Organisme transparent
Taille comprise entre 2 et 18 mm environ
Forme agrégée (en essaim) ou solitaire
5 à 6 bandelettes musculaires entourant le corps
Forme solitaire : 2 longs filaments prolongeant la partie postérieure
Democratic salp (GB), Salpa democratica (I), Salpa democrética (E), Demokratischer Salpe (D), Demokratische salp (NL), Zincir salpa (TR)
Biphora democratica (Forskål, 1775)
Biphora mucronata (Forskål, 1775)
Salpa (Thalia) democratica Forskål, 1775
Salpa democratica Forskål, 1775
Salpa democratica-mucronata Forskål, 1775
Salpa mucronata Forskål, 1775
Thalia mucronata (Forskål, 1775)
Thalia lingulata Blumenbach, 1798
Salpa spinosa Otto, 1823
Dubreuillia cirrhosa Lesson, 1831
Salpa caboti Desor, 1848
Thalia democratica f. typica Sewell, 1953
Semi-cosmopolite des eaux tempérées et tropicales
Zones DORIS : ● Europe (côtes françaises), ○ [Méditerranée française], ○ [Atlantique Nord-Est, Manche et mer du Nord françaises], ● Indo-Pacifique, ○ [Mer Rouge], ● CaraïbesCette espèce est présente dans toutes les mers entre -30° et +45° de latitude environ.
T. democratica est une espèce planctonique* : c'est-à-dire qu'elle vit dans la colonne d'eau et que ses déplacements se font au gré des courants.
Elle a été retrouvée dans des eaux dont la température variait entre 5 et 30 °C, mais la majorité des individus rapportés dans la base de données OBIS (Ocean Biodiversity Information System) ont été échantillonnés dans des eaux entre 15 et 20 °C.
La plupart des salpes ont une migration verticale quotidienne nocturne, pouvant migrer des centaines de mètres sous la surface. Cela ne semble pas être le cas pour T. democratica, qui reste dans les couches d'eau de surface, qu'elle soit sous forme agrégée ou solitaire.
T. democratica est un organisme gélatineux transparent recouvert d'une tunique cellulosique, en forme de tonnelet, possédant deux siphons* situés aux extrémités. Cette espèce comme les autres tuniciers pélagiques* se présente sous deux formes différentes :
Il existe de nombreuses espèces d’organismes planctoniques* transparents, notamment des tuniciers pélagiques* transparents, qui comme Thalia democratica sont cosmopolites.
Les espèces de l'ordre des dolioles ressemblent aux salpes, mais leurs bandelettes musculaires ne font pas tout le tour de leur corps. Dolioletta gegenbauri : la chaîne des individus agrégés est attachée à l'individu principal qui sert de flotteur. Ce dernier mesure 1,2 cm.
Parmi les autres espèces de salpe de petite taille, on peut confondre Thalia democratica avec les espèces suivantes :
- Cyclosalpa pinnata, à la tunique molle et lisse, possède des organes lumineux. Les individus solitaires mesurent de 0,4 à
1,2 cm de long ; les zoïdes* agrégés sont symétriques et mesurent 1 à 3 cm. La chaîne des individus agrégés est circulaire, les individus étant disposés en boucles de 10 cm de longueur. Chaque boucle peut contenir jusqu’à 15
individus.
- Pegea confoederata dont la tunique lisse et épaisse, présente une pigmentation orange.
Les bandes
musculaires, au nombre de 4, sont disposées en forme de X. Les
individus solitaires sont en forme de tonnelet et largement plus grands que Thalia democratica. Ils mesurent de 1,5 à
8 cm de longueur. Les individus agrégés qui mesurent 4 à 5 cm de longueur,
sont disposés en une double chaîne spiralée serrée.
Enfin, la confusion avec Plastikus spp. est toujours possible.
T. democratica se nourrit par filtration de phytoplancton* et d'autres petites particules de matière organique.
La collecte de ce phytoplancton est assurée par le passage d'un courant d'eau traversant le corps de l'animal. Ce courant est créé par les contractions des bandes musculaires et le pompage qui résulte des
ouvertures et fermetures consécutives des siphons*.
L'endostyle* agglomère les particules en suspension
formant ainsi un cordon alimentaire acheminé jusqu'à l'œsophage.
Une étude scientifique a montré que le tube digestif se compose pour deux-tiers de Coccolithophoridés (petites algues avec des plaques
calcaires) et pour le tiers restant de diatomées*, dinoflagellés et radiolaires.
La phase solitaire de cette espèce, ou oozoïde*, est asexuée. Elle produit au printemps un stolon* qui se segmente en bourgeons qui produiront les blastozoïdes* de la génération suivante. Ces blastozoïdes sont des clones*. Les chaînes de blastozoïdes s’allongent derrière la salpe, se fragmentent et forment des essaims.
