Grande nacre

Pinna nobilis | Linnaeus, 1758

N° 311

Endémique de Méditerranée

Clé d'identification

Bivalve
Fiché verticalement dans le sédiment
Grande taille pouvant atteindre 1 mètre

Noms

Autres noms communs français

Nacre, jambonneau de mer, jambonneau hérissé, pinne noble, pinne géante

Noms communs internationaux

Fan mussel, rough pen shell (GB), Pinna, nacchera, astura (I), Nácar, tridacna (E), Steckmuschel, Schinkenmuschel (D), Steekmossel (NL)

Synonymes du nom scientifique actuel

Pinna squamosa Gmelin, 1791 (individus jeunes),
Pinna incurvata Born, 1780
Pinna angustana Lamarck, 1819
Pinna squammosa Réquien, 1848
Pinna cornuformis Brusina, 1870
Pinna ensiformis Monterosato, 1884
Pinna nigella de Gregorio, 1885

Distribution géographique

Endémique de Méditerranée

Zones DORIS : ● Europe (côtes françaises), ○ [Méditerranée française]

Espèce endémique de Méditerranée (non présente en mer Noire).

Biotope

Fonds sableux ou sablo-vaseux, prairie de posidonies ou de zostères.

Description

Bivalve de forme triangulaire avec une extrémité pointue enfouie dans le sédiment (jusqu'à la moitié au maximum) et une extrémité postérieure arrondie. Les faces extérieures des valves sont hérissées de petites épines en forme de gouttières qui disparaissent chez les individus âgés. Elles sont garnies d'une vingtaine de costules (petites côtes, stries) rayonnantes. L'intérieur des valves est lisse, brillant, nacré, de couleur brunâtre, l'extérieur est brun.
C'est le plus grand mollusque bivalve de Méditerranée (et l'un des plus grands du monde avec les bénitiers tropicaux) : il peut dépasser 1 mètre et vivre 40 ans.

Espèces ressemblantes

Une espèce voisine, Pinna rudis (nacre épineuse) de couleur marron fauve porte de grosses écailles et ne dépasse guère 30 cm à 40 cm. Son habitat est rocheux et sa répartition est essentiellement l'océan Atlantique tropical occidental. Elle est assez rare en Méditerranée. On peut la confondre avec des jeunes individus de grande nacre (il est à noter que ces jeunes individus de nacres hérissés ont été décrits par erreur sous le nom de P. squamosa, qui est donc un synonyme de P. nobilis). Les faces externes de P. rudis ne sont garnies que d'une demi-douzaine de costules (une vingtaine chez P. nobilis). L'intérieur des valves de P. rudis comporte deux lobes nacrés de taille comparable alors que chez P. nobilis, le lobe ventral est plus long.

Atrina fragilis est une espèce de petite taille (20 à 30 cm) qui ne peut être confondue avec Pinna nobilis. Ses deux valves triangulaires ont la surface lisse et brillante. Elle est présente en Atlantique de l'Est, depuis les côtes anglaises jusqu'au Sénégal, ainsi qu'en Méditerranée (Camargue), sur des fonds vaseux ou sableux assez profonds (30 à 600 m). La zone nacrée à l'intérieure des valves est unique.

Alimentation

Les nacres sont implantées dans le sédiment et inclinées vers le courant. Elles filtrent leur nourriture : particules vivantes (plancton*) ou mortes (matières organiques). Les nacres filtrent 6,5 litres d'eau par 24 heures. Elles ont un métabolisme lent par rapport aux moules (100 L/24h) ou aux huîtres (40 L/24h).

Reproduction - Multiplication

P. nobilis est un animal à hermaphrodisme* successif à maturation asynchrone. La période de reproduction sur nos côtes s'étale de juin à août.

