Colonie en coussinet formée d'individus de différente taille serrés entre eux
Individus dressés, bien individualisés, en forme d'outre de 1 à 2 cm de haut
Individus (zoïdes) de couleur brun pâle à vert jaunâtre
Siphons apicaux rapprochés et tous deux à 4 lobes marqués de 4 bandes noires
Sac branchial grillagé, blanc et bien visible à travers les siphons
Courts stolons enchevêtrés à la base et portant des sphérules orange
Stolonica zorritensis Van Name, 1931
Pacifique Sud-Est, Atlantique Sud-Ouest, Pacifique Nord-Ouest, Caraïbes, Méditerranée
Zones DORIS : ● Caraïbes, ● Europe (côtes françaises), ○ [Méditerranée française]Polyandrocarpa zorritensis a été décrit à Zorritos, au nord du Pérou, en 1931, dans le Pacifique Sud-Est. Les publications suivantes mentionnent cette ascidie coloniale dans l'Atlantique Sud-Ouest, au Brésil dans l'Etat de Sâo Paulo. La région d'origine pourrait donc être l'Atlantique Sud-Ouest ou le Pacifique Sud-Est. Cependant, cette ascidie s'est largement répandue sur les côtes est et ouest de l'Amérique du Nord, à Hawaii, au Japon, en Chine et en Méditerranée. Dans les Caraïbes, elle a été retrouvée en Martinique en 2016 ainsi qu'à Panama. Elle a aussi été localisée aux îles Galápagos lors de campagnes scientifiques en 2015 et 2016.
En Méditerranée cette ascidie a été observée pour la première fois en 1974 dans le port de La Spezia dans le golfe de Gênes au nord-ouest de l'Italie, puis en 2001 dans le golfe de Tarente (mer fermée de Tarente) au sud de l'Italie, et ensuite juste à côté en Adriatique dans le port de Brindisi. Elle est identifiée en 1986 dans les eaux espagnoles, dans le delta de l'Èbre. En 2019 elle est observée pour la première fois en France métropolitaine dans l'Etang de Thau.
Polyandrocarpa zorritensis se développe par très petits fonds (de 1 à au moins 6 m) sur des substrats* durs naturels et artificiels que l'on trouve sous les quais, les pontons, les coques de bateaux et les mangroves. Les cordages immergés semblent particulièrement bien lui convenir. En Méditerranée, et peut-être ailleurs, Polyandrocarpa zorritensis affectionne les zones particulièrement sales (eaux chargées en milieux semi-fermés et avec un apport en eau douce) peut-être pour la richesse en nourriture, et de faible salinité (33-36), qui correspond à la salinité de son lieu d'origine (Atlantique Sud-Ouest/Pacifique Sud-Est).
Polyandrocarpa zorritensis forme des colonies en coussinet étendues sur plusieurs dizaines de centimètres, voire bien plus si le support le permet. Les colonies sont constituées de quelques dizaines à quelques centaines de zoïdes* serrés et de différente taille, qui sont reliés entre eux par un enchevêtrement de fines ramifications orangées (ou stolons*) issues de leur base.
En forme de petite outre gonflée sur leur moitié supérieure, les zoïdes sont parfois légèrement pédonculés* et dressés perpendiculairement au substrat. Bien que très serrés entre eux, ne fusionnent pas au niveau de la tunique de chaque outre. Ils sont de couleur brun pâle à vert jaunâtre et mesurent jusqu'à 20 mm de long et 4 mm de diamètre. Les très jeunes individus sont plus transparents. La tunique est mince, résistante et peut être plus ou moins sale, mais non incrustée de sable.
Le siphon* buccal apical et le siphon cloacal* légèrement excentré présentent quatre lobes*. Les deux siphons montrent quatre bandes foncées, presque noires, parfois dédoublées, et principalement visibles à l'intérieur des siphons. Entre ces bandes noirâtres la pigmentation est jaunâtre chez les adultes et blanchâtre chez les jeunes zoïdes. Le siphon buccal est protégé par environ 30 tentacules* oraux de deux longueurs différentes et de couleur blanche. Les lobes de ce siphon buccal, particulièrement chez les plus grands individus, peuvent secondairement se dédoubler.
