Animal de couleur plutôt beige, parfois nuancée de bleu ou violet
Deux taches noires ocelliformes caractéristiques sur le telson
Pattes ravisseuses à 6 dents dans une posture rappelant la mante religieuse
Yeux oblongs très mobiles
Animal vivant dans un terrier le jour, il est vagile et prédateur durant la nuit
Squille-mante, galère, crevette-mante, mante religieuse de mer, mante de mer, cigale de mer,
pregadiou (provençal)
Spottail mantis shrimp, sea scorpion (GB), Cannocchia, canocchia, detta anche pannocchia, cicala di mare (I), Galera ocelada (E), Heuschreckenkrebs (D), Squilla, zagaia-castanheta (P), Mantis garnaal (NL), Mantisräka (Suède), Vabic usica (Croatie), Shako (Japon)
Cancer mantis, Linnæus, 1758
Atlantique tropical, Méditerranée
Zones DORIS : ● Europe (côtes françaises), ○ [Méditerranée française]Espèce présente dans toute la Méditerranée (mais absente en mer Noire) et sur les côtes africaines de l'Atlantique-Est tropical, du sud de l'Ibérie à l'Angola, y compris les îles Canaries et Madère.
Les signalements dans les îles Britanniques, du golfe de Gascogne et de Galice sont rares, anciens et semblent erronés (présence non confirmée depuis des décennies) ; ils se rapportent sans doute à d'autres espèces de stomatopodes (en particulier à Rissoides desmaresti).
La squille ocellée fréquente les fonds de vase et de sable vaseux, entre quelques mètres de profondeur (rencontrée par les plongeurs dans les premiers mètres) et 367 m, mais principalement entre 20 et 50 m. L'espèce est plus abondante dans les sédiments au large des grands estuaires : Rhône, Pô, Ebre, Nil...
La squille, animal vagile* de nuit, creuse des terriers dans le substrat.
Espèce de taille moyenne, habituellement douze à dix-huit centimètres, exceptionnellement vingt chez les mâles. La “tête", ou carapace, ne représente qu'un tiers à un quart de la longueur du corps.
Le corps est un peu aplati dorso-ventralement. L'angle postérolatéral de la carapace est arrondi. Segments thoraciques libres et segments abdominaux possèdent des crêtes longitudinales tranchantes. Sur la partie postérieure du 5e segment abdominal, les crêtes submédianes portent des épines.
A l'avant, les yeux sont pédonculés, transversalement allongés, mobiles.
Le dactyle* (la griffe) de la patte ravisseuse porte six dents y compris la dent apicale.
Squilla mantis possède trois paires de pattes ambulatoires fixées au niveau des segments thoraciques.
A l'arrière, le telson* porte une crête médiane bien marquée.
L'animal est de couleur claire, jaune-brunâtre à blanc-nacré nuancé de bleu et de violet. Les crêtes dorsales sont plus sombres, avec une tonalité brun-rouge. Une petite tache sombre allongée transversalement sur le dessus du second segment abdominal est fréquente. Partie antérieure du telson avec de chaque côté une tache ocelliforme noir violacé, cerclée de clair, et très caractéristique de l'espèce.
La squille ocellée est la seule à posséder deux ocelles noirs sur le telson.
L'espèce côtière la plus commune (Manche, Atlantique et Méditerranée) est Rissoides (Meiosquilla) desmaresti (Risso, 1816), plus petite que Squilla mantis (environ 12 cm). La squille desmareti est de couleur marron. Son telson est beaucoup plus comprimé et il n'affiche pas les deux ocelles de la squille ocellée.
Quelques autres espèces existent en Europe mais elles sont très rarement signalées. Dans l'Est de la Méditerranée, Erugosquilla massavensis (Kossmann, 1880) est devenue très commune à faible profondeur. C'est une espèce lessepsienne*, c'est à dire originaire de mer Rouge-Indo-Pacifique et qui a migré par le canal de Suez puis s'est installée en Méditerranée.
Totalement inactive de jour (elle reste dans les terriers qu'elle a creusés), la squille est un inéluctable prédateur nocturne. En aquarium, elle refuse d'ailleurs de consommer une victime s'il y a de la lumière.
Elle chasse à l'affût, tendant des embuscades à ses proies.
Son régime habituel se compose de crustacés (en particulier le crabe Liocarcinus depurator), de mollusques (bivalves), de poissons, d'annélides polychètes... La variabilité saisonnière alimentaire est forte chez cette espèce.
La maturité sexuelle des femelles est atteinte vers la taille de 8 à 10 cm. Après la copulation, la femelle peut stocker le sperme pendant dix semaines. La ponte a lieu à la fin du printemps et en été. La femelle peut pondre jusqu'à cinquante mille œufs. Ces œufs de couleur crème sont rassemblés en boule devant sa bouche et entre ses pattes ravisseuses. Ils sont retournés régulièrement pendant toute l'incubation.
Après l'éclosion des œufs, les larves (de type Alima*) gagnent le plancton où on les rencontre de juin à novembre. Le premier juvénile devient benthique l'été suivant, à l'âge de un an et continue sa croissance.
La longévité de l'espèce est de l'ordre de trois ans.
La petite crevette à capuchon amazone Athanas amazone habite dans les mêmes galeries que la squille ocellée. C'est la première crevette connue comme associée à un stomatopode.
Cette présence peut sembler étonnante car l'Alpheidae athanas est de même taille que certaines crevettes dont se nourrit la squille ! La nature de leur relation reste à ce jour inconnue.
La squille est un animal solitaire.
Les yeux des squilles sont parmi les plus perfectionnés que l'on connaisse.
Ils peuvent bouger indépendamment l'un de l'autre. Chaque œil possède trois sections, chacune comprenant une pseudo-pupille ayant peu ou prou les fonctions de la pupille humaine. Ces trois sections permettent à l'animal de réaliser d'un seul œil une triangulation sur l'objet visualisé et de lui donner une indication précise de sa localisation, distance, hauteur et profondeur. Les squilles seraient ainsi les seuls crustacés à posséder une vision en trois dimensions, leur offrant de précieuses aptitudes à la chasse nocturne.
De plus, les squilles distinguent parfaitement la lumière polarisée et possèdent une capacité extraordinaire pour discriminer les couleurs (y compris dans l'ultraviolet) grâce à une douzaine de photopigments pour chaque œil (contre trois chez l'homme et quatre pour les oiseaux !).
Durant la période de gestation des œufs, la femelle transporte ceux-ci sous ses pattes ravisseuses et près de sa bouche. Elle ne peut dès lors plus chasser et est donc astreinte à une période de jeûne jusqu'à l'éclosion des œufs.
En plongée sous-marine, la rencontre avec Squilla mantis a lieu surtout la nuit, lors d'immersion sur des zones de sable. Très craintive, elle se réfugie la plupart du temps très rapidement et en marche arrière dans son terrier, d'où l'on peut néanmoins encore voir ses pédoncules oculaires s'agiter et l'animal vous regarder.
Dans l'est de la Méditerranée, la colonisation du bassin du Levant par la mante Erugosquilla massavensis a conduit à la quasi-élimination de Squilla mantis dans les eaux superficielles.
En Italie, il existe une méthode de pêche professionnelle particulière. Tenant compte des périodes de tempêtes, des casiers sont posés durant la nuit dans des eaux de faible profondeur. Lorsque les vagues déferlent, elles arasent le substrat, détruisent les terriers des squilles, les obligeant à sortir à découvert et à se précipiter dans les casiers.
Sinon, Squilla mantis est parfois pêchée au chalut de fond la nuit, plus rarement à la nasse ou au filet et vendue sur les marchés dans les pays méditerranéens (Espagne, Italie, Chypre, Syrie, Egypte, Maroc). La production annuelle mondiale en 2005 était de 7 773 tonnes dont 85% en provenance des côtes adriatiques italiennes. L'espèce est très peu pêchée en France.
Squille ocellée : La squille (traduction littérale du nom scientifique) porte, sur le telson, deux taches brunes ou violettes cerclées de blanc : les ocelles.
Mante de mer : ce nom est donné de longue date pour la similitude de posture avec la mante religieuse terrestre et notamment à cause des pattes ravisseuses de l'animal, utilisées pour la capture des proies.
Pregadiou : le nom provençal de la squille, signifie "prie-dieu", ici, dans le sens de religieuse (et non le meuble) ; pregadiou est principalement utilisé pour les mantes religieuses terrestres et par analogie, pour la squille de mer.
Squilla : du latin [squilla] = squille. Sorte de crustacé (Gaffiot) ;
mantis : du grec [mantis] = sauterelle, mante.
Termes scientifiques | Termes en français | Descriptif | |
---|---|---|---|
Embranchement | Arthropoda | Arthropodes | Animaux invertébrés au corps segmenté, articulé, pourvu d’appendices articulés, et couvert d’une cuticule rigide constituant leur exosquelette. |
Sous-embranchement | Crustacea | Crustacés | Arthropodes à exosquelette chitineux, souvent imprégné de carbonate de calcium, ayant deux paires d'antennes. |
Classe | Malacostraca | Malacostracés | 8 segments thoraciques, 6 segments abdominaux. Appendices présents sur le thorax et l’abdomen. |
Sous-classe | Hoplocarida | Hoplocarides | 3 segments thoraciques libres en arrière de la carapace. |
Ordre | Stomatopoda | Stomatopodes | La 2e paire de pattes mâchoires préhensile, ressemblant à une patte de mante religieuse. |
Sous-ordre | Unipeltata | ||
Famille | Squillidae | Squillidés | Telson avec une carène médiane distincte et au moins 4 denticules intermédiaires de chaque côté de la marge postérieure. |
Genre | Squilla | ||
Espèce | mantis |
Mante sortie de son terrier
La squille, sortie de son terrier, de nuit, part en chasse.
Ses pinces ravisseuses, à l'avant, évoquent immanquablement une mante religieuse.
Plage de l'Eglise, Cagnes-sur-Mer (06), de nuit
05/04/2007
Vue dorsale
On voit parfaitement ici les deux ocelles bruns cerclés de blanc qui sont un signe caractéristique de Squilla mantis. Aucune autre squille de même distribution n'en porte.
Ces ocelles sur la queue de l’animal ressemblent à des yeux. Dans certains cas, les squilles ferment l’entrée de leur terrier avec leur telson épineux ; la décoration laisse à penser qu’un redoutable animal s’y cache... Découragera-t-elle ainsi un éventuel prédateur ?
Plage de l'Eglise, Cagnes-sur-Mer (06), de nuit
05/04/2007
Terrier
Le terrier de la squille est un trou en forme de U qu'elle a creusé dans le substrat où elle demeure le jour, ne sortant que la nuit pour chasser et, en hiver, se reproduire.
Cap d'Antibes (06), 12 m, de nuit
01/09/2008
Carapace
On distingue antennes et antennules au-dessous des yeux verts.
Les pattes ravisseuses sont repliées sous le corps, dans la position de la mante religieuse.
Cagnes-sur-Mer (06), de nuit
10/07/2007
Tête de face
C'est souvent la seule image qui nous soit donnée d'être vue quand on rencontre enfin Squilla mantis : la face avant et les yeux qui nous observent depuis le terrier.
Le Voilier, Promenade des Anglais, Nice (06), 10 m, de nuit
16/08/2007
Yeux
Vue rapprochée sur les yeux allongés, photorécepteurs parmi les plus performants du règne animal ! Mobiles indépendamment l'un de l'autre, chaque œil possède trois zones qui permettent de reconstituer une image tridimentionnelle de l'objet.
Cap d'Antibes (06), 12 m, de nuit
01/09/2008
Larve Alima
Les larves planctoniques de squille ocellée sont relativement plates et transparentes, caractères fréquents des formes planctoniques.
Baie de Banyuls (66), photo ex-situ
1973
Son biotope
De nuit, les squilles ocellées quittent leur terrier et chassent sur les fonds de sable vaseux.
Cagnes-sur-Mer (06), de nuit
05/04/2007
Affût à l’entrée du terrier
Une des méthodes de chasse de la squille est de tendre un piège mortel à la malheureuse proie qui s'aventurerait trop près du terrier. Depuis son affût, la squille guette et attend, attend, attend...
Côte d'Azur, de nuit
05/04/2007
Sur le dos, prise au filet de pêche
Les squilles ocellées sont parfois capturées dans les filets de pêche. Ici, l'animal gît sur le dos, vu par l'arrière (la grosse palette au premier plan est le telson).
Provence
17/04/2004
Sur le marché
Sur le marché de Turin, en Italie, il y avait ce jour de mars 2011 d'énormes étals de squilles. Elles étaient vendues sous le nom de "cicala di mare" (cigales de mer !!).
A priori, elles sont pêchées en grande quantité dans l'Adriatique, à l'embouchure du Po.
Turin (Italie)
21/03/2011
Rédacteur principal : Pierre NOËL
Rédacteur : Alain-Pierre SITTLER
Responsable régional : Alain-Pierre SITTLER
Do Chi T., 1975, Biométrie de la reproduction de Squilla mantis (L.) (crustacé stomatopode) dans le golfe d'Aigues-Mortes (Méditerranée nord-occidentale), in: Bonaduce G. & Carrada G.C. (Ed.), 8th European Marine Biology Symposium Sorrento (Naples) 1973, Pubblicazioni della Stazione Zoologica di Napoli, 39, suppl. 1. European Marine Biology Symposia, 8, 114-139.
Froglia C., James R.& Atkinson A., 1998, Association between Athanas amazone (Decapoda: Alpheidae) and Squilla mantis (Stomatopoda: Squillidae), Journal of Crustacean Biology, 18, 529-532.
Hayashi K. & Hayashi I., 2002, A new species of the genus Athanas (Decapoda, Caridea, Alpheidae) living in the burrows of a mantis shrimp, Crustaceana, 75, 395-403.
Leach W. E., Desmarest A. G., 1823, Squille mante, Squilla mantis, in DICTIONNAIRE DES SCIENCES NATURELLES, Tome 28, ed. Levrault, Strasbourg, 341p.
Maynou F., Abelló P. & Sartor P., 2004, A review of the fisheries biology of the mantis shrimp, Squilla mantis (L., 1758) (Stomatopoda, Squillidae) in the Mediterranean, Crustaceana, 77, 1081-1099.
La page de Squilla mantis dans l'Inventaire National du Patrimoine Naturel : INPN