Danseuse espagnole sanguine

Hexabranchus sanguineus | (Rüppell et Leuckart, 1830)

N° 411

Mer Rouge, Indo-Pacifique tropical Ouest et centre

Clé d'identification

Tentacules oraux ressemblent à 2 mains : grands lobes plats digités
Six (voire moins ou plus) branchies contractiles et ramifiées, insérées séparément et directement sur le dos
Coloration très variable : adultes 1) rouge vif uni, ou 2) orange uni, ou 3) rouge ou orange moucheté de blanc et/ou jaune, parfois avec taches rouges
Adulte : bordure du manteau enroulée vers le dos et de la même couleur. Si dérangé, il déroule le bord pour montrer une large bordure 1) rouge avec ou sans liseré blanc, ou 2) blanche et une bande rouge vif
Juvénile : coloration et forme très différentes – bord du manteau non enroulé.
Tout petit : manteau blanc translucide avec taches rondes violettes. Ligne marginale blanche séparée du bord.

Nage ondulatoire très gracieuse en pleine eau, s'il est dérangé

Noms

Autres noms communs français

Danseuse espagnole.
C'est le nom commun, simple, que cette espèce a toujours porté jusqu'à ce que la présence avérée d'autres espèces du même genre, qui étaient pareillement nommées, appelle à un qualificatif supplémentaire, sanguine.

Noms communs internationaux

Spanish dancer (GB), Spanische Tänzerin (D), Spaanse danseres (NL)
Ces noms communs sont utilisés pour l'ensemble des espèces d'Hexabranchus.

Synonymes du nom scientifique actuel

Hexabranchus praetextus Ehrenberg, 1828
Doris sanguinea Rüppell & Leuckart, 1830
Hexabranchus suezensis Abraham, 1876
Hexabranchus petersi Bergh, 1878
Albania formosa Collingwood, 1881
Doris imperialis Saville-Kent, 1897
Hexabranchus plicatus Hägg, 1901

Distribution géographique

Mer Rouge, Indo-Pacifique tropical Ouest et centre

Zones DORIS : ● Indo-Pacifique, ○ [Mer Rouge]

De la mer Rouge et l'Afrique du Sud jusqu'au Pacifique central (sauf Hawaï, qui hébergerait 2 espèces-sœurs, endémiques).
On peut la rencontrer notamment à La Réunion, en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie Française.

La révision du genre en 2023 (Tibiriçá et al.) a réparti le « complexe sanguineus » en cinq espèces différentes (H. aureomarginatus, H. giganteus, H. lacer, H. sandwichensis, et H. sanguineus). Elle situe trois d’entre elles (H. giganteus, H. lacer et H. sanguineus) dans le domaine indo-Pacifique. Les deux autres sont cantonnées au Pacifique Nord : H. aureomarginatus est endémique d’Hawaï et H. sandwichensis est présente à Hawaï et dans l’atoll Johnston.

Biotope

De la zone intertidale* jusqu' à la pente externe, parmi les coraux et les éponges. Espèce rencontrée entre 1 et 50 m, le plus souvent de nuit.

Description

Nudibranche mesurant communément plus de 25 cm, avec des individus de 40 cm observés en mer Rouge ; c'est l'une des plus grandes espèces de nudibranches de l'Indo-Pacifique.

La coloration est très variable : chez les adultes, elle va du rouge vif uni à l’orange en passant par le rose, avec ou sans mouchetures blanches ou jaunes.
Les auteurs de la révision de 2023 distinguent quatre « lignées », géographiquement réparties et dont les patrons de couleurs diffèrent.

  1. Lignée 1 : couleur rouge sang uniforme avec ou sans liseré blanc en bordure du manteau ; rhinophores rouges, branchies rouge orangé clair avec des rachis arborescents blanchâtres.
    Localisée en mer Rouge, rarement dans l’océan Indien.
  2. Lignée 2 : couleur orange uniforme, avec ou sans bordure rouge parfois accompagnée d’un liseré blanc, marques rouges et stries orange possibles sur le notum* ; rhinophores orange, branchies rouge orangé clair avec des rachis arborescents blanchâtres.
    Localisée dans l’ouest de l’océan Indien.
  3. Lignée 3 : couleur variable (du rouge à l’orange en passant par le rose) mouchetée de petites taches blanches souvent groupées de façon aléatoire ; massue des rhinophores orange, tiges blanches ou orange clair avec taches blanches, branchies plus claires que la couleur du corps avec des rachis arborescents blancs.
    Localisée en Polynésie Française.
  4. Lignée 4 : couleur de la bosse centrale orange à rouge souvent mouchetée de petites taches blanches groupées de façon aléatoire, extensions du manteau plus claires à blanches, avec des taches rouges et une large bordure rouge foncé avec ou sans liseré blanc ; rhinophores de la couleur du corps avec de petites taches blanches, branchies de la couleur du corps avec des rachis arborescents blancs.
    Localisée dans l’ouest du Pacifique.

Chez l'adulte : la bordure du manteau* est enroulée vers le centre du du dos et de la même couleur. C'est seulement lorsqu'il est dérangé, que l'animal déroule le bord de son manteau pour montrer une large bordure blanche et une bande rouge vif.

