Ver polychète installé dans une algue calcaire encroûtante, une coquille, une roche calcaire (ou schisteuse)
Trous ronds ou légèrement ovales, souvent en grand nombre
4 à 8 paires de tentacules rouges allongés, non ramifiés, sortant d'un trou
2 longs palpes canaliculés, souvent enroulés en spirale
Ver du coralligène, annélide des corallinacées
Coralline fringed tubeworm (GB)
Océans Atlantique (y compris Manche et mer du Nord) et Pacifique, Méditerranée
Zones DORIS : ● Atlantique Nord-Ouest, ● Europe (côtes françaises), ○ [Atlantique Nord-Est, Manche et mer du Nord françaises], ○ [Méditerranée française]On trouve ces vers le long des côtes de l'océan Atlantique Nord, de la Manche et de la mer du Nord, mais également de Méditerranée.
En général, ces espèces forment des colonies denses, sur le fond, dans un substrat* calcaire plus ou moins tendre, dans les cuvettes de la zone de balancement des marées et en dessous, jusqu'à 60 m de profondeur.
Sur les côtes atlantiques, ces espèces sont présentes dans des coquilles d'huître, de coquille Saint-Jacques ou de cyprine, mortes ou vivantes. Elles ne sont pas rares dans les crampons de laminaires, et plus particulièrement s'il y a des Corallinacées, comme Lithothamnium et Phymatolithon.
Sur les côtes méditerranéennes, ces espèces vivent surtout dans le coralligène* (algues rouges calcaires encroûtantes).
Ce ver polychète annélide n'est repérable que grâce à un panache de fins filaments rouges, brunâtres ou vert noirâtre sort du substrat* par un trou rond ou ovale. Ce panache est formé d'une paire de palpes* canaliculés, longs et spiralés (20 à 30 mm de long) et de 4 à 6 paires de filaments branchiaux allongés, non ramifiés.
L'animal est une annélide polychète ; c'est donc un ver annelé au corps cylindrique, de 45 à 80 anneaux qui correspondent à des métamères* (20 à 60 mm de long), aplati et plus large postérieurement. La partie antérieure, le prostomium*, porte deux sillons nucaux, probablement à rôle sensoriel. Les premiers segments ne portent pas de soies* mais le dernier de ceux-ci porte la paire de palpes et, juste dessous, sont fixés 4 à 5, voire 8, paires de longs filaments branchiaux, filiformes ou en forme de clou.
Toutes les espèces du genre Dodecaceria occupent une galerie aplatie latéralement en forme de flasque, droite ou légèrement sinueuse, avec une seule ouverture. La tête et l'anus sont dans cette ouverture.
Nous ne retenons que les espèces des eaux européennes (selon Petersen 1999) du genre Dodecaceria, soit 6 espèces sur une vingtaine d'espèces reconnues dans le genre. Toutes ces espèces sont très proches et vivent dans le même biotope*. De plus, certains des autres genres sont également très proches de Dodecaceria.
Pour des plongeurs, l'identification de l'espèce pour les Dodecaceria est complexe, d'autant plus que certaines d'entre elles font l'objet de controverses et que la description de la première espèce D. concharum, par Örstedt en 1843, est incomplète.
D'après Worsfold 2009, si vous pouvez voir des fentes nucales, vous n'êtes pas en présence de D. concharum, chez qui les organes nucaux ne sont pas visibles.
Il existe d'autres vers perforants comme ceux du genre Polydora. On ne voit alors que les 2 palpes sortant du trou car les branchies ne sont pas visibles.
Le panache branchial et la paire de palpes canaliculés sont à l'extérieur du tube. Les palpes, de 25 à 30 mm de long, présentent un canal recouvert de mucus. En se tortillant, ils explorent de façon indépendante les alentours du trou. Les particules alimentaires adhèrent aux palpes grâce à ce mucus et sont conduites par des cils, le long du canal. Les plus grosses particules sont rejetées.
Comme l'animal est disposé en "U" dans son tube, l'anus est derrière la tête et les fèces s'accumulent du côté opposé à la bouche.
Ce sont des déposivores* non sélectifs.
Chez ces annélides, plusieurs modes de reproduction sont présents et varient selon les espèces, ce qui, pour les spécialistes, est un des caractères permettant l'identification de ces organismes.
