Petite limace de 10 mm en moyenne
Deux parapodes latéraux se rejoignant sur la médiane du dos
Parapodes bleu-gris à marge jaune pâle et recouverts de points jaunes et noirs sur les flancs
Tête montrant un Y blanc
Extrémité des rhinophores rouge orangé
Elysia vataae Risbec, 1928
Thuridilla vatae (Risbec, 1928) -erreur d'orthographe
A noter que dans beaucoup de publications concernant cette espèce, l'orthographe utilisée est T. vatae (avec un seul a).
Nous avons choisi de suivre l'écriture T. vataae utilisée par WoRMS, le site de référence taxonomique de DORIS, ainsi que par l'INPN et de nombreuses autres sources scientifiques. Sur ce point particulier, Nathalie Yonow (2012) et d'autres auteurs précisent d'ailleurs qu'eu égard au fait que le suffixe pour les lieux commémoratifs (dans ce cas : Vata, voir § origine du nom scientifique) est -ae, l'orthographe avec 2 a, vataae doit être conservée.
Indo-Pacifique tropical
Zones DORIS : ● Indo-PacifiqueCette espèce a une large distribution indo-pacifique, depuis les côtes de l'Afrique du Sud, les îles de Mayotte, de La Réunion ou l'atoll d'Aldabra (océan Indien) jusqu'au Japon et aux îles du Pacifique central (Palau, Guam, les îles Marshall...) en passant par les Philippines, l’Australie occidentale, les Vanuatu ou la Nouvelle-Calédonie.
Cette thuridille se rencontre surtout dans les petits fonds coralliens des lagons ou des récifs frangeants.
Petite limace de 10 mm environ (max. 20 mm), Thuridilla vataae possède deux parapodes*, se rejoignant sur la médiane du corps.
L'espèce peut montrer une certaine variabilité mais généralement la couleur de fond est bleu violet à gris sombre. Les flancs (faces externes des parapodes) sont recouverts de taches jaunes à faible relief et de points noirs ronds. La bordure des parapodes, diffuse, irrégulière en couleur et en pigmentation, est dans les tons de crème très clair, voire blanc, à jaune. La face intérieure de ces parapodes, rarement visible, est violette.
La tête émerge du fourreau constitué par les parapodes. De même coloration que le corps, elle montre vue de dessus un Y blanchâtre dont les bras vont jusqu'aux trois-quarts des rhinophores*, le dernier quart de ces derniers étant orange vif à rouge. Sur leur longueur, ces rhinophores enroulés forment une gouttière et à leur base, deux petits points noirs sont visibles : les taches oculaires.
Les bords du pied sont de couleur similaire au reste du corps et vue d'en dessous, l'avant du pied se sépare en deux, formant deux lobes antérieurs.
Thuridilla albopustulosa Gosliner, 1995 : cette espèce très proche diffère néanmoins de T. vataae par sa couleur bleu violacé avec des zones en relief blanches, arrondies à très allongées. La partie distale des rhinophores* est orange vif et cette zone est caractérisée par une marque postérieure blanche alors qu'elle est de couleur homogène chez T. vataae.
T. albopustulosa n'est pour l'heure pas signalée dans les territoires français de l'Indo-Pacifique.
Des Nudibranches Doridiens possèdent une livrée proche, utilisant des motifs de points jaunes et noirs sur un fond gris à bleuté et des rhinophores à bout rouge. C'est par exemple le cas d'Hypselodoris infucata (Rüppel & Leuckart, 1831) ou d'Hypselodoris kanga Rudman, 1977. La discrimination d'avec T. vataae est assez facile : la simple présence d'un panache branchial sur la partie arrière du notum* de l'animal indique un Nudibranche Doridien et jamais un Sacoglosse.
Comme la plupart des Sacoglosses, cette thuridille se nourrit d'algues, dont elle perce la paroi cellulaire grâce aux dents pointues et coupantes de sa radula*.
L'espèce est hermaphrodite* simultanée. Le rapport est proximal et les couples procréant sont rencontrés deux à deux. C'est durant ce rapport que sont échangés les gamètes* mâles et la fécondation* est interne. Chacun pourra ensuite aller pondre de son côté.
La ponte est décrite comme constituée d'œufs orange associés à du vitellus* également orange. Elle s'enroule sur elle-même en spirale concentrique. Le développement des larves* est probablement planctotrophique*, les véligères* éclosant après 5 jours. Si elle survit, la larve ira ensuite se poser sur le substrat* pour évoluer vers sa forme adulte.
Chez les gastéropodes, la radula est une sorte de langue râpeuse disposée dans la cavité buccale de l'animal et qui sert à son alimentation. Celle de Thurudilla vataae est unisériée* (telle une scie) et elle est composée de 17 à 22 dents triangulaires. Il s'agit de fortes cuspides* avec, de chaque côté du bord de coupe de la dent, 15 à 20 denticules* très fins.
Les dents se renouvellent en permanence et les dents usées tombent dans un sac buccal spécifique où elles sont stockées.
