Anémone brun rougeâtre
Pseudo-tentacules charnus, se ramifiant de façon dichotome
Boutons bleuâtres aux intersections
Toujours sous les pierres ou coraux
Anémone fourchue
Branching anemone, brown gill-bearing anemone (GB)
Oulactis danae Duchassaing de Fonbressin & Michelotti, 1860
Lebrunia danae (Duchassaing & Michelotti, 1860)
Bizarrement, dans le même mémoire, Duchassaing a décrit sous deux noms de genre et d'espèce différents ce qu'on admet aujourd'hui être la même espèce. Les illustrations montrent très clairement les pseudo-tentacules caractéristiques, avec leurs boutons sur les ramifications.
Atlantique tropical Ouest
Zones DORIS : ● CaraïbesLebrunia neglecta est signalée aux Bahamas, en Floride, dans tout l'arc antillais : Cuba, Petites Antilles, Bonaire, Curaçao ; au Mexique, au Brésil.
Cette anémone vit à petite profondeur (entre 6 m et 20 m) en milieu récifal. Elle s'abrite sous les rochers et coraux ou dans les fissures, ne laissant dépasser que ses tentacules.
L'anémone à rameaux vit en partie cachée sous un abri d'où ne dépasse qu'une partie de ses tentacules. La couleur d'ensemble est brun rougeâtre, mais certains spécimens sont plus clairs et leur couleur varie entre le beige et le jaune verdâtre.
La colonne, cachée, est lisse et allongée, solidement fixée par la base à un substrat solide. La couronne de tentacules qui surmonte la colonne est beaucoup plus large et peut s'étaler jusqu'à 25 cm de diamètre. Ces tentacules sont de deux types :
- à la périphérie, rayonnent de 4 à 8 gros tentacules ou pseudo-tentacules de section cylindrique. Ils se ramifient de façon dichotome* en formant des rameaux aplatis, foisonnants, qui masquent la bouche et la colonne. Des acrocystes* (capsules bourrées de cellules urticantes) de couleur bleuâtre ou blanc sale sont portés sur la face supérieure des rameaux, au niveau des ramifications. Certains spécimens ont les derniers segments soulignés de blanc sur leur face supérieure. Ces frondes se rétractent en l'absence de lumière, ce qui rend le repérage de nuit très difficile même si on connaît l'emplacement exact de l'anémone.
- les tentacules de la couronne interne, cachés de jour, sont au nombre d'une centaine. Fins et assez courts (de même taille que le disque), ils sont marqués de petites ponctuations blanchâtres qui sont des batteries de nématocystes*, hautement virulentes elles aussi.
Aucune autre anémone ne lui ressemble, mais un plongeur distrait pourrait la confondre avec une touffe d'algue brune dichotome. Un simple effleurement fait tout de suite la différence : en effet l'anémone se rétracte d'un mouvement saccadé (et le contact avec l'algue serait tout à fait indolore !).
Comme beaucoup d'anthozoaires tropicaux vivant à faible profondeur, Lebrunia neglecta joue sur les deux tableaux : prédation et symbiose avec des micro-algues photosynthétiques, au moyen de structures anatomiques spécialisées :
- de jour, les tentacules simples sont rétractés et la bouche invisible. Les pseudo-tentacules ramifiés se gonflent et se déploient de façon à couvrir un maximum de surface ensoleillée, exposant ainsi à la lumière les zooxanthelles* hébergées dans ces structures. Les substances élaborées par ces symbiontes profitent indirectement à l'anémone.
- dès le coucher du soleil, les pseudo-tentacules en rameaux se rabattent progressivement, découvrant les tentacules simples qui s'allongent et se déploient dans le courant, prêts à saisir toute petite proie passant à leur portée pour l'amener à la bouche.
Aucune donnée d'observation sur la reproduction de cette espèce.
On trouve occasionnellement, parmi les pseudo-tentacules ou juste hors de leur portée, une ou deux crevettes qui y évoluent prudemment à l'abri des prédateurs : Ancylomenes pedersoni, Periclimenes yucatanicus, Periclimenes rathbunae, Thor dicaprio, ou le crabe tour Eiffel Stenorhynchus seticornis. Le petit crabe velu Mithraculus cinctimanus est parfois bien caché sous les rameaux.
Tous ces commensaux évitent le contact mortel avec les vésicules urticantes et les tentacules de l'anémone, en se tenant sous les frondes ou sur le disque oral.
Le contact avec n'importe quelle partie de cette anémone provoque de violentes brûlures, comme c'est presque toujours le cas dans la famille des Aliciidés. Les vésicules hémisphériques contiennent d'énormes nématocystes (environ 50 à 100 µ) capables de paralyser quasi instantanément un petit crabe qui entrerait en contact avec eux.
Les tentacules "vrais" sont si collants qu'ils peuvent se détacher de l'anémone et rester sur la proie.
Le nom d'anémone à rameaux décrit l'aspect des pseudo-tentacules, seuls visibles de jour.
