Branche unique, non ramifiée, enroulée en spirale
Grandes colonies atteignant plus de 4 m de longueur
Couleur orange à brun-rouge
Petits polypes blancs (1,4 mm) disposés sur une seule rangée
Squelette noir kératineux
Black sea whip, black wire coral (GB)
Atlantique tropical Ouest
Zones DORIS : ● CaraïbesStichopathes lutkeni est présent dans les Caraïbes, ainsi que dans le golfe du Mexique.
Cette espèce d'Antipathaire vit entre 15 et 125 mètres de profondeur, le long des tombants, dans des zones à forts courants. Elle présente une densité de population relativement faible (0,5 colonie par m2).
Le corail fil de fer est formé d'une branche unique, non ramifiée. Il mesure en moyenne 80 cm de longueur, mais des spécimens de plus de 4 m peuvent être rencontrés. La partie basse de la tige est droite ou courbée, la partie supérieure est enroulée en spirale qui rappelle la forme du fil de fer barbelé.
Il est fortement fixé au substrat* par un élargissement de la base.
Le cœnenchyme*, c'est-à-dire la partie charnue qui recouvre l'axe squelettique (foncé), est de couleur variable, allant de l'orange au brun-rouge.
Les polypes* blancs, de petite taille (1,4 mm de diamètre), sont disposés sur une seule rangée, très serrés. De forme plutôt ovale, ils présentent 6 longs tentacules* lisses, blancs, translucides (4 tentacules latéraux et 2 sagittaux).
Observations au microscope :
La branche est couverte d'épines coniques mesurant jusqu'à 340 µm de longueur. Recouvertes de tubercules, ces épines sont généralement inclinées, pointe dirigée vers l'extrémité de la branche. Elles sont disposées sur 13 rangées ou plus, avec 25-30 épines par centimètre sur chaque rangée.
Note : La disposition des polypes sur une seule rangée est une caractéristique sujette à controverse. Certaines colonies présentent un agencement plus irrégulier, donnant l'impression d'une disposition en zig-zag (voir les photos). Une révision du genre Stichopathes basée sur une étude moléculaire est nécessaire (communication personnelle, Dr. Dennis Opresko, National Museum of Natural History, Washington, Department of Invertebrate Zoology, 15/05/2016).
Dans les Caraïbes, Stichopathes occidentalis (Gray, 1860) est facilement confondu avec S. lutkeni. Les colonies de cette espèce sont de couleur jaune verdâtre.
Il est très difficile de différencier les deux espèces, seule une observation des épines au microscope permet une identification fiable. De forme similaire, les épines de S. occidentalis sont plus petites (70 à 180 µm de longueur).
S. occidentalis est abondant sur les pentes extérieures des récifs coralliens.
Très proche morphologiquement, les genres Cirrhipathes et Pseudocirrhipathes regroupent de nombreuses espèces qui vivent dans les océans Indien et Pacifique. Chez les espèces de Cirrhipathes, les polypes sont disposés tout autour de la branche. L'unique espèce de Pseudocirrhipathes montre des polypes, partiellement contractiles, disposés irrégulièrement sur un seul côté de la branche.
Cependant, une nouvelle espèce du genre Cirrhipathes a récemment été décrite en Atlantique, sur les côtes brésiliennes : Cirrhipathes secchini Echeverria, 2002. Cette description se base principalement sur la disposition des polypes, mais d'autres caractères morphologiques suggèrent son appartenance au genre Stichopathes. De plus, aucune étude moléculaire n'a pour le moment été réalisée. Donc, la validité de cette nouvelle espèce est remise en cause par certains spécialistes. Une révision des genres Stichopathes et Cirrhipathes est plus que nécessaire (communication personnelle, Dr. Dennis Opresko, National Museum of Natural History, Washington, Department of Invertebrate Zoology, 15/05/2016).
Stichopathes lutkeni est un filtreur* passif et un fort courant est indispensable pour lui apporter des proies planctoniques*. Celles-ci sont capturées par les polypes et leur couronne de tentacules munis de cellules urticantes spécialisées : les cnidocytes*.
Contrairement à d'autres Antipathaires, les espèces du genre Stichopathes sont capables de contracter complètement leurs polypes. Elles le font dans le but de réduire leurs dépenses énergétiques. Ainsi, les polypes ne s'ouvrent que la nuit lorsque le zooplancton* est plus abondant, et sont contractés le jour, quand il l'est moins.
Il est également possible que S. lutkeni se nourrisse d'éléments nutritifs dissous dans l'eau de mer.
La reproduction du corail fil de fer n'est pas connue. Elle est probablement gonochorique*, comme la plupart des Antipathaires, c'est-à-dire qu'il existe des colonies mâles et des colonies femelles. Cependant, une espèce proche, Stichopathes saccula, présente des colonies mixtes, avec des polypes mâle et femelle.
