Holothurie de taille moyenne à grande (max : 40 cm) aux extrémités arrondies
Patron de couleurs très variable allant du jaunâtre à l'orange vif et au brun foncé, en passant par le violet et le blanc, avec présence de taches noires de taille variable
Trivium généralement blanc uniforme avec très nombreux podia distribués sans ordre
Cloaque en forme d'étoile à cinq branches quand il est ouvert
Individus souvent couverts de débris coralliens et coquilliers grossiers
Leopardfish (GB), Falalyjaka (Malgache)
Holothuria subrubra Quoy & Gaimard, 1834
Holothuria utrimquestigmosa Haacke, 1880
Sud-ouest de l’océan Indien
Zones DORIS : ● Indo-PacifiqueCette espèce se rencontre dans le sud-ouest de l'océan Indien, au Kenya et en Tanzanie ainsi qu'aux Comores et à Mayotte, à Madagascar, dans les Mascareignes (La Réunion et Maurice) et aux Seychelles.
Cette holothurie se rencontre entre 0 et 30 m sur des fonds sablo-détritiques ou dans les herbiers, sur les platiers internes et les pentes externes de récifs peu profonds. On peut aussi la voir sur des fonds sablo-boueux, ou sableux en milieu corallien vivant ou mort.
Bohadschia subrubra est une holothurie de taille moyenne à grande pouvant atteindre les 40 cm. Son corps est subcylindrique avec un trivium* (face ventrale) plat, les deux extrémités sont arrondies. Le tégument est relativement fin (de 2 à 5 mm d'épaisseur).
Le patron de couleurs est très variable. La couleur de fond va généralement du jaunâtre à l'orange vif et au brun foncé, mais elle peut aussi être violette ou blanche. Des taches noires ornent le bivium* (face dorsale), jusqu'à couvrir parfois plus de surface que la couleur de fond. Elles sont variables en taille, en nombre et en emplacements. Certaines sont parfois entourées de blanc. Certains individus présentent une couleur homogène avec de larges zones noires aux limites diffuses.
Le bivium porte de nombreux podia dorsaux jaune clair à blancs dont la base est entourée d'une petite tache plus claire.
Le trivium est généralement d'un blanc pur, bien que chez certains individus il puisse avoir une couleur analogue à celle du bivium ou être panaché de blanc et d’ocre. Il est couvert de très nombreux podia. Le disque de certains podia ventraux peut être cerclé d'ocre clair.
La distribution des podia, qu'ils soient dorsaux ou ventraux, ne présente pas de structure particulière.
La bouche est ventrale et entourée de 18 tentacules blanchâtres. L'anus est dorsal, il n'est pas entouré de papilles. Quand il est ouvert, l'orifice cloacal peut prendre la forme d'une étoile à cinq branches.
Les individus sont le plus souvent couverts de débris coralliens et coquilliers grossiers, voire de morceaux d'algues, éparpillés sur le bivium.
Bohadschia koellikeri : cette espèce est très difficile à distinguer de B. subrubra. Sa couleur crème avec de larges taches brune peut se trouver chez B. subrubra, et son trivium est blanc. Le seul détail qui permette de les distinguer sur le terrain est la couleur des papilles, toujours foncées chez B. koellikeri et en général blanches dans cette livrée de B. subrubra.
Bohadschia atra : cette espèce a été confondue avec B. subrubra par Cherbonnier en 1988. C'est une holothurie de taille moyenne dont la couleur de fond va d'un brun très foncé au noir. Le bivium présente de petits ocelles rouges à la base des papilles dorsales, qui sont noires. Il n'y a pas de podia dorsaux. Le trivium est brun et porte des podia noirs très nombreux répartis sur toute sa surface. L'espèce est présente dans le sud-ouest de l'océan Indien.
Bohadschia cousteaui : holothurie de taille moyenne dont le bivium est uniformément brun foncé et le trivium brun clair avec des podia brunâtres. Sa morphologie est plus fusiforme que celle de B. subrubra. Elle est diurne. On trouve cette espèce en mer Rouge et dans le sud-ouest de l'océan Indien.
Bohadschia marmorata : holothurie de grande taille, dont le bivium est crème à jaunâtre ou orange plus ou moins foncé et porte de grandes taches brunes de formes et d'emplacement variables, ainsi que des petits points noirs. Les papilles du bivium et les podia du trivium sont fins et translucides. Le trivium est plus pâle et montre une large bande longitudinale presque blanche. Cette espèce se rencontre dans tout le domaine indo-pacifique à l'exception d'Hawaï.
