Minuscules plumes, de 5 à 15 millimètres
Couleur blanc pur
Clone blanc
Cosmopolite, mers chaudes
Zones DORIS : ● Europe (côtes françaises), ○ [Méditerranée française], ● Caraïbes, ● Indo-PacifiqueDes colonies de zoothamnion ont été signalées en Méditerranée occidentale (Corse, Côte d'Azur), Adriatique et Méditerranée orientale (Chypre), en Atlantique Est (Canaries) et Ouest (Floride). Sa présence est avérée en Guadeloupe. Décrit à l'origine en mer Rouge, cet organisme est probablement cosmopolite des mers tempérées et chaudes.
Les colonies de zoothamnion se développent toujours en association avec des bactéries poussant sur de la matière organique en décomposition, comme du bois coulé, des feuilles mortes, épaves, herbiers et racines de mangroves en décomposition. Les conditions favorables à leur développement se trouvent réunies, par exemple, dans les fissures des rochers, sur les faces verticales et sous les surplombs.
Le zoothamnion se présente comme une série de plumes minuscules, non ramifiées, de 5 à 15 millimètres au maximum, avec une face légèrement convexe. L'ensemble de la plume, axe et ramifications, est d'un blanc pur.
Les plumes ne sont pas mobiles, cependant une observation attentive permet de constater que certaines d'entre elles, de façon apparemment aléatoire, s'escamotent puis réapparaissent un peu plus tard, sans aucune synchronisation entre elles. Cette disparition est due à une contraction tellement rapide que le mouvement n'est pas perceptible à l'observateur.
Chaque plume est en réalité une colonie complète d'organismes unicellulaires (un clone), dont les divisions successives construisent cette structure ramifiée. Il n'existe aucune structure commune, du genre stolons ou rhizoïdes, entre les plumes poussant sur un substrat. Leur croissance est plus ou moins simultanée en fonction des conditions locales, mais un groupe de plumes est en fait une population et non une colonie.
Les protozaires constituant la colonie ne sont pas visibles à l'œil nu. Au microscope, on peut observer les zoïdes* (ici un zoïde = une cellule eucaryote*), en forme de cloche, d'une dimension de 50 à 250 µm. Tous les zoïdes d'une colonie sont reliés entre eux par un pédoncule commun qui forme l'axe de la plume et les "barbules" secondaires.
On trouve parfois dans le même biotope un autre Vorticellidé d'écologie similaire (Pseudovorticella sp.), mais non colonial. Chaque zoïde* est en forme de clochette, muni d'un long pédoncule contractile et entièrement recouvert des mêmes bactéries thiotrophes* qu'on trouve sur le zoothamnion. A l'œil nu (0,5 mm déplié) l'aspect est celui d'une tête d'épingle blanche.
Tous les Vorticellidés se nourrissent de bactéries et autres particules organiques en suspension dans l'eau. Le zoothamnion doit sa croissance exceptionnelle (les colonies sont considérées comme "géantes" !) à une population de bactéries spécifiques qu'il entretient et dont il favorise la croissance : une sorte d'élevage à l'échelle protozoaire.
La colonie, et chaque zoïde*, est couverte d'une couche épaisse de bactéries symbiotiques. Quelques-unes se décrochent à chaque contraction violente du pédoncule de la colonie, ensuite les bactéries remises en suspension sont amenées à la "bouche" des zoïdes par les battements ciliaires. (La "bouche" ou cytostome est une dépression en entonnoir à la surface de la cellule, entourée d'une ciliature particulière qui provoque un courant d'eau en direction du fond de l'entonnoir où se forment les vacuoles phagocytaires).
La multiplication végétative est à l'origine de la croissance de la colonie. Celle-ci grandit par divisions successives du zoïde* terminal de chaque branche et de l'axe central. Les zoïdes issus d'une division restent unis par un pédoncule commun, qui abrite les prolongements des myonèmes (microfibrilles contractiles) de tous les zoïdes. Les myonèmes de toute la colonie se contractent de façon totalement synchrone en quelques millisecondes.
