Holothurie-léopard

Bohadschia argus | Jaeger, 1833

N° 1466

Indo-Pacifique tropical

Clé d'identification

Nombreux ocelles brun-jaune sur un fond gris-beige
Bouche ventrale entourée de vingt tentacules courts
Anus presque dorsal, en forme d'étoile, émettant facilement de très gros tubes de Cuvier

Noms

Autres noms communs français

Bêche de mer, géante aux cent yeux

Noms communs internationaux

Leopard sea cucumber, eyed sea cucumber, white-spotted black sea cucumber, leopard fish, tiger fish, spotted fish (GB), Leoparde-Seegurke (D), Luipaard-zeekomkommer (NL)

Synonymes du nom scientifique actuel

Holothuria argus Jaeger, 1833

Distribution géographique

Indo-Pacifique tropical

Zones DORIS : ● Indo-Pacifique

Cette holothurie est présente dans l'océan Pacifique tropical (dont la Nouvelle-Calédonie, Wallis et Futuna, et Tahiti) sauf Hawaï et dans l'océan Indien (Sri Lanka, Seychelles, Madagascar...) sauf les Maldives. Sa présence est controversée en mer Rouge.

Biotope

Récifs coralliens : platiers, lagons et débris coralliens, herbiers et pentes sablonneuses externes, jusqu'à 40 m de profondeur mais le plus souvent en eaux peu profondes et dans les passes.
Les holothuries léopards sont rarement enfouies dans le sédiment, et jamais présentes en fortes densités sur un même site.

Description

Grande holothurie (50-70 cm de long pour 10-15 cm de large et jusqu'à 2,2 kg), s'amincissant postérieurement. Côté dorsal (bivium*) bombé et lisse, couvert de podia* courts et coniques disposés aléatoirement. Côté ventral (trivium* ou sole) aplati avec de nombreux podia courts le long de plusieurs lignes longitudinales.
Bouche ventrale entourée de vingt tentacules courts. Anus presque dorsal, entouré de 5 papilles formant une étoile, émettant facilement de très gros tubes de Cuvier collants.

La coloration est variable, mais typiquement sur un fond beige ou gris clair se dessinent des ocelles jaunes ou bruns de 3 à 5 mm de diamètre, au bord et au centre plus sombres, parfois entourés d'un halo clair. Au centre des ocelles se trouve généralement un petit podia, mais tous les podia ne sont pas au centre d'un ocelle. Des ocelles proches peuvent parfois fusionner pour former des taches de formes irrégulières.

En Polynésie, la coloration de fond tire plutôt sur le violet, avec des ocelles marron clair plus petits. En Nouvelle-Calédonie le fond est gris-brun, aux Comores il est très sombre, presque noir (à moins que ce ne soit une confusion avec Bohadschia atra, voir ci-dessous).

Espèces ressemblantes

Bohadschia vitiensis (Semper, 1868) : présente en Indo-Pacifique. Sa face dorsale est jaune à marron avec deux larges bandes transversales marron foncé, sa face ventrale est uniformément blanche à marron. Ses spicules sont de trois types : 1/ longues poutrelles à base dentelée et pseudo-anastomosée, et aux extrémités trouées ; 2/ rosettes branchues et de taille intermédiaire ; 3/ petites pépites ovoïdes partiellement trouées.

Bohadschia koellikeri (Semper, 1868) : présente le long des côtes est africaines, Madagascar et Indo-Pacifique. Sa coloration de base est marron-beige, recouverte de larges taches blanches.

Bohadschia marmorata Jaeger, 1833 : présente au nord de l'océan Indien et mer Rouge. Sa coloration est foncée, marbrée de taches blanches. Ses spicules sont de trois types : 1/ longues poutrelles à base linéaire lisse et aux extrémités trouées et dentelées; 2/ rosettes de taille intermédiaire, peu branchues mais lobulées; 3/ petites pépites ovoïdes lisses.

Holothuria cousteaui (Cherbonnier, 1955) : présente à Madagascar et en mer Rouge. Sa face dorsale est marron-chocolat.

Bohadschia atra Massin, Rasolofonirina, Conand & Samyn, 1999 : présente uniquement dans le sud-ouest de l'océan Indien (aux Comores notamment). Sa coloration est beaucoup plus sombre, la face dorsale est presque noire avec des taches rondes rougeâtres, et la face ventrale est brun chocolat. Ses tubes de Cuvier sont moins gros et plus longs.

Alimentation

L'holothurie-léopard est détritivore* : elle avale le sable pour digérer les déchets organiques qui s'y trouvent. Au fur et à mesure de sa lente progression, elle libère par l'anus de longues crottes de sable fin et propre.

Reproduction - Multiplication

Les sexes sont séparés et la reproduction est externe. Au cours de la reproduction, qui aurait lieu durant la saison chaude, les individus se dressent sur les 2/3 de leur longueur pour émettre leurs gamètes* par le pore génital, situé près de la bouche.
L'émission des gamètes est influencée par le cycle lunaire et a généralement lieu au coucher du soleil, au cours des un à trois jours qui suivent la pleine lune. La fécondation est externe et a lieu en pleine eau et donne une larve* auricularia pélagique*, très différente de l'adulte. Celle-ci finit par tomber sur le fond et se transforme ensuite en un adulte miniature.

Vie associée

A la surface de Bohadschia argus se trouvent fréquemment des crevettes (comme la crevette impératrice Zenopontonia rex), des petits crabes (comme Lissocarcinus orbicularis), des vers annélides ou des gastéropodes. Leurs relations avec les holothuries ne sont pas bien connues, peut-être se nourrissent-ils de parasites microscopiques, ou simplement de particules se déposant à leur surface.