Bohadschia vitiensis : holothurie de grande taille, dont le bivium est jaunâtre à ocre, parfois traversé de bandes noirâtres diffuses. Il peut aussi être presque blanc. La base des podia dorsaux est entourée par un anneau plus foncé que la couleur de fond. Le trivium est jaunâtre avec des podia plus foncés. Le cloaque est circulaire et de grand diamètre quand il est ouvert (respiration). L'espèce est présente dans tout le domaine indo-pacifique.
Il peut aussi y avoir confusion avec des espèces du genre Actinopyga, mais celles-ci présentent toujours des dents anales et seule A. mauritiana a un trivium blanc. D'autre part, le genre Actinopyga est pourvu d'un organe de Cuvier non fonctionnel alors que les Bohadschia émettent des tubes de Cuvier nombreux et de gros diamètre dès le ou les premiers contacts.
Bohadschia subrubra est limnivore*, ce qui signifie qu'elle ingère le sédiment et en retient les nutriments d'origine végétale et animale, les déchets et les bactéries qui y sont contenus. Elle participe ainsi malgré des densités parfois relativement faibles à l'équilibre des écosystèmes* côtiers tant par élimination de débris organiques que par remaniement du substrat.
Elle se nourrit la nuit.
La reproduction dans cette espèce peu étudiée ne semble pas avoir été documentée à la date de rédaction de cette fiche (août 2017). Elle ne doit cependant pas différer quant à ses modalités principales de celle des autres holothuries de l'ordre des Aspidochirotida : en situation de reproduction la majorité des holothuries, mâles et femelles plus ou moins regroupés, se dresse le plus haut possible pour diffuser des gamètes* dans la colonne d'eau. La fécondation* a lieu au hasard des rencontres de ces gamètes dans le courant. Les larves* sont pélagiques*. Les stades larvaires (blastula*, puis auricularia*, puis doliolaria*) se déroulent en pleine eau. A la fin du dernier stade, le juvénile rejoint définitivement le substrat* et évolue vers l'âge adulte.
La reproduction asexuée (par scissiparité*) n'a pas été documentée dans le genre Bohadschia.
Comme presque toutes les holothuries, B. subrubra peut être victime de parasites externes, notamment des gastéropodes de la famille des Eulimidés.
Les individus sont généralement exposés entre des débris, mais ils peuvent aussi s'enfouir dans le sédiment en journée. L'espèce est active la nuit.
Comme la majorité des espèces d'holothuries les tissus de B. subrubra contiennent des molécules extrêmement toxiques groupées sous le nom de saponines, l'ensemble étant communément appelé holothurine. Cette substance provoque une hémolyse (destruction des globules rouges) pathologique dont l'effet sur les poissons et d'autres organismes marins est mortel. De surcroît, un organe de Cuvier très fonctionnel assure sa défense au moyen de tubes collants de gros diamètre très rapidement émis en cas de stress.
L'armature du tégument (les spicules*) est composée de rosettes et de grains. Les podia ventraux portent des bâtonnets, des rosettes et des granules, les podia dorsaux n'ont que des bâtonnets et des rosettes. Les tentacules possèdent de grands bâtonnets armés d'épines. La taille et l'assemblage des spicules évoluent avec la taille de l'individu.
Les assemblages de spicules dans le genre Bohadschia sont très simples et ne suffisent pas pour une détermination précise des espèces, ce pourquoi des critères morphologiques externes comme les couleurs ainsi que les comportements et les zones géographiques sont privilégiés pour identifier les individus. Cette situation n'est pas fréquente chez les holothuries. Les espèces du genre sont cependant assez bien déterminées génétiquement.
Ses populations peuvent être abondantes. L'espèce est commune dans les petits fonds du Kenya ainsi qu'à Mayotte. Elle est en revanche rarement observée à La Réunion.
L'espèce est pêchée mais les données la concernant manquent, ce pourquoi la Liste Rouge de l'UICN* la classe sous la rubrique « Data Deficient » (DD). Ce qui signifie que le manque de données interdit la classification habituelle relative aux dangers encourus pas l'espèce. Sa valeur sur le marché est faible, mais la tendance à la raréfaction des espèces prisées du fait de leur surpêche provoque une surpêche des espèces moins prisées et les met à leur tour en danger.