Zoothamnion niveum présente également un mode de conjugaison avec échange de matériel génétique, qui est un peu l'équivalent d'une reproduction sexuée. Dans ce cas, les zoïdes sont le siège de divisions inégales qui forment d'une part des microzoïdes : individus libres et mobiles pourvus d'une collerette ciliée, et d'autre part des macrozoïdes qui restent attachés à la colonie. Les microzoïdes viennent se fixer sur les macrozoïdes, il y a fusion des cytoplasmes, absorption complète du microzoïde par le partenaire, puis se produisent de nouvelles divisions cellulaires qui formeront les zoïdes souches de nouvelles colonies.
Les ennemis des zoothamnions sont essentiellement d'autres Ciliés, mais aussi des Rotifères. A leur échelle microscopique, on retrouve la gamme complète des prédateurs (qui les engloutissent), des compétiteurs (qui restreignent leur espace vital), des parasites (qui les vident de leur substance par un "suçoir") et des associés.
Sur le même substrat (matières en décomposition), on retrouve souvent un feutrage de bactéries filamenteuses, mais le phénomène le plus remarquable est la symbiose obligatoire qui lie le zoothamnion avec la bactérie Candidatus Thiobios zoothamnicoli.
Celle-ci tire son énergie de l'oxydation des sulfures. Le « corps » et le pédoncule du zoothamnion sont entièrement couverts d'une couche continue de bactéries en forme de bâtonnets : il s'agit d'une ectosymbiose*. La couleur blanc de neige de la colonie est due à l'accumulation de microcristaux de soufre pur, sous-produit de l'oxydation de l'hydrogène sulfuré (H2S) par les bactéries symbiotiques.
Le symbionte a besoin d'un apport d'oxygène et d'l'hydrogène sulfuré pour son métabolisme. Il y a une mince couche d'eau enrichie en sulfures à la surface de la matière organique (provenant de la décomposition anaérobie*) surmontée d'une couche d'eau normalement oxygénée : à la frontière entre ces deux couches (appelée "chémocline" par analogie avec la thermocline) prospère le couple zoothamnion + bactérie thiotrophe*. Les mouvements de contraction des colonies, combinés aux battements des cils des zoïdes, ont pour effet de "pomper" les couches d'eau riches en oxygène / riches en l'hydrogène sulfuré, facilitant ainsi au mieux la croissance de la population bactérienne.
La contraction du pédoncule commun s'effectue en 10 à 20 millisecondes ! Soit beaucoup plus vite que la plus rapide contraction d'un muscle de Métazoaire.
La relaxation, plus lente, se fait en quelques secondes ; elle est due uniquement à l'élasticité de la paroi membranaire du pédoncule (c'est un phénomène passif).
Une colonie peut subsister jusqu'à 7 à 11 jours sur le même substrat.
Cette communauté de bactéries et de protozoaires constitue un modèle à petite échelle des communautés chimiotrophes* des grands fonds marins, avec l'avantage d'être cultivable à faible profondeur, d'où son intérêt pour les scientifiques.
Zoothamnion est la reprise du nom scientifique.
"Clone banc" : appellation proposée par Pierre Noël sur ce même Forum.
Zoothamnium : du grec [zoo-] = animal ; et diminutif de [thamno] = buisson, arbrisseau. Encore un petit buisson vivant...
niveum (latin) signifie neigeux, couleur de neige.
