Holothurie de taille moyenne
Corps à section quadrangulaire
Verrucosités en forme de pain de sucre sur chaque angle du corps
Couleur vert sombre, papilles orange vif
Bouche ventrale, anus terminal
Trépang vert (nom commercial)
Greenfish, knobby black (GB), Holothurie verde (E), Grüne Zahnrad-Seewalze (D), Teripang nanas bercak hitam (Indonésie, Bahasa), Juppong (Indonésie, Bajo), Kyet hinn ka (Birmanie)
Holothuria quadrangularis Lesson, 1830
Stichopus chloronotos Brandt, 1835
Stichopus cylindricus Haacke, 1880
Stichopus chloronotus fuscus Pearson, 1903
Stichopus hirotai Mitsukuri, 1912
Holothuria viridis Quoy & Gaimard in Cherbonnier, 1952
Notons que si l'on trouve parfois Stichopus chloronatus, il s'agit d'une probable erreur orthographique.
Mer Rouge, Indo-Pacifique tropical
Zones DORIS : ● Indo-Pacifique, ○ [Mer Rouge]Stichopus chloronotus est présent dans la mer Rouge et l’océan Indien (à l’exclusion du golfe Persique). On le trouve aussi dans le Pacifique Est et centre jusqu’à Hawaï.
C’est une espèce récifale qui vit par petits fonds (0 à 5 m en moyenne, plus rarement au-delà de 12 m), dans les zones détritiques, sur sable et sur substrat dur, souvent sur des sites à fort hydrodynamisme. La densité des populations peut être plus forte sur les platiers externes et la partie supérieure des pentes, elle peut atteindre plusieurs milliers d’individus à l’hectare sur certains sites. On peut aussi trouver de grands spécimens sur fonds sablo-vaseux jusqu’à 15 mètres de profondeur.
Holothurie de taille moyenne (maxima de 35 cm de longueur et de 6 cm de largeur) au corps trapu et ferme à section quadrangulaire. Le tégument* est relativement peu épais (2 à 6 mm), parcouru de fines rides, parfois entrecroisées, et d’aspect satiné malgré de nombreuses et discrètes boursouflures.
La couleur, caractéristique, est d’un vert sombre à noirâtre qui peut avoir des reflets bleus, sur lequel tranche l’orange vif des papilles*. Sur le bivium* (face dorsale) se trouvent deux rangées latérales de verrucosités en forme de pain de sucre alignées le long des radius*. Elles sont surmontées de papilles. Deux autres rangées de verrucosités à faible espacement bordent la sole ventrale. Le trivium* (face ventrale) est plat, le tégument se présentant comme un maillage grossier duquel sortent de nombreux et forts podia* disposés en rangées. Podia et disque podiaux (ventouse) sont brun-gris foncé.
La bouche est ventrale, elle est entourée de 20 courts tentacules peltés* de couleur verte, eux-mêmes contenus dans un cercle de verrucosités surmontées de papilles orange. L’anus est terminal et entouré de verrucosités moins développées.
Les couleurs de Stichopus chloronotus, sinon sa seule morphologie, interdisent toute confusion avec une autre holothurie, y compris dans son propre genre, Stichopus.
C’est une espèce détritivore* qui prélève les particules organiques végétales et animales contenues dans le sable qu’elle ingère, puis restitue en une série de petits tronçons cylindriques de sable compacté.
Les holothuries peuvent traiter d’énormes quantité de sable (à titre d'exemple, les estimations faites sur une population d’Isostichopus badionotus répartie sur 4,4 km² vont de 500 à 1000 tonnes de sable par an !). Elles participent ainsi de façon notable, tant par élimination de débris organiques que par remaniement continuel du substrat, à l’équilibre des écosystèmes côtiers.
La reproduction peut être sexuée : la maturité sexuelle est atteinte vers un an (entre 50 et 70 g). Il y a deux périodes de ponte (novembre et février-mars), correspondant aux températures les plus chaudes (autour de 28°C en surface). Mâles et femelles se dressent alors le plus haut possible pour diffuser largement les gamètes* qu’ils émettent dans la colonne d’eau. L’observation peut en être faite le soir et le plus souvent de nuit. L’émission chez les deux sexes est blanchâtre. Les stades larvaires se déroulent en pleine eau, puis le juvénile rejoint définitivement le substrat et évolue vers l’âge adulte.