Les blastozoïdes sont sexués, hermaphrodites* protogynes* : l'ovaire se développe en premier. Après séparation d'un essaim de la chaîne, chaque blastozoïde de l'essaim produit un seul ovocyte* dont la fécondation sera assurée par un spermatozoïde provenant d'un autre essaim. Les blastozoïdes se gonflent en pompant l'eau, récupérant ainsi le sperme libéré. Un embryon grandit alors à l’intérieur du blastozoïde, qui une fois libéré de son parent pour nager dans le courant d'eau, deviendra un individu oozoïde (forme solitaire asexuée). Les blastozoïdes de l'essaim libèreront alors les spermatozoïdes qui féconderont les ovocytes d'autres essaims.
Les essaims de T. democratica sont éphémères (une semaine à un mois) et apparaissent en général après l'efflorescence phytoplanctonique* printanière, aussi appelée bloom phytoplanctonique.
Les chaînes de blastozoïdes peuvent
atteindre plusieurs mètres de long quand les conditions sont favorables
(phytoplancton abondant et température suffisante).
Les salpes peuvent héberger de nombreux parasites* comme des dinoflagellés, des grégarines, etc.
Des copépodes comme Sapphirina peuvent vivre en symbiotes* dans la cavité pharyngienne des salpes. Des amphipodes ont également été observés.
T. democratica est la proie des méduses, des siphonophores, des cténophores, des tortues de mer, de poissons ou encore d'oiseaux marins.
Comme toutes les salpes, cette espèce est capable de progresser par ses
propres moyens, aussi bien sous la forme solitaire que sous la forme
agrégée. La contraction rythmée des bandes
musculaires périphériques assure à la fois la circulation de l'eau pour l'alimentation et le déplacement par propulsion.
Les
salpes possèdent un système nerveux. Les blastozoïdes*
communiquent entre eux et sont synchronisés par des signaux électriques. Elles possèdent également des cellules
photosensibles.
Des
organes lumineux sous la forme d’amas de cellules sont présents
dans le nucléus. La luminescence des salpes est due à la présence
de bactéries phosphorescentes.
Comme chez d’autres espèces de tuniciers, on observe une
inversion périodique de la
circulation sanguine, toutes les 20 secondes à 17 °C.
Thalia democratica a l'un des taux de croissance individuelle les plus rapides et l'un des temps de génération les plus courts parmi tous les multicellulaires. Les mesures de la croissance en laboratoire et en mer montrent que l'espèce maintient un taux de croissance de plus de 10 % de sa longueur par heure pendant une grande partie de son cycle de vie.
Leur multiplication extrêmement rapide lors de blooms phytoplanctoniques* est à l’origine de proliférations pouvant couvrir plusieurs centaines d’hectares avec plus de 5 000 individus par m3 et d’échouages spectaculaires.
La classification des salpes était jadis très embrouillée, les oozoïdes* et les blastozoïdes* ayant été décrits sous des noms génériques et spécifiques différents. Maintenant seul l’oozoïde est retenu pour désigner l’espèce.
Dans l'océan Austral on observe une prolifération d'organismes gélatineux comme les salpes, pendant les périodes de forte chaleur. Par ailleurs, depuis les années 80, on observe une diminution de la densité du krill antarctique dont la survie dépend des conditions de glace hivernale, au profit d'autres espèces. Ainsi le réseau trophique pélagique basé sur le krill antarctique pourrait être modifié dans les années à venir, car le krill a une forte valeur nutritive pour ses prédateurs, ce qui n'est pas le cas des salpes. Cette question en liaison avec le réchauffement climatique reste en suspens.
Salpe viendrait du grec [salpe] = un animal marin ou une dorade
Démocratique est la traduction du nom scientifique.
Thalia : du grec signifiant "fleurissante" ou "abondante", peut-être en référence à la forme agrégée lorsqu’elle prolifère en essaims. Dans la mythologie romaine, Thalia est le nom de l'une des trois grâces, et désigne "la verdoyante". Ce nom de genre a été créé en 1798 par le zoologiste allemand Johann Friedrich Blumenbach (1752-1840).
democratica : nom d’espèce donné par le naturaliste suédois Peter Forskål (1736-1768). Cet élève de Linné, est mort de la malaria pendant une expédition en mer Rouge. Il n’a pas justifié ce nom d’espèce mais il a décrit Salpa democratica (maintenant dans le genre Thalia) et Salpa confoederata (maintenant dans le genre Pegea). On peut remarquer que confoederata signifie "unir par un traité, lier, unir" qui évoque comme "democratica" des individus associés.
