Grosse ascidie coloniale jaune sale (6-10 cm)
Lobes charnus, massifs, arrondis
Fixée par un large pédoncule
Tunique semi-transparente et cartilagineuse
Intérieur pulpeux
"Pomme de mer", "kiwi de mer", "patate de mer" (parfois utilisé pour désigner d'autres ascidies solitaires, en particulier Boltenia ovifera au Québec), sont des néologismes recevables mais peu usités.
Tennis ball ascidian, sea-fig (GB), Fico di mare (I), Higo de mar (E) Seefeige (D), Zeevyg (NL), Söefigenet (DK), Sjöfikon (Suède)
Alcyonium pulmonaria Ellis & Solander, 1786
Aplidium ficus Savigny, 1816
Amaroucium pomum Sars, 1851
Polyclinum ficus Giard, 1873
Polyclinopsis haeckeli Gottschaldt, 1894
Macroclinum pulmonaria Hartmeyer, 1914
Atlantique Nord, mer du Nord, Manche
Zones DORIS : ● Europe (côtes françaises), ○ [Atlantique Nord-Est, Manche et mer du Nord françaises], ● Atlantique Nord-OuestNative des régions arctiques boréales atlantiques, cette espèce est principalement présente dans le nord de l'Europe jusqu'au Spitzberg, Cap Nord, Island, Groenland et jusqu'aux côtes canadiennes où elle est moins fréquente.
Synoicum pulmonaria est particulièrement abondante et bien développée sur les hauts-fonds (20 à 40 m) du Dogger Bank et du Great Fischer Bank au centre de la mer du Nord. Sa limite sud se situe à ce jour en Manche et tout particulièrement en Normandie Ouest où les photos de cette fiche ont été prises sur des fonds de 10 à 13 mètres seulement.
Les espèces du genre Synoicum fréquentent principalement les eaux froides des deux pôles (répartition bipolaire et circumpolaire).
Synoicum pulmonaria s'accroche à des substrats* durs, débris coquilliers, cailloutis ou algues dans les fonds sableux à partir de 20 mètres (observée dès 10/12 m en Manche Ouest) et jusqu'à des profondeurs d'environ 60 mètres (certaines publications donnent maximum 600 m ?)
Des colonies roulées, arrachées par les puissants courants marins lors des tempêtes ou des grandes marées sont sporadiquement trouvées sur la côte en laisse de mer.
Synoicum pulmonaria est une des plus grosses ascidies coloniales présentes dans les eaux d'Europe du Nord. Elle forme des lobes charnus, massifs, arrondis, le plus souvent de 6 à 8 cm et jusqu'à 14 cm de diamètre. Les jeunes colonies sont en forme de poires ou de massues unies entre elles à la base fixée par un pédoncule*. Les colonies plus anciennes s'arrondissent nettement pour former jusqu'à de véritables "balles de tennis". Ces grosses colonies se forment par la réunion de plusieurs petites colonies qui se noient dans une masse commune. La tunique* est cartilagineuse, semi-transparente, de couleur gris jaunâtre sous l'eau et tirant ver l'orange brunâtre pour les spécimens roulés à la côte en laisse de mer. Des taches marron plus ou moins circulaires délimitent la périphérie des systèmes et le pourtour de leur siphon cloacal. La tunique est plus ou moins incrustée de sable, de divers débris coquilliers. La substance intérieure est pulpeuse, les zoïdes* bien jaunes à orangés sont visibles comme des points en périphérie d'une coupe pratiquée sur une colonie fraîche.
Les zoïdes* immergés dans la tunique commune restent peu visibles à la surface des colonies, particulièrement sur les colonies ramenées à la côte. Ils s'organisent en petits groupes circulaires à la surface de la colonie, habituellement de 7 à 8 individus, autour d'un cloaque* commun débouchant sur un siphon unique tubulaire translucide chez l'animal vivant et en activité de filtration.
(Voir "Divers biologie" pour la description microscopique)
Synoicum incrustatum (Sars, 1851) : des grains de sable sont agglomérés à sa surface , cette ascidie nordique ne forme jamais d'aussi grandes colonies et est toujours nettement ensablée. Un seul siphon cloacal* commun par petite colonie.
Polyclinum aurantium (couille d'âne) forme des colonies hémisphériques, molles, gélatineuses jaune orangé, gris vert (Atlantique) ou blanc sale (Méditerranée). Cette ascidie montre une tunique vitreuse souvent incrustée de sable. Colonie de 1 à 5 cm.