Le long des stolons, des corps globulaires orange d'environ 1 à 2,5 mm de diamètre (nommés sphérules*) sont parfois visibles. Quand la température de l'eau baisse en hiver, les colonies disparaissent aux yeux des plongeurs. Elles subsistent à l’état de sphérules dormantes, qui formeront de nouveaux zoïdes au printemps.
Il existe une trentaine d'espèces dans le genre Polyandrocarpa. Certaines présentent un aspect similaire à Polyandrocarpa zorritensis, dont Polyandrocarpa anguinea (siphons* poivre et sel sans bande noire, circumtropical) ou Polyandrocarpa rollandi (siphons noirs, Pacifique Sud). Une espèce récemment découverte en Méditerranée puis retrouvée aux Caraïbes, Polyandrocarpa arianae, représente la seconde espèce du genre en Méditerranée. Ses zoïdes* et ses colonies ressemblent en forme et en taille à P. zorritensis, mais son anatomie interne diffère notablement ainsi que son biotope* car elle vit entre 90 et 600 m de profondeur.
Certaines espèces des genres voisins Amphicarpa et stolonica forment des groupes de zoïdes serrés, de forme, de port et de taille similaires mais sans les 4 bandes noires aux siphons. Par ailleurs Stolonica socialis présente également des sphérules orange le long de stolons, ce qui accentue la confusion. Mais la couleur orange vif des zoïdes est très différente de P. zorritensis.
Comme les autres tuniciers, c'est un animal filtreur*. L'eau, chargée des particules nutritives, pénètre par le siphon* buccal. Ce dernier est muni d'une couronne de tentacules* sensoriels. En déclenchant la contraction du siphon buccal, ces tentacules sont capables de boucher l'entrée aux objets aspirés de trop grande taille. Le liquide qui a pénétré dans l'animal débouche à l'intérieur d'un sac branchial, puis est amené au niveau de fentes que l'on appelle les trémas* ou stigmates*. Il passe ensuite dans la cavité péribranchiale, puis ressort par le siphon cloacal*.
Les particules sont retenues au niveau des fentes du filtre et sont enrobées par du mucus, l'ensemble constituant un agrégat nutritif qui est conduit par le battement des cils vers l'estomac via l'œsophage. La digestion y est facilitée par l'action d'une glande digestive qui y est accolée. Après le passage dans l'intestin, les déchets de la digestion sont évacués, sous forme de chapelets de fèces*, par un anus débouchant dans le siphon cloacal.
Les ascidies sociales (aplousobranches) ainsi que les thaliacés se reproduisent généralement selon une alternance de cycles sexués et asexués. Mais les deux modes de reproduction peuvent aussi être concomitants à la belle saison chez certaines espèces. C’est d’ailleurs, semble-t-il, le cas pour P. zorritensis qui prolifère par bourgeonnement, en même temps qu’il produit des larves* nageuses. C’est aussi le cas pour Botryllus par exemple.
Les ascidies sociales sont hermaphrodites*, le plus souvent vivipares* (rarement ovipares*, comme par exemple Polyandrocarpa misakiensis) et la fécondation est interne.
Chez certaines espèces, l'embryon se développe dans l'ascidie "mère". Chez Polyandrocarpa zorritensis, les œufs et les larves sont incubés dans la cavité péribranchiale de mai à septembre. Les larves sont plus nombreuses en mai puis de moins en moins nombreuses pour ne plus y avoir que de rares œufs non fertiles en décembre (toutes ces périodes correspondent à des observations faites à la Spezia au Nord-Ouest de l'Italie).
La période de reproduction dépend de la température et d'autres facteurs comme la disponibilité des ressources alimentaires.
Les ascidies sociales présentent également une multiplication asexuée permettant la croissance de la colonie. Chez Polyandrocarpa zorritensis, le bourgeonnement* de nouveaux individus se fait le long des stolons* rampants qui partent en éclaireurs pour la conquête de nouveaux espaces.