Le terme Sacoglosse (ordre taxonomique de cette espèce) dérive de cette particularité de la radula (glosse = langue) dont l'extrémité antérieure plonge dans ce sac de récolte. La taille de ce sac augmente donc avec l'âge de l'animal.
La respiration est cutanée et se fait au travers du tégument*.
La face dorsale, interne, des parapodes est rarement visible en conditions de plongée et elle s'avère être de couleur violette. Mais une observation à la loupe binoculaire de cette face montre des conduits transparents, des masses sphériques rouges génitales, de très fines granulations blanches ou bleuâtres, des masses hépatiques...
La ressemblance de robes entre T. vataae et des Nudibranches Chromodorididés, comme Hypselodoris infucata ou Hypselodoris kanga n'est probablement pas fortuite. En effet, les Nudibranches de cette famille, mangeurs de spongiaires, absorbent les produits chimiques toxiques présents dans leurs proies et incorporent ces produits chimiques dans des glandes spécifiques, sur le pourtour de leur manteau. Ces substances néfastes sont destinées à repousser les éventuels prédateurs. C'est ainsi probablement l'effet d'un mimétisme batésien* qui est en oeuvre, une espèce non toxique tendant à prendre la livrée d'une espèce toxique afin de se faire passer pour elle aux yeux des prédateurs.
Thuridille de l'anse Vata : simple francisation de son nom scientifique, qui pointe sa première origine.
Thuridilla : ce nom, donné au genre en 1872 par Rudolph Bergh (1824-1909), provient sans doute de l'une des sources habituelles de cet auteur : les grands écrits épiques nordiques du XIIIe siècle. Citons par exemple la saga : "The Story of Burnt Njal" (Njal's Saga), qui évoque la vie en Islande au Xe siècle. Originellement rédigée vers le XIIIe siècle en islandais et faisant, comme le texte précédent, partie des Sagas of Icelanders (ou "Sagas des Familles"), la saga de Víga-Glúms (en français : "la saga de Glúmr le Meurtrier") présente dans son chapitre 10 un personnage se nommant Thurida (c'est l'épouse de Thorvald, fils de Reim). C'est probablement de ce nom que provient la Thuridilla de Bergh. Le père de Thurida est d'ailleurs Thord de Höfdi, qui donnera sans doute le genre Thordisa Bergh, 1977. D'autres noms de genres de Mollusques opisthobranches* ont été formé par Bergh sur ce modèle (Jorunna, Aldisa, Halgerda...).
vataae : son nom d'espèce provient de l'anse Vata, une petite baie au sud de Nouméa en Nouvelle-Calédonie. C'est de là, sur le Rocher à la Voile, en bout de baie, que provient l'exemplaire décrit en 1928 par Risbec, l'auteur de la description initiale.
Numéro d'entrée WoRMS : 494507
Termes scientifiques | Termes en français | Descriptif | |
---|---|---|---|
Embranchement | Mollusca | Mollusques | Organismes non segmentés à symétrie bilatérale possédant un pied musculeux, une radula, un manteau sécrétant des formations calcaires (spicules, plaques, coquille) et délimitant une cavité ouverte sur l’extérieur contenant les branchies. |
Classe | Gastropoda | Gastéropodes | Mollusques à tête bien distincte, le plus souvent pourvus d’une coquille dorsale d’une seule pièce, torsadée. La tête porte une ou deux paires de tentacules dorsaux et deux yeux situés à la base, ou à l’extrémité des tentacules. |
Sous-classe | Heterobranchia | Hétérobranches | |
Super ordre | Sacoglossa | Sacoglosses | Coquille à paroi fine et en forme d’œuf ou de 2 valves, ou absente. Les espèces sans coquille sont pourvues de parapodies ou de cérates. 2 paires ou pas de tentacules sur la tête (rhinophores en tube). |
Famille | Plakobranchidae | Plakobranchidés | |
Genre | Thuridilla | ||
Espèce | vataae |
Limace de petite taille
Le maximum rencontré pour cette espèce est 20 mm de longueur mais la taille courante est plutôt de 10 mm.
Heureusement, sa couleur peut aider à l'apercevoir sur le substrat !
Côte ouest de La Réunion, océan Indien, 1,5 m, en PMT
Frédérique & Sébastien VASQUEZ
18/12/2015
Version grise et jaune
On voit sur cette image les deux parapodes latéraux, dont les marges sont ici de couleur crème, qui se rejoignent sur le dessus du dos. De ce fourreau émerge une tête marquée d'un Y blanc et les deux rhinophores terminés de rouge.
Lagon de l'Ermitage, La Réunion, océan Indien, 1,5 m, en PMT
12/11/2013
Version patriote
Les couleurs généralement rencontrées sur l'espèce sont le bleu-gris, le blanc-crème et le rouge pour le sommet des rhinophores.
La couleur des parapodes peut varier d'un bleu gris, comme chez cet individu, à un gris presque noir. De même, la bande marginale de ces parapodes peut être blanche, comme ici, à carrément jaunâtre.