La reproduction peut également être asexuée et se produire par scissiparité*. Les individus en cours de scission cessent de se nourrir et se cachent pour se protéger. Le processus de scission tel qu’il a été observé en situation expérimentale se fait de la façon suivante : les deux parties du corps pivotent en sens inverse pendant plusieurs heures, puis l’une d’elle s’éloigne, l’autre restant immobile, jusqu’à provoquer la déchirure du tégument au point de constriction. La scission elle-même est rapide (environ 5 minutes) et la cicatrisation ne demande que quelques heures. Les particularités du tissu conjonctif de Stichopus chloronotus (cf. sa capacité de se désagréger) semblent faciliter le processus comparativement à d’autres holothuries. Le point de scission naturel se situe, chez notre holothurie verte, à 52% de la longueur du corps en partant de la tête. Les parties du corps en régénération sont reconnaissables à une protrusion du tégument au-delà de la zone cicatricielle. La mortalité des individus antérieurs est légèrement supérieure à celle des individus postérieurs.
Ce mode de reproduction est essentiel au maintien de l’espèce, dans la mesure où il compense la mortalité et les migrations et où il est plus sûr : ni la prédation sur les larves*, ni la nécessité d’un partenaire, ni les aléas de la rencontre des gamètes n’interviennent. Il peut avoir lieu toute l’année, mais il est plus fréquent en saison fraîche, c’est-à-dire en dehors des périodes de reproduction sexuée.
Stichopus chloronotus peut être trouvé en association commensale avec les poissons Carapidés Carapus mourlani, Carapus homei, Carapus boraborensis, et parasité par Encheliophis gracilis ainsi que par le Gastéropode Eulimidé Megadenus cantharelloides, qui se nourrit des tissus dermiques de son hôte à partir du tube digestif qu’il perfore.
D'autres copépodes parasites sont encore trouvés sur S. chloronotus tels Chauliolobion forcipatum, Scambicornus modestus ou des espèces du genre Nanaspis (N. moluccana et N. tonsa).
Cette espèce est commune.
Elle se nourrit le jour et se cache sous des coraux ou des débris la nuit.
Elle ne possède pas d’organe de Cuvier* mais peut laisser une partie de son tégument à un prédateur.
Le contact avec le tégument y produit souvent des traces jaunâtres ou un commencement de désagrégation faisant apparaître un derme jaune pâle. Le processus de désagrégation des plaques tégumentaires finit par laisser une masse muqueuse blanchâtre.
Les spicules* sont composés de corpuscules en "C" et tourelles pour le tégument, de bâtonnets, plaques et tourelles pour les tentacules et les podia, et de corpuscules en "C" et "S" auxquels s’ajoutent des tourelles pour les papilles.
Une étude menée sur Holothuria forskali a montré que cette espèce, comme ses cousins Echinodermes les oursins et les étoiles de mer, possède sur chaque disque podial un système cellulaire complexe permettant l’adhérence au substrat et donc la locomotion. L’épiderme du disque podial est composé de 5 types de cellules. Deux d’entre eux produisent un mucus différent qui, par mélange, devient collant et permet l’adhésion. Un troisième type cellulaire, composé de cellules ciliées dites sécrétrices, permet selon toute vraisemblance de dissoudre la couche superficielle de « colle » fabriquée à la surface du disque et de provoquer le détachement. Les deux derniers types de cellules sont composés de cellules ciliées non-sécrétrices et de cellules de soutien. La stimulation des deux types de cellules ciliées coordonnerait les sécrétions d’adhésion et de détachement, et permettrait ainsi le déplacement. Il est probable que cette organisation du disque podial se retrouve de manière plus ou moins bien conservée chez toutes les espèces d’holothuries, fonction de la modification des podias selon les espèces. La détermination de la nature des sécrétions produites par ces classes d’Echinodermes pourrait à terme déboucher sur la fabrication de colles biomimétiques efficaces en milieu humide ainsi que d’antifouling pour l’entretien des bateaux.
Cette espèce fait partie des espèces commerciales. Elle est l’une des moins chères sur le marché de la bêche de mer (holothurie traitée pour la rendre propre à la consommation humaine), sans doute du fait de sa petite taille (son poids est d’environ 400 grammes) et de la tendance de son tégument à se désagréger, notamment hors de l’eau. Toutefois, l’augmentation de la demande mondiale fait que les espèces à faible valeur commerciale sont de plus en plus concernées. Le constat d’une baisse importante de la densité des populations de Stichopus chloronotus dans certains Etats a déjà été fait en 2004.
Si l’augmentation de la demande mondiale en holothuries menace la ressource et ce, pour de nombreuses espèces commerciales, les élevages en mer et sur terre permettent dans une certaine mesure de pallier ces difficultés. Mais la CITES note que l’espoir de repeupler ainsi les sites naturels se heurte au problème de la masse critique en deçà de laquelle les populations ne peuvent plus se reconstituer sans une élimination totale de la pression de pêche durant 50 ans. Les mesures nécessaires semblent donc difficilement applicables au vu de la problématique socio-économique engagée et la pêche illicite est malaisément contrôlable. Le problème est d’autant plus grave qu’il va au-delà des holothuries elles-mêmes : leur disparition sur certains sites a notamment provoqué un durcissement des sols éliminant ainsi l’habitat d’autres organismes benthiques, avec les conséquences écosystématiques associées.