Polyandrocarpa zorritensis utilise une troisième voie pour sa survie en période hivernale. Lorsque la température de l'eau descend au-dessous de 11 °C, les individus adultes disparaissent et les bourgeons présents sur les stolons se transforment, non pas en nouvel individu adulte comme quand l'eau est chaude (18 °C et plus), mais en sphérules* de couleur orangée de 1 à 2,5 mm de diamètre. Dans la plupart des cas, ces sphérules restent attachées au substrat sur lequel elles ont été produites. Elles peuvent aussi se détacher de la colonie pour aller se fixer un peu plus loin sur des substrats durs ou d'autres grandes ascidies (Phallusia mammillata ou Styela plicata en particulier). Ces sphérules représentent une forme de dormance et peuvent survivre plusieurs mois en attendant le réchauffement des eaux. A partir d'un retour de la température autour de 18 °C (optimal à 24 °C), ces sphérules peuvent développer un nouveau zoïde* fonctionnel qui pourra être à l'origine d'une nouvelle colonie estivale.
Description de l'anatomie interne simplifiée (cette étude est nécessaire pour identifier à coup sûr la plupart des ascidies, mais reste l'affaire de spécialistes) :
La dissémination de cette ascidie, devenue cosmopolite des eaux chaudes à tempérées, se fait probablement par le transport maritime (marine marchande ou militaire), ou peut-être par l'importation de moules ou d'huîtres, sur les coquilles desquelles se fixent les sphérules de Polyandrocarpa zorritensis.
Le genre Polyandrocarpa ne diffère pas, du point de vue anatomique, du genre Polycarpa. La seule différence entre ces deux genres vient du fait que Polyandrocarpa forme des bourgeons (ascidie sociale reliée à une base commune) alors que Polycarpa n'en génère pas (ascidie solitaire, mais souvent grégaire). Chez Polyandrocarpa, des bourgeons émergent habituellement de courts stolons produits par la colonie composée d'individus collés les uns aux autres et réunis par une base commune constituée de tunique vascularisée. Dans les deux genres toutes les gonades* sont hermaphrodites.
Polyandrocarpe de Zorritos est une francisation du nom scientifique.
Polyandrocarpa : du grec [polus] = plusieurs, du grec [andros] = homme et [karpos] = poignet. Les nombreux (poly-) ovaires associés aux testicules sous forme de masselottes ovoïdes (-carpa) de l'ordre du millimètre font saillie dans la cavité péribranchiale. Nous n'avons pas trouvé l'origine de "andro" dans ce nom de genre.
zorritensis : de la ville de Zorritos au nord du Pérou.
Numéro d'entrée WoRMS : 103895
Termes scientifiques | Termes en français | Descriptif | |
---|---|---|---|
Embranchement | Chordata | Chordés | Animaux à l’organisation complexe définie par 3 caractères originaux : tube nerveux dorsal, chorde dorsale, et tube digestif ventral. Il existe 3 grands groupes de Chordés : les Tuniciers, les Céphalocordés et les Vertébrés. |
Sous-embranchement | Urochordata / Tunicata | Urochordés / Tuniciers | Chordés marins fixés (ascidies) ou pélagiques (thaliacés), solitaires ou coloniaux. Epaisse tunique cellulosique. Deux siphons, pharynx bien développé, la chorde larvaire régresse chez l'adulte (sauf chez les Appendiculaires). |
Classe | Ascidiacea | Ascidies / Ascidiacés | Tuniciers fixés. Solitaires ou coloniaux (seuls capables de bourgeonnement). Chorde uniquement au stade larvaire. Siphon inhalant au sommet, proche du siphon exhalant latéral. Souvent en eau peu profonde. |
Ordre | Stolidobranchia | Stolidobranches | Ascidies pleurogones sans division du corps en thorax et abdomen. |
Famille | Styelidae | Styélidés | Stolidobranches avec un maximum de 4 fentes allongées de chaque côté du sac branchial. Pour les styélidés composés, zoïdes* en une seule partie. |
Genre | Polyandrocarpa | ||
Espèce | zorritensis |
Ascidie sociale brunâtre aux siphons marqués de 4 bandes noires internes
Polyandrocarpa zorritensis forme des colonies constituées d'individus en forme d'outre de différentes tailles. Les individus observés en communauté dense mesurent environ 1 à 2 cm.
Ponton de la Bordelaise, Etang de Thau (34), 6 m
05/10/2019
Colonie étendue
Les colonies sont constituées de zoïdes très serrés mais pour autant non soudés entre eux au niveau des outres.
Des sphérules orange sont visibles au centre.
Ponton de la Bordelaise, Etang de Thau (34), 5 m
05/10/2019
Dans le delta de l'Èbre en Espagne
Cette espèce invasive (originaire d'Amérique du Sud) a été officiellement observée pour la 1e fois dans le delta de l'Èbre (Delta del Ebro) sur la côte espagnole méditerranéenne en 1986.
