Éponge de toilette

Spongia (Spongia) officinalis | Linnaeus, 1759

N° 1929

Méditerranée et Atlantique proche

Clé d'identification

Forme massive, globuleuse
Parfois munie de lobes
Tégument ayant un aspect "chair de poule"
Oscules souvent proéminents
Anneau clair autour de chaque oscule
Teinte variable : gris clair à presque noire, parfois jaunâtre

Noms

Autres noms communs français

Éponge fine grecque, éponge officinale

Noms communs internationaux

Greek bathing sponge (GB), Spugna da bagno (I), Esponja de baño, esponja de baño griega (E), Dalmatinenschwamm (D), Badspons (NL)

Synonymes du nom scientifique actuel

Euspongia officinalis (Linnaeus, 1759)
Spongia adriatica Schmidt, 1862
Spongia quarnerensis Schmidt, 1862
Spongia mollissima Schmidt, 1862

Distribution géographique

Méditerranée et Atlantique proche

Zones DORIS : ● Europe (côtes françaises), ○ [Méditerranée française]

Cette éponge est présente en Méditerranée et dans l'Atlantique proche.
Elle a été signalée par erreur dans le golfe de Mexico.

Biotope

L'éponge de toilette se développe sur les substrats durs, les rochers principalement et aussi parfois, sur les rhizomes* de posidonies. Elle se rencontre à partir de quelques mètres de profondeur, dans ce cas sous les surplombs, jusqu'à plus de 40 m.
Au-delà de 40 m, elle sera plus rare et on ne la trouve pas à plus de 80 m.

Description

L'éponge de toilette a la capacité d'atteindre une taille assez importante puisque son diamètre peut être proche de 40 cm. Elle présente une forme massive, globuleuse, mais parfois munie de lobes pour les plus grands individus. Elle est régulièrement hérissée de conules* d'une taille inférieure à 0,5 mm. Ils sont distants de 2 mm environ, ce qui donne au tégument de l'éponge un aspect en chair de poule. Les oscules* par lesquels sort l'eau filtrée, sont souvent proéminents et possèdent un diamètre compris entre 3 et 10 mm. Ils sont répartis de manière irrégulière à la surface de l'éponge ou parfois en rangées. Ils peuvent être portés par des lobes coniques (lobes osculifères*). Selon les individus, la teinte est assez variable : le plus souvent gris clair à presque noire, plus rarement blanchâtre à jaunâtre. Elle dépend principalement de la lumière reçue. L'éponge de toilette est caractérisée par la présence d'un anneau clair autour de chaque oscule.

Deux sous-espèces sont admises :

  • Spongia officinalis var. adriatica (sous-espèce fine grecque). C'est celle qui a été décrite ci-dessus et qui est présente sur nos côtes.
  • Spongia officinalis var. mollissima (sous-espèce fine Syrie). Celle-ci, plus molle, a une plus grande valeur commerciale. Elle a en général une forme qui peut rappeler celle d'une coupe, avec des oscules qui sont soit situés au fond de la coupe, soit sur son rebord. Elle n'est présente qu'en Méditerranée orientale.

Même à l'état sec, le squelette de cette éponge, l'éponge utilisée pour la toilette, reste souple au toucher. Il est de couleur jaune.

Espèces ressemblantes

Hippospongia communis : celle-ci possède en surface des conules disposés moins régulièrement. Son squelette montre une abondance de lacunes* internes.

Ircinia oros : cette éponge est plus sphérique, sa taille est moins importante. Ses oscules sont également au sommet d'élévations mais souvent bordés d'un anneau noir. Son tégument est plus résistant que celui de l'éponge de toilette.

Ircinia variabilis : cette éponge présente une surface ridée et peut être d'une couleur brun verdâtre à marron violacé.

Sarcotragus spp : souvent recouvertes d'épibiontes*, ce qui n'est pas le cas chez Spongia officinalis.

Scalarispongia scalaris : elle est proche d'aspect de Spongia officinalis, mais de taille en moyenne plus importante et de couleur noire. Son nom signifie "mauvaise éponge", car son réseau de fibres de spongine, évoquant une succession d'échelles de cordes, se déchire très facilement.

Alimentation

Les éponges sont des animaux filtreurs* qui se nourrissent de microparticules : bactéries (de taille moyenne à grande), algues unicellulaires, débris organiques, ne dépassant pas en général 3 microns.
Le courant d'eau nécessaire est créé par le mouvement de cellules ciliées spécifiques des éponges : les choanocytes*.

Reproduction - Multiplication

La reproduction peut être sexuée ou asexuée.

