Torpille marbrée

Torpedo marmorata | Risso, 1810

N° 321

Méditerranée, Atlantique

Clé d'identification

Poisson en forme de disque épais et arrondi
Deux nageoires dorsales, la première un peu plus développée que la seconde
Coloration marbrée à mouchetée de dessins clairs ou sombres sur fond beige à brun foncé
Spiracles avec 6 à 8 papilles qui se touchent à leur extrémité

Noms

Autres noms communs français

Raie torpille marbrée, torpille, galina (Pays catalan), estourpiho (Marseille), dourmigliona (Nice), tremoulo (Bastia), tremble, tremblard (Vendée), raie électrique (Boulogne)

Noms communs internationaux

Marbled electric ray (GB), Torpedine marezzata (I), Tembladera, tremolina marmol (E), Marmelzitterrochen, Mamorrochen (D), Gemarmerde sidderrog (NL), Tremelga marmoreada (P)

Distribution géographique

Méditerranée, Atlantique

Zones DORIS : ● Europe (côtes françaises), ○ [Méditerranée française], ○ [Atlantique Nord-Est, Manche et mer du Nord françaises]

Depuis la mer du Nord où elle est rare, jusqu'au golfe de Guinée en Atlantique. Présente en Méditerranée, sauf en Adriatique ainsi qu'autour de la Sardaigne et de la Sicile.

Biotope

On la rencontrera entre 10 et 100 m de profondeur en moyenne en Méditerranée, le plus souvent sur les fonds sablo-vaseux des côtes, les herbiers, notamment de posidonies, ou à proximité des rochers.
En Atlantique elle se trouve depuis le rivage jusqu'à 50 m de profondeur.

Description

Cette raie a une forme de disque épais et arrondi, pouvant atteindre 80 cm de diamètre, 100 cm pour les individus les plus grands. Elle possède une nageoire caudale développée qui assure la propulsion par battement et deux nageoires dorsales, la première un peu plus développée que la seconde.
Ses spiracles*, ou évents*, juste en arrière des yeux, sont munis sur leur bordure de longues papilles (six à huit) dont les pointes se touchent.
Sa couleur est en général marbrée à mouchetée de dessins clairs ou sombres sur fond beige à brun foncé, parfois même plus ou moins jaunâtre, verdâtre ou noirâtre.
Comme chez les autres raies, ses fentes branchiales sont visibles sur le ventre, en arrière de la bouche.

Espèces ressemblantes

Il est possible de la confondre avec la torpille noire, Torpedo nobiliana (Bonaparte, 1835), mais celle-ci possède une coloration sans marbrure, noir-violet.

Des confusions sont possibles aussi avec la torpille ocellée Torpedo torpedo (Linnaeus, 1758) mais cette espèce possède 5 ocelles bleu foncé sur le corps et n'a pas de marbrures.

Enfin, la torpille d'Alexandrie (Torpedo alexandrinsis Mahzar, 1982) est une espèce proche bien que le disque constituant le corps soit plus long que large et qu'il existe 7 papilles courtes autour des évents.

Alimentation

Espèce prédatrice en grande majorité de petits poissons benthiques*, beaucoup plus rarement de crustacés (crevettes) et de mollusques (seiches). Elle s'approche de sa proie et, une fois à proximité de celle-ci, elle la paralyse par une décharge électrique, avant de la recouvrir pour la dévorer. La torpille avale sa proie sans cesser d'effectuer des décharges électriques.
Parfois, cette décharge électrique pour paralyser la proie peut être telle qu'elle a la capacité de rompre la colonne vertébrale du poisson qui passait à proximité lorsque celui-ci se contracte sous le choc.

Reproduction - Multiplication

Les individus sont à sexes séparés. Cette espèce est vivipare, avec un cycle de reproduction qui s'étale sur 2 années.
Le mâle présente deux organes de copulation : les ptérygopodes*, qui résultent de la modification des nageoires pelviennes. Au moment de l'accouplement (on observera par chance les deux raies ventre à ventre), il n'en utilisera qu'un seul pour pénétrer le cloaque de la femelle.
La fécondation est donc interne, et après gestation de 8 à 10 mois, la raie-torpille femelle donnera naissance à deux à trente juvéniles à la fois, ceux-ci pouvant atteindre 10 cm. Le nombre de petits est d'autant plus important que la femelle est grande.
La période de mise bas varie en fonction de la position géographique et s'étend d'octobre à décembre pour les individus qui vivent en Méditerranée et de novembre à mai en Atlantique.

Vie associée

Il arrive qu'un annelide de la Sous-classe des Hirudinées, la sangsue des raies Branchellion torpedinis, parasite Torpedo marmorata à qui elle suce le sang.