Les individus observés en communauté dense mesurent ici environ 2 cm.
Baie d'Alfacs (delta de l'Èbre), Espagne, 2 m
24/09/2015
Anomalie, deux siphons cloacaux
La présence de deux siphons cloacaux est une anomalie rare mais non exceptionnelle chez plusieurs espèces d'ascidies simples.
Ponton de la Bordelaise, Etang de Thau (34), 6 m
05/10/2019
Siphons à 4 bandes noirâtres
Les deux siphons sont formés de 4 lobes marqués de 4 bandes noirâtres plus visibles à l'intérieur qu'à l'extérieur des entonnoirs siphonaux. Ces bandes foncées sont parfois dédoublées.
Notez qu'au sein d'une même colonie des individus de différentes tailles cohabitent souvent.
Ponton de la Bordelaise, Etang de Thau (34), 6 m
05/10/2019
Sphérules jaunâtres
Les sphérules jouent un rôle dans la dispersion des colonies. Elles sont facilement détachables de la colonie mère par action mécanique et peuvent être transportées en pleine eau. Elles peuvent aussi permettre la multiplication des colonies. Les sphérules représentent un stade de dormance en période hivernale.
Ponton de la Bordelaise, Etang de Thau (34), 6 m
05/10/2019
Sphérules et stolons
Au pied de la colonie s'étire un réseau plus ou moins dense de ramifications (stolons) relativement fragiles et sur lequel, à l'entrée de l'hiver, de petites sphérules orangées sont bien visibles.
Notez aussi la présence de fins tentacules blancs en couronne à l'entrée des siphons buccaux.
Ponton de la Bordelaise, Etang de Thau (34), 5 m
05/10/2019
Notion de taille
La hauteur des individus est de l'ordre de 1 cm pour cette petite colonie qui adhérait faiblement à la coque d'une épave de bateau récemment coulée.
Ponton de la Bordelaise, Etang de Thau (34), 6 m
05/10/2019
Sac branchial blanc et grillagé
Le sac branchial de Polyandrocarpa zorritensis est bien visible au travers des deux siphons*. Il présente un aspect grillagé et une coloration bien blanche.
Ponton de la Bordelaise, Etang de Thau (34), 6 m
05/10/2019
Aux caraïbes
Cette ascidie grégaire est présente par très petits fonds en Guadeloupe.
Petite Malendure, Bouillante, Guadeloupe, 1 m
29/06/2021
Ascidie solitaire aggrégée
Les individus sont serrés, mais non fusionnés, entre eux.
Petite Malendure, Bouillante, Guadeloupe, 1 m
29/06/2021
Dessin ancien
Ce dessin montre une partie de colonie (a) et les ramifications ou stolons (b) à la base d'un zoïde et portant un jeune zoïde.
Dessin de COPELLO M. dans Brunetti R., 1978, A colonial ascidian new to the Mediterranean, Vie et Milieu 28-29: 647-652
Reproduction de documents anciens
1978
Dessins originaux de l'auteur
A : gonade comportant des ovaires (gonades femelles) et des testicules (gonades mâles)
B : coupe gauche (avec l'anse intestinale et l'endocarpe) et droite (où les polycarpes/gonades sont un peu plus nombreux qu'à gauche)
C : groupe de zoïdes et leur réseau de stolons les liant à la base de la colonie
D : tubercule dorsal/vibratile (système nerveux rudimentaire)
E : partie du sac branchial grillagé.
Van Name W. G., 1931, New North and South American ascidians, Bull. Amer. Mus. Nat. Hist. 61: 207-225
Reproduction de documents anciens
1931
Rédacteur principal : Frédéric ANDRÉ
Vérificateur : Pascal GIRARD
Correcteur : Alexandre ALIÉ
Responsable régional : Frédéric ANDRÉ
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Brunetti R., 1978, A colonial ascidian new to the Mediterranean, Vie et Milieu, 28-29, 647-652.
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Van Name W. G., 1931, New North and South American ascidians, Bull. Amer. Mus. Nat. Hist., 61, 207-225.
La page de Polyandrocarpa zorritensis dans l'Inventaire National du Patrimoine Naturel : INPN