Couleur brune, avec parfois des reflets violacés
Tégument comportant de nombreuses papilles de couleur foncée (jamais blanches)
Vit sur les fonds sédimentaires ou dans les herbiers
Espèce dépourvue de tubes de Cuvier
Concombre de mer, vit de marin
Cotton-spinner (GB), Cucumero de mar (I), Cohombro de mar pardo (E), Röhrenholothurie (D), Holle zeekomkommer (NL)
Méditerranée, Atlantique Nord-Est
Zones DORIS : ● Europe (côtes françaises), ○ [Méditerranée française], ○ [Atlantique Nord-Est, Manche et mer du Nord françaises]Méditerranée, Atlantique (golfe de Gascogne).
Holothuria tubulosa vit sur les fonds sableux ou sur les fonds durs très riches en sédiments. On la rencontre fréquemment parmi les herbiers, dans lesquels vivent les jeunes individus. Les individus plus âgés descendent en profondeur et vivent donc plutôt sur le sable. L'espèce se rencontre de la surface à plus de 100 m de profondeur.
Holothuria tubulosa est un représentant typique des Holothuridés et est l'espèce la plus fréquente en Méditerranée occidentale. Son corps, allongé et cylindrique, mesure jusqu'à 40 cm de long. Le diamètre peut aller jusqu'à 6 cm. Le corps, de couleur brun clair, parfois avec des reflets rougeâtres ou violacés, est couvert de grosses papilles* très visibles, plus ou moins pointues, qui permettent d'identifier assez facilement cette espèce. La face ventrale de l'animal comporte trois rangées de pieds ambulacraires*, ou podia*, qui lui permettent de se déplacer. Les podia et les papilles ne sont pas blancs.
L'anus est terminal, et la bouche est ventrale. L'épiderme de l'animal sécrète un mucus protecteur qui peut recouvrir le corps entièrement.
Cette espèce peut être confondue avec d’autres espèces d’holothuries rencontrées en Méditerranée.
Holothuria forskali delle Chiaje 1841 a un tégument* moins épineux et les papilles sont généralement blanches. Cette espèce émet des tubes de Cuvier pour se défendre lorsqu’on l’importune, ce qui n’est pas le cas d’Holothuria tubulosa.
Holothuria polii delle Chiaje 1823 ressemble davantage à Holothuria tubulosa et fréquente les mêmes milieux. Ses papilles et ses podia sont blancs.
Holothuria tubulosa se nourrit de fragments organiques qu'elle récupère en ingérant de grosses quantités de sédiments. Les sédiments ne sont pas ingérés de manière totalement aléatoire et l'on sait aujourd'hui qu'Holothuria tubulosa, comme de nombreuses autres holothuries, sélectionne avant ingestion les éléments riches en matières organiques. Le sable, débarrassé de ses éléments organiques, est rejeté par l'anus sous forme d'excréments allongés aisément reconnaissables. La bouche d'Holothuria tubulosa comporte des tentacules* buccaux, courts et aplatis, qui l'aident à ingérer le sédiment.
Les grands individus ont une activité alimentaire plus développée la nuit en période estivale, alors que cette activité est continue l'hiver et toute l'année chez les individus de plus petite taille.
Les individus les plus âgés peuvent ingérer jusqu'à une vingtaine de kilos de sédiment par an.
Holothuria tubulosa se reproduit en été, en général au mois d'août. Les sexes sont séparés. L'émission des gamètes* mâles et femelles se fait dans l'eau, les individus adoptant à cette occasion une posture dressée très caractéristique, l'orifice génital se trouvant sur la partie antérieure des individus. Cette position permet d'assurer une meilleure diffusion des gamètes*. Certains auteurs indiquent que la reproduction se déroulerait autour de la nouvelle lune (de deux jours avant à quatre jours après). L'émission de semence dure environ une demi-heure. On pense que c'est le contact avec les gamètes mâles qui conduirait les femelles à rejeter leurs gamètes.
Holothuria tubulosa peut être l'hôte involontaire et malheureux de l'aurin, Carapus acus (Brünnich 1768) (l'ancien nom de genre est Fierasfer). Ce poisson vit dans l'intestin de l'holothurie et y pénètre par l'anus, en marche avant lorsqu'il est petit, en marche arrière lorsqu'il est plus grand. En milieu naturel, Parastichopus regalis est beaucoup plus infestée par Carapus acus que Holothuria tubulosa. Lorsque ces deux espèces sont mélangées en aquarium, il apparaît clairement que l'aurin préfère l'intimité de Holothuria tubulosa.
Contrairement à ce qui a pu être écrit par le passé, l'aurin ne se nourrit pas des viscères de son hôte, mais sort pour se nourrir la nuit.
