Lièvre de mer à oreille

Dolabella auricularia | (Lightfoot, 1786)

N° 2104

Mer Rouge, Indo-Pacifique Ouest et central

Clé d'identification

Grande taille jusqu'à 50 cm
Corps verdâtre avec tubercule ou d'aspect chevelu
Partie arrière du corps formant un disque et un angle de presque 90° avec le reste du corps
Parapodes fusionnés ne laissant libre que 2 siphons
Gouttière (canal spermique) entre le siphon inhalant et le rhinophore droit

Noms

Autres noms communs français

Dolabelle commune, dolabelle auriculée

Noms communs internationaux

Blunt-end sea hare, wedge seahare, eared sea hare, shoulder-blade sea cat, hatchet sea hare (GB), liebre de mar (E), Lepre di mare (I), Biete Seehase (D)

Synonymes du nom scientifique actuel

Patella auricularia Lightfoot, 1786
Patella scapula Martyn, 1786
Dolabella scapula (Martyn, 1786)
Dolabella rumphii Blainville, 1819
Aplysia ecaudata Rang, 1828
Aplysia gigas Rang, 1828
Aplysia rumphii Rang, 1828
Aplysia teremidi Rang, 1828
Aplysia truncata Rang, 1828
Dolabella ecaudata (Rang, 1828)
Dolabella gigas (Rang, 1828)
Dolabella variegata Peace, 1860

Dolabella gigas est considérée par certains comme une espèce à part entière, se différenciant de D. auricularia, par un pénis armé d'épines, une coquille légèrement différente et un manteau présentant des tubercules* coniques. Cependant des études récentes ont montré qu'il ne s'agit que d'une seule espèce. En effet, la différence de coquille ne serait qu'une variation géographique (D. gigas ne serait présente que dans l'océan Indien), de même, il n'y a qu'une seule description d'un pénis armé d'épines, les études ultérieures n'ayant pas retrouvé cette caractéristique chez D. gigas.

Il est probable que Dolabella californica Stearns, 1878 et D. guayaquilensis Sowerby, 1868, deux espèces décrites sur les côtes Ouest d'Amérique centrale (et chacune décrite à partir d'un seul individu) ne soient que des synonymes de D. auricularia.

Distribution géographique

Mer Rouge, Indo-Pacifique Ouest et central

Zones DORIS : ● Indo-Pacifique, ○ [Mer Rouge]

Le lièvre de mer à oreille est présent en mer Rouge, dans l'océan Indien (y compris Mayotte et La Réunion) et dans le Pacifique tropical jusqu'aux côtes d'Amérique centrale. Il est présent en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française.

Biotope

C'est une espèce nocturne, qui reste la journée sous les pierres et morceaux de coraux, s'enfouissant parfois sous ceux-ci. On la rencontre de la surface à une quizaines de mètres, et même sous les pierres émergées à marée basse, dans les herbiers, les baies plus ou moins envasées et les lagons riches en algues et protégés des forts courants.

Description

Dolabella auricularia est un grand lièvre de mer pouvant atteindre 50 cm de longueur et un poids de 500 g. Son corps est en forme de cône. Il s'évase depuis la tête vers l'arrière et sa partie postérieure, en forme de disque, forme un angle de près de 90° avec le reste du corps. Le manteau* est recouvert de papilles* de tailles variables donnant parfois l'impression d'un corps simplement granuleux ou parfois franchement hirsute. La couleur de cette espèce est variable, mais il y a toujours un mélange de brun, gris et verdâtre.

La tête porte 2 tentacules* buccaux enroulés formant un tube, au contact du substrat*, et 2 rhinophores* également enroulés en forme de tube et rappelant les oreilles d'un lièvre, ce qui lui a donné son nom vernaculaire. Deux yeux bien visibles sont également présents. La bouche est sur la face inférieure de la tête, au contact du substrat. Elle est large et circulaire.