Numéro d'entrée WoRMS : 137279
Termes scientifiques | Termes en français | Descriptif | |
---|---|---|---|
Embranchement | Chordata | Chordés | Animaux à l’organisation complexe définie par 3 caractères originaux : tube nerveux dorsal, chorde dorsale, et tube digestif ventral. Il existe 3 grands groupes de Chordés : les Tuniciers, les Céphalocordés et les Vertébrés. |
Sous-embranchement | Urochordata / Tunicata | Urochordés / Tuniciers | Chordés marins fixés (ascidies) ou pélagiques (thaliacés), solitaires ou coloniaux. Epaisse tunique cellulosique. Deux siphons, pharynx bien développé, la chorde larvaire régresse chez l'adulte (sauf chez les Appendiculaires). |
Classe | Thaliacea | Thaliacés | Tuniciers pélagiques qui ont perdu leur chorde larvaire. Organismes transparents libres et planctoniques, les siphons buccal et atrial sont terminaux et diamétralement opposés. |
Ordre | Salpida | Salpides | Thaliacés toujours solitaires, ou en chaînes de plusieurs dizaines d'individus mais jamais coloniaux. Bandes musculaires périphériques incomplètes. |
Famille | Salpidae | Salpidés | Unique famille de l'ordre des Salpides. |
Genre | Thalia | ||
Espèce | democratica |
Phase solitaire ou oozoïde
La salpe démocratique a une tunique en forme de petit tonneau. Sur cette photo, la bouche de l'animal se situe à gauche et l'ouverture postérieure à droite.
On devine les 6 bandelettes musculaires et on distingue les prolongements extérieurs.
L'endostyle est bien visible au milieu du corps. En position postérieure, la petite boule marron est le nucléus qui contient le système digestif. La petite couronne à droite est le stolon de blastozoïdes en développement.
Golfe Saronique, Saronida, Attique, Grèce, sous la surface.
09/01/2022
Le même individu en vue latérale
T. democratica reste dans les couches d'eau de surface, qu'elle soit sous forme agrégée ou solitaire. Cette salpe a été photographiée à 200 m de la plage, proche de la surface.
Golfe Saronique, Saronida, Attique, Grèce, sous la surface
09/01/2022
Toujours le même individu : vue rapprochée de la partie postérieure
Cette photo montre les blastozoïdes* au début de leur développement.
Golfe Saronique, Saronida, Attique, Grèce, sous la surface
09/01/2022
Un individu sous sa forme solitaire vu à Port-Cros
Sur cette photo les projections postérieures et l'endostyle sont bien visibles. On peut compter les 6 bandelettes musculaires.
Port-Cros (83), 5 m
12/05/2012
Sur une épave
Cette salpe, sous sa forme solitaire, est échouée sur l'épave. On peut voir la tunique abimée.
La Tradelière, îles de Lérins (06), 15 m
20/07/2021
Dessins anciens d'un oozoïde
À gauche, individu vu de côté (b : bouche, ld et lv : lèvres dorsale et ventrale, cv et cd : côtes ventrale et dorsale, cld et clv : côtes latéro-dorsale et latéro-ventrale, ocl : cloaque, mw : nucleus, e : prolongement)
A droite, individu vu par la face ventrale pour montrer le stolon (st).
Dessins issus de Delage & Hérouard1898, figures 141 et 148.
Reproduction de documents anciens
1898
Comparaison de la forme solitaire et de la forme agrégée
A gauche un oozoïde (forme libre) et à droite un blastozoïde isolé (forme agrégée).
Dessins extraits de la figure 10 de R. van Soest, 1973
Reproduction de documents anciens
1973
Rédacteur principal : Caroline CHAUVET
Vérificateur : Yves MÜLLER
Responsable régional : Sylvie HUET
Delage M. Y, Herouard E., 1898, TRAITE DE ZOOLOGIE CONCRETE (VOLUME 8 : LES PROCORDES), Librairie C. Reinwald, Paris, 379 p.
Forsskål P., Niebuhr C., 1775, DESCRIPTIONES ANIMALIUM, AVIUM, AMPHIBIORUM, PISCIUM, INSECTORUM, VERMIUM ; QUAE IN ITINERE ORIENTALI OBSERVAVIT PETRUS FORSKAL ... POST MORTEM AUCTORIS EDIDIT CARSTEN NIEBUHR. ADJUNCTA EST MATERIA MEDICA KAHIRINA ATQUE TABULA MARIS RUBRI GEOGRAPHICA, Ex Officina Molleri, aul typographi, apud Heineck et Faber, 164 p.
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La fiche de Thalia democratica dans l'Inventaire National du Patrimoine Naturel : INPN