Les analyses ont montré qu'Holothuria tubulosa possédait des saponines (holothurine A et B) présentant une forte activité hémolytique, ce qui les rend impropres à la consommation pour la plupart de leurs prédateurs potentiels. L'espèce a la faculté de se couper en deux (autotomie) en cas d'attaque par un agresseur, libérant ainsi immédiatement son holothurine (majoritairement concentrée dans la peau de l'animal).
Le rôle écologique des holothuries est considérable, et en particulier dans la chaîne de décomposition de la posidonie, grâce à leur capacité de recyclage de la matière organique. La littérature indique que, à 6 m, une population de Holothuria tubulosa traite 12,9 kg de sédiment par m2 et par an (sur une base de 3,77 individus/m2 sur la station observée) et 5,9 kg/m2/an à 30 m (où le nombre d'individu chute à 0,34 individus par m2). Sachant que les holothuries n'ingèrent qu'une faible épaisseur de sédiment, on voit que les sédiments sont traités plusieurs fois dans l'année par les holothuries, ce qui assure un recyclage optimal de la matière organique.
Holothuria tubulosa est consommée en Turquie, selon le mode de préparation asiatique traditionnel : éviscération de l'animal, ébouillantage, puis séchage ou fumage. L'ébouillantage permet d'éliminer l'holothurine qui, soluble, part avec l'eau du bain. Des chercheurs australiens ont mis en évidence le fait que le rejet incontrôlé des eaux de cuisson des holothuries avait des conséquences dramatiques sur la faune piscicole locale (l'holothurine continuant à jouer son effet).
La médecine traditionnelle chinoise, ou plus généralement asiatique, prête de nombreuses vertus aux holothuries (appelées trepang). On trouve en Asie de nombreux médicaments à base d'holothuries. Internet permet également de trouver des médicaments à base d'holothurie, censés doper les capacités d'immunisation du corps, d'améliorer la puissance musculaire et de lutter contre l'arthrose et les douleurs diverses, ainsi que l'hypertension artérielle.
Son nom français provient de la forme générale du corps.
Holothuria : du grec [Holothouria] = nom d'un animal marin (inconnu!)
Holothuria vient directement du nom latin [holothurium], désignant des cnidaires, ce qui peut paraître très surprenant. (Le terme latin provient lui-même du grec [holothourion]). L'attribution du nom holothurie (ou holothurium) à des cnidaires est liée à la description, plutôt ambiguë, qu'en avait donné Aristote (« animal légèrement différent des éponges, immobile, dépourvu de perception, dont la vie ressemble à celle d'une plante mais non attaché »). Le terme Holothuria est resté attribué à des cnidaires jusqu'à la fin du XVIIIe siècle, date à laquelle Linné a réaffecté ce terme à des échinodermes (mais Holothuria ne désignait à l'époque qu'un nombre d'espèces beaucoup plus restreint qu'aujourd'hui, Linné ayant désigné la plupart des espèces du genre Holothuria au genre Fistularia).
tubulosa : du latin [tubulus] = petit tuyau, donc, fait référence à la forme tubulaire du corps de cet animal.
Numéro d'entrée WoRMS : 125182
Termes scientifiques | Termes en français | Descriptif | |
---|---|---|---|
Embranchement | Echinodermata | Echinodermes | Symétrie radiale d'ordre cinq (chez les adultes). Squelette de plaques calcaires bien développé sous le derme. Présence d'un système aquifère auquel appartiennent les podia souvent visibles extérieurement. |
Sous-embranchement | Echinozoa | Echinozoaires | Echinodermes non étoilés de forme globuleuse ou allongée. Ce groupe renferme les oursins et les concombres de mer. |
Classe | Holothuroidea | Holothuroïdes | Echinodermes vermiformes, ouverture buccale à l’extrémité antérieure du corps et entourée d’une couronne de tentacules rétractiles, anus postérieur, une seule gonade : holothuries, concombres de mer. Endosquelette réduit à de microscopiques ossicules ou plaques, inclus dans la paroi du corps. |
Ordre | Holothuriida | Holothurides | (Anciennement: Aspidochirotida / Aspidochirotes) Symétrie bilatérale, avec une sole de reptation et des podia buccaux en forme d’écusson. Présence de poumons, pas de muscle rétracteur de la bouche. |
Famille | Holothuriidae | Holothuriidés | Podia munis d’ampoules. La gonade est placée à gauche du mésentère dorsal. |
Genre | Holothuria (Holothuria) | ||
Espèce | tubulosa |
Papilles hérissées
Holothuria tubulosa présente de nombreuses papilles fortement hérissées.
Rosas (Espagne), Sec Trencat, 10 m
18/09/1993
Individu âgé sur le sable
Les individus les plus jeunes vivent dans les posidonies, les plus âgés descendent vivre sur le sable.