Certaines espèces se reproduisent par parthénogenèse* (D. ater et D. saxicola) et quelques unes sont vivipares*. D'autres se reproduisent de façon asexuée, en se divisant : on parle alors de scissiparité* (D. concharum, D. diceria, D. sextentaculata et D. fimbriata).
Pour D. concharum, un mode de reproduction asexué, la "schizométamérie tétragemme" (ou tétragène) a été décrit par Dehorne, 1933 (sous le nom de D. caulleryi) : certains anneaux se renflent, puis s'égrènent ; chacun d'eux bourgeonne en deux individus, l'un en avant, l'autre en arrière, et cela deux fois de suite. De chaque métamère proviennent ainsi 4 vers complets (voir schémas Dehorne : photos 80 et 100).
Mais cette espèce peut aussi se reproduire sexuellement. Dans ce cas, des individus se transforment en individus épitoques* (c'est-à-dire normalement
capables de nager en pleine eau), mais qui, contrairement à d’autres
espèces, ne semblent pas être capables de nager (voir schéma Gibson : photo 90).
Dans le biotope des Dodecaceria, de très nombreux annélides polychètes peuvent être présentes, dont des espèces du genre Polydora. On ne voit alors que les deux palpes sortant du trou car les branchies ne sont pas visibles.
En Méditerranée, de nombreux annélides polychètes perforantes, dont les Dodecaceria, appartiennent au coralligène.
Des grégarines (organismes unicellulaires endoparasites*) sont souvent présentes comme, par exemple, Urospora longissima Caullery
& Mesnil, 1898 et Selenidium echinatum Caullery
& Mesnil, 1899.
Les espèces du genre Dodecaceria peuvent vivre en colonie.
Le ver vit dans un tube inséré dans une galerie en ellipse, parallèle à la surface du substrat*. Le tube, replié en "U", est fabriqué par le ver, grâce à du mucus et sans doute de la vase. Il est légèrement sinueux, à section aplatie, avec une crête longitudinale.
Il s'installe dans des trous déjà existants (généralement ceux des Polydora) et ensuite, les agrandit. C'est un perceur secondaire. On ignore par quel moyen cet organisme agrandit le "terrier". De nombreuses hypothèses ont été proposées : forage par sécrétions acides ou enzymes ? La question n'est pas tranchée.
La paroi du tube est composée de très nombreuses fines lamelles de calcaire.
Ce ver fait partie des animaux destructeurs du coralligène.
Des scientifiques pensent que la description par Örsted est inadéquate et insuffisante pour définir l'espèce. Il semble en effet qu'elle regrouperait deux vers différents, aujourd'hui redéfinis :
- Dehorne, en 1933, définit Dodecaceria caulleryi, appelé maintenant Dodecaceria fimbriata ;
- Gibson et Heppell, en 1995, définissent Dodecaceria concharum.
"Polychète perforant" est une proposition du site DORIS en référence à son mode d'installation.
"Ver du coralligène", préalablement proposé, est trop restrictif géographiquement (Méditerranée).
Idem pour "annélides des Corallinacées" réduisant l'habitat aux algues calcaires.
Dodecaceria : du grec [dodeca] = douze et [cera] = corne, antenne, en référence aux douze filaments que le ver porte à l'âge adulte ;
ater : du latin [ater] = noir, sombre ;
concharum : du latin [concha] = coquillage, donc au génitif pluriel : des coquillages, dans lesquels cette espèce peut creuser sa galerie ;
diceria : du grec [di] = deux et [cera] = corne, antenne, en référence aux deux palpes de l'espèce ;
fimbriata : du latin [fimbrata] = frangé, dentelé ;
saxicola : du latin [sax] = rocher et [colere] = qui habite, donc qui habite les rochers ;
sextentaculata : du latin [sex] = six et [tentaculata] = porteur de tentacules, donc qui porte 6 tentacules.