Les parapodes* sont fusionnés sur le dos, ne laissant libres que deux orifices. Sur le disque postérieur, l'orifice est rond et forme le siphon exhalant. Au milieu du dos, l'orifice est ovale et forme le siphon inhalant. Ces 2 siphons permettent le passage d'eau à travers la cavité palléale* qui contient entre autre les branchies. Du siphon inhalant part un sillon qui se dirige en avant du corps, jusqu'à la base du rhinophore droit. C'est le canal spermique.

La face inférieure du pied* est de couleur jaunâtre, parfois ponctuée de blanc.

Une coquille calcaire interne, en forme d'oreille, est présente sous le manteau au niveau du disque postérieur.

Espèces ressemblantes

Les espèces du genre Aplysia diffèrent principalement de Dolabella auricularia par des parapodes non fusionnés sur le dos et l'arrière du corps ne formant pas un disque avec un angle marqué par rapport au reste du corps.

Aplysia dactylomela Rang, 1828 : est un lièvre de mer circumtropical* de grande taille, atteignant 40 cm. Le corps est brun jaunâtre, sans papille et avec de nombreux anneaux foncés.

Bursatella leachii Blainville, 1817 : est un petit lièvre de mer (13 cm) au corps d'aspect chevelu mais avec de nombreuses petites taches bleues sur le manteau. C'est une espèce circumtropicale.

Dolabrifera dolabrifera (Rang, 1828) : est plus petite, jusqu'à 10 cm, plus aplatie et ses parapodes fusionnés ne laissent libres qu'un petit siphon et ne sécrète pas d'encre violette. C'est une espèce circumtropicale.

Stylocheilus longicauda (Quoy & Gaimard, 1825) et Stylocheilus striatus (Quoy & Gaimard, 1832). De petite taille 6-7 cm de long. Corps translucide beige clair à brun rougeâtre avec de fines lignes brunes et des taches dont la zone centrale est bleue. Espèce également circumtropicale.

Alimentation

C'est une espèce herbivore qui se nourrit surtout la nuit de macroalgues vertes, brunes ou rouges ainsi que des phanérogames. Elle utilise sa radula*, sorte de langue râpeuse, pour lacérer les macrophytes* dont elle se nourrit.
La couleur du corps de ce lièvre de mer serait influencée par la catégorie d'algues ingérées.

Des études ont montré que la croissance de cette espèce était plus rapide quand elle se nourrissait de différentes algues et que dans la nature elle n'a pas un régime spécifique basé sur une seule espèce d'algue.

Reproduction - Multiplication

Dolabella auricularia est une espèce hermaphrodite* mais la reproduction nécessite 2 partenaires. La reproduction a lieu toute l'année avec un pic en automne et au printemps. Les individus se positionnent tête à queue et il peut se former des chaînes de plusieurs individus. Le sperme s'écoule dans le sillon spermique. Ce sillon part du pore génital situé dans la cavité palléale, sort par le siphon inhalant, et court sur la médiane du dos pour se terminer à la base du rhinophore droit. De cette extrémité, le pénis se déploie et pénètre dans le siphon exhalant, au milieu du disque postérieur, de l'individu précédent, pour atteindre le pore génital. Si bien que dans une chaîne, le premier individu sert de femelle, ceux du milieu de mâles et femelles et le dernier se comporte comme un mâle.

La ponte a la forme de spaghettis emmêlés jaunâtres, verdâtres ou bruns, contenant des milliers de capsules contenant elles-mêmes des dizaines d'œufs. Elle peut débuter dès l'accouplement et est expulsée par le siphon exhalant (postérieur). Après quelques jours les larves* éclosent. Elles ont une vie pélagique* d'environ un mois avant de se poser sur le fond et de se transformer, en 2 à 4 jours, en un juvénile, petit adulte en miniature.

Vie associée

Avec son corps couvert de tubercules ou d'aspect chevelu, le lèvre de mer à oreille, malgré sa grande taille, se camoufle parfaitement dans son biotope algal.

Les prédateurs de Dolabella auricularia sont peu nombreux. Citons toutefois quelques poissons, comme des poissons-ballon (du genre Arothron) ou l'empereur bossu (Monotaxis grandoculis (Forsskal, 1775)). Panulirus marginatus (Quoy & Gaimard, 1825), la langouste bordée a été observée consommant cette aplysie.