Sur les flancs, taches jaunes diffuses alternent avec points noirs et ronds.
Le Sud Sauvage, La Réunion, océan Indien, en PMT
Frédérique & Sébastien VASQUEZ
12/11/2015
Rhinophores
Les rhinophores enroulés, formant gouttière sur l'arrière, sont les organes chimiosensoriels de l'animal.
Ils lui servent à détecter nourriture, présence d'individus conspécifiques ou d'éventuels prédateurs, au travers des molécules chimiques présentes dans l'eau.
Baie des Citrons, Nouméa, océan Pacifique, 10 m
26/06/2019
Alimentation
Comme la plupart des Sacoglosses, cette thuridille se nourrit d'algues.
Elle en perce la paroi cellulaire grâce aux dents pointues et coupantes de sa radula, sorte de langue hérissée.
Celle de la thuridille de l'anse Vata est composée de quinze à vingt rangées de dents triangulaires (une dent par rangée = radula unisériée) dentelées. Ces dents se renouvellent et les dents usées tombent dans un sac buccal destiné à cela.
Côte ouest de La Réunion, océan Indien, 1,5 m, en PMT
Frédérique & Sébastien VASQUEZ
18/12/2015
Biotope
Cette petite thuridille se rencontre surtout dans les petits fonds coralliens, dans les lagons ou les récifs frangeants, sur lesquels elle peut trouver les végétaux qui composent sa nourriture.
Sri Lanka, océan Indien
11/2004
Ressemblances et mimétisme
Voilà trois espèces différentes laissant pourtant voir quelques ressemblances :
- Au milieu (B), se trouve notre thuridille de l'anse Vata.
- A sa droite (A), une autre thuridille dans les mêmes tons bleu grisé marqués et margés de blanc : Thuridilla albopustulosa. Quand les couleurs du corps sont proches, notez la petite marque blanche sur la zone rouge des rhinophores.
- A sa gauche (C), c'est un Nudibranche Doridien, Hypselodoris infucata dont la faculté d'émettre des substances toxiques n'est sans doute pas étrangère au soin que prennent d’autres espèces non toxiques pour imiter (mimétisme) la robe grise à taches jaunes et noires...
Océan Pacifique (Philippines(A), Nouvelle-Calédonie(B), Indonésie(C))
Zeineb ALHAIDARI
Luc BOURDIL
Alain-Pierre SITTLER
2014, 2019, 2015
Distribution : à La Réunion
L'espèce est bien présente dans les eaux françaises de l’océan Indien. Voici un individu réunionnais.
Lagon de l'Ermitage, La Réunion, océan Indien, 1,5 m, en PMT
2019
Distribution : au Sri Lanka
Entre mer des Laquedives et golfe du Bengale, ce pays insulaire situé à 30 kilomètres au sud-est de l’Inde est moins couru des plongeurs que les proches Maldives. Il paraît pourtant que cette destination n’est pas à négliger, proposant épaves et récifs dans une eau oscillant entre 27 et 29° toute l'année.
Sri Lanka, océan Indien
11/2004
Distribution : en Nouvelle-Calédonie
Cet individu a été rencontré à quelques dizaines de mètres du lieu de sa première découverte : le Rocher à la Voile, extrémité ouest de la baie de l'anse Vata, à Nouméa.
C'est du moins là qu'en 1953, Jean Risbec (1895-1964), a prélevé l'exemplaire unique qui a servi à la description.
Baie des Citrons, Nouméa, Nouvelle-Calédonie, océan Pacifique, 8 m
08/11/2019
Rédacteur principal : Alain-Pierre SITTLER
Vérificateur : Philippe BOURJON
Responsable régional : Alain-Pierre SITTLER
Apte D.A., 2009, Opisthobranch fauna of Lakshadweep Islands, India with 52 new records to Lakshadweep and 40 new records to India, J. Bombay Nat. Hist. Soc.,106(2), 162-175
Gosliner T., 1995, The genus Thuridilla (Opisthobranchia: Elysiidae) from the tropical Indo-Pacific, with a revision of the phylogeny and systematics of the Elysiidae, Proc. Calif. Acad. Sci., 49(1), 1-54.
Héros, V., Lozouet, P., Maestrati, P., von Cosel, R., Brabant, D., Bouchet, P., 2007, Mollusca of New Caledonia, In: Payri, C. & Richer De Forges, B. [Eds], Compendium of marine species of New Caledonia, Doc. Sci. Tech. IRD, Nouméa, II7(2), 199-254.
Jensen K., 1992, Anatomy of some Indo-Pacific Elysiidae (Opisthobranchia: Sacoglossa (=Ascoglossa)), with a discussion of the generic division and phylogeny, Journal of Molluscan Studies, 58, 257-296.
Yonow N., 2012, Opisthobranchs from the western Indian Ocean, with descriptions of two new species and ten new records, (Mollusca, Gastropoda), ZooKeys, 197, 1-129.
La page de Thuridilla vataae dans l'Inventaire National du Patrimoine Naturel : INPN