Le genre Lebrunia a été dédié par Duchassaing à un M. Lebrun, "naturaliste distingué" résidant à Saint Thomas (Antilles néerlandaises).
neglecta : du latin [neglectus] = négligé, peu soigné, désordonné.
danae est un hommage à J.D. Dana (1813-1895), géologue et zoologiste, descripteur d'un grand nombre d'espèces de crustacés et d'anthozoaires.
Numéro d'entrée WoRMS : 742298
Termes scientifiques | Termes en français | Descriptif | |
---|---|---|---|
Embranchement | Cnidaria | Cnidaires | Organismes aquatiques (marins pour la plupart) libres ou fixés, carnivores, principalement à symétrie radiaire, caractérisés par des cellules urticantes : les cnidocytes. Deux morphologies principales : le polype et la méduse. La larve est une planula. |
Classe | Anthozoa | Anthozoaires | Cnidaires exclusivement marins, solitaires ou coloniaux, uniquement sous la forme polype (jamais de phase méduse dans le cycle de vie). |
Sous-classe | Hexacorallia / Zoantharia | Hexacoralliaires / Zoanthaires | Anthozoaires coloniaux ou solitaires, tentacules lisses, polypes à symétrie d’ordre 6. |
Ordre | Actiniaria | Actiniaires | Polypes solitaires souvent colorés, en général fixés à un substrat dur par un large disque pédieux. Organismes parfois mobiles. |
Sous-ordre | Nynantheae Thenaria | Nynanthées Thenaria | |
Famille | Aliciidae | Aliciidés | |
Genre | Lebrunia | ||
Espèce | neglecta |
Portrait de jour
Voici l'aspect caractéristique de l'anémone à rameaux : une touffe de tentacules ramifiés, le corps caché dans une fissure entre deux coraux.
Pointe de la Vigie, Guadeloupe
30/08/2009
Etalée
Les frondes ne sont pas dressées, mais s'étalent largement à la surface de la roche.
Anse Colas, Guadeloupe, 18 m
30/06/2010
Version brune
Pour cette anémone, les tentacules sont uniformément brun-rouge, faisant ressortir les capsules urticantes d'un blanc bleuâtre.
La Citadelle, Saint-Pierre, Martinique, 12 m
13/12/2008
Capsules urticantes
Les "fourches" terminales des pseudo-tentacules sont nettement surlignées de blanc sur cet individu. Les vésicules sphériques, renfermant les cellules urticantes, sont localisées au niveau des ramifications dichotomes.
Guadeloupe
01/07/2006
Pseudo-tentacule
Il est rare de voir le point d'insertion d'un des pseudo-tentacules. C'est le cas ici : on voit la base épaisse qui se ramifie régulièrement, et même 3 ou 4 des tentacules vrais, blanchâtres, masqués dans la cachette de l'anémone.
Anse 3 Airs, Martinique, 10 m
04/08/2007
La bouche
Le photographe a pris le risque de s'approcher de très près pour saisir ces détails !
La Lézarde, Martinique, 10 m
14/08/2010
Tentacules vrais
Le soir et à l'ombre, les pseudo-tentacules se rétractent et simultanément les vrais tentacules se déploient. On en voit ici quelques-uns apparaissant au milieu des frondes : les marques blanches opaques signalent une forte concentration de nématocystes. Attention, ne pas toucher ni même frôler !
Martinique récif Nord, vers 15-20 m
Romain (OCEANvironnement) FERRY
19/06/2006
Rameaux finement divisés
Les dernières ramifications peuvent être extrêmement fines !
Le crabe tour Eiffel, Stenorhynchus seticornis, surmonte ici l'anémone.
Port-Louis, Guadeloupe
14/11/2006
Pigmentation inhabituelle
Au lieu du brun-rouge habituel, cette anémone à rameaux montre une coloration de fond plutôt verdâtre, encore éclaircie par la blancheur du bout des pseudo-tentacules.
Site de Condo, la Dominique, 16 m
28/10/2010
Juvénile
Bien à l'abri sous un bloc fissuré, cette anémone encore jeune fait passer ses pseudo-tentacules par les interstices. Les extrémités, bien visibles sur le sable blanc, sont en train de se ramifier.
Eden, Port-Louis, Guadeloupe, 20 m
05/12/2009
Rédacteur principal : Anne PROUZET
Vérificateur : Alain GOYEAU
Vérificateur : Robert OMS
Responsable régional : Anne PROUZET
Herrnkind W., Stanton G., Conklin E., 1976, Initial characterization of the commensal complex associated with the anemone, Lebrunia danae, at Grand Bahama, Bulletin of Marine Science, 26(1), 65-71.
Gladfelter W.B., 1975, Sea anemones with zooxanthellae : simultaneous contraction and expansion in response to changing light intensity, Science, 189, 570-571.
La page de Lebrunia danae dans l'Inventaire National du Patrimoine Naturel : INPN