Les propriétés biologiques (notamment antifongiques) de cette espèce sont étudiées par des laboratoires pharmaceutiques.
Les holothuries en général sont connues depuis très longtemps en Asie pour leurs propriétés médicinales. Du point de vue médical moderne, les comprimés ou gélules produits à partir de certaines holothuries sont considérés comme un supplément alimentaire particulièrement riche en protéines. Ils sont aussi capables de diminuer les douleurs articulaires. Certains composants extraits de leur organisme sont encore connus pour ralentir la progression des infections virales (le sulfate de chondroitine notamment est utilisé par les Japonais dans le cadre d’une thérapie anti-VIH) et pour des propriétés anti-cancérigènes selon des études chinoises [Chen 2003]. D’autres composants sont reconnus pour leurs propriétés antifongiques, pour leur intérêt en immunologie et pour leur probable capacité à participer au traitement des maladies dégénératives.
Stichopus chloronotus n’est pas mentionné dans les annexes de la CITES (la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction). Néanmoins, de nombreux pays réglementent la pêche des holothuries en général par fixation de quotas, de saisons de pêche, de limitations des aires, de permis divers ou de tailles minimales, dans la mesure où l’augmentation de la demande mondiale fait courir un risque d’épuisement de la ressource pour de nombreuses espèces.
Holothurie verte : le nom français renvoie à la couleur du tégument de l’animal.
Stichopus : des mots grecs [sticho-] = rangée, et [pous] = pied. Le nom de genre renvoie ainsi à l’alignement des podia.
chloronotus : du grec [chloro-] = vert et du latin [notum] = dos.
Le nom scientifique désigne donc un animal au bivium vert et aux podia ordonnés en rangées.
Termes scientifiques | Termes en français | Descriptif | |
---|---|---|---|
Embranchement | Echinodermata | Echinodermes | Symétrie radiale d'ordre cinq (chez les adultes). Squelette de plaques calcaires bien développé sous le derme. Présence d'un système aquifère auquel appartiennent les podia souvent visibles extérieurement. |
Sous-embranchement | Echinozoa | Echinozoaires | Echinodermes non étoilés de forme globuleuse ou allongée. Ce groupe renferme les oursins et les concombres de mer. |
Classe | Holothuroidea | Holothuroïdes | Echinodermes vermiformes, ouverture buccale à l’extrémité antérieure du corps et entourée d’une couronne de tentacules rétractiles, anus postérieur, une seule gonade : holothuries, concombres de mer. Endosquelette réduit à de microscopiques ossicules ou plaques, inclus dans la paroi du corps. |
Ordre | Synallactida | Il n'y a pas de critère extra-génétique pour ce nouvel Ordre (2017) à part le fait que les espèces de ce taxon sont toutes épibenthiques avec la bouche tournée vers le sol. |
|
Famille | Stichopodidae | Stichopodidés | Corps de section carrée ou trapézoïdale. Pas de tubes de Cuvier. |
Genre | Stichopus | ||
Espèce | chloronotus |
De passage sur un massif de corail
Cet individu parcourt un massif de corail.
Stichopus chloronotus est diurne et pratique l’escalade plus volontiers que d’autres holothuries.
Lagon de L’Ermitage, La Réunion, 1,5 m
24/09/2010
Une forme identifiable
Stichopus chloronotus est une holothurie de taille moyenne, au corps trapu et ferme et à section quadrangulaire.
Baie des tortue, Mayotte, 2 m
11/09/2010
Verrucosités et papilles orange
Gros plan sur les verrucosités en forme de pain de sucre, surmontées de papilles orange.
Maldives, 12 m
08/2008
Papilles orange
Le jaunissement des verrucosités est généralement la conséquence d’un contact éprouvé comme stressant par l’animal, c’est le préalable à un processus de désagrégation caractéristique de certains Stichopodidés.
Îles Similan, Thailande, 25 & 15 m
04/2010
Aspect du trivium
La surface du tégument du trivium dessine un maillage duquel sortent les podia. On distingue bien la bouche, ventrale et entourée de papilles, ainsi que les grosses verrucosités marquant les deux côtés de la sole ventrale.
Lagon de l'Ermitage, La Réunion, 1,5 m
24/09/2010
Bouche
L’extrémité antérieure est largement évasée pour permettre le travail des tentacules entourant la bouche. Le sable est ingéré, les particules organiques animales et végétales, ainsi que les bactéries qu’il contient étant la nourriture de l’animal.
Lagon de L’Ermitage, La Réunion, 1,5 m
24/09/2010
Anus
L’anus est grand ouvert pour permettre la respiration de l’animal : les arbres respiratoires débouchent dans l’ampoule rectale, ou cloaque.
Lagon de L’Ermitage, La Réunion, 1,5 m
24/09/2010
Podia 1
Les podia sont forts et d’un brun grisé plus ou moins soutenu, en fonction de leur extension.
Lagon de l'Ermitage, La Réunion, 1,5 m
30/08/2010
Podia 2
Vues des podias sortis.
Thailande, Shark fin reef, 25 m & Koh Palai, 15 m
04/2010
Podia en extension
Les podia sont capables de se distendre, ce qui permet à l’animal de résister aux variations de poussée des vagues : Stichopus chloronotus se trouve souvent sur des sites à fort hydrodynamisme.
Lagon de l'Ermitage, La Réunion, 1,5 m
24/09/2010
Juvénile
Ce juvénile de 7 cm a été trouvé protégé à l’intérieur d’une valve de bénitier. La coquille a été replacée dans sa position initiale après la photo...
Lagon de l'Ermitage, La Réunion, 1,5 m
12/05/2010
A La Réunion
Cette escalade n’est probablement pas liée aux exigences de l’émission des gamètes dans la colonne d’eau puisqu’elle a lieu en plein jour. Il doit plutôt s’agir de recherche de nourriture. On peut observer que cet individu est nettement bleuissant.
Lagon de l'Ermitage, La Réunion, 1,5 m
31/01/2010
En Thailande
Thailandais aux vésicules bien visibles
Shark fin reef, îles Similan, Thailande, 25 m
25/04/2010
En Australie
Australien du Queensland.
Heron island, Queensland, Australie, 16 m
25/07/2010
En Nouvelle-Calédonie
Individu néo-calédonien.
Nouvelle-Calédonie, Poindimié, Eden, 6 m
09/10/2009
Timbre du Viet Nam
Stichopus chloronotus a eu l'honneur d'une parution en timbre, en 1985 au Viet Nam.
Nice (06), bureau du doridien
13/11/2010
Rédacteur principal : Philippe BOURJON
Correcteur : Thierry MULOCHAU
Responsable régional : Alain-Pierre SITTLER
Barrère A. & Bottin C., 2007, Observations in situ de la reproduction sexuée de Stichopus chloronotus sur un récif frangeant de La Réunion (Océan indien), La Bêche-de-Mer, Bulletin de la CPS, 25: 37–38.
Chen J., 2003, Aperçu des méthodes d’aquaculture et de mariculture en Chine, La Bêche-de-Mer, Bulletin de la CPS, 18: 18-23.
Conand C., 1989, LES HOLOTHURIES ASPIDOCHIROTES DU LAGON DE NOUVELLE-CALEDONIE : BIOLOGIE, ECOLOGIE ET EXPLOITATION, Etudes et Thèses, O.R.S.T.O.M., Paris, 393p.
Conand C., Jérôme A., Dijoux N., Garryer J., 1998, Reproduction asexuée par scission dans une population de Stichopus chloronotus, La Réunion, Océan Indien, La Bêche-de-Mer, Bulletin de la CPS, 10: 15-23.
Flammang P., Jangoux M., 1992, Functionnal morphology of the locomotory podia of Holothuria forskali (Echinodermata, Holothuroida), Zoomorphology, 111(3), 167-178.
Hoarau T., Conand C., 2002, Reproduction sexuée de Stichopus chloronotus, holothurie scissipare, à La Réunion, Océan Indien, La Bêche-de-Mer, Bulletin de la CPS, 15: 5-12.
Lindsay S., Abraham S., 2004, Evaluation de la ressource : bilan actuel des stocks de deux espèces d’holothuries pêchées à des fins commerciales (Actinopyga mauritiana et Stichopus chloronotus), et recommandations en matière de gestion adressées à l’Etat de Kosrae (Etats fédérés de Micronésie), La Bêche-de-Mer, Bulletin de la CPS, 19: 33-35.
Santos R., 2012, A multidisciplinary analysis of sea-urchin temporary adhesion: morphology, biomechanics and proteomics, 14th International Echinoderm Conference, Plenary abstract, 24p.
Uthicke S., Conand C., Benzie J., 2001, Population genetics of the fissiparous holothurians Stichopus chloronotus and Holothuria atra (Aspidochirotida): a comparison between the Torres Strait and La Réunion, Marine Biology 139 : 257-265.
Uthicke S., 2002, La reproduction asexuée par scission transversale chez Stichopus chloronotus, La Bêche-de-Mer, Bulletin de la CPS, 14: 25-27.