Divers biologie

Le mode de locomotion de ce lièvre de mer est caractéristique. A la manière d'une sangsue, il se déplace par petits "sauts". En effet, alors qu'il reste fixé au substrat par une large partie postérieure de son pied, il redresse la tête et l'étire exagérément vers l'avant pour la fixer au substrat un peu plus loin. Il lui reste alors plus qu'à décrocher l'arrière de son corps et le rapatrier vers la tête et ainsi de suite.

Dolabella auricularia, comme la plupart des lièvres de mer, a développé un système de défense original. Il dispose de 2 glandes spécifiques dans sa cavité palléale, près des branchies. La glande opaline sécrète un liquide blanc collant (= opaline) alors que la glande pourpre produit un colorant violet (= encre). En cas de danger, l'animal est capable d'expulser un mélange de ces 2 substances chimiques, qui aveugle, désoriente et inhibe les sens du prédateur.

Mais contrairement à d'autres lièvres de mer ou plus généralement d'opistobranches, D. auricularia ne sécrète pas de substances toxiques relâchées en cas de stress ou de mort de l'animal.

Informations complémentaires

Pouvant atteindre 50 cm de longueur, Dolabella auricularia est la plus grande espèce dans la famille des lièvres de mer.

La ponte de D. auricularia, en forme de spaghetti, est consommée et très appréciée en Asie du Sud-Est (Philippines, Fidji, Samoa, Kiribati). Les adultes sont ramassés à marée basse par les femmes aux Fidji pour être vendus sur les marchés. C'est une exception parmi les opisthobranches qui ne sont généralement pas consommés par les humains.

Un groupe de substances anticancéreuses, les dolastatines, ont été extraites de D. auricularia. Elles agissent sur les tumeurs en bloquant la mitose*, ce qui empêche la multiplication des cellules.
Cette propriété était connue depuis l'Antiquité puisque en l'an 54, Agrippine utilisa des extraits de ce lièvre de mer pour empoisonner l’empereur romain Claude et permettre à son fils Néron de monter sur le trône !

Origine des noms

Origine du nom français

Lièvre de mer vient de la forme de ses rhinophores qui évoquent les oreilles d’un lièvre.
A oreille, est une traduction du nom scientifique et fait référence à sa coquille interne, donc non visible, qui a la forme d'une oreille.

Origine du nom scientifique

Dolabella : du latin [dolabella] = petite dolabre, outil avec une face servant de hache et une servant de pic. La forme du corps (pointu d’un côté, arrondi de l’autre) a certainement inspiré Lamarck en 1801 pour donner le nom de Genre.

auricularia : du latin [auricula] = oreille, la coquille interne, en forme de bonnet phrygien, rappelle vaguement une oreille. C'est la seule espèce d'Aplysiidé dont le nom d'espèce fait référence à la coquille interne.

Classification

Numéro d'entrée WoRMS : 208629

Termes scientifiques Termes en français Descriptif
Embranchement Mollusca Mollusques Organismes non segmentés à symétrie bilatérale possédant un pied musculeux, une radula, un manteau sécrétant des formations calcaires (spicules, plaques, coquille) et délimitant une cavité ouverte sur l’extérieur contenant les branchies.
Classe Gastropoda Gastéropodes Mollusques à tête bien distincte, le plus souvent pourvus d’une coquille dorsale d’une seule pièce, torsadée. La tête porte une ou deux paires de tentacules dorsaux et deux yeux situés à la base, ou à l’extrémité des tentacules.
Sous-classe Heterobranchia Hétérobranches
Ordre Aplysiida Aplysides

Coquille petite (ou absente) généralement recouverte par le manteau (parapodes). Présence ou non d’une branchie plissée, tête portant des tentacules et des rhinophores. Cavité palléale située à droite. Mangeurs de végétaux. Tous marins, zones côtières.

Famille Aplysiidae Aplysiidés
Genre Dolabella
Espèce auricularia

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