Numéro d'entrée WoRMS : Dodecaceria
Termes scientifiques | Termes en français | Descriptif | |
---|---|---|---|
Embranchement | Annelida | Annélides | Vers segmentés (annelés) à section cylindrique, à symétrie bilatérale constitués de segments semblables. Le premier segment porte la bouche et le dernier l’anus. Nombreuses formes marines, dulcicoles ou terrestres, libres ou parasites. |
Classe | Polychaeta | Polychètes | Annélides marines. Chaque segment porte des excroissances locomotrices (les parapodes) plus ou moins développées, munies de touffes de soies chitineuses rigides. Chez la plupart des espèces, la tête porte plusieurs organes sensoriels, des mâchoires, et souvent un panache branchial coloré. Animaux libres dans la colonne d'eau ou sur les sédiments mais aussi galéricoles ou tubicoles. |
Sous-classe | Sedentaria - Canalipalpata | Annélides polychètes sédentaires - Canalipalpata | Annélides polychètes sédentaires vivant dans des tubes ou des terriers semi-permanents, avec une paire de palpes creusés d'un sillon longitudinal cilié. |
Ordre | Terebellida | Térébellides | Métamérie très altérée, présence de tentacules ciliés rétractiles dans la région antérieure servant à la capture des particules alimentaires. Nombreux palpes péristomiaux. Animaux essentiellement tubicoles. |
Sous-ordre | Cirratuliformia | Cirratuliformes | |
Famille | Cirratulidae | Cirratulidés | Corps long et mince avec des parapodes peu développés munis de soies émergeant plus ou moins directement de la paroi du corps. Construisent des galeries dans les sédiments mous. Longues branchies filamenteuses rouges émergeant de la vase ou d'un creux de rocher. |
Genre | Dodecaceria | ||
Espèce | spp. |
En groupe
Chaque trou correspond au tube d'un ver qui perce une algue encroûtante calcaire. Ils peuvent s'installer très proches les uns des autres.
Le genre Dodecaceria est présent dans le Pacifique, mais d'autres genres de la famille des Cirratulidés sont très proches.
MacKerricher State Park, Mendocino County, California, Etats-Unis, zone intertidale
24/05/2015
Panache
Les filaments (palpes et branchies) sortent du tube du ver. Ce tube est sous le thalle d'une algue du genre Lithophyllum.
Près de Penzance, Cornouailles, Angleterre
12/10/2015
A 40 cm de profondeur seulement
A l'entrée d'une grotte, multitude de petites perforations sur une algue calcaire de type Lithophyllum.
Il reste cependant un doute sur l'espèce présentée.
Cap Béar, Banyuls-sur-Mer (66), 40 cm
23/08/2012
Hors de la galerie
On voit bien, sur cette image, la partie postérieure aplatie et l'avant, porteur de filaments.
Cette photo prise en laboratoire montre un spécimen trouvé sous le thalle de Lithothamnion, sur des roches.
Photo prise en laboratoire, Grande-Bretagne
17/04/2015
Partie antérieure du ver
Cette photo montre la partie antérieure du ver, notamment les palpes enroulés en spirale et les filaments branchiaux.
Cette photo prise en laboratoire montre un spécimen trouvé sous le thalle de Lithothamnion, sur des roches.
Photo prise en laboratoire, Grande-Bretagne
17/04/2015
Dessins comparés de trois cirratulidés
Cirriformia tentaculata (Montagu, 1808) en haut à gauche, Dodecaceria concharum en haut à droite et Cirratulus cirratus (O.F. Müller, 1776) en bas.
Extrait de The Monograph of The British Marine Annelids, vol. III, part II, plate XCI (by William Carmichael McIntosh).
Reproduction de documents anciens
1916
Dessin de Dodecaceria concharum
A gauche l'avant de l'animal, hors de son tube, avec les deux palpes canaliculés spiralés et quelques branchies.
Johnston G., 1865, A catalogue of the British non-parasitical worms in the collection of the British Museum British Museum (Natural History), Department of Zoology, 365p (p 212).
Reproduction de documents anciens
1865
Reproduction par bourgeonnement
Certains anneaux (ou métamères) se renflent puis s‘égrènent, chacun d’eux bourgeonne en deux individus, l’un en avant, l’autre en arrière et cela deux fois de suite. De chaque métamère, proviennent ainsi 4 vers complets. Ce mode de reproduction s'appelle "schizométamérie tétragemme".
Dehorne
A., 1933, La
schizométamérie et les segments tétragemmes de Dodecaceria
caulleryi sp.n., Bulletin
Biologique de la France et de la Belgique,
67, 298-326.
Reproduction de documents anciens
1933
Schéma du cycle de reproduction de Dodecaceria concharum
Ce cycle dure au moins un an. Les vers peuvent reprendre ce cycle l'année suivante ou plus tard ou former des formes épitoques et se reproduire sexuellement.
