sont positionnées postérieurement dans la valve droite et antérieurement dans la valve gauche. Une seule dent latérale, antérieure et postérieure, est bien marquée dans chaque valve.

Le ligament* interne est corné, de couleur brun clair. Les muscles adducteurs* assurent la fermeture des valves en se contractant. L’empreinte musculaire antérieure, étroite et allongée, est linguiforme* ; la postérieure, plus large, est subovale. La ligne palléale*, empreinte du manteau à l'intérieur de la coquille, est en arc de cercle, parallèle au bord ventral et continue.

Le pied de l’animal est vermiforme, mince et allongé, bulbeux à son extrémité ; il fait plusieurs fois la longueur de la coquille. En plus de ses fonctions d’enfouissement, il forme, lorsque l’animal est enfoui, un tube renforcé par du mucus qui s’ouvre à la surface du sédiment.

Espèces ressemblantes

Diplodonta rotundata (Montagu, 1803) : sa coquille est plus fine, plus globuleuse et moins parfaitement arrondie.

Lucinoma borealis (Linnaeus, 1767) : son diamètre est nettement plus grand (jusqu’à 40 mm) et ses côtes concentriques très marquées et bien régulières. Son périostracum* est brun foncé.

Alimentation

Chez les Lucinoides, le siphon* inhalant* a été perdu. Le pied vermiforme est utilisé pour construire un tube tapissé de mucus qui sert de siphon de substitution pour communiquer avec la surface. Le courant alimentaire et respiratoire entre antérieurement par ce passage et sort par le siphon exhalant* (voir schéma, photo 12).
Ce circuit d’eau lui permet d’assurer les fonctions de nutrition, de respiration et d’excrétion.

Les cils vibratiles qui garnissent les branchies* créent un courant d’eau qui rabat les particules alimentaires transitant à la surface du sédiment (bactéries, diatomées*, œufs et larves*, invertébrés du plancton*) vers les palpes* labiaux* puis vers la bouche et l’estomac. Ce dernier contient un petit bâtonnet de mucus solidifié, le stylet cristallin, qui recèle des enzymes* digestives. En tournant régulièrement grâce aux cils du sac gastrique, il participe à la désagrégation des particules alimentaires et facilite la digestion. A noter que ce stylet se dissout à chaque digestion avant de se reformer.

Des cellules endosymbiotiques*, appelées mucocytes, sécrètent du mucus dont le rôle est d’emballer et de transporter les particules alimentaires sur les branchies.

Dans les milieux vaseux, les conditions sont généralement toxiques pour la plupart des invertébrés en raison du niveau de sulfures qui proviennent de la décomposition anaérobie* de la matière organique par des bactéries sulfatées au fond des sédiments. D’autres bactéries endosymbiotiques des branchies, les bactériocytes, vont utiliser ce sulfure pour alimenter leur propre métabolisme et procurer à l’hôte des nutriments indispensables.

Loripes orbiculatus possède deux modes d’alimentation :

• Un mode « classique » chez les bivalves vivant enfouis comme Loripes orbiculatus. C’est un filtreur* suspensivore* microphage* c’est-à-dire que les cils vibratiles des branchies créent un courant d’eau qui aspire le phytoplancton* et les particules organiques par le tube muqueux propre aux lucinoidés. Ces aliments sont triés sur les branchies et enveloppés dans du mucus sécrété par des cellules spécialisées, les mucocytes. Cette nourriture hétérotrophe* est conduite, par les battements ciliaires, ensuite jusqu’aux palpes labiaux puis à la bouche et au tube digestif.

• Un mode particulier, de nombreuses bactéries sont capturées par des cellules spécialisées des branchies : les bactériocytes. Ces bactéries contiennent des enzymes* intervenant dans l’oxydation des composés soufrés comme l’hydrogène sulfuré ou sulfure d’hydrogène (H2S) présent dans les milieux réduits où la matière organique est incomplètement décomposée. Dans les milieux vaseux, les conditions sont généralement toxiques pour la plupart des invertébrés en raison du niveau de sulfures qui proviennent de la décomposition anaérobie* de la matière organique par des bactéries sulfatées au fond des sédiments.
Cette oxydation enzymatique de ces composés permet la synthèse de molécules riches en énergie (comme l’ATP ou Adénosine Tri Phosphate) qui sont utilisées pour réduire le dioxyde de carbone (le CO2) en carbone organique (la matière organique comme les glucides, les lipides et les protides). Ces bactéries sont uniquement présentes dans les branchies. Ces dernières jouent donc un double rôle : la respiration et la nutrition du mollusque.

Ces bactéries sont donc chimiautotrophes puisqu’elles produisent de la matière organique à partir de réactions chimiques minérales (contrairement à la photosynthèse qui nécessite de la lumière comme source d’énergie). Cette matière organique est ensuite transférée vers les différents organes de l’hôte comme le manteau et le pied.
Comme ces bactéries endocellulaires chimiosynthétiques assurent la plupart des besoins nutritionnels du mollusque, il s’agit donc d’une symbiose*.
L’animal fournit le logement et assure l’apport de nutriments (composés soufrés, dioxyde de carbone ...) et les bactéries fournissent de la matière organique.
Ces bactéries sont donc des endosymbiontes.

Loripes orbiculatus est également soupçonné de digérer ses propres symbiotes.

Ces bivalves sont donc considérés comme mixotrophes puisqu’ils peuvent compter sur une alimentation particulaire retenue sur les branchies et une alimentation fournie par les bactéries logées dans les branchiocytes.
D’ailleurs le tube digestif de ces mollusques est réduit mais tout à fait capable de digérer les particules nutritives qui y pénètrent.