Numéro d'entrée WoRMS : 427016
Termes scientifiques | Termes en français | Descriptif | |
---|---|---|---|
Embranchement | Ciliophora | Ciliés | Organismes unicellulaires eucaryotes (possédant un ou plusieurs noyaux) munis de flagelles, cils ou organes ciliés. Ils vivent en eau douce, saumâtre ou salée, modes de vie très variés. Certains sont photosynthétiques. |
Sous-embranchement | Ciliata | Ciliés | Eucaryotes unicellulaires couverts de cils vibratiles au moins à un moment de leur cycle. Formes libres nageuses, fixées avec pédoncule, coloniales ou parasitaires. Non photosynthétiques mais parfois des endosymbiontes pourvus de chloroplastes. |
Sous-classe | Peritrichia | Péritriches | Un anneau de cils sur le bord oral, souvent une tige (pédoncule) contractile, pour la plupart sessiles et fixés, mais certaines espèces peuvent se détacher et nager. |
Ordre | Peritrichida | Péritrichides | |
Sous-ordre | Sessilina | Sessiles | Organismes sessiles. |
Famille | Vorticellidae | Vorticellidés | Zoïdes à pédoncule contractile, formes solitaires ou coloniales. |
Genre | Zoothamnium | ||
Espèce | niveum |
Colonies en forme de plumes
Les plumes minuscules (5 à 15 mm) ont une face légèrement convexe et une consistance très souple, sensible aux courants.
Cagnes sur mer (06), environ 10 m, de nuit
08/2009
Zoom
Sur cette portion agrandie de l’image précédente, remarquer les petites « têtes d’épingle » blanches sur la gauche (flèches jaunes) : il s’agit vraisemblablement d’un Vorticellidé solitaire, également en symbiose avec les mêmes bactéries thiotrophes.
STARESO (Corse)
20/10/2008
Biotope méditerranéen
Au fond d’une fissure étroite, des matières organiques en décomposition ont permis l’installation d’un tapis de bactéries filamenteuses. Les petites languettes blanches suspendues au plafond sont des colonies de zoothamnion.
STARESO (Corse)
20/10/2008
Niche à zoothamnion
Dans une fissure entre roche et sable fin, ce feutrage d'une quinzaine de centimètres est le premier indice de la possible présence de Zoothamnion pas loin... La queue du gobie (Gobius cruentatus) donne l'échelle.
Le Graillon, cap d'Antibes (06), 12 m
06/09/2009
Vue macro
En effet, des colonies bien développées sont visibles au plafond de la fissure.
Le photographe a suivi ce site sur une période de 4 mois, de juin à septembre, et l'a trouvé stable dans le temps.
Le Graillon, cap d'Antibes (06), 12 m, de nuit
06/09/2009
Rédacteur principal : Anne PROUZET
Vérificateur : Frédéric ANDRÉ
Responsable régional : Anne PROUZET
Laurent M.C.Z., Gros O., Brulport J.P., Gaill F., Le Bris N., 2009, Sunken wood habitat for thiotrophic symbiosis in mangrove swamps, Marine Environmental Research, 67, 83–88.
Ott J.A., Bright M., Schiemer F., 1998, The ecology of a novel symbiosis between a marine peritrich ciliate and chemoautotrophic bacteria, Marine Ecology, 19 (3), 229–243.
Rinke C., Schmitz-Esser S., Stoecker K., Nussbaumer A.D., Molnar D.A., Vanura ., Wagner M., Horn M., Ott J.A., Bright M., 2006, "Candidatus Thiobios zoothamnicoli," an Ectosymbiotic Bacterium Covering the Giant Marine Ciliate Zoothamnium niveum, Applied and Environmental Microbiology, 72 (3), 2014-2021.
Vopel K., Reick C.H., Arlt G., Pöhn M., Ott J.A., 2002, Flow microenvironment of two marine peritrich ciliates with ectobiotic chemoautotrophic bacteria, Aquatic Microbial Ecology, 29, 19–28.
Wirtz, P. 2008, New records of the giant ciliate Zoothamnium niveum (Protozoa, Peritrichia), Arquipélago, Life and Marine Sciences, 25, 89-91.
Page sur le site de Tree of Life Project : lien
Fiche sur le site de la Station Marine de Fort Pierce (Smithsonian) : Zoothamnium niveum