Chez le juvénile : la coloration et la forme sont très différentes et le bord du manteau, moins développé, n'est pas enroulé. Les variations géographiques des couleurs des juvéniles se déclinent comme suit :

  1. Lignée 1 : les auteurs de la révision ne mentionnent rien sur le petit juvénile de la lignée 1. A partir de 75 mm, les grands juvéniles sont roses à rouge rosé avec une bande marginale blanche qui se double d’une bande submarginale rouge en grandissant. Des taches rouges commencent à apparaître sur les bords du manteau.
  2. Lignée 2 : le petit juvénile est gris et les bords de son manteau sont marqués par un liseré blanc. Les branchies et les rhinophores sont gris translucide. La moitié supérieure des rhinophores est orange, de même que la partie supérieure des branchies. En grandissant, la couleur de fond et le liseré du manteau tendent vers le jaune et quelques taches rouge orangé apparaissent latéralement. Les rhinophores sont orange.
  3. Lignée 3 : les seules informations fournies par la révision de 2023 concernent les individus en phase de transition entre les livrées juvénile et adulte. Ceux-ci sont rosâtres à jaune avec de nombreuses petites taches blanches groupées en motifs en forme de rosette. La massue des rhinophores est orange, leur tige est translucide avec de petites taches blanches. Les bandes marginales rouges apparaissent tardivement.
  4. Lignée 4 : La couleur dominante du petit juvénile varie du gris au jaune mouchetés de blanc, avec une bande marginale blanche.

Les rhinophores* sont assez frappants : la partie supérieure en forme de massue est lamellée et porte environ 40 lamelles, les troncs sont lisses, leur fourreau est très court.

Les branchies ramifiées sont au nombre de six (parfois moins et parfois plus). Elles sont insérées séparément et directement sur le corps sans fourreaux. Les branchies ne sont pas rétractiles mais seulement contractiles.

Les tentacules oraux ressemblent à 2 mains et sont formés de grands lobes plats digités

Espèces ressemblantes

  • Hexabranchus lacer : la danseuse espagnole lacérée a une très large distribution dans tout l'Indo-Pacifique et c'est la principale source de confusion avec H. sanguineus. La couleur dominante peut être rouge, rose orangé ou orange, ces couleurs étant presque toujours mouchetées de blanc ou de jaune, ce qui peut rendre la distinction avec la lignée 4 de H. sanguineus difficile. La bande marginale peut être rouge ou blanche.
  • Hexabranchus giganteus : la danseuse espagnole géante est présente dans la mer Rouge et l'océan Indien occidental ainsi que dans le Pacifique Ouest. Son patron de couleur est usuellement à dominante rose, mais elle peut être ocre-jaune, vermillon ou rouge carmin. La bande marginale est blanchâtre à jaune. Confusion possible avec des patrons de couleur de la lignée 3 chez H. sanguineus. Ceci dit, la grande taille de H. giganteus adulte (et parfois sa plus grande profondeur) permet généralement de la distinguer des autres espèces du genre.

  • Les espèces suivantes, de part leurs distributions respectives, sont beaucoup moins concernées par la confusion avec H. sanguineus, qui n’y est pas documentée :

    • Hexabranchus aureomarginatus : serait cantonné à l'archipel d'Hawaï
    • Hexabranchus sandwichensis : également originaire d’Hawaï ainsi que dans l’atoll Johnston (situé à 1 330 km à l'ouest d'Hawaï).
    • Hexabranchus morsomus : est établi comme l'espèce de l’Atlantique Ouest et n'est pas source de confusion avec les autres espèces de "danseuses" indo-pacifiques.

    Alimentation

    Il n’y a pas encore de documentation précise sur la diète de l’espèce telle qu’elle est comprise par la récente révision du genre (2023). A titre indicatif et pouvant aussi concerner d'autres espèces d'Hexabranchus,, voici ce qu’il en était avant cette révision : c'est un mangeur d'éponges mais il ne semble pas être spécialisé dans une espèce particulière. Des spicules* provenant de différentes espèces d'éponges ont été retrouvées dans des contenus stomacaux.
    D'après Francis (1980), H. sanguineus mange les éponges Ancorina acervus (Bowerbank), Callyspongia sp., Cliona sp., Haliclona sp., ou Adocia sp., Mycale sp. , ou Zygomycale sp., Pachastrella sp., Paraesperella sp., Petrosia sp., Stelletta sp., et Xestospongia exigua (Kirkpatrick). Selon Rudman, 2000 (Sept.7) d'autres personnes ont observé qu'il mange aussi Leucetta solida et d'autres espèces de Halichondria.

    Reproduction - Multiplication

    Ce nudibranche est hermaphrodite*. La copulation s'effectue tête-bêche.
    Hexabranchus sanguineus pond des œufs agglutinés dans un ruban rose en spirale ondulante. Ce ruban est généralement à l'échelle du pondeur, de grande taille et assez haut.

