Crabe présent en Méditerranée (C. maenas en Atlantique Est)
Carapace plus large que longue avec cinq dents antérolatérales
Couleur souvent verte (mais variable, surtout chez les jeunes)
Dernière patte légèrement plus aplatie que les précédentes
Stylets copulateurs du mâle rectilignes dans la moitié terminale
Principalement dans les lagunes littorales, en zones à salinité variable
Can (Languedoc), chanvre (Provence), ciarlatan (Nice), courentillo (provençal = petit crabe rouge), crabe enragé (Languedoc ), cran (Languedoc, Provence), cranc verd, cranca (Catalogne), crancan (Languedoc) , crang (Languedoc), cranque (français), favo ou favou ou favouillo (nom du mâle en Provence), favouille (nom de la femelle en Provence), grancio (français)
Mediterranean green crab, mediterranean shore crab (GB), Granchio comune, granchio carcino, granchio verde (I), Cangrejo verde, cangrejo de mar, cambaro (E), Aranguejo-verde-do-Mediterrâneo (P), Mittelmeer-Strandkrabbe (D), Mediterrane Strandkrabbe (N), Kàvouras (Gr), Kriv rak (Bulg.), Crabul de iarba (Rom), Travyanoy krab (Russ), Çalpara, cingene pavuryasi, yengeç (Turc), Trav'yany krab (Ukr), Aghreb bahr [= “scorpion de mer"] (Syr, Tun)
Carcinus maenas Linnaeus, 1758 (pro-parte : spécimens méditerranéens seulement)
Carcinides maenas Linnaeus, 1758 (pro-parte : spécimens méditerranéens seulement)
Carcinus mediterraneus Czerniavsky, 1884
Méditerranée, mer Noire
Zones DORIS : ● Europe (côtes françaises), ○ [Méditerranée française]Le crabe vert de Méditerranée est présent dans tout le bassin méditerranéen, y compris la mer Noire et dans le proche Atlantique (Canaries). Il a été introduit accidentellement en quelques endroits, en particulier en mer Rouge (espèce anti-lessepsienne*) et dans l'indo-pacifique. Au Japon, il est difficile de dire si l'espèce invasive est Carcinus aestuarii ou un hybride de Carcinus aestuarii et Carcinus maenas.
Le crabe vert de Méditerranée vit principalement dans les lagunes littorales, dans les zones à zostères, les sables vaseux, et là où la salinité peut varier, parfois dans des proportions importantes. Il est plus rare de le trouver en mer ; dans ce cas, il ne s'écarte que peu de la ligne côtière. En hiver il peut cependant descendre à des profondeurs d'une vingtaine de mètres, exceptionnellement davantage. Contrairement au crabe vert de l'Atlantique, il est quasiment absent des zones rocheuses.
La carapace*, plutôt bombée, est plus large que longue et presque trapézoïdale, lisse ou seulement faiblement granuleuse, et mesure au maximum 6,3 cm de long et 8 cm de large. Les mâles sont plus gros que les femelles.
Le front (entre les yeux) forme trois petits lobes arrondis (sauf chez les jeunes où il est presque droit), le lobe du milieu étant un peu plus gros que les latéraux. Le côté antéro-latéral de la carapace porte cinq dents dirigées vers l'avant. Toutes les pattes sont longues et effilées. Les premières pattes à l'avant, les pinces, sont légèrement asymétriques ; elles sont légèrement plus grosses chez les mâles que chez les femelles, et le droit est généralement plus fort que le gauche. La dernière à l'arrière, la cinquième, est légèrement aplatie.
Il est possible de distinguer les mâles des femelles en regardant l'abdomen replié sous le thorax. Celui du mâle est étroit et triangulaire, avec deux stylets copulateurs blancs ; celui de la femelle est large et arrondi, avec des pléopodes* souvent poilus où les œufs s'accrochent.
La coloration des jeunes est très variable, avec des taches colorées. Chez les adultes, la face dorsale du crabe a une couleur générale verte, souvent marquée de dessins plus foncés ; les teintes un peu rouges ou orangées sont peu fréquentes. La face ventrale du crabe est plus claire que la face dorsale, souvent blanc-jaune ou orangée.
Les deux espèces C. maenas et C. aestuari sont très proches. Des œufs viables ont été obtenus par croisement entre C. maenas et C. aestuari. Divers auteurs ont discuté de l'opportunité de distinguer les deux espèces, mais il est admis aujourd'hui qu'elles sont distinctes.
Chez les mâles de Carcinus maenas les stylets copulateurs sont courbes dans leur moitié terminale alors qu'ils sont rectilignes chez Carcinus aestuarii.
Par ailleurs, les juvéniles de Carcinus spp. sont souvent confondus avec d'autres crabes portunides, en particulier du genre Liocarcinus.
L'alimentation du crabe vert de Méditerranée est variée : algues (vertes...), mais aussi petits mollusques, annélides, crustacés, faune fixée. Il peut ouvrir différents petits bivalves comme les palourdes, les moules. Il est aussi détritivore* voire nécrophage et dépèce avec adresse les animaux morts. Il se nourrit principalement la nuit, mais peut malgré tout être actif à tout moment.
La reproduction est sexuée.
Le mâle promène une femelle plus ou moins prête à pondre entre ses pattes en attendant qu'elle mue ("gardiennage pré-copulatoire"). En effet, la copulation n'a lieu qu'entre la mue de la femelle et le durcissement de sa carapace, au printemps, en été ou à l'automne (de mai à décembre). La fécondation est interne.
Comme la plupart des crustacés, la femelle garde les œufs (jusqu'à 185 000) sous son abdomen, fixés aux pléopodes* (pattes nageuses). Elle les protège ainsi pendant toute la durée de l'incubation (quelques semaines, selon la température).
En fin d'incubation, la femelle libère des larves* planctoniques (larve appelée "zoé", 1 mm de long, avec une longue épine sur la tête), ces larves sont planctonophages*.
Il y a cinq stades larvaires de type zoé* et un de type mégalope*. Après la métamorphose, les minuscules crabes tombent sur le fond et poursuivent leur développement jusqu'au stade adulte.
D'une façon générale, le crabe vert est l'une des espèces de décapodes dont on connaisse le mieux les parasites : au moins seize espèces sont répertoriées dont les plus connues sont la sacculine (cf. infra) et le portunion Portunion maenadis (Isopode Epicaride). D'autres parasites appartiennent aux Parvo-virus, Microsporidies, Myxosporidies, Ciliés, Trématodes, Turbellariés, Némertes. Le crabe vert présente au moins une affection mortelle due à un Micrococcus.
En Méditerranée, le parasite le plus classique du crabe vert est un crustacé Rhizocéphale : le cirripède Sacculina carcini, la sacculine du crabe vert, proche parent des balanes. Sa partie externe (appelée aussi “externa") forme un sac jaune-brunâtre bourgeonnant sur l'abdomen du crabe. La prévalence* ou taux d'infestation peut être très élevée ; elle atteint 70% dans certains étangs du Languedoc à certaines époques de l'année. La larve de la sacculine pénètre dans le crabe à un endroit où le tégument est très fin, au niveau d'une articulation par exemple, et s'y développe en absorbant les nutriments et en altérant le fonctionnement des glandes endocrines comme la glande de mue ou la glande androgène de son hôte. Cela empêche alors le crabe de muer et de se reproduire. Le crabe mâle est ainsi souvent plus ou moins féminisé : il semble changer de sexe.
Des balanes ou d'autres épibiontes* s'installent parfois sur la carapace du crabe, surtout chez les gros individus (qui muent moins souvent que les jeunes).
Le crabe vert de Méditerranée a de nombreux prédateurs : des céphalopodes (seiche, poulpe), des poissons, d'autres crustacés, des oiseaux de rivage (limicoles, mouettes, goélands).
Il est capable d'autotomie* (mutilation réflexe d'une partie du corps) en cas de capture par un prédateur, sans que cela lui soit fatal. La blessure se referme immédiatement et une nouvelle patte réapparaît à la mue suivante.
Carcinus aestuarii est une espèce eurytherme* et euryhaline*, assez résistante à la pollution, et donc susceptible d'accumuler des métaux lourds et des molécules toxiques.
Cette espèce est comestible, mais elle n'est pêchée qu'à petite échelle sur les côtes méditerranéennes.
Les crabes verts sont très surveillés dans les installations conchylicoles car ils peuvent faire des dégâts sur les naissains de bivalves : les gros individus seraient capables de dévorer jusqu'à cinquante petites huîtres par jour !
Crabe vert : évidemment du fait de sa couleur dominante.
Crabe enragé : car les mâles ont un comportement batailleur, les femelles étant plus paisibles. Son attitude préférée, pinces levées, est à l'origine de ce nom. Mais c'est aussi une attitude de défense : il se dresse verticalement, mettant en avant ses pinces.