Aplidium punctum : en forme de petite massue sur un long pied, de couleur orange clair, mesure de 2 à 4 cm. Chaque zoïde présente une tache rouge caractéristique. Les colonies en dégénérescence perdent leur coloration et les ponctuations ne sont plus visibles, c'est dans ce cas que la confusion avec Synoicum pulmonaria est possible.
Certaines éponges présentent aussi le même aspect globuleux et orangé, en particulier l'orange de mer Tethya citrina, la subérite figue Suberites ficus, l'éponge-balle Suberites carnosus ou la subérite massive Suberites massa.
Ces animaux sont des filtreurs* microphages*. Pour se nourrir et pour respirer, les ascidies créent un courant d'eau entrant par les orifices inhalants de chaque zoïde individuel. Ce courant d'eau est ensuite rejeté après filtration par les siphons exhalants. Ceux-ci sont communs à chaque petit système composé de 7 à 8 zoïdes. Ce courant est généré grâce à l'action des cils du pharynx de chaque individu. Il permet la capture d'organismes suspensivores* et permet aussi les échanges gazeux en retenant l'oxygène dissous dans l'eau.
La reproduction des ascidies coloniales présente une alternance de cycles sexués et asexués. Elles sont hermaphrodites*, la fécondation est interne et le développement indirect. Celle des Synoicum est mal connue.
Synoicum pulmonaria est connue pour être un hôte de l’ectoparasite Haplostomella borealis Marchenkov & Boxshall, 2004.
Description microscopique :
Les zoïdes* filiformes, très allongés, perpendiculaires à la surface de la tunique*, plongent profondément dans la masse pulpeuse commune. Ils mesurent, dans les colonies de taille moyenne, de 20 à 30 mm de long.
Le zoïde se divise en 3 parties sensiblement égales : thorax (siphons, branchie et cloaque), abdomen (estomac en "U" vrillé) et post-abdomen (ovaires et testicules).
Le sac branchial possède de nombreuses rangées de stigmates* (ou trémas*), de 20 à 30 suivant la taille de la colonie.
Le siphon buccal possède 6 lobes, le cloacal se termine par une languette trilobée qui débouche dans un cloaque commun.
L'estomac des plus grands zoïdes est véritablement aréolé, c'est-à-dire qu'il présente un grand nombre de diverticules arrondis irrégulièrement disposés. On parle d'un aspect de mûre caractéristique pour l'estomac de cette espèce.
Deux longues rangées d'ovaires et de follicules mâles plus petits occupent la première partie du post-abdomen.
Des travaux récents (2008 et 2011), menés par Margey Tadesse et al., ont mis en évidence la présence de composés chimiques intéressants présents dans cette ascidie. En effet, ces composés auraient des propriétés antibactériennes et antifongiques, voire anticancéreuses.
Les spécimens conservés dans de l'alcool prennent une couleur olive foncé.
"Figue de mer" est retrouvée dans la littérature ancienne pour désigner Alcyonium ficus ou Aplidium ficus qui sont des synonymes de Synoicum pulmonaria. Ficus signifie figue en latin, en référence à la forme présumée de cette espèce.
Selon la première description de Ellis (1786, The natural history of many curious and uncommon zoophytes), l'auteur explique que ce "zoophyte" avait reçu le nom vernaculaire de Sea-Fig (figue de mer) par les pêcheurs qui l'avaient collectée, non pas à cause de sa forme mais à cause de la structure interne avec des "graines" arrangées à la périphérie lorsqu'on coupe en deux, quel que soit le sens, une colonie.
Synoicum : du grec [syn] = ensemble, serré et [oikos] = maison, (ici, logette).
pulmonaria : en latin = pulmonique, poitrinaire. Ici, sans doute en rapport avec la forme de cette ascidie coloniale qui ressemble à un lobe pulmonaire extrait d'une carcasse animale (le "mou" du boucher).