La reproduction a lieu principalement par pontes : les ovocytes* et le sperme sont libérés dans l'environnement où a lieu la fécondation.
La reproduction asexuée, par détachement de polypes, serait possiblement un mode de multiplication pour échapper à un stress environnemental. Cela a été démontré pour une espèce d'Antipathaires, Antipathella fiordensis.
Enfin, la reproduction asexuée, par fragmentation de colonie, pourrait, dans certaines conditions favorables, être un mode de multiplication. En effet, des expériences de transplantation artificielle chez une espèce de Stichopathes ont montré des taux de survie très élevés. De plus, les colonies de Stichopathes présentent souvent des signes de fracture du squelette. Cependant, la probabilité qu'un fragment se fixe sur le fond est faible, ce mode de reproduction serait donc rare.
Contrairement aux Antipathaires ramifiés, le corail fil de fer a une croissance relativement rapide. Des vitesses de croissance de plusieurs centimètres par mois ont été enregistrées.
Ce corail est très souvent parasité par le copépode Calonastes imparipes Humes & Goenaga, 1978. De petite taille (en moyenne 0,68 mm de longueur), il vit entre le coenenchyme et le squelette kératineux*. Il n'a jamais été signalé à la surface des colonies, et se déplace librement sous le coenenchyme. Malgré une densité élevée (1,2 copépodes par centimètre de colonie), aucun dommage apparent n'a été observé, même sur les colonies très parasitées. 73 % des colonies de Stichopathes lutkeni peuvent être parasitées par ce copépode.
D'autres épibiontes* ont été observés, tels qu'une crevette de la famille des Palaémonidés, ainsi qu'une espèce de ver polychète.
Chez les Antipathaires, le squelette de couleur foncée (du marron au noir), n'est pas calcifié mais kératineux. Il est formé d'une protéine à base de soufre appelée antipathine.
Ce squelette présente des propriétés élastiques, tout en étant très résistant, permettant à ces coraux de se développer dans des zones à forts courants.
Face aux courants violents, les Antipathaires monobranches, tel que le corail fil de fer, sont mieux adaptés que les Antipathaires ramifiés. Leur surface de contact, plus faible, engendre moins de résistance. De plus, l'élasticité de la morphologie hélicoïdale accroît la résistance de la colonie face aux courants, tout en maximisant la surface de filtration.
Chez des espèces proches, du genre Cirrhipathes, il a été montré que la taille finale et la forme de la colonie sont fortement liées à l'intensité du courant. Dans un courant faible, les colonies grandissent plus et présentent un nombre de spirales plus important.
De par sa forme particulière et sa taille qui peut être impressionnante, les plongeurs doivent rester à distance des spirales pour éviter que celles-ci ne s'accrochent à leur équipement.
Les coraux noirs sont appréciés en bijouterie. Le squelette est facile à travailler et le rendu qui en résulte est satisfaisant. Ils figurent parmi les gemmes organiques qui continuent d'être vendues et utilisées bien que la convention de Washington s'y oppose.
Le corail fil de fer est inscrit en annexe II de la convention de Washington (CITES) qui liste les espèces dont le commerce doit être étroitement contrôlé.
Le nom de corail fil de fer provient de la forme de son unique branche, qui s'enroule en spirale à la manière du fil de fer barbelé.
Stichopathes : du grec [sticho] = ligne, rangée (en référence à la disposition des polypes sur une seule rangée) et [pathes] = souffrance, maladie.
Depuis que Milne-Edwards et Haime ont créé l'ordre des Antipatharia, en 1857, le suffixe [pathes] est utilisé pour tous les groupes appartenant à cet ordre. Antipatharia vient du grec [antipathes] = anti souffrance, anti maladie en référence à l'usage médicinal du corail noir à l'époque gréco-romaine.
lutkeni : espèce dédiée à Christian Frederik Lütken (1827-1901), zoologiste danois. L'exemplaire « type » se trouve au Musée de Zoologie de l'université de Copenhague. Il aurait d'abord été décrit comme Cirrhipathes filiformis par Lütken. Brook, décrivant cet exemplaire comme une nouvelle espèce, lui aurait finalement rendu hommage.