Reproduction sexuée : elle a lieu principalement durant la saison estivale. La rencontre entre les ovules et les spermatozoïdes aboutit à la formation d'une larve* ciliée nageuse, celle-ci mesurant 0,6 à 1 mm de long. Après quelques heures à quelques jours, elle se fixera rapidement sur un support par son pôle antérieur pour donner une nouvelle éponge. En laboratoire, il a été observé que la larve de Spongia officinalis se fixait sur un support artificiel après une période de 24 à 48 h. Elle perd alors son épithélium* cilié au profit de cellules aplaties.
Les éponges sont hermaphrodites, les gamètes mâles et femelles d'une même éponge ne sont pas expulsés au même moment.

Reproduction asexuée : par bourgeonnement ou bouturage de fragments qui se détachent de l'éponge mère pour se fixer un peu plus loin.

Cette éponge présente une forte capacité de régénération après fragmentation, mais ne se régénère pas après dissociation des cellules.

Divers biologie

Une éponge d'envergure 15 cm doit être âgée de 3 à 4 ans. En culture, on a mesuré que le volume d'un fragment doublait chaque année.

Cette éponge est l'une de celles qui sont dépourvues de spicules, ce qui en fait son intérêt pour l'utilisation humaine.

Deux réseaux de fibres de spongine, une protéine particulièrement résistante de type collagène, parcourent la masse de cette éponge :
- un réseau primaire formé d'un nombre relativement réduit de fibres d'un diamètre compris entre 0,05 et 0,1 mm. Ces fibres sont responsables du relief formé par les conules.
- un réseau secondaire formé de fibres plus nombreuses, d'un diamètre compris entre 0,02 et 0,035 mm. Ces fibres forment un réseau serré qui s'étend juste sous le tégument de l'éponge.

Son tégument est assez fragile, il convient donc de prendre garde à ne pas l'abîmer.

Informations complémentaires

Le texte qui suit est extrait de : "PLONGEE DANS LE MONDE DES SPONGIAIRES", par Alain GILLI et Patrick MAILLARD. Édité en 2000 par la Commission Nationale de Biologie Subaquatique de la FFESSM.

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Les éponges sont utilisées depuis l'Antiquité. C'est sur les bords de la Méditerranée que l'exploitation des éponges a commencé. Leur usage s'est répandu chez les Grecs, chez les Romains et chez les Crétois. L'utilisation par ces derniers remonte à l'an 1900 av. J.-C. Au début du XIXième siècle, l'exploitation des éponges a pris un caractère industriel en Méditerranée, et son extension à d'autres régions a commencé vers 1840. A cette date, un commerçant d'éponges de Paris a fait naufrage aux Bahamas, et, ayant remarqué que les habitants utilisaient des éponges indigènes, développa leur exploitation en Amérique Centrale. Les éponges de cette région ont été exploitées jusqu'à ce qu'une maladie épidémique ravage les fonds entre 1938 et 1948. Jusque dans les années 1930, les seules éponges utilisées étaient les éponges animales. Celles-ci faisaient l'objet d'une pêche importante en particulier en Méditerranée, qui était le principal centre d'exploitation, dans les zones les plus propices du bassin : Grèce, Turquie, Tunisie.
A partir de 1938 apparaissent les éponges synthétiques, en même temps que la production américaine d'éponges animales diminue très fortement à cause d'épidémies qui les déciment.
La récolte n'a jamais cessé en Méditerranée mais est restée peu importante jusqu'à ce que l'éponge devienne un produit de luxe, avec la mode du naturel, ce qui a relancé l'exploitation, jusqu'à donner des signes de surexploitation, notamment en Tunisie, principal producteur.

La production mondiale passe de 1 340 tonnes dans les années 30, à 177 tonnes en 1977. La France principal pays importateur, et plaque tournante du commerce des éponges en Europe, importe en moyenne 116 tonnes par an de 1976 à 1985 dont 55 % proviennent de Tunisie, 32 % de Cuba et 5 % de Grèce. Le reste a diverses origines.

Des essais de spongiculture ont été menés en Méditerranée, dès 1867 mais aussi dans les Caraïbes, et même dans le Pacifique par les japonais. Tous ces essais pour des raisons variées mais presque toujours techniques ont plus ou moins échoué et n'ont pas atteint le seuil de rentabilité. Trois procédés peuvent être envisageables : la régénération, la réagrégation et l'essaimage.