De Méditerranée : à cause de sa localisation géographique.
Carcinus : du latin [carcinus] = cancer, crabe.
aestuarii : du latin [aestuarii] = des estuaires, en référence à sa préférence pour les eaux saumâtres.
Numéro d'entrée WoRMS : 107380
Termes scientifiques | Termes en français | Descriptif | |
---|---|---|---|
Embranchement | Arthropoda | Arthropodes | Animaux invertébrés au corps segmenté, articulé, pourvu d’appendices articulés, et couvert d’une cuticule rigide constituant leur exosquelette. |
Sous-embranchement | Crustacea | Crustacés | Arthropodes à exosquelette chitineux, souvent imprégné de carbonate de calcium, ayant deux paires d'antennes. |
Classe | Malacostraca | Malacostracés | 8 segments thoraciques, 6 segments abdominaux. Appendices présents sur le thorax et l’abdomen. |
Sous-classe | Eumalacostraca | Eumalacostracés | Présence d’une carapace recouvrant la tête et tout ou partie du thorax. |
Super ordre | Eucarida | Eucarides | Présence d'un rostre. |
Ordre | Decapoda | Décapodes | La plupart marins et benthiques. Yeux composés pédonculés. Les segments thoraciques sont fusionnés avec la tête pour former le céphalothorax. La première paire de péréiopodes est transformée en pinces. Cinq paires d'appendices locomoteurs (pinces comprises). |
Famille | Carcinidae | Carcinidés | Bord antéro-latéral de la carapace avec 5 dents souvent émoussées (dent orbitaire externe comprise) ; front avec 3 lobes ; carapace hexagonale à peine plus large que longue ; dernière paire de pattes peu aplatie et peu adaptée à la nage et à l'enfouissement. |
Genre | Carcinus | ||
Espèce | aestuarii |
Un mâle, en vue dorsale
Aspect habituel de la rencontre d’un crabe vert de Méditerranée en plongée à faible profondeur. Noter la légère hétérochélie (pince droite un peu plus grosse que la gauche), et le dernier article de la dernière patte un peu aplati.
Etang de Berre, plage du Jaï (13), 2 m
12/05/2008
Crabe de face
Chez Carcinus, les pinces sont sub-égales. Pour son repas, le crabe utilise d'abord ses pinces pour saisir ses proies ; ensuite, il se sert de ses pièces buccales masticatrices qui sont couvertes par les 3ème maxillipèdes. Ces derniers forment ce qu'on appelle le "cadre buccal" ; ici il est de forme rectangulaire.
Bon appétit !
Frontignan (34), 3 m, de nuit
21/01/2015
Carapace dentelée
Remarquer le front avec 3 lobes dont le médian est le plus grand, et les 5 dents dirigées vers l’avant du bord antéro-latéral de la carapace.
Etang de Berre, Martigues (13), 2 m
16/09/2007
Mâle en vue ventrale
Remarquer la forme triangulaire de l’abdomen, caractéristique du mâle.
Banyuls (66), 2 m
14/05/1975
Stylets copulateurs du mâle
Les stylets copulateurs sont rectilignes dans leur moitié terminale (photo sur un spécimen en collection).
Ranquet-Berre (13), 2 m
09/07/2008
Promenade nuptiale
Le mâle de taille assez grande « promène » sa femelle, en attendant qu’elle mue, pour pouvoir copuler avec elle. Quelques moules complètent le décor.
Etang de Berre, Martigues (13), 3 m
30/09/2006
Femelle ovigère en janvier
Chez le crabe vert de Méditerranée, les œufs sont de couleur rouge-orangé immédiatement après la ponte. Par la suite, ils deviennent plus sombres lorsque l'embryon se développe.
Dans le midi de la France, la reproduction peut donc intervenir en plein hiver. Brrr...
Frontignan (34), 3 m, de nuit
21/01/2015
Accouplement
Peu après la mue de la femelle, l’accouplement peut avoir lieu, ventre contre ventre. Le mâle est beaucoup plus gros que la femelle.
Etang de Berre, Martigues (13), 2 m
30/09/2006
Œufs en cours d’incubation
Peu après la ponte, les œufs sont encore pleins de vitellus et ont une couleur orangée dûe aux glyco-lipo-caroténo-protéines. Plus l’embryon se développe, plus les œufs deviennent sombres, par l’apparition de pigments noirs (ommochromes). Le nombre d’œufs pondus dépend de la grosseur de la femelle.