Termes scientifiques | Termes en français | Descriptif | |
---|---|---|---|
Embranchement | Cnidaria | Cnidaires | Organismes aquatiques (marins pour la plupart) libres ou fixés, carnivores, principalement à symétrie radiaire, caractérisés par des cellules urticantes : les cnidocytes. Deux morphologies principales : le polype et la méduse. La larve est une planula. |
Classe | Anthozoa | Anthozoaires | Cnidaires exclusivement marins, solitaires ou coloniaux, uniquement sous la forme polype (jamais de phase méduse dans le cycle de vie). |
Sous-classe | Hexacorallia / Zoantharia | Hexacoralliaires / Zoanthaires | Anthozoaires coloniaux ou solitaires, tentacules lisses, polypes à symétrie d’ordre 6. |
Ordre | Antipatharia | Antipathaires | Coraux noirs. Colonies arbustives parfois spiralées. Squelette épineux et flexible de couleur noire. Tentacules des polypes lisses. |
Famille | Antipathidae | Antipathidés | Antipathaires présentant dix mésentères : six primaires et quatre secondaires. Tentacules longs avec l'extrémité pointue. Colonies ramifiées ou formées d'une branche unique spiralée. |
Genre | Stichopathes | ||
Espèce | lutkeni |
Une branche unique enroulée en spirale
Le corail fil de fer est formé d'une branche unique, non ramifiée. La partie basse de la tige est droite, la partie supérieure est enroulée en spirale qui rappelle la forme du fil de fer barbelé.
La Citadelle, Saint Pierre, Martinique
22/05/2005
Couleur orange à brun-rouge
Le cœnenchyme*, c'est-à-dire la partie charnue qui recouvre l'axe squelettique, est de couleur variable, allant de l'orange au brun-rouge.
Ile de la Dominique, 20 m
08/08/2015
Des spirales et encore des spirales...
La taille finale et la forme de la colonie seraient fortement liées à l'intensité du courant. Dans un courant faible, les colonies grandissent plus et présentent un nombre de spirales plus important.
Guadeloupe, 41 m
31/03/2013
Le jour, les polypes sont rétractés
Contrairement à d'autres Antipathaires, les espèces du genre Stichopathes sont capables de contracter complètement leurs polypes. Elles le font dans le but de réduire leurs dépenses énergétiques. Ainsi, les polypes ne s'ouvrent que la nuit lorsque le zooplancton* est plus abondant, et sont contractés le jour, quand il l'est moins.
Ile de la Dominique, 17 m
12/08/2015
De petits polypes blancs
Les petits polypes blancs sont visibles la nuit, lorsqu'ils sont ouverts afin de capturer les proies planctoniques*.
Guadeloupe, 37 m
31/12/2011
Une seule rangée de polypes... c'est un Stichopathes !
Les polypes sont disposés sur une seule rangée et très serrés. C'est un caractère d'identification du genre Stichopathes.
Cependant, cette disposition est une caractéristique sujette à controverse. Certaines colonies présentent un agencement plus irrégulier, donnant l'impression d'une disposition en zig-zag. Une révision du genre Stichopathes basée sur une étude moléculaire est nécessaire
Basse Terre, Guadeloupe, 20 m
29/03/2014
Polypes et tentacules
Ce gros plan nous montre très nettement la morphologie des polypes. De forme plutôt ovale, ils présentent 6 longs tentacules* lisses, blancs, translucides (4 tentacules latéraux et 2 sagittaux).
Tombant de Delgrés, Basse-Terre, Guadeloupe, 29 m
30/07/2016
Une large base
Le corail fil de fer est fortement fixé au substrat par un élargissement de la base.
Tombant de Delgrés, Basse-Terre, Guadeloupe, 29 m
30/07/2016
Confusion facile avec Stichopathes occidentalis
Dans les Caraïbes, Stichopathes occidentalis est facilement confondu avec S. lutkeni. Le principal critère visuel pour les différencier est la couleur. Les colonies de S. occidentalis sont de couleur jaune verdâtre. De plus, leur densité de population serait plus importante, en particulier sur les pentes extérieures des récifs coralliens.
Guadeloupe, 42 m
31/03/2013
Rédacteur principal : Samuel JEGLOT
Vérificateur : Alain-Pierre SITTLER
Correcteur : João FERREIRA-GONÇALVES
Responsable régional : Samuel JEGLOT
Bavestrello G., Cattaneo-Vietti R., Di Camillo C.G., Bo M., 2012, Helicospiral growth in the whip black coral Cirrhipathes sp.(Antipatharia, Antipathidae), The Biological Bulletin, 222, 17-25.
Bo M., Barucca M., Biscotti M.A., Canapa A., Lapian H.F.N., Olmo E., Bavestrello G., 2009, Description of Pseudocirrhipathes (Cnidaria: Anthozoa: Hexacorallia: Antipathidae), a new genus of whip black corals from the Indo‐Pacific, Italian Journal of Zoology, 76, 392-402.
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Bo M., Di Camillo C.G., Addamo A.M., Valisano L., Bavestrello G., 2009, Growth strategies of whip black corals (Cnidaria: Antipatharia) in the Bunaken Marine Park (Celebes Sea, Indonesia), Marine Biodiversity Records, 2, 1-6.
Cordeiro R.T.S., Maranhão H.A., da Silva Lima S.T., Pérez C.D., 2012, First record of Stichopathes occidentalis (Gray, 1860) and range extensions of Antipathes atlantica Gray, 1857 (Cnidaria: Anthozoa: Antipatharia) in the southwestern Atlantic Ocean, Check List, 8, 826-828.
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