1. La première technique repose sur le pouvoir de cicatrisation et de réorganisation des éponges. Cette méthode a l'avantage d'être extrêmement simple à mettre en œuvre.
2. La réagrégation fait appel quant à elle à la faculté que possèdent les cellules vivantes et isolées des éponges de se réagréger et de se réorganiser en de nombreux individus fonctionnels. Cependant, tous les problèmes, et en particuliers ceux liés aux inhibitions de la réorganisation, n'ont pu être levés.
3. L'essaimage se base sur la reproduction naturelle par voie sexuée. Cette technique s'inspire du captage des naissains d'huîtres. Mais les éponges commerciales n'ont pas les mêmes capacités de colonisation que les moules et les huîtres, mollusques opportunistes.

En Méditerranée, les essais de culture ont été surtout menés sur Spongia officinalis, S. agaricina et Hippospongia communis. Il est possible d'espérer dans de bonnes conditions, eau propre, profondeur correcte, température supérieure à 18 °C, d'atteindre une taille commerciale en quatre ans, à partir de boutures d'environ 100 cm3. La rentabilité pour de petites exploitations, semble assurée, surtout avec S. agaricina qui a un bon rendement, et le prix pour un produit de qualité, devrait être intéressant (VERDENAL & VACELET, 1990).

Les négociants d'éponges distinguent ou ont distingué environ 400 sortes différentes d'éponges commerciales, en fonction non seulement de l'espèce zoologique, mais aussi de la provenance, de la qualité, voire du mode de pêche ou de préparation. Les critères de la nomenclature zoologique permettent de regrouper toutes ces variétés commerciales en une douzaine d'espèces seulement.

De formes massives ou lamellaires, elles sont de couleur noire à blanc crémeux suivant l'éclairement qu'elles reçoivent. La surface est granitée par de petites élévations coniques, terminaisons des fibres du squelette. Sur les côtes de la Méditerranée nord-occidentale, où il n'y a jamais eu de pêcheries importantes (sauf peut-être en Corse et en Sardaigne), elles vivent généralement à l'abri de petits surplombs entre 2 et 60 m de profondeur. Dans les zones plus chaudes de la Méditerranée, Tunisie, Grèce, Turquie, où l'exploitation se faisait sur une grande échelle, leur localisation est moins étroite, et on en trouve aussi dans les herbiers et même les fonds de graviers. Sur nos côtes, trois espèces principales sont présentes :

- l'éponge officinale (Spongia officinalis) utilisée pour la toilette.
- l'éponge commune ou éponge "cheval" (Hippospongia communis), très exploitée en Tunisie; elle s'en distingue par sa structure plus lacuneuse et moins fine. Elle servait à étriller les chevaux; elle reste l'instrument préféré des peintres pour le lessivage, malgré l'apparition des éponges artificielles, du fait de sa plus grande capacité de rétention de l'eau.
- enfin, l'oreille d'éléphant (Spongia agaricina), très décorative, en forme de lame, se rencontre surtout au pied des tombants jusque vers 80 m.

Plusieurs autres éponges cornées vivent dans les mêmes conditions, mais n'ont pas les mêmes caractères de souplesse et de résistance. Certaines sont trop facilement déchirables (Cacospongia sp, la "mauvaise éponge" des pêcheurs), d'autres, les "éponges mâles" des pêcheurs, ont au contraire une incroyable ténacité (Ircinia sp).

Le traitement des éponges avant commercialisation consiste en un lavage-pourrissage qui doit débarrasser l'éponge de toute matière vivante. L'éponge est foulée, rincée, et mise à macérer dans l'eau de mer. Elle est ensuite débarrassée des incrustations, sables, coquilles de mollusques ou de balanes, au moyen de trempage dans de l'acide dilué (acide chlorhydrique - HCl - le plus souvent). A ce stade l'éponge est utilisable, mais les clients et les commerçants souhaitent des produits plus blonds. Pour ce faire, les produits utilisés sont le permanganate de potassium - KMnO4 - et l'hyposulfite de soude - Na2S2O5 - additionnée d'acide sulfurique - H2SO4 -. L'eau de javel - ClNaO -, et l'eau oxygénée - H2O2 - sont parfois utilisés comme décolorant. Un dernier bain de carbonate de calcium - CaCO3 - est quelquefois pratiqué afin de rendre une certaine souplesse et une couleur jaune plus brillante aux éponges. Tous ces traitements altèrent plus ou moins la qualité des fibres.
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Une éponge naturelle peut absorber 50 fois son poids en eau.

Les différentes variétés de Spongia officinalis sont commercialisées sous les noms de "Madapas", "Fina" ou "Melati".

