Ver plat allongé, très fin et minuscule (de 1 à 2 mm)
Couleur vert pomme à vert très foncé, transparent
Un point blanc antérieur : le statocyste
Grouille par millions sur l'estran humide breton
Green acoel flatworm (GB)
Symsagittifera roscoffensis Kostenko & Mamkaev, 1990
Convoluta roscoffensis Graff, 1891
Convoluta convoluta (Abildgaard, 1806) est parfois utilisé (à tort) pour décrire cette espèce.
Manche, océan Atlantique
Zones DORIS : ● Europe (côtes françaises), ○ [Atlantique Nord-Est, Manche et mer du Nord françaises]La présence de ce ver plat n'a été recensée que des deux côtés de la Manche, sur les côtes anglaises et normano-bretonnes, et jusqu'en Loire Atlantique (peut-être au-delà ?)
Ce ver affectionne l'estran humide. A marée basse, du printemps à l'automne, on le trouvera rampant à la surface des sédiments plutôt fins des plages (sable et petits graviers), sous un millimètre d'eau, dans les zones bien exposées à la lumière (flaques réchauffées par le soleil, filets de ruissellement). A marée haute, il se glissera sous quelques millimètres de sédiment pour ne pas être mis en suspension. Une fine ciliature ventrale favorise ses déplacements entre les grains de sable.
Notons enfin que cette espèce ne sera trouvée que sur l'estran abrité : elle ne supporte pas le ressac.
Symsagittifera roscoffensis est un ver plat minuscule, dont la taille oscille entre un et deux millimètres. Certains individus de quinze millimètres ont cependant été observés. Il est fin, très allongé, transparent, et est caractérisé par une coloration verte variable, du vert pomme au vert foncé. Ses extrémités sont légèrement arrondies. Avec une loupe, on observe un point blanc à l'avant du ver, sur la ligne médiodorsale. Il s'agit d'un statocyste*, de part et d'autre duquel on observe deux taches brunes lenticulaires, les ocelles.
Ce ver est grégaire : en observant de près le sable humide de l'estran breton, on s'aperçoit qu'il grouille par milliers !
On pourra confondre Symsagittifera roscoffensis avec Convoluta convoluta (Abildgaard, 1806). Ce dernier est également vert, car il abrite aussi de nombreuses algues vertes unicellulaires. Il est cependant plus grand (jusqu'à 6 mm maximum), et ses bords sont souvent enroulés comme ceux d'une feuille morte. Enfin il peut vivre jusqu'à 15 mètres de profondeur, et sur tout le littoral français.
Les juvéniles, initialement blanchâtres, sont herbivores et ingèrent des algues vertes unicellulaires. Certaines de ces algues ne sont pas digérées, mais acheminées sous l'ectoderme. Chez l'adulte, le pharynx et l'ensemble du système digestif régressent. Les algues se divisent et prolifèrent à l'intérieur du ver, qui devient vert ! Son alimentation et sa respiration sont entièrement dépendantes de la photosynthèse : il n'assimile que les sucres issus du cycle photosynthétique.
La reproduction de cette espèce est sexuée mais les sexes ne sont pas séparés : tous les individus sont hermaphrodites. La fécondation est croisée, interne, et a lieu au cours d'un accouplement particulier, au cours duquel les deux individus se "transpercent" mutuellement et injectent leur sperme sous l'épiderme de l'autre. Cet accouplement n'est pas sans causer parfois d'importantes lacérations, qui seront cicatrisées sans peine. Les œufs sont ensuite libérés entre les grains de sable humide.
Les tissus de ce ver sont systématiquement colonisés par l'algue verte unicellulaire Tetraselmis convolutae (Prymnésiophyceae). On peut dénombrer jusqu'à 25 000 algues par individu. Cette relation est symbiotique : le ver fournit à l'algue un environnement où les conditions de sa photosynthèse sont optimales : il s'expose en pleine lumière, sous une fine couche d'eau ruisselante, là où la dégradation des organismes (végétaux et animaux) de la laisse de mer fournit une quantité importante de dioxyde de carbone, lessivé par ce ruissellement. Le ver fournit aussi à l'algue certains composés azotés comme l'urée. En retour l'algue produit de l'oxygène et des sucres, utilisés par le ver (voir le paragraphe alimentation).
Cette symbiose n'est pas vitale pour l'algue, qui peut très bien vivre sans son hôte. Pour le ver en revanche, cette association est obligatoire : sans l'algue, il meurt !