Des changements de mode d’alimentation peuvent survenir suite à des modifications de l’offre alimentaire, ou lors de la reproduction ou du développement des individus en fonction de leur demande énergétique, la nourriture hétérotrophe étant plus gratifiante que les bactéries.

Reproduction - Multiplication

Les sexes sont séparés et il n’y a pas de dimorphisme* sexuel. Les spermatozoïdes* sont libérés dans l’eau de mer et fécondent les ovules* en pénétrant dans la cavité palléale des femelles (fécondation interne). Celles-ci produisent des masses d’œufs gélatineuses et transparentes d’un diamètre de 3 à 4 cm. Ces masses d’œufs sont connectées au tube muqueux de la femelle et éventuellement attachées aux feuilles des herbiers (Zostera sp. et Cymodocea sp.).
Les larves* sont enveloppées dans une structure fibreuse gélatineuse semblable à du collagène. Les larves trochophores* (après 8 jours) donneront des larves véligères* (après 12 jours) et ce seront des larves pédivéligères qui seront libérées et qui se métamorphoseront pour se poser sur le fond.

Les jeunes lucines n’acquerront les bactéries endosymbiotes qu’après la métamorphose*.

La période de ponte, assez brève, a lieu quand le seuil de température est atteint c’est-à-dire au printemps. Pour exemple, dans l’étang de Thau, la ponte a lieu à la fin du printemps et au début de l’été.

Chez les bivalves, à l’état adulte, les deux sexes ne sont pas en proportions égales. Chez Loripes orbiculatus on dénombre un peu plus de 64% de femelles.

Vie associée

Loripes orbiculatus vit en symbiose* avec des bactéries Candidatus Thiodiazotropha endoloripes oxydant le soufre.
Le nombre d'espèces de bivalves connues pour héberger des symbiotes* chimiosynthétiques est plus de vingt fois supérieur à celui des gastéropodes.

En Manche et en Atlantique Nord-Est , on note la présence d’un petit crustacé copépode ectoparasite* Hemicyclops cylindraceus (Pelseneer, 1929).
Dans la totalité de son aire de distribution, on observe l’existence de protozoaires* ectoparasite* Probovaria loripedes et endoparasite* Plagiospira crinila.

Le soufre présent dans les bivalves lucinides inhibe les taux d'ingestion d'un oiseau de rivage molluscivore (comme le bécasseau maubèche Calidris canutus (Linnaeus, 1758).

Divers biologie

Les symbiotes de tous les Lucinidae, y compris Loripes orbiculatus, sont acquis dans le milieu environnant au cours du développement de l'animal, ce que l'on appelle la transmission horizontale.

Il est possible que les lucinides créent un environnement pour "cultiver" des symbiotes par le biais de leurs activités d'extraction de sulfures et de creusement en général.

Les bivalves lucinides peuvent apporter des quantités substantielles d'ammonium (NH4+) à l'écosystème*. Étant donné la préférence des herbiers marins pour cette source d'azote, la contribution des bivalves lucinides peut stimuler la productivité de ces importants écosystèmes.

En plus de ses fonctions d’enfouissement, le pied forme, lorsque l’animal est enfoui, un tube renforcé par du mucus qui s’ouvre à la surface du sédiment. Il va ainsi favoriser l’accès de l’eau au siphon* postérieur inhalant*. Il peut s’allonger parfois pour repousser les débris qui pourraient en obstruer l’ouverture.

Loripes orbiculatus est un bivalve dimyaire* anisomyaire* intégripallié*.

Informations complémentaires

Cette espèce est comestible. Elle était récoltée (dans les zones salubres) et consommée en Italie notamment dans la région de Naples sous le nom vulgaire de Lupino. De saveur délicate elle entrait dans la composition de sauces appréciées des gourmets.

Ce mollusque bivalve est souvent rejeté en grand nombre sur les plages de la Manche et de l’Atlantique Nord-Est après un coup de vent.

Origine des noms

Origine du nom français

Lucine : francisation de l’ancien nom de genre Lucina. En référence à la déesse latine de la lumière invoquée lors des accouchements, peut-être en raison de la blancheur immaculée de la coquille.

lactée : qui ressemble au lait par sa couleur blanche.

Origine du nom scientifique

Loripes : substantif latin = qui a les pieds en lanières, en forme de bande. Le pied des animaux de ce genre est vermiforme, fin et allongé. Ce nom de genre a été créé par le naturaliste italien Giuseppe Saverio Poli (1745-1825).

orbiculatus : nom latin = orbiculaire, arrondi. Comme la forme de cette coquille.

Classification

Numéro d'entrée WoRMS : 875379

Termes scientifiques Termes en français Descriptif
Embranchement Mollusca Mollusques Organismes non segmentés à symétrie bilatérale possédant un pied musculeux, une radula, un manteau sécrétant des formations calcaires (spicules, plaques, coquille) et délimitant une cavité ouverte sur l’extérieur contenant les branchies.
Classe Bivalvia / Lamellibranchia / Pelecypoda Bivalves / Lamellibranches / Pélécypodes Mollusques aquatiques, filtreurs, au corps comprimé latéralement. Coquille composée de 2 valves articulées disposées de part et d’autre du plan de symétrie. Absence de tête, de pharynx, de radula et de glande salivaire.
Sous-classe Autobranchia Autobranches
Super ordre Imparidentia Imparidenties
Ordre Lucinida Lucinides
Famille Lucinidae Lucinidés
Sous-famille Lucininae Lucininés
Genre Loripes
Espèce orbiculatus

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