Les éponges ont déjà connu des utilisations les plus diverses :
- pour le bain (utilisation principale pour Spongia officinalis),
- les plongeurs de l'antiquité se bouchaient les oreilles et les narines avec des petits morceaux d'éponge,
- comme contraceptif, au fond du vagin,
- pour soigner des blessures, en compresses iodées,
- brûlées, on considérait que leur fumée désinfectait l'air,
- pour amortir les chocs, elles étaient placées sous les casques et sous les armures,
- pour augmenter l'efficacité de masques à gaz (durant la première Guerre Mondiale),
- pour nettoyer des murs avant de les peindre,
- pour nettoyer des petits objets, les polir...
- pour effacer les tableaux des maîtres ou les ardoises des écoliers,
- pour effacer des écrits (sur papyrus ou parchemin...) dans l'Antiquité,
- pour faire des retouches ou des effets particuliers, en peinture à l'huile ou en aquarelle.

Dans la région de Marseille, Spongia officinalis a servi de matériau d'étude pour mesurer la baisse de concentration de certains polluants (métaux) dans le milieu entre 1984 et 1999, suite à la mise en œuvre d'une station d'épuration.
Cette baisse a été simultanément observée dans une population d'éponges de Port-Cros, qui servait de population de référence, ce qui témoignerait d'une baisse de pollution générale de ce secteur de la Méditerranée.

Des études menées en mer Ionienne ont montré que Spongia officinalis possédait un potentiel significatif pour la bioremédiation ( = traitement par des moyens naturels) des eaux marines polluées.

Les fibres de spongine peuvent être la cible d'attaques de bactéries qui les dégradent de l'intérieur et en surface.

Les Spongiaires, et parmi elles Spongia officinalis, ont été parmi les organismes les plus atteints par un épisode de mortalité massive qui a affecté un grand nombre d'Invertébrés à la fin de l'été 1999 sur les côtes de Provence (France) et de Ligurie (Italie). Les individus qui ont le plus souffert étaient ceux qui vivaient entre la surface et 40 m de profondeur. Cette tranche d'eau a connu une anomalie thermique : température élevée (23 à 24 °C) et stable pendant un mois.
Cette température élevée a du être un facteur déclenchant, fragilisant peut-être les organismes face à un autre agent pathogène, chimique (polluant ?) ou biologique (microorganismes).
Dans un premier temps, un voile bactérien a recouvert les éponges, puis elles ont connu des nécroses importantes entraînant souvent la mort en un à deux jours.

Les éponges sont à l'origine d'un certain nombre d'expressions imagées :
"Passer l'éponge"
"Jeter l'éponge"
"Boire comme une éponge..."
"Éponger une dette"
Et dans le registre humoristique nous avons aussi cette citation, le plus souvent attribuée à Alphonse Allais, à propos de la mer :
"Et si elle ne déborde pas, c'est parce que la providence, dans sa sagesse, y a placé aussi des éponges".

Statuts de conservation et réglementations diverses

Convention de Berne : Annexe III
Convention de Barcelone : Annexe III

Origine des noms

Origine du nom français

Éponge de toilette car il s'agit de l'espèce d'éponge qui a le plus été utilisée à cet usage.

Origine du nom scientifique

Spongia vient directement du latin et désigne une éponge.

officinalis vient directement du latin aussi et désigne au départ une boutique (une officine) ! Ce mot a par la suite signifié surtout le fait qu'un produit était vendu en pharmacie, et ces pharmacies autrefois jouaient également le rôle de drogueries. On pouvait y trouver des produits tels que des éponges de toilette.

Classification

Termes scientifiques Termes en français Descriptif
Embranchement Porifera Spongiaires / Eponges Organismes exclusivement aquatiques, filtreurs, fixés au substrat, de formes variables, et percés d'orifices inhalants (ostioles ou pores) et exhalants (oscules).
Classe Demospongiae Démosponges

Eponges dont la charpente est constituée de spicules siliceux (différenciés en méga- et microsclères) et de collagène dispersé ou structuré en fibres de spongine. Ovipares ou vivipares, larve typique = parenchymella.

Ordre Dictyoceratida Dictyocératides « Eponges à réseau de corne ». Squelette entièrement composé de fibres de spongine anastomosées et souvent organisées en réseaux primaire, secondaire voire tertiaire. Fibres généralement homogènes ou légèrement stratifiées avec ou sans moelle centrale. Pas de spicules. Eponges vivipares.
Famille Spongiidae Spongiidés
Genre Spongia (Spongia)
Espèce officinalis

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