Taille maximale 4,5 cm
Longs fourreaux rhinophoraux avec une crête dentelée en partie postérieure
Deux paires de lobes dorsaux spatulés à base large et bords dentelés
Crête dorsale dentelée sur la queue
Couleur brune à jaune piquetée de taches brunes avec quelques taches bleues et des excroissances blanches
Sargassum nudibranch (GB)
NB : ce nom commun est employé indifféremment pour S. fulva et S. pelagica.
Nerea punctata Lesson, 1831
Scyllaea quoyi Gray, 1850
Scyllaea dracaena Kelaart, 1858
Indo-Pacifique
Zones DORIS : ● Indo-PacifiqueLa scyllée fauve est un nudibranche pélagique* qui fréquente les eaux de surface des zones tropicales et subtropicales de l’océan Indien et du Pacifique Ouest et centre. Elle a été documentée au Mozambique, à Madagascar, à La Réunion, en Thaïlande, au Japon, aux Philippines, en Indonésie et en Papouasie-Nouvelle Guinée.
Elle est signalée en Nouvelle-Calédonie.
Certains auteurs (Pola et al., 2012) estiment probable que les spécimens identifiés comme Scyllaea pelagica observés en Méditerranée soient des S. fulva passées par le canal de Suez (migration lessepsienne*).
Cette espèce dérive généralement dans les eaux de surface avec des algues flottantes, majoritairement du genre Sargassum.
Description succincte : petit nudibranche pélagique* d’une taille maximale de 4,5 cm doté de deux longs fourreaux rhinophoraux, de deux paires de hauts lobes* dorsaux spatulés et d’une crête dorsale en partie postérieure du corps. Les branchies forment de petites touffes ramifiées réparties sur la face interne des lobes dorsaux, sur le dos entre les deux paires de lobes et sur les bords extérieurs de la crête caudale. Tout le corps est généralement brun jaune plus ou moins translucide avec de nombreuses petites taches brunes, quelques taches bleu électrique et quelques excroissances blanches coniques parfois alignées sur la médiane horizontale des flancs. Les branchies* sont brunâtres ou translucides.
Description détaillée :
Le corps est longiligne et de consistance molle. Sa section est approximativement quadrangulaire. Son profil dorsal est marqué en partie antérieure par deux longs fourreaux rhinophoraux, au milieu du corps par deux paires de lobes dorsaux hauts et larges et, en partie postérieure, par une crête dorsale assez haute qui accompagne une queue pointue. La taille maximale documentée est de 4,5 cm.
Rien ne distingue la tête, simple prolongement tronconique du reste du corps, si ce n’est la présence des rhinophores*. Les longs fourreaux rhinophoraux portent une large crête dentelée dans leur partie postérieure. Chacun protège à son extrémité un petit rhinophore lamellé à pointe blanche dont seul le tiers terminal dépasse du fourreau. Les rhinophores sont rétractiles. Les « yeux » ne sont pas visibles, probablement pour les mêmes raisons que ceux de l’espèce-sœur S. pelagica, seule documentée sur ce point : les cellules photosensibles* sont enfoncées dans le tégument*. La bouche est orientée vers le bas, elle est couverte par un voile buccal rudimentaire bilobé ; il n’y a pas de tentacules buccaux.
Les paires de lobes* dorsaux sont situées sur les arêtes séparant la face dorsale des flancs (on parle de lobes dorso-latéraux). La première paire est généralement plus haute et plus large que la seconde. Les lobes sont aplatis et ont une forme spatulée à large base. Leurs bords sont dentelés.
La crête dorsale commence au niveau du dernier tiers du corps. Sa hauteur équivaut alors généralement à la moitié de celle des lobes dorsaux qui la précèdent ; son profil descend obliquement vers l’arrière pour s’achever abruptement à la verticale de la pointe de la queue. Son bord supérieur est dentelé.
Les branchies* se présentent comme des buissons de fines tiges ramifiées de couleur brune ou translucide dispersés sans ordre apparent. On les trouve sur la face interne des lobes dorsaux, sur le dos entre les deux paires de lobes et sur les bords extérieurs de la crête caudale.
Le pore* génital (ou gonopore*) se trouve sur le flanc droit en avant du lobe antérieur, l’anus se trouve sur une papille entre les deux lobes droits.
Le pied commence derrière la bouche et s’achève au bout de la queue. Il est étroit et préhensile, ses bords étant capables d’envelopper une tige d’algue pour y arrimer l’animal.
La couleur dominante est généralement du même brun-jaune clair que celle des sargasses auxquelles l’espèce est associée, certains individus étant plus ou moins translucides. Le corps est souvent parsemé de petites taches brunes de taille variable au milieu desquelles peuvent se trouver quelques taches bleu électrique cerclées de noir. Les arêtes du dos sont marquées par des taches brunes pouvant former une ligne parfois entrecoupée de taches blanches. On peut observer de petites excroissances blanches coniques et aplaties dispersées sur le corps, souvent alignées sur la médiane horizontale des flancs et parfois sur les arêtes du dos.