Holothurie : francisation du terme grec [holothourion], nom donné par Aristote à un animal que les ambiguïtés de sa description rendent impossible à déterminer mais qui, après diverses attributions, a finalement été donné à ce groupe d'échinodermes.
terre de Sienne : c'est le nom commun adopté par les descripteurs, Quoy et Gaimard, en 1833 dans Voyage de la corvette l'Astrolabe exécuté par ordre du roi, pendant les années 1826-1827-1828-1829, sous le commandement de M. J. Dumont d'Urville (p. 136). Les auteurs précisent dans le 5ème mémoire du texte manuscrit : « Le dessus du corps, sur fond terre de Sienne clair a de larges taches irrégulières terre de Sienne calcinée ».
Bohadschia : le nom du genre est donné par Jaeger en 1883 en l'honneur du naturaliste allemand Johann Baptist Bohadsch (1724-1768), notamment pour son ouvrage de zoologie De quibusdam animalibus marinis (1761). Le spécimen type est Bohadschia marmorata. Le genre comporte actuellement 12 espèces (2017).
subrubra : féminin de l'adjectif latin [subruber], qui signifie rougeâtre.
Termes scientifiques | Termes en français | Descriptif | |
---|---|---|---|
Embranchement | Echinodermata | Echinodermes | Symétrie radiale d'ordre cinq (chez les adultes). Squelette de plaques calcaires bien développé sous le derme. Présence d'un système aquifère auquel appartiennent les podia souvent visibles extérieurement. |
Classe | Holothuroidea | Holothuroïdes | Echinodermes vermiformes, ouverture buccale à l’extrémité antérieure du corps et entourée d’une couronne de tentacules rétractiles, anus postérieur, une seule gonade : holothuries, concombres de mer. Endosquelette réduit à de microscopiques ossicules ou plaques, inclus dans la paroi du corps. |
Super ordre | Aspidochirotacea | Aspidochirotacés | |
Ordre | Holothuriida | Holothurides | (Anciennement: Aspidochirotida / Aspidochirotes) Symétrie bilatérale, avec une sole de reptation et des podia buccaux en forme d’écusson. Présence de poumons, pas de muscle rétracteur de la bouche. |
Famille | Holothuriidae | Holothuriidés | Podia munis d’ampoules. La gonade est placée à gauche du mésentère dorsal. |
Genre | Bohadschia | ||
Espèce | subrubra |
Jeux de taches
Les taches noires qu’arbore l’espèce varient en taille, en nombre et en emplacement, jusqu’à couvrir parfois plus de surface que la couleur de fond. Chez cet individu c’est cette dernière qui paraît former des taches, tant les zones noires prennent de surface. Les nombreux podia blancs présents sur le bivium sont bien visibles.
Passe en S, Mayotte, 8 m
02/06/2012
Holothurie terre de Sienne
Parmi les multiples nuances de la couleur terre de Sienne, cet individu tend vers les rouges. Les taches noires habituelles sont ici de petite taille et bordées de blanc. On peut observer que la couverture de débris, généralement plus importante, est discrète.
Lagon de l'Ermitage, côte ouest de La Réunion, 1,5 m, en PMT
12/03/2016
Couverture
B. subrubra se couvre généralement de nombreux débris coralliens ou coquilliers grossiers. Le but de ce comportement n’est pas connu avec certitude : il s’agit probablement davantage de protection contre les rayons lumineux par petits fonds que de camouflage.
Lagon de l'Ermitage, côtes ouest de La Réunion, 1,5 m, en PMT
28/11/2014
De nuit
Cet individu photographié de nuit à Mayotte montre un patron de couleurs encore différent, à nette dominante claire. Il n’est que très peu couvert de débris, probablement parce que cette couverture est destinée à protéger l’animal contre les rayons solaires.
Passe en S, Mayotte, 10 m, de nuit
30/05/2013
Version blanche
Certains individus peuvent être intégralement blancs, mais ce patron n’est pas fréquent.
Mayotte, océan Indien
2018
Trivium blanc
Le trivium de B. subrubra est d’un blanc pur, seuls les disques des podia sont jaunâtres.
Lagon de l'Ermitage, côte ouest de La Réunion, 1,5 m, en PMT
12/03/2016
Trivium brun clair
Certains individus peuvent avoir un trivium brun clair. Le sujet photographié montre quelques podia dont le pédoncule est blanchâtre, qui évoquent la couleur habituelle de cette partie du corps chez cette l’espèce.
Lagon de l'Ermitage, côte ouest de La Réunion, 1,5 m, en PMT
13/09/2017
Trivium panaché
Chez ce jeune individu d’une quinzaine de centimètres, le blanc et l’ocre semblent se partager aléatoirement le trivium. Cette particularité n’est pas fréquente.
Lagon de l'Ermitage, La Réunion, 2 m, en PMT
28/10/2017
Cloaque
Quand il est ouvert, le cloaque peut prendre la forme d’une étoile à cinq branches. La cinquième n’est pas encore formée sur cette photo.
Lagon de l'Ermitage, côte ouest de La Réunion, 1,5 m, en PM
12/03/2016
Déjections
Les déjections se présentent sous la forme de petits boudins contenant du sable purifié de l’essentiel des micro-organismes qu’il contenait.
L’activité d’épuration et de bioturbation (mélange actif) du sédiment produite par les holothuries est une composante importante de la santé des récifs.
Mayotte, océan Indien
2018
Expulsion des tubes de Cuvier - 1
Les tubes de Cuvier sont très rapidement émis par cette espèce.
On peut observer ici comment le cloaque se referme pour créer, avec la contraction des muscles, la pression autorisant l’expulsion brutale des tubules le plus loin possible.
Lagon de l'Ermitage, côte ouest de La Réunion, 1,5 m, en PMT
28/11/2014
Expulsion des tubes de Cuvier - 2
Les tubes de Cuvier sont nombreux et de gros diamètre. Cette caractéristique est partagée par toutes les espèces du genre Bohadschia.
On peut observer sur cette photo la deuxième vague d’expulsion : il s’agit de la touffe de tubules plus gros au contact du cloaque, qui ne se sont pas encore étirés sous l’effet de l’eau.
Les autres, issus de la première expulsion, sont déjà étirés et se dispersent autour de l’holothurie...
Lagon de l'Ermitage, côte ouest de La Réunion, 1,5 m, en PMT
28/11/2014
Podia
Les podia du bivium sont jaunâtres et entourés d’une tache blanche plus ou moins discrète. Ces taches sont bien développées chez cet individu.
Nosy Tanikely, Madagascar, 8 m
27/04/2011
Position de défense
Contrairement à la plupart des holothuries, qui se contentent de se contracter quand elles sont stressées avant ou après l’émission des tubes de Cuvier (pour celles qui ont l’organe nécessaire), B. subrubra forme une boucle si la stimulation stressante persiste. Cette position chez un animal vivant volontiers dans des sites à hydrodynamisme fort lui permet d’être rapidement emportée par les courants et complique ainsi la prédation.
Lagon de l'Ermitage, La Réunion, 2 m, en PMT
01/04/2017
Commensal
Le ver polynoïde Gastrolepidia clavigera peut
être trouvé notamment sur des espèces du genre Bohadschia.
Soit il se confond
avec une zone brune de son hôte, soit il reste immobile, simulant une tache
foncée sur un individu qui en porte d’autres, comme c’est le cas ici.
Lagon de l'Ermitage, La Réunion, 2 m, en PMT
01/04/2017
A Mayotte
Bohadschia subrubra est assez fréquente à Mayotte, où l'espèce montre un bel éventail de la diversité de ses patrons de couleurs.
Sakouli, Sud-Est de Mayotte, 1 m
11/11/2016
A Madagascar
Cet individu photographié dans la baie de Nosy Be, au nord-ouest de Madagascar, présente une couverture sableuse inhabituelle : l’espèce se couvre de débris grossiers mais rarement de sable. Cet individu a choisi d’utiliser les deux !
Nosy Tanikely, baie de Nosy Be, Madagascar, 8 m
27/04/2011
Rédacteur principal : Philippe BOURJON
Vérificateur : Alain-Pierre SITTLER
Responsable régional : Alain-Pierre SITTLER
Massin C., Rasolofonirina R., Conand C., Samyn Y., 1999, A new species of Bohadschia (Echinodermata; Holothuroidea)from the Western Indian Ocean with a redescription of Bohadschia subrubra (Quoy & Gaimard, 1833), Bulletin de l'Institut Royal des sciences de Belgique, Biologie, 69, 151-160.
Kim S.W., Kerr A.M., Paulay G., 2013, Colour, confusion, and crossing: resolution of species problems in Bohadschia (Echinodermata: Holothuroidea), Zoological Journal of the Linnean Society, 168(1), 81–97.