Vie associée

La grande nacre est un substrat* idéal pour de nombreux organismes épibiontiques* comme les ascidies (ex : Halocynthia papillosa), les algues (ex : Acetabularia acetabulum) ou d'autres bivalves comme l'huître plate (Ostrea edulis).
P. nobilis héberge entre ses valves un symbionte*, le crustacé décapode Nepinnotheres pinnotheres. Il semblerait qu'elle lui fournisse des particules nutritives en échange d'être prévenue de dangers éventuels. La crevette commensale Pontonia pinnophylax peut remplacer Nepinnotheres et être hébergée en couple au cœur des branchies.

Divers biologie

Longtemps exploitée par les romains qui tissaient des vêtements à l'aide de son byssus* et fabriquaient des boutons avec sa nacre (en Calabre, en Sicile et à l'île de Malte), elle est aujourd'hui menacée par la régression des herbiers de phanérogames marines, par les ancres des bateaux qui brisent sa coquille et par les plongeurs amateurs de souvenirs. En plus de l'homme ses principaux prédateurs sont la daurade (Sparus aurata) et le poulpe (Octopus vulgaris).

Les filaments de byssus*, fixés dans les grains de sable, et le pied permettent à la P. nobilis d'effectuer des déplacements plus ou moins importants. Couchée dans le sable, la nacre est capable de se redresser et de se replanter (Redressement de Pinna nobilis en milieu contrôlé - De Gaulejac et Vicente, 1990).

P. nobilis peut sécréter des perles de couleur rougeâtre, ne possédant aucune valeur marchande. Les particules pénétrant entre le manteau et la coquille provoquent parfois la formation, par les cellules de l'épithélium externe du manteau, d'un sac perlier qui va sécréter des substances s'arrangeant en couches concentriques fines autour du noyau constitué par le corps étranger (Vicente et Moreteau, 1991).

On estime aujourd'hui que la grande nacre dans de bonnes conditions peut probablement vivre plus de 40 ans.

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Mortalité massive de Pinna nobillis (Source : Agence Française pour la Biodiversité)

Depuis 2016, un épisode de mortalité massive touche les grandes nacres de Méditerranée. Cette mortalité a commencé sur la côte méditerranéenne de l’Espagne où la mortalité a atteint 100 % dans certains secteurs.

Un protozoaire parasite, Haplosporidium pinnae, retrouvé dans la glande digestive des nacres est à l'origine de la mortalité. Le pathogène touche principalement la grande nacre Pinna nobilis et épargne la Pinna rudis, deux espèces présentes dans les eaux de Méditerranée française. On sait peu de chose du parasite sauf que sa prolifération s’accentue avec le réchauffement de la température de l’eau.

La situation en octobre 2018 faisait état de la présence du parasite dans les nacres du golfe d’Ajaccio, du Cap Corse, de Banyuls sur mer, dans la baie de la Ciotat, Alpes-Maritimes et des épisodes de mortalités importantes enregistrées. De nombreux signalements ont été apportés par les gestionnaires d’aires marines protégées, nombreuses sur la façade méditerranéennes et en Corse (réserve naturelle de Cerbère Banyuls, Parc naturels marin du Cap Corse, Parc marin du golfe du Lion, Parc national des Calanques et de Port-Cros, site Natura 2000 de la Corniche varoise). Des analyses sont également en cours sur des nacres en provenance d’autres secteurs (Bouches de Bonifacio, Baie de Calvi, rade de Villefranche….).

Face à ce phénomène, l’Agence française pour la biodiversité et les principaux acteurs (scientifiques, gestionnaires d’aires marines protégées, services de l’État, établissements publics…) ont mis en place un certain nombres d'actions :