Gibson P.H.,
Clark R.B., 1976, Reproduction of
Dodecaceria caulleryi
(Polychaeta: Cirratulidae), Journal
of the Marine Biological Association of the United Kingdom, 56, 649-674 (p 651, fig 1).
Reproduction de documents anciens
1976
Schizométamérie tétragemme chez Dodecaceria concharum
a : les métamères de la partie postérieure de l'animal vont se détacher avant de se régénérer ;
chaque métamère bourgeonne :
b : en avant, une partie antérieure,
c : qui ensuite régénère une partie postérieure,
d : et, en arrière, une partie postérieure qui régénèrera sa partie antérieure,
et cela deux fois de suite.
D'après Dehorne 1933
Dehorne
A., 1933, La
schizométamérie et les segments tétragemmes de Dodecaceria
caulleryi sp.n., Bulletin
Biologique de la France et de la Belgique,
67, 298-326.
Reproduction de documents anciens
1933
Rédacteur principal : Yves DESCHOMETS
Correcteur : Yves MÜLLER
Responsable régional : Sylvie DIDIERLAURENT
Cassier
P., Lafont R., Descamps M., Porchet M., Soyez D., 1997, La reproduction des invertébrés, stratégies, modalités et régulation,
intérêt fondamental et appliqué,
Enseignement des Sciences de la Vie, Masson, 354p.
Dehorne
A., 1933, La
schizométamérie et les segments tétragemmes de Dodecaceria
caulleryi sp.n., Bulletin
Biologique de la France et de la Belgique,
67, 298-326.
Evans
J. W., 1969,
Borers in the Shell of the Sea Scallop, Placopecten
magellanicus,
American
Zoologist,
9(3), 775-782.
Gibson P.H.,
Clark R.B., 1976, Reproduction of
Dodecaceria caulleryi
(Polychaeta: Cirratulidae), Journal
of the Marine Biological Association of the United Kingdom, 56, 649-674.
Gibson
P. H., 1978, Systematics of
Dodecaceria
(Annelida : Polychaeta) and its relation to the reproduction of its
species,
Zoological Journal of the Linnean
Society, 63, 275-287.
Gibson P. H., 1992, The feeding in the
Cirratulids Dodecaceria
fimbriata and D.
concharum, Polychaete
Research Newsleter, 14,
4.
Gibson
P. H., 1996, Distribution of the
Cirratulid Polychaetes Dodecaceria
fimbriata, D. concharum
and D.
diceria in European waters
between latitudes 48° and 70°N,
Journal of the marine biological
association of the United Kingdom,
76, 625-6354.
Gibson P. H., 2015, Augmented descriptions and nomenclature of the cirratulid polychaetes Dodecaceria fimbriata and D. concharum, Journal of the Marine Biological Association of the United Kingdom, 95(4), 697-702.
Johnston
G., 1865, A catalogue of the British
non-parasitical worms in the collection of the British Museum British
Museum (Natural History), Department
of Zoology, 365p.
Mesnil
F., Caullery M., 1898, Formes
épitoques et polymorphisme évolutif chez une annélide du groupe
des Cirratuliens (Dodecaceria
concharum
Oerst.),
Comptes
rendus des séances de la Société de biologie et de ses filiales,
ser.10 : t.5 = t.50,
620-623.
Mesnil
F., Caullery M., 1898, Sur
la viviparité d'une Annélide polychète (Dodecaceria
concharum
Oersted, forme A),
Compte
Rendu Hebdomadaire de l'Académie des Sciences,
127,
486-489.
Mesnil
F., Caullery M., 1899,
Formes épitoques des Annélides et en particulier des Cirratuliens,
Proceedings
of the Fourth International Congress of Zoology, Cambridge,
204-220.
Örsted
A.S., 1844, Zur
classification der Annulaten mit Beschreibung einiger neuer oder
unzulänglich bekannter Gattungen und Arten,
Archiv für Naturgeschichte,
Jahrg.10 : Bd.1 (1844), 99-112 (109).
Vinn O., 2009, The
ultrastructure of calcareous cirratulid (Polychaeta, Annelida) tubes,
Estonian Journal of Earth Sciences,
58 (2), 153-156.
Worsfold
T., 2009, Progress on the
identification of Cirratulidae in British and Irish waters through
the NMBAQC scheme : 1996-2009,
Unicomarine, 114p.