Couleur bleu nuit à noir
Taches noires à bords dentelés à la base de la partie visible des écailles du museau à la nuque
Nombreuses écailles bleues sur les joues, les opercules et parfois sur la nuque
Écaille située devant la ligne latérale avec un large bord noir
Lèvres épaisses gris pâle à blanches
Taille maximale documentée : 15 cm
Cuvier, qui décrit l’espèce en 1830 sous le nom scientifique de Glyphisodon limbatus, l’appelle le Glyphisodon bordé.
Ebony gregory (GB)
Glyphisodon limbatus Cuvier, 1830
Pomacentrus pristiger Valenciennes, 1833
Pomacentrus madagascariensis Sauvage, 1882
Madagascar et les Mascareignes
Zones DORIS : ● Indo-PacifiqueL’espèce peut-être rencontrée à Madagascar, à La Réunion, à Maurice et à Rodrigues, ces trois dernières îles étant les principales de l’archipel des Mascareignes*.
Cette espèce réside sur les platiers des récifs entre 0 et 2 mètres. On peut la trouver près des zones de déferlement, mais aussi dans des habitats plus calmes au milieu des platiers*. Ces zones sont caractérisées par la présence de colonies coralliennes, dégradées ou non. On trouve souvent S. limbatus parmi des coraux massifs plus ou moins dégradés du genre Porites, son « jardin » étant établi sur les parties nécrosées des massifs. On le rencontre aussi dans des habitats détritiques* ou, plus rarement, dans des herbiers, où S. limbatus « cultive » des algues épiphytes* sur les feuilles des phanérogames*.
Le corps est ovale avec un dos élevé et un arc ventral prononcé. Il est comprimé latéralement. Sa hauteur (distance calculée à l’aplomb du troisième rayon dur de la dorsale) entre environ 2 fois dans sa longueur standard (longueur sans la queue). La taille maximale documentée est de 15 cm.
La couleur dominante est un bleu nuit uniforme qui peut virer au gris violacé ou paraître noir. Le premier tiers du corps est généralement plus clair. Les écailles sont bordées de noir, ce qui donne aux flancs un aspect réticulé. La base de la partie visible de nombreuses écailles de la tête présente une tache noire à bords dentelés. On trouve de nombreuses écailles bleues sur les joues, les opercules* et parfois la nuque. L’écaille située devant le début de la ligne* latérale a un large bord noir.
La tête est massive, son profil dorsal est légèrement concave au niveau de la nuque. La bouche, petite et oblique, est terminale. Les lèvres sont épaisses et ourlées, de couleur gris pâle à blanche. Les yeux sont globuleux. La pupille est entourée par un anneau doré, le reste de l’iris* est turquoise avec deux arcs de cercle symétriques bleu foncé à noirâtres disposés de part et d’autre de l’axe vertical de la pupille. Une tache d’un bleu intense pouvant virer au violet marque la partie supérieure de la protubérance charnue qui porte l’œil. Le bord de la plaque suborbitale est denticulé, de même que le bord postérieur du préopercule*.
Les nageoires impaires sont largement couvertes de très petites écailles, seules leurs franges en étant dépourvues. Elles sont de la même couleur que le corps, à l’exception d’un large liseré gris sur la dorsale épineuse. Les deux premiers rayons de l’anale et des pelviennes sont bleu électrique. Les rayons des pectorales et des pelviennes sont de la même couleur que le corps et leur membrane est translucide. La nageoire caudale paraît échancrée à lobes* arrondis, mais ces lobes sont nettement séparés à partir du premier tiers de la nageoire.
La livrée nuptiale est caractérisée par une zone d’un gris très pâle couvrant la moitié postérieure du corps, et par une barre blanche allant des lèvres à trois ou quatre écailles derrière les pectorales.
Dans sa distribution restreinte, Stegastes limbatus ne peut être confondu qu’avec S. nigricans, dont la livrée est variable mais peut être intégralement brun foncé. C’est alors cette couleur, facile à différencier de la robe bleu nuit à noirâtre de S. limbatus, qui permet de les différencier, de même que les écailles bleues présentes sur la tête de ce dernier.
L’espèce est herbivore. Elle intervient dans sa propre nutrition en « cultivant » un gazon algal par élimination continuelle des algues jugées non comestibles, en empêchant les éventuelles larves coralliennes de coloniser cet espace disponible et en protégeant agressivement ce « jardin » des herbivores concurrents. Aucune étude n’ayant été faite sur la composition de ce gazon, il n’est pas possible de préciser quelles sont les espèces d’algues sélectionnées.
A notre connaissance et à la date de publication de cette fiche (juin 2022), la reproduction n’est pas documentée chez cette espèce. Toutefois, les Pomacentridés sont tous des pondeurs démersaux* dont les œufs adhèrent au substrat* et font l’objet de soins parentaux qui diffèrent selon les espèces. La reproduction se fait en couples (versus en groupes). La durée de vie larvaire moyenne calculée pour 11 espèces dans ce genre va de 21 à 24 jours. Les larves* sont pélagiques* et apparemment incapables, contrairement à celles de nombreuses autres familles, de retarder leur métamorphose* en juvénile après le dernier stade larvaire. Il est donc impératif qu’elles aient trouvé un récif adapté à leurs besoins pendant cette période. Cette impossibilité limite la capacité de dispersion de ces espèces.
Stegastes limbatus a été observé en train de ménager des nids sous divers reliefs ou blocs posés sur le substrat, en évacuant avec la bouche des éléments de sédiment jugés indésirables. Ce comportement est différent de celui de S. nigricans, dont les nids sont placés sur les branches de coraux « cultivées », les femelles déposant leurs œufs parmi les algues.
L’espèce est territoriale. Elle défend âprement son territoire, mais son agressivité est nettement moindre que celle de Stegastes nigricans, connu pour être le plus agressif des « jardiniers », et que celle de S. punctatus, présents dans sa zone de distribution.
Contrairement à ses cousins S. nigricans et S. punctatus, S. limbatus est souvent solitaire, et les agrégations de territoires qu’on peut aussi rencontrer sont beaucoup moins denses que celles de ses deux proches parents. Les jeunes adultes semblent se regrouper plus facilement que leurs aînés.
La nageoire dorsale comprend de 12 à 13 rayons durs et de 15 à 17 rayons mous, l’anale comprend 2 rayons durs et de 12 à 14 rayons mous. La ligne latérale comprend de 18 à 20 écailles perforées.
Le statut de l’espèce n’est évalué ni par l’UICN* ni par la CITES*.
Grégoire : de nombreuses espèces du genre Stegastes portent ce nom vernaculaire, en français comme en anglais (« Gregory »). Dans la mesure où les noms vernaculaires sont le plus souvent descriptifs et/ou issus de traditions régionales, il est hasardeux de leur chercher une origine savante. Cependant, il est frappant de constater que le grec [gregoros], signifie « le vigilant, celui qui veille », ce qui s'applique fort bien à ces poissons du fait de la surveillance continuelle et agressive de leur domaine, que ces grégoires soient « jardiniers » (voir § Alimentation) ou pas.
d’ébène : traduction du nom vernaculaire anglais "ebony gregory". L’ébène naturelle est le nom donné au « bois parfait » (la partie centrale du tronc, la plus ancienne) de plusieurs espèces d’arbres de la famille des Ebenacées, dont la couleur va du gris foncé au noir. La comparaison vise évidemment la couleur de l’animal.
Stegastes : du verbe grec [stegazô], qui signifie « héberger », par extension « garnir d'un toit » et par dérivation, couvrir de tuiles, [stegastos] signifiant « couvert ». La comparaison est explicitement motivée par le créateur du genre (Leonard Jenyns, 1800-1893) par la couverture d’écailles que présente la majeure partie des nageoires impaires chez les espèces qui le composent. Le genre contient actuellement 30 espèces acceptées.
limbatus : ce mot latin signifie « garni d’une bordure », ce pourquoi Cuvier l’appelle le Glyphisodon bordé. Dans sa description de l’espèce, il écrit « il y a surtout une large bordure noire à la partie épineuse de sa dorsale », ce qui motive le choix de l’épithète spécifique.
La localité du type* est La Réunion. L’holotype* a été ramené à Cuvier par Quoy et Gaimard au retour de leur voyage autour du monde à bord de l’Astrolabe (1826-1829).
Numéro d'entrée WoRMS : 218846
Termes scientifiques | Termes en français | Descriptif | |
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Embranchement | Chordata | Chordés | Animaux à l’organisation complexe définie par 3 caractères originaux : tube nerveux dorsal, chorde dorsale, et tube digestif ventral. Il existe 3 grands groupes de Chordés : les Tuniciers, les Céphalocordés et les Vertébrés. |
Sous-embranchement | Vertebrata | Vertébrés | Chordés possédant une colonne vertébrale et un crâne qui contient la partie antérieure du système nerveux. |
Classe | Actinopteri | ||
Sous-classe | Neopterygii Teleostei | Néoptérygiens Téléostéens | Poissons à arêtes osseuses, présence d’un opercule, écailles minces et imbriquées. |
Famille | Pomacentridae | Pomacentridés | |
Genre | Stegastes | ||
Espèce | limbatus |
Grégoire d’ébène
Cette espèce est caractérisée par une livrée d’un bleu qui peut devenir si foncé qu’il paraît noir, sauf dans le premier tiers du corps, toujours plus clair dans la livrée ordinaire.
Lagon de l'Ermitage, La Réunion (974), océan Indien, 1,5 m, en PMT
20/04/2011
Ecailles de la tête
Ce gros plan permet de mieux distinguer d’une part les écailles bleues présentes sur la tête, d’autre part les taches noires dentelées qui marquent le centre de certaines d’entre elles.
Lagon de l'Ermitage, La Réunion (974), océan Indien, 1,5 m, en PMT
29/06/2013
Lèvres blanches
Les lèvres de S. limbatus sont gris pâle à blanches, cette caractéristique étant d’autant plus visible que les couleurs de la tête et du reste du corps sont sombres.
Lagon de l'Ermitage, La Réunion (974), océan Indien, 1,5 m, en PMT
05/09/2012
Nageoire caudale à lobes séparés
La nageoire caudale des individus de cette espèce paraît le plus souvent échancrée. Cependant, comme le montre ce gros plan, ses lobes sont nettement séparés à partir du premier tiers de la nageoire. Notez aussi la présence d'écailles recouvrant les deux tiers de la longueur des rayons.
Lagon de l'Ermitage, La Réunion (974), océan Indien, 1,5 m, en PMT
09/06/2012
Livrée nocturne
La livrée ne change pas la nuit, si ce n’est par la présence d’une barre blanche plus ou moins prononcée allant des lèvres à l’arrière des pectorales.
Lagon de l'Ermitage, La Réunion (974), océan Indien, 1,5 m, en PMT
05/04/2015
Livrée nuptiale
Des observations naturalistes montrent que la livrée nuptiale du mâle est caractérisée par une zone d’un gris très pâle allant de la moitié du corps jusqu’au pédoncule caudal, et par une barre blanche allant des lèvres à trois ou quatre écailles derrière les pectorales. Cette barre se retrouve dans la livrée de nuit.
Dans ces circonstances, les individus deviennent très agressifs, alors qu’ils le sont beaucoup moins quand il s’agit de défendre leurs « jardins ».
Lagon de l'Ermitage, La Réunion (974), océan Indien, 1,5 m, en PMT
24/08/2011
Préparation du nid
Cet individu en livrée nuptiale est en train d’aménager un nid sous un petit massif de corail mort partiellement couvert par des algues « cultivées » par le propriétaire.
Il se sert de sa bouche pour prélever et rejeter à l’extérieur des éléments de sédiment jugés indésirables, comme on le voit sur cette photo.
Lagon de l'Ermitage, La Réunion (974), océan Indien, 1,5 m, en PMT
26/06/2013
Jardins sur Porites
On trouve souvent S. limbatus au-dessus des coraux massifs plus ou moins dégradés du genre Porites, son « jardin » étant établi sur les parties nécrosées de ces massifs.
Il s’agit ici de Porites lutea, dont l’état montre qu’il perdra la partie dans la compétition spatiale engagée avec les Acropora voisins...
Lagon de l'Ermitage, La Réunion (974), océan Indien, 1,5 m, en PMT
21/06/2018
Défense du territoire
Stegastes limbatus n’est que modérément agressif dans la défense de son jardin, contrairement à S. nigricans et S. punctatus, qui sont souvent ses voisins.
Il se contente de manœuvres d’intimidation, comme on le voit ici, mais il est lui-même plutôt timide et il va très rarement jusqu’à la morsure.
Lagon de l'Ermitage, La Réunion (974), océan Indien, 1,5 m, en PMT
05/09/2012
Baroudeur
Ce grand adulte est sorti de plus d’une mauvaise rencontre, comme le montrent les traces de morsure sur son corps et ses nageoires impaires en charpie.
Lagon de l'Ermitage, La Réunion (974), océan Indien, 1,5 m, en PMT
15/03/2017
Malins
Ces deux individus ont trouvé un excellent moyen pour limiter la taille d’éventuels prédateurs lorgnant sur leur nourriture ou sur leurs œufs. Cette cage métallique contient des instruments de mesure (de la température, la salinité, etc.) installés par les scientifiques locaux.
Lagon de l'Ermitage, La Réunion (974), océan Indien, 1,5 m, en PMT
10/08/2013
Peu grégaire
Contrairement à ses proches parents Stegastes nigricans et S. punctatus, S. limbatus est peu grégaire. On observe souvent des individus solitaires, et la densité des agrégations est faible.
On voit ici deux individus côte à côte : peut-être partagent-ils le massif de Porites lutea sur lequel stationne l’individu du premier plan ?
St-Gilles, La Réunion (974), océan Indien, 5 m
27/10/2012
Rédacteur principal : Philippe BOURJON
Vérificateur : Alain-Pierre SITTLER
Responsable régional : Alain-Pierre SITTLER
Cuvier G., Valenciennes A., 1839, Histoire Naturelle des Poissons, Tome Cinquième, chapitre 17, 477.
Cuvillier A., Hoarau L., Frouin P., J. Bruggemann H, Letourneur Y., 2016, Seagrass beds as feeding territory for farming Stegastes spp. (Pomacentridae), Marine Biodiversity, Cambridge University Press,, 46(3), 539-540.
Jenyns L., 1840-42, The zoology of the voyage of H. M. S. Beagle, under the command of Captain Fitzroy, R. N., during the years 1832 to 1836, Part IV., 62-63.
Letourneur Y., 2000, Spatial and temporal variability in territoriality of a tropical benthic damselfish on a coral reef (Réunion Island), Environmental Biology of Fishes, 57, 377–391.
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La page de Stegastes limbatus sur le site de référence de DORIS pour les poissons : FishBase
La page de Stegastes limbatus dans l'Inventaire National du Patrimoine Naturel : INPN