Quatre espèces de poissons-perles (Carapidés), également appelés aurins ou fierasfers, peuvent vivre à l'intérieur de l'holothurie-léopard, dans l'arbre respiratoire ou la cavité générale : Encheliophis homei (le plus fréquent), E. gracilis, Carapus boraborensis et C. mourlani. Leur forme très effilée leur permet d'y entrer par l'anus, généralement à reculons. Ils peuvent y vivre en couple, voire en banc : 15 Carapus mourlani ont été dénombrés dans une seule holothurie-léopard ! Les poissons-perles se contentent souvent de s'abriter dans leur hôte, n'en sortant que la nuit pour chasser de petits poissons et invertébrés. Une espèce cependant (Encheliophis gracilis), vivant souvent en couple dans l'holothurie-léopard, se nourrit de ses gonades et peut à ce titre être considérée comme une des très rares espèces de poissons osseux parasites. On parle dans le cas d'Encheliophis gracilis de parasitisme trophique, tandis que les autres poissons-perles entretiennent vis-à-vis de l'holothurie-léopard une relation commensale, sans association alimentaire. Le taux d'infestation estimé de Bohadschia argus par ces poissons-perles serait d'environ 35 %.

Divers biologie

En cas de danger, les holothuries peuvent rejeter leurs viscères digestifs et respiratoires par l'anus.
Pour se défendre, elles peuvent aussi émettre un appareil tubulaire spécial : les tubes de Cuvier. Ces formations filiformes, gluantes et urticantes, adhèrent fortement à tout ce qu'elles touchent, particulièrement chez Bohadschia argus.

Son tégument contient des spicules de 3 formes différentes : longues poutrelles à base lisse, linéaire et cylindrique, et aux extrémités trouées et festonnées ; rosettes très branchues et de taille intermédiaire ; petites pépites lobées partiellement trouées.

Informations complémentaires

Dans le Pacifique Sud et l'Asie du Sud-Est, les holothuries sont pêchées en plongée et consommées sous le nom de trépang. L'holothurie-léopard est également pêchée dans ce but mais a une faible valeur commerciale, peut-être en raison de ses tubes de Cuvier particulièrement collants qui en rendent la collecte et la transformation difficile.

Les tubes de Cuvier, les viscères et la peau de nombreuses holothuries contiennent des holothurines, toxines thermostables et hydrosolubles, à action hémolytique et neurotoxiques chez certains animaux, urticante chez l'homme.

Bohadschia argus contient également des toxines spécifiques, les argusides, qui auraient des propriétés anti-tumorales. Ces toxines, étudiées pour leur intérêt pharmaceutique, pourraient avoir un rôle dans la protection des holothuries contre les infections bactériennes, en complément de leur système immunitaire.

Origine des noms

Origine du nom français

Holothurie-léopard : du fait de sa robe ocellée.
Bêche de mer : nom générique des holothuries, sans doute par analogie avec l'outil qui sert à retourner la terre.

Origine du nom scientifique

Le nom de genre (Bohadschia ou Holothuria) est actuellement incertain, compte tenu des travaux de taxonomie en cours chez les holothuries. Selon la source, c'est l'un ou l'autre qui est donné valide, néanmoins le site de référence WORMS nomme cette holothurie Bohadschia argus.

Bohadschia
: en l'honneur du zoologiste tchèque Joannes Baptista Bohadsch (1724-1772), qui publia à Dresde des études sur les animaux marins, notamment le livre De quibusdam animalibus marinis en 1761.

Holothuria
vient directement du nom latin [holothurium], désignant des cnidaires, ce qui peut paraître très surprenant (le terme latin provient lui-même du grec [holothourion]). L'attribution du nom holothurie (ou holothurium) à des cnidaires est liée à la description, plutôt ambiguë, qu'en avait donné Aristote : « animal légèrement différent des éponges, immobile, dépourvu de perception, dont la vie ressemble à celle d'une plante mais non attaché ». Le terme Holothuria est resté attribué à des cnidaires jusqu'à la fin du XVIIIème siècle, date à laquelle Linné a réaffecté ce terme à des échinodermes (mais Holothuria ne désignait à l'époque qu'un nombre d'espèces beaucoup plus restreint qu'aujourd'hui, Linné ayant désigné la plupart des espèces du genre Holothuria au genre Fistularia).

argus
: transcription latine du nom du personnage de la mythologie grecque Argos (Panoptes), géant aux cent yeux qu'Hermès tua pour libérer Io. En référence aux nombreuses taches qui parsèment le tégument de l'holothurie léopard.

Classification

Numéro d'entrée WoRMS : 210768

Termes scientifiques Termes en français Descriptif
Embranchement Echinodermata Echinodermes Symétrie radiale d'ordre cinq (chez les adultes). Squelette de plaques calcaires bien développé sous le derme. Présence d'un système aquifère auquel appartiennent les podia souvent visibles extérieurement.
Sous-embranchement Echinozoa Echinozoaires Echinodermes non étoilés de forme globuleuse ou allongée. Ce groupe renferme les oursins et les concombres de mer.
Classe Holothuroidea Holothuroïdes Echinodermes vermiformes, ouverture buccale à l’extrémité antérieure du corps et entourée d’une couronne de tentacules rétractiles, anus postérieur, une seule gonade : holothuries, concombres de mer.
Endosquelette réduit à de microscopiques ossicules ou plaques, inclus dans la paroi du corps.
Ordre Holothuriida Holothurides

(Anciennement: Aspidochirotida / Aspidochirotes) Symétrie bilatérale, avec une sole de reptation et des podia buccaux en forme d’écusson. Présence de poumons, pas de muscle rétracteur de la bouche.

Famille Holothuriidae Holothuriidés Podia munis d’ampoules. La gonade est placée à gauche du mésentère dorsal.
Genre Bohadschia
Espèce argus

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