Cerbère (66), Cavall Bernad, 20 m
14/07/1994
Bouche ou anus ?
Il n’est pas toujours facile d’identifier la partie antérieure et la partie postérieure d’une holothurie.
Cerbère (66), Lauseil, 5 m
03/04/1994
Un peu de scatologie...
Les sédiments digérés par l’animal sont rejetés sous forme de chapelets à l’allure caractéristique.
Rosas (Espagne), Cap Norfeo, 15 m
19/09/1993
Sur fond rocheux
Holothuria tubulosa se rencontre fréquemment sur les fonds rocheux.
La Ciotat (13), Ile Verte, 10 m
09/09/2006
Bouche
Photo prise dans la région de Banyuls/Cerbère (66) dans les années 80/90.
Côte Vermeille (66)
N/A
Reproduction
L'orifice génital d’ Holothuria tubulosa est situé à proximité de l'extrémité antérieure ("tête") de l'animal : celui-ci se dresse pour optimiser la dilution des gamètes dans l'eau.
Antibes (06), La Love, 15 m
10/08/2008
Emission de gamètes
Les individus se dressent pour émettre leurs gamètes dans l'eau.
Juan les Pins (06), 13 m, de nuit
10/07/2008
Emission de gamètes de profil
Bel animal, qui fait penser quelque peu au monstre du Loch Ness de profil !
La fréquence des éjections devait être environ toutes les 30 secondes et elle durait 5 secondes.
La prise de vue a été faite entre 12 et 13 h, le lendemain de la pleine lune.
Cap de Leucate (11), 10 m
12/07/2010
Femelle relâchant ses gamètes
Observer une femelle relâcher ses gamètes est plus rare que d'observer le mâle. Contrairement à ces derniers, qui relâchent de petites volutes blanches, la femelle, elle, relâche un nuage rose.
Cap Béar (66), 12 m
27/07/2019
Un promontoire singulier
Cette blennie pilicorne a choisi de se jucher sur un promontoire très singulier, pour une raison qui sera visible sur le cliché suivant...
La Ciotat (13), 15 m
04/09/2008
Gourmandise
Cette blennie pilicorne s'est juchée sur cette holothurie qui émettait ses gamètes mâles pour s'en nourrir !
La Ciotat (13), 15 m
04/09/2008
Au stade juvénile
Un individu juvénile, de couleur très claire, caché sous une pierre. On observe ses jeunes podia et ses épines molles.
Crique Saint-Pierre, île Saint-Honorat, Cannes (06), 50 cm de profondeur, sous un rocher
07/03/2022
Couleur claire
Grand individu de couleur brun clair. La bouche est à droite et l'extrémité postérieure à gauche.
Port Cros (83), Pointe Lacroix, 20 m
01/06/2009
Mucus protecteur
Holothuria tubulosa se protège à l'aide d'un mucus, parfois très épais, régulièrement renouvelé. Au sujet de ce curieux phénomène, une précision due à Yves Samyn, spécialiste des holothuries (merci aussi à Nadia Ameziane qui a fait le lien entre Anne Prouzet, qui nous a fait parvenir cette info sur le forum de DORIS, et lui) : "il ne s'agit pas d'un tissu, mais plutôt d'une fine pellicule mucoïdale qui est sécrétée par l’animal. L'holothurie s'en débarrasse de temps en temps pour se libérer des parasites et autres (cette pellicule de mucus peut aussi être enrichie de sable, d'algues, et de débris divers." Ce ne serait donc ni une "peau", ni une maladie quelconque, mais un processus habituel et hygiénique de nettoyage.
Marseille (13), 15 m
25/08/2001
Rédacteur principal : Christophe QUINTIN
Correcteur : Yves MÜLLER
Responsable régional : Véronique LAMARE
Coulon P., Jangoux M., 1993, Feeding rate and sediment reworking by the holothuroid Holothuria tubulosa (Echinodermata) in a Mediterranean seagrass bed off Ischia Island, Italy, Marine Ecology Progress Series, 92, 201-204.
Louiz I., Sellem F., Tekitek A., Langar H., El Abed A., 2003, Etude des saponines isolées d’une espèce d’holothurie Holothuria tubulosa de la lagune de Bizerte, Bull. Inst. Nat. Scien. Tech. Mer de Salammbô, 30, 115-121.
Ocaña A., Sanchez Tocino L., 2005, Spawning of Holothuria tubulosa (Holothuroidea, Echinodermata) in the Alboran Sea (Mediterranean Sea), Zool. Baetica, 16, 147-150.
Stonik V., 1986, Some terpenoid and steroid derivatives from echinoderms and sponges, Pure & Appl. Chem., 58, 423-436.
La page d'Holothuria (Holothuria) tubulosa dans l'Inventaire National du Patrimoine Naturel : INPN