(Photo prise en laboratoire)
Banyuls (66), 2 m
14/05/1975
Eclosion carcinique
Ce(tte) crabe vert est en train de faire éclore ses œufs (elle triturait la masse d'œufs avec la pointe de ses pattes). Les petites larves se voient en clair sur le fond sombre.
Avant-port de Marseillan Plage, 3 m, de nuit
10/03/2016
Premier stade larvaire : la zoé
Juste après l’éclosion, la larve possède déjà un œil bien formé, des chromatophores (mélanophores) contenant du pigment noir (ommochrome), et des épines destinées à favoriser la flottaison de l’animal. Au-dessus de l’œil, à l’intérieur de la larve, on devine également des gouttelettes réfringentes de lipides, restes de vitellus, qui ont également une fonction de flottaison. (Photo prise en laboratoire)
Banyuls (66), 2 m (photo ex-situ)
14/05/1975
Crabe après la mue
Juste après une mue, les jeunes crabes ont souvent une coloration plus claire, plus « fraîche », car la cuticule n’est pas encore bien minéralisée et les téguments sont encore un peu transparents.
Beauduc, Camargue (30), 1 m
17/08/2005
Crabe fouisseur
Les Carcinus appartiennent aux prétendus « crabes nageurs » (famille des Portunidés), en raison de l’aplatissement (relatif) de leur dernière paire de pattes. En fait, cette adaptation morphologique est utilisée pour s’enfouir à reculons. Ce sont donc des crabes pelleteurs !
Etang de Berre, plage du Jaï (13), 2 m
12/05/2008
Prédaction diurne
On a tendance à lire dans la littérature que l'activité des crabes Carcinus est
principalement nocturne. Mais il est fort possible que ce soit en fait des prédateurs
opportunistes. Dès lors, voir l'un de ces crabes s'emparer d'une sole en plein jour peut s'expliquer.
Un témoin de la scène raconte :
"Nous avons eu l'étonnement d'assister à la scène suivante le 13 octobre dernier, en mer (après un comptage poissons
dans l'herbier de
zostères de Beauduc). La scène se passe très près du rivage et nous
l'avons observée de
la rive. Un crabe vert de Méditerranée (Carcinus aestuarii) était en
train de manger une petite sole (Solea senegalensis). La sole était encore vivante mais
avait la queue coupée..."
Beauduc (Grande Camargue), Arles (13 , 12 cm
13/10/2017
Balane en épibiose
Monsieur promène Madame, un chapeau sur la tête. Cette balane est en pleine action : on devine son panache en train de capter du plancton.
Etang de Berre, Martigues (13), 2 m
30/09/2006
Rédacteur principal : Pierre NOËL
Vérificateur : Véronique LAMARE
Responsable régional : Anne PROUZET
Almaça C., 1972, Note préliminaire sur les rapports entre quelques dimensions de la carapace de Carcinus maenas (L.) et C. mediterraneus Czerniavsky, Thalassia Jugoslavica, 8, 49-57.
Bulnheim H. P., Bahns S., 1996, Genetic variation and divergence in the genus Carcinus (Crustacea, Decapoda), Internationale Revue der Gesamten Hydrobiologie, 81, 611–619.
Dawirs R. R., 1985, Temperature and larval development of Carcinus maenas (Decapoda) in the laboratory ; predictions of larval dynamics in the sea, Marine Ecology Progress series (Halstenbek), 24, 297-302.
Démeusy N., Veillet A., 1953, Sur l'existence de deux populations de Carcinus maenas Pennant et sur les caractères morphologiques qui les distinguent, Comptes rendus de l'Académie des Sciences de Paris, 236, 1088-1090.
Holthuis, L.B., Gottlieb E., 1958, An annotated list of the Decapoda Crustacea of the Mediterranean coast of Israel, with an appendix listing the Decapoda of the eastern Mediterranean, Bulletin of the Research Council of Israel, 7, 1–126.
Rice A. L., Ingle R. W., 1975, The larval development of Carcinus maenas (L.) and C. mediterraneus Czerniavsky (Crustaecea, Brachyura, Portunidae) reared in the laboratory, Bulletin of the British Museum (Natural History, Zoology), 28, 103-119.
La page de Carcinus aestuarii dans l'Inventaire National du Patrimoine Naturel : INPN