    Vie associée

    Parmi ses branchies, et se "promenant" sur tout le corps, on trouve souvent un ou deux individus de la très belle crevette commensale Zenopontonia rex.

    Les pontes font l'objet de prédation d'autres nudibranches, éolidiens et notamment de Favorinus tsuruganus qui a souvent été surpris dévorant les œufs d'Hexabranchus sanguineus.

    Divers biologie

    Ce nudibranche est capable de nager en pleine eau en ondulant gracieusement, grâce à la contraction des muscles dorso-ventraux, tout le long de son corps.

    Les informations suivantes sont antérieures à la révision du genre de 2023, mais il est très probable qu’elles s’appliquent aussi à l’espèce revisitée par ce travail :
    D'après W.B. Rudman : "Comme de nombreux nudibranches, Hexabranchus sanguineus semble être protégé d'une manière ou d'une autre contre la prédation par les poissons.". Cependant, l’article consacré à la révision du genre note que le baliste titan (Balistoides viridescens) a été observé en train de prédater H. sanguineus.

    La coloration rouge vif de son manteau a longtemps été considérée comme un signal "danger" pour les poissons. Au cours de ces dix dernières années, il a été clairement montré que H. sanguineus est d'un goût désagréable, et potentiellement toxique, ceci étant dû à des substances chimiques présentes dans son corps et dans sa ponte. Ces molécules (macrolides) sont presque identiques aux molécules répulsives trouvées dans Halichondria, une des éponges mangées par ce nudibranche ; cette éponge produisant ces molécules répulsives pour se protéger contre la prédation par certains poissons.
    On peut penser que H. sanguineus capture ces molécules répulsives lorsqu'il se nourrit de cette éponge. Après une légère modification de la structure de ces molécules, il les stocke dans son épiderme et dans sa ponte afin de se protéger et protéger sa descendance.

    Pourtant la protection de la ponte par ces substances n'est pas assurée vu que d'autres espèces de nudibranches comme Favorinus tsuruganus Baba & Abe, 1964 et Favorinus japonicus Baba, 1949 mangent la ponte de H. sanguineus aussi bien que la ponte d'autres espèces d'opisthobranches.

    H. sanguineus adulte se cache normalement pendant la journée dans des trous du récif et sort seulement bien après le coucher du soleil. On trouve les juvéniles pendant la journée.

    Informations complémentaires

    Le mode de déplacement naturel de la danseuse est de ramper sur le substrat et non de danser.

    Lorsqu'il est dérangé, ce nudibranche réagit en exhibant le bord blanc de sa « jupe » rouge.

    Origine des noms

    Origine du nom français

    Danseuse espagnole : nom provenant du mouvement de la robe des danseuses de flamenco espagnoles qu'imite le manteau désenroulé d'Hexabranchus sanguineus lorsqu'il nage en pleine eau.

    sanguine : provient de son nom scientifique d'espèce, sanguineus.
    L'espèce s'est longtemps appelée simplement "danseuse espagnole" jusqu'à ce que la présence avérée d'autres espèces du même genre, qui étaient pareillement nommées danseuses espagnoles, appelle à un qualificatif supplémentaire, sanguine.

    Origine du nom scientifique

    Hexabranchus : du grec [hex-] = six, et du latin [branchia] = branchies, donc à six branchies.

    sanguineus : du latin [sanguineus] = couleur de sang, d'après la couleur du spécimen décrit par Rüppell et Leuckart.

    H. sanguineus n'a pas toujours six branchies – il peut avoir moins ou même plus.

    Classification

    Numéro d'entrée WoRMS : 599253

    Termes scientifiques Termes en français Descriptif
    Embranchement Mollusca Mollusques Organismes non segmentés à symétrie bilatérale possédant un pied musculeux, une radula, un manteau sécrétant des formations calcaires (spicules, plaques, coquille) et délimitant une cavité ouverte sur l’extérieur contenant les branchies.
    Classe Gastropoda Gastéropodes Mollusques à tête bien distincte, le plus souvent pourvus d’une coquille dorsale d’une seule pièce, torsadée. La tête porte une ou deux paires de tentacules dorsaux et deux yeux situés à la base, ou à l’extrémité des tentacules.
    Sous-classe Heterobranchia Hétérobranches
    Super ordre Nudipleura Nudipleures
    Ordre Nudibranchia Nudibranches Cavité palléale et coquille absentes chez l’adulte. Lobes pédieux souvent absents aussi. Respiration cutanée, à l’aide de branchies, de cérates ou d’autres appendices. Tête portant une ou deux paires de tentacules, les tentacules postérieurs ou rhinophores peuvent parfois être rétractés dans des gaines. Principalement marins ou d’eau saumâtre.
    Sous-ordre Doridina Doridiens Corps aplati. Anus dorsal entouré complètement ou partiellement par des branchies de remplacement ramifiées qui peuvent être rétractées (voire absentes). Mangeurs d’éponges, habituellement armés de spicules calcaires internes.
    Famille Hexabranchidae Hexabranchidés Corps mou. Tentacules buccaux en larges lames aplaties. Rhinophores rétractiles et branchies contractiles.
    Genre Hexabranchus
    Espèce sanguineus

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