Divers biologie

Ce poisson reste souvent immobile sur le fond, plus ou moins bien enfoui, et ne laissant apparaître que ses yeux pour guetter ses proies, mobiles, essentiellement la nuit.

Les décharges électriques provoquées par cette espèce durent une fraction de seconde. Leur intensité est corrélée à la taille de l'individu et elles sont délivrées grâce à des organes spécifiques, en forme de haricots, situés dans les zones épaissies, de part et d'autre de la tête (voir photo 10). Ces décharges peuvent atteindre 45 V ou plus chez cette espèce (même si d'autres espèces du genre peuvent approcher les 230 V !).
La décharge électrique est un acte volontaire de l'animal. Il peut générer plusieurs décharges successives mais l'intensité des impulsions diminue fortement lorsque celles-ci se succèdent. Il faudra ensuite, à l'instar d'une batterie électrique, un certain temps à l'individu pour recharger ses organes électriques.
Le champ électrique généré permet de localiser, d'attaquer et d'assommer les proies, mais il permet également l'autodéfense du poisson.

Pour produire son électricité, la raie dispose donc d'organes électriques spécialisés. Ce sont des structures musculaires constituées notamment de cellules nommées électrocytes. Elle sont formées de colonnes de disques empilés depuis la peau du dos jusqu'à celle du ventre et reliées entre elles par une substance gélatineuse.
Le cerveau alimente ces disques par 5 nerfs électriques. Les disques sont connectés en série et chacun d'eux porte sur ses faces des charges de signes opposés. En effet, la surface ventrale de ces disques est chargée négativement, la face dorsale l'est positivement. La connexion en série des disques permet de générer une différence de potentiel électrique remarquable pour une intensité de 5 à 10 ampères et une fréquence pouvant aller jusqu'à 600 hertz. Il s'agit d'un potentiel électrochimique de membrane du même type que toute cellule animale peut produire mais il est, chez la raie torpille, amplifié par la grande concentration en canaux ioniques.

Ces raies effectuent des migrations saisonnières. C'est ainsi que dans le bassin d'Arcachon on rencontre essentiellement des femelles gravides qui entrent vers la fin mai pour en ressortir début octobre.

Informations complémentaires

L'approche de cette raie-torpille est assez facile mais attention toutefois aux décharges électriques ! Elles peuvent être douloureuses pour l'homme, mais sont en général sans danger réel. Cependant un spécimen de grande taille peut provoquer un choc susceptible d'entraîner un accident de plongée (choc, remontée catastrophe…).

Il a été observé en aquarium que si on touche une raie-torpille au repos, celle-ci se retourne contre son agresseur au lieu de fuir comme pourrait le faire un autre poisson.

Les décharges électriques de la raie-torpille étaient jadis utilisées comme traitement thérapeutique pour palier aux chocs épileptiques. Les romains utilisaient également cette capacité pour traiter les rhumatismes.
Aujourd'hui, les capacités électriques de Torpedo marmorata, et notamment les organes concernés riches en canaux ioniques, en font un sujet d'étude privilégié pour les neurosciences.

Origine des noms

Origine du nom français

Torpille marbrée : ce nom vient du nom scientifique et pointe à la fois le côté "choc électrique" du poisson (torpille) et l'aspect coloré de son tégument (marbré).

Origine du nom scientifique

Torpedo : en latin, c'est le nom donné au poisson. Il signifie "torpeur, engourdissement" en raison de l'état dans lequel se trouve celui qui reçoit la décharge électrique.

marmorata : directement issu du latin et signifie marbré, en raison de la teinte de cette raie.

Classification

Termes scientifiques Termes en français Descriptif
Embranchement Chordata Chordés Animaux à l’organisation complexe définie par 3 caractères originaux : tube nerveux dorsal, chorde dorsale, et tube digestif ventral. Il existe 3 grands groupes de Chordés : les Tuniciers, les Céphalocordés et les Vertébrés.
Sous-embranchement Vertebrata Vertébrés Chordés possédant une colonne vertébrale et un crâne qui contient la partie antérieure du système nerveux.
Classe Chondrichthyes Chondrichthyens Squelette cartilagineux, deux nageoires dorsales et une anale (primitivement), nageoire caudale hétérocerque*, deux paires de nageoires paires, bouche disposée sur la face ventrale.
Sous-classe Elasmobranchii Elasmobranches Squelette des nageoires pectorales tribasal. Deux nageoires dorsales. 5 ou 6 paires de fentes branchiales et des spiracles.
Super ordre Euselachii Sélaciens Raies et requins.
Ordre Torpediniformes Torpédiniformes Raies électriques.
Famille Torpedinidae Torpédinidés
Genre Torpedo
Espèce marmorata

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