  • L'identification et le suivi des foyers de résistance au parasite – comme les zones lagunaires - notamment à travers le réseau de gestionnaires d’aires marines protégées. Il s’agit principalement d’observer les nacres encore vivantes, de comprendre leur les mécanismes de résistance ou de résilience et de renforcer leurs suivis.
  • Le prélèvement de nacres en bonne santé pour leur conservation en aquariums. Ce projet est en cours de montage par l’observatoire de Banyuls qui dispose des installations et du concours des agents de la Réserve naturelle et de Cerbère-Banyuls et du parc naturel marin du golfe du Lion. L’objectif est de prélever une cinquantaine d’individus pour essayer de garantir la conservation de l'espèce en aquarium.
  • Le transfert de nacres à plus grande profondeur, dans des eaux plus fraîches, pour garantir leur chance de survie ou favoriser leur résilience face aux parasites dans des eaux plus fraîches est à l’étude. Le Parc national des Calanques et la communauté de communes du golfe de St Tropez sont candidats à l’expérimentation ainsi que la Direction de l’environnement de Monaco dans leurs eaux.
  • Le captage de larves pour réimplantation dans le milieu. L’Institut Paul Ricard a déjà réalisé ce type de captage et a pu réimplanter des individus avec succès dans la lagune des Embiez, classé en site Natura 2000.

Informations complémentaires

Une légende prétend que le byssus* de Pinna nobilis servit à confectionner la "Toison d'Or".
Le pape Benoit XIV reçu en cadeau en 1754 une paire de bas fait de byssus* de grande nacre. La reine Victoria portait des gants de byssus* en provenance d'Italie.

L'épisode létal actuel (2018) dû au protozoaire parasite Haplosporidium pinnae est traité dans le § : vie associée.

Statuts de conservation et réglementations diverses

Pinna nobilis a été inscrite au registre de l'UICN (Union Internationale pour la Conservation de la Nature) comme étant en Danger Critique d'Extinction (CR) suite à la mortalité massive due à Haplosporidium pinnae.

Elle est sur la liste des invertébrés dont "la destruction, la capture ou l'enlèvement, la naturalisation ou, qu'ils soient vivants ou morts, le transport, le colportage, la mise en vente, la vente ou l'achat" sont interdits (arrêté du 26 novembre 1992).

Elle est également citée dans la législation communautaire (annexe IV de la directive habitat 92/43/CEE concernant la conservation des habitats naturels ainsi que la flore et la faune sauvage).
Elle figure enfin dans l'annexe II de la convention de Barcelone (1995) qui liste les espèces Méditerranéennes en voie de disparition.

Origine des noms

Origine du nom français

Grande nacre : ce bivalve est d'une très grande taille par rapport aux autres bivalves (les moules, par exemple) et l'intérieur des valves est nacré.
Jambonneau de mer de par sa forme.
Pinne noble et pinne géante : traduction du nom scientifique.

Origine du nom scientifique

Pinna : du latin [pinna] = plume, aile, eube de roure de moulin en référence la forme de la coquille.

nobilis : du latin = connu, célèbre, noble.

Classification

Numéro d'entrée WoRMS : 140780

Termes scientifiques Termes en français Descriptif
Embranchement Mollusca Mollusques Organismes non segmentés à symétrie bilatérale possédant un pied musculeux, une radula, un manteau sécrétant des formations calcaires (spicules, plaques, coquille) et délimitant une cavité ouverte sur l’extérieur contenant les branchies.
Classe Bivalvia / Lamellibranchia / Pelecypoda Bivalves / Lamellibranches / Pélécypodes Mollusques aquatiques, filtreurs, au corps comprimé latéralement. Coquille composée de 2 valves articulées disposées de part et d’autre du plan de symétrie. Absence de tête, de pharynx, de radula et de glande salivaire.
Sous-classe Pteriomorphia Ptériomorphes Muscle adducteur postérieur développé, antérieur réduit.
Ordre Pterioida Ptérioïdes Animaux à coquille en forme d'ailes, souvent inéquivalves. Charnière sans dents. Animaux fixés ou libres.
Famille Pinnidae Pinnidés Coquille enfoncée verticalement par l'extrémité pointue dans le sable ou la vase, et fixée par un byssus.
Genre Pinna
Espèce nobilis

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