Le statocyste et la paire d'ocelles de ce ver, reliés à un tissu nerveux simple, lui octroient la faculté de s'orienter dans les trois dimensions, et de réagir à une variation de luminosité.
En aquarium, ces vers continuent à monter et descendre dans le gravier selon le rythme des marées, et ils s’agglomèrent immédiatement du côté le plus éclairé du bac.
En grand nombre, ils dégagent une forte odeur, et ils sont capables de former des agglomérats "en ronde". Voici un article très intéressant qui détaille ces deux derniers points.
Les acœles forment une lignée à part au sein des métazoaires. L'ancêtre des acœles est vraisemblablement très proche du premier animal à avoir acquis la symétrie bilatérale, l'avant et l'arrière (la céphalisation), la face ventrale et la face dorsale, ainsi que le mésoderme (3ème feuillet embryonnaire) et le cœlome. Ils constituent en ce sens nos plus lointains ancêtres...
Cette espèce ne possède pas de nom vernaculaire dans la littérature naturaliste. Ver plat de Roscoff est une proposition du site DORIS.
Convoluta : du latin [convolvere] = rouler, s’enrouler ensemble : fait allusion à la fois à la forme en virgule et au caractère grégaire des Convoluta. L'espèce type de la famille des Convolutidés est Convoluta convoluta, un ver plat acœle similaire, mais dont les bords sont enroulés. Chez C. roscoffensis, cet enroulement n'est pas observé.
roscoffensis : cette espèce a été décrite pour la première fois à Roscoff (29).
Numéro d'entrée WoRMS : 484585
Termes scientifiques | Termes en français | Descriptif | |
---|---|---|---|
Embranchement | Xenacoelomorpha | Xénacoelomorphes | Les Xénacoelomorphes forment aujourd'hui un groupe à part, situé à la base des animaux dits bilatériens. Ils s'en distinguent par l'absence d'anus, de néphridies et de système circulatoire. Ils étaient jusqu'à très récemment inclus au sein des Plathelminthes. |
Sous-embranchement | Acoelomorpha | Acoelomorphes | Les acoelomorphes sont de minuscules organismes vermiformes qui sont caractérisés par l'absence totale de tube digestif. |
Ordre | Acoela | Acoeles | |
Famille | Convolutidae | Convolutidés | Acoeles dont les bords sont fréquemment enroulés. |
Genre | Symsagittifera | ||
Espèce | roscoffensis |
Des vers verts !
Symsagittifera roscoffensis est un ver plat minuscule, très fin et allongé. Il se caractérise toujours par une coloration verte, car il abrite dans ses tissus des milliers d'algues vertes unicellulaires symbiotiques.
Plage de Trébeurden (22)
11/07/2007
Statocystes
Observez sur certains individus un petit point blanc dorsal et antérieur : il s'agit d'un statocyste, un organe particulier qui permet au ver de s'orienter.
Plage de Trébeurden (22)
11/07/2007
Du sable vert ?
Il est très fréquent d'observer sur l'estran breton ces motifs sinueux verts. Approchez-vous, penchez-vous, et observez attentivement : des milliers de petits vers s'activent sous un millimètre d'eau pour s'exposer le mieux possible à la lumière du soleil...
La grève blanche, Trégastel (22)
11/05/2008
Sous 1 mm d'eau
En s'approchant de la surface du sédiment humide, on s'aperçoit que ces vers grouillent par milliers !
Plage de Trébeurden (22)
11/07/2007
Pour se faire une idée...
Cette photo vous permettra de vous faire une idée de la taille de Symsagittifera roscoffensis : ce ver minuscule mesure en général de 1 à 2 millimètres !
La grève blanche, Trégastel (22)
11/05/2008
Rédacteur principal : Frédéric ZIEMSKI
Vérificateur : Frédéric ANDRÉ
Responsable régional : Frédéric ZIEMSKI
Holligan P.M, Gooday G.W., 1977, Symbiosis in Convoluta roscoffensis. Symposia of the Society of experimental Biology, 29 (1975), 205-227.
Douglas A.E., 1983, Establishment of the symbiosis in Convoluta roscoffensis. Journal of the marine Biological association, United Kingdom, 63, 409-418.
Corbara B., 2018, Le manège solaire des vers de Roscoff. Revue ESpèces, n°30 (décembre 2018)
La page de Symsagittifera roscoffensis sur le site de l'Inventaire National du Patrimoine Naturel : INPN