Numéro d'entrée WoRMS : 103692
Termes scientifiques | Termes en français | Descriptif | |
---|---|---|---|
Embranchement | Chordata | Chordés | Animaux à l’organisation complexe définie par 3 caractères originaux : tube nerveux dorsal, chorde dorsale, et tube digestif ventral. Il existe 3 grands groupes de Chordés : les Tuniciers, les Céphalocordés et les Vertébrés. |
Sous-embranchement | Urochordata / Tunicata | Urochordés / Tuniciers | Chordés marins fixés (ascidies) ou pélagiques (thaliacés), solitaires ou coloniaux. Epaisse tunique cellulosique. Deux siphons, pharynx bien développé, la chorde larvaire régresse chez l'adulte (sauf chez les Appendiculaires). |
Classe | Ascidiacea | Ascidies / Ascidiacés | Tuniciers fixés. Solitaires ou coloniaux (seuls capables de bourgeonnement). Chorde uniquement au stade larvaire. Siphon inhalant au sommet, proche du siphon exhalant latéral. Souvent en eau peu profonde. |
Ordre | Aplousobranchia | Aplousobranches | Ascidies coloniales. |
Famille | Polyclinidae | Polyclinidés | Aplousobranches avec thorax, abdomen et post abdomen (où se trouvent les gonades et le cœur). Tunique sans incrustation calcaire. |
Genre | Synoicum | ||
Espèce | pulmonaria |
"Pommes de mer" ?
"C'est doux, c'est mou, c'est lourd, certaines sont rondes, d'autres ovales, parfois par deux ou trois comme ici et le plus souvent seules, qu'est-ce que c'est ?" :
Des figues de mer déposées dans la laisse de mer en Basse Normandie. Elles s'aplatissent en perdant leur eau. Elles portent un pédoncule qui leur permet de se fixer entre elles ou sur d'autres supports.
Agon Coutainville (50), partie basse de l'estran
21/04/2010
Échouage hivernal
Échouage de "pommes de mer" fin novembre 2010 sur la plage de Donville-les-Bains (50). Celle-ci de couleur jaune orangé semble avoir apprécié le support de l'ascidie japonaise, Styela clava (masse contractée, fripée et marron à gauche).
Donville les Bains, Normandie (50), estran
28/11/2010
Jeunes colonies sur des algues
Colonies de jeunes Synoicum pulmonaria fixées sur des algues à la fin de l'hiver.
On peut observer que certaines s'agglomèrent entre elles formant ainsi des masses plus volumineuses.
Agon Coutainville (50), partie basse de l'estran
08/10/2010
Fusion de deux colonies filles
De petites colonies limitrophes et rattachées à une base fixée commune peuvent se réunir pour former un seul lobe charnu.
Agon Coutainville (50), partie basse de l'estran
08/10/2010
Colonie dans l'eau avec les zoïdes bien visibles
Cette colonie immergée présente une surface beaucoup moins lisse avec tous les zoïdes déployés à sa surface qui aspirent l'eau pour chercher la nourriture et pour capturer l'oxygène en suspension.
Les masses encroûtantes rouges sont formées par des ascidies varioleuses Distomus variolosus.
Agon Coutainville (50), partie basse de l'estran dans 60 cm d'eau
19/02/2011
Zoïdes organisés en petites couronnes
Sur ce spécimen immergé, on voit les zoïdes disposés en couronne autour des siphons.
Agon Coutainville (50), partie basse de l'estran dans 60 cm d'eau
19/02/2011
Siphons cloacaux largement ouverts
Sur ce spécimen, on distingue particulièrement bien quelques siphons cloacaux largement ouverts, avec les zoïdes disposés autour en couronne.
Agon Coutainville (50), partie basse de l'estran dans 60 cm d'eau
20/02/2011
Siphons fermés pendant la marée
Pendant le temps que la colonie se retrouve hors de l'eau pendant la marée, tous les siphons sont refermés. Cette contraction de la colonie accentue les taches marron délimitant les petites couronnes de 7 à 8 zoïdes et marquant les siphons cloacaux communs.
Agon Coutainville (50), partie basse de l'estran dans 60 cm d'eau
19/02/2011
Fixé sur des cailloux
Un jour de grande marée, au plus bas de l'estran, ce spécimen a été trouvé dans son état naturel, découvert par la marée, fixé sur des cailloux. Son aspect est moins lisse que ceux trouvés sur la plage, car il n'a pas été roulé par la marée.
Agon Coutainville (50), partie basse de l'estran
28/04/2010
En groupe sur un rocher émergé
Cette photo a également été prise au plus bas de l'estran un jour de grande marée. Elle illustre la vie en groupes de ces ascidies coloniales.
Depuis 10 ans il semble qu'il y ait de plus en plus de ces ascidies sur le littoral normand, on en voit partout et en grande quantité (observations faites en 2010/2011).