Le pied est blanchâtre et bordé de petites taches brunes.
La scyllée fauve peut être confondue avec l’autre espèce du genre (Scyllaea pelagica), mais ces deux espèces ont une distribution différente : océan Atlantique pour S. pelagica, bassin indo-pacifique pour S. fulva.
La confusion est aussi possible avec Notobryon wardi, mais les espèces du genre sont benthiques* alors que S. fulva est pélagique*.
Plusieurs espèces du genre Crosslandia, genre de Scyllaeidés proche de Scyllaea, sont non décrites et peuvent également prêter à confusion.
L’espèce se nourrit d’hydraires épibiontes* qu’elle trouve sur des algues flottantes du genre Sargassum, et parfois sur d’autres algues.
La reproduction de l’espèce n’est pas documentée à la date de publication de cette fiche (02/2023), à notre connaissance.
A titre indicatif, l’espèce-sœur de l’Atlantique, Scyllaea pelagica, est hermaphrodite* simultanée et pratique la fertilisation* croisée (chaque individu produit des gamètes* des deux sexes et est à la fois inséminateur et inséminé pendant l’accouplement), ses larves* sont pélagiques.
La ponte de la scyllée fauve se présente comme un ruban ondulé de couleur jaune vif déposé sur les appendices foliacés* (les « pseudofeuilles ») d’algues, sans organisation particulière.
Selon Yonow et al. (2002) la formule* radulaire de l’espèce, basée sur l’examen de quatre spécimens, est 17 (+3) x 24-25.1.25-24 (voir explications au Glossaire). L’étude étant antérieure à la révision du genre de 2012, les spécimens sont encore nommés S. pelagica mais dans la mesure où ils viennent tous de l’archipel des Chagos (océan Indien), il s’agit de S. fulva.
Le camouflage de l’animal au milieu des espèces de sargasses flottantes avec lesquelles il est associé est extrêmement efficace. Sa couleur brun-jaune piquetée de taches brunes ainsi que ses reliefs dentelés imitent ceux des pseudofeuilles de ces espèces et ses branchies, quand elles sont translucides, peuvent passer pour des hydraires épibiontes des algues. Sa stratégie de camouflage mêle donc l'homochromie* (imitation des couleurs) et l'homomorphie* (imitation des formes), d’où son efficacité.
Cette espèce est capable de nager par ondulations latérales vigoureuses de son corps. Un observateur anglais (Collingwood, 1881) note que S. pelagica nage la tête en bas, et attribue ce renversement du corps au poids des rhinophores et des lobes dorsaux. S. fulva nage probablement de la même manière.
Scyllaea fulva était considérée jusqu’à récemment comme un synonyme de S. pelagica, elle-même considérée comme une espèce circumtropicale*. En 2012, une étude génétique (Pola et al.) a montré que les populations du bassin indo-pacifique représentaient une espèce à part entière et devaient être nommées Scyllaea fulva, le plus vieux des synonymes de S. pelagica issus de cette région du monde.
La famille des Scyllaeidés comprend les genres Crosslandia, Notobryon et Scyllaea.
La morphologie du genre est à ce point déroutante qu’Albertus Seba (1665-1736), premier observateur du genre, a pris S. pelagica pour un juvénile de l'antennaire des sargasses Histrio histrio, un poisson-crapaud dérivant lui aussi avec les sargasses.
Scyllée fauve : c'est le nom commun donné à l’espèce par ses descripteurs, Quoy
et Gaymard. « Scyllée » est une francisation du nom du genre, et « fauve »
la traduction de [fulva], l’adjectif latin choisi pour le nom d’espèce.
Scyllaea : le genre est créé en 1758 par le naturaliste suédois Carl von Linné (1707-1778) dans le premier volume de la dixième édition de son Systema Naturae per regna tria naturae, secundum classes, ordines, genera, species, cum characteribus, differentiis, synonymis, locis (Tome 1, deuxième partie, p. 1094). Linné classe l’espèce-type*, Scyllaea pelagica, parmi les lièvres de mer et il la représente en inversant les face dorsale et ventrale. Cuvier en fera une description adéquate en 1805 dans son Mémoire sur la Scyllée et le Glaucus, avec des additions au Mémoire sur la Tritonie. Linné ne donne pas d‘explication quant au choix du nom de genre.
Dans la mythologie grecque, Scylla est le nom d’une nymphe transformée en monstre marin à six têtes et douze pieds en forme de moignons par la magicienne Circé. Il se pourrait que la morphologie très particulière du nudibranche ait évoqué ce mythe pour Linné. C’est ce que semble suggérer le malacologiste Albert Vayssière en 1902, selon lequel le nom du genre viendrait de celui de l’écueil sicilien Scylla, proche du tourbillon Charybde dans le détroit de Messine et identifié par les spécialistes comme étant probablement la demeure du monstre pour les anciens Grecs.
Le genre contient deux espèces (S. fulva et S. pelagica).
fulva : féminin de l’adjectif latin [fulvus], qui signifie « jaunâtre, de couleur fauve, ou dorée ».