Ici il faut noter que l'aspect et la taille réduite des colonies évoque une espèce proche Polyclinum aurantium ou "couille d'âne", nom commun bien illustré ici ! Une identification précise ne peut être faite que par une observation microscopique.
Agon Coutainville (50), partie basse de l'estran
22/03/2011
"Tennis ball" !
Les grosses colonies prennent une forme très arrondie, roulées et trouvées sur l'estran elles ressemblent par leur forme, taille et couleur à une balle de tennis, les anglais leur donnent le nom de "tennis ball ascidian".
Agon Coutainville (50), partie basse de l'estran
21/04/2010
Belle patate fraîche
Les zoïdes* immergés dans la tunique commune restent partiellement visibles à la surface de cette colonie. Ils s'organisent en petits groupes circulaires de 7 à 8 individus autour d'un siphon exhalant commun.
Agon Coutainville (50), partie basse de l'estran
20/02/2011
En forme de poire
Spécimen de 11 cm de longueur, qui a été roulé par la marée, c'est pourquoi on ne distingue plus les siphons. Notez le reste de pédoncule à droite par lequel la colonie était fixée avant son arrachement.
Agon Coutainville (50), partie basse de l'estran
22/04/2010
Tranchée dans la longueur
Sur cette coupe de la colonie précédente les zoïdes sont bien visibles sur toute la partie périphérique. Ce sont les petits points jaune orangé qui se prolongent vers l'intérieur par de longs filaments correspondant au post-abdomen.
La masse centrale de consistance pulpeuse a l'aspect de gélatine assez ferme, sans odeur particulière. Elle est commune à tous les individus composant la colonie.
Agon Coutainville (50), partie basse de l'estran
22/04/2010
Siphons inhalants à la loupe binoculaire
Grossissement X 40 à la loupe binoculaire de la surface de la colonie.
Spécimen prélevé à Agon Coutainville (50) sur la partie basse de l'estran.
Prélèvement (spécimen normand)
2011
Coupe à la loupe binoculaire
Grossissement X 20 à la loupe binoculaire du bord de la colonie.
Spécimen prélevé à Agon Coutainville (50) sur la partie basse de l'estran.
a : thorax (siphons, branchie et cloaque)
b : abdomen (estomac en "U" vrillé)
c : post-abdomen (ovaires et testicules)
d : fèces
e : cloaque commun (espace libre commun permettant la circulation des courants d'eau et l'élimination des fèces par les siphons exhalants non illustrés ici)
f : masse pulpeuse commune
Prélèvement (spécimen normand)
2011
Coupe au centre de la matrice
Grossissement X 20 à la loupe binoculaire.
Spécimen prélevé à Agon Coutainville (50) sur la partie basse de l'estran.
Prélèvement (spécimen normand)
2011
Zoïde isolé, au microscope
Grossissement x 40 au microscope.
Spécimen prélevé à Agon Coutainville (50) sur la partie basse de l'estran.
Prélèvement (spécimen normand)
2011
Anatomie détaillée des zoïdes
Les zoïdes de Synoicum pulmonaria font 20 à 30 mm de long et se divisent en thorax, abdomen et post-abdomen. Le siphon oral a six lobes, l'atrial court avec une large languette trilobée débouche dans le cloaque. Le sac branchial montre 20 à 30 rangées de stigmates. L'intestin abdominal aréolé ressemble à une mûre. Les gonades en chapelet sont situées au-dessous de la boucle intestinale, dans le post-abdomen.
Rq : les "Tethyes composées" de Savigny (1816) regroupaient les ascidies coloniales.
Savigny, planche n° 15
Reproduction de documents anciens
1816
Rédacteur principal : Frédéric ANDRÉ
Vérificateur : Murielle TOURENNE
Correcteur : Aurélie FOVEAU
Responsable régional : Frédéric ANDRÉ
Tadesse M., Gulliksen B., Strøm M.B., Styryold O.B., Haug T., 2008, Screening for antibacterial and antifungal activities in marine benthic invertebrates from northern Norway, Journal of Invertebrate Pathology, 99, 286-293.
Tadesse M., Svenson J., Jaspars M., Strøm M.B., Abdelrahman M.H., Andersen J.H., Hansen E., Kristiansen P.E., Stensvåg K., Haug T., 2011, Synoxazolidinone C; a bicyclic member of the synoxazolidinone family with antibacterial and anticancer activities, Tetrahedron Letters, 52, 1804-1806.