Le genre est créé en 1824 par Quoy & Gaimard dans Voyage autour du monde fait par ordre du roi, sur les corvettes de S. M. l'Uranie et la Physicienne pendant les années 1817 à 1820 (p. 418). La description, très courte, mentionne la couleur fauve de l’animal, auquel les auteurs donnent le nom commun de Scyllée fauve.
S’agissant d’un animal dérivant avec des algues flottantes, la localité du type* est très vague. Les descripteurs écrivent : « Notre scyllée (…) a été prise sur des fucus [des sargasses], sous l'équateur, dans les environs de la Nouvelle-Guinée. ».
Numéro d'entrée WoRMS : 606494
Termes scientifiques | Termes en français | Descriptif | |
---|---|---|---|
Embranchement | Mollusca | Mollusques | Organismes non segmentés à symétrie bilatérale possédant un pied musculeux, une radula, un manteau sécrétant des formations calcaires (spicules, plaques, coquille) et délimitant une cavité ouverte sur l’extérieur contenant les branchies. |
Classe | Gastropoda | Gastéropodes | Mollusques à tête bien distincte, le plus souvent pourvus d’une coquille dorsale d’une seule pièce, torsadée. La tête porte une ou deux paires de tentacules dorsaux et deux yeux situés à la base, ou à l’extrémité des tentacules. |
Sous-classe | Heterobranchia | Hétérobranches | |
Super ordre | Nudipleura | Nudipleures | |
Ordre | Nudibranchia | Nudibranches | Cavité palléale et coquille absentes chez l’adulte. Lobes pédieux souvent absents aussi. Respiration cutanée, à l’aide de branchies, de cérates ou d’autres appendices. Tête portant une ou deux paires de tentacules, les tentacules postérieurs ou rhinophores peuvent parfois être rétractés dans des gaines. Principalement marins ou d’eau saumâtre. |
Sous-ordre | Cladobranchia | Cladobranches | |
Famille | Scyllaeidae | Scyllaeidés | Marge dorsale formée de grands lobes (continus ou séparés, avec une trace sur les gaines rhinophorales) recouverts plus ou moins de touffes branchiales. Velum indistinct ; pas de papilles frontales. Rhinophores perfoliés. Anus latéral ou latérodorsal. |
Genre | Scyllaea | ||
Espèce | fulva |
Associée aux sargasses
Cette espèce est associée aux algues flottantes, principalement du genre Sargassum, dont elle imite parfaitement l’apparence !
Cet individu a été observé sur une touffe de ces algues proche de l’échouage. Le gant en arrière-plan permet de le repérer facilement, ce qui n’est pas le cas sans cet artifice.
Lagon de l'Ermitage, La Réunion (974), océan Indien, 1,5 m, en PMT
02/09/2021
De profil
Ici, l'animal n'est plus sur son algue (présente sur le bord gauche de l'image) et on peut apprécier sa forme particulière ainsi que son mimétisme parfait.
Le profil de l’espèce est effectivement singulier, avec ses rhinophores dotés d’une large crête postérieure (la tête est à gauche), ses deux paires de lobes dorsaux et la haute crête présente sur la queue.
Lagon de l'Ermitage, La Réunion (974), océan Indien, 1,5 m, en PMT
02/09/2021
Vue de dessus
La tête est en bas. L'individu mesure 2 cm.
Cette photo permet d’observer les excroissances blanches coniques et aplaties dispersées sur le corps et parfois sur les arêtes du dos, comme c’est le cas ici.
Une autre caractéristique est la présence de petites touffes buissonnantes sur la face interne des lobes dorsaux et entre eux : ce sont les branchies de l’animal. Il y en a aussi sur la crête caudale, mais elles ne sont pas visibles ici.
N.B. : la possibilité qu'il s'agisse d'une espèce de Scyllaeidés proche, Crosslandia sp. par exemple, n'est pas exclue pour cet individu.
Le rocher à la voile, Baie des Citrons, Nouméa, Nouvelle-Calédonie (988), océan Pacifique, 9 m
13/03/2020
Individu atypique pour une espèce de nudibranche un peu particulière...
Cet individu atypique, en extension, a des lobes dorsaux nettement plus longs et fins que dans la morphologie ordinaire de S. fulva.
Sur cette vue de profil, on voit clairement les deux paires de lobes dorsaux-latéraux et les buissons plus ou moins translucides formés par les branchies sur la face interne de ces lobes, sur le dos entre les deux paires de lobes et sur les bords extérieurs de la crête caudale.
Cet animal a été observé dans un herbier composé de phanérogames et d’algues diverses dans lequel il semblait résider, contrairement à ses congénères qui dérivent dans les eaux de surface avec des algues flottantes.
N.B. : la possibilité qu'il s'agisse d'une espèce de Scyllaeidés proche, Crosslandia sp. par exemple, n'est pas exclue pour cet individu.
Le rocher à la voile, Baie des Citrons, Nouméa, Nouvelle-Calédonie (988), océan Pacifique, 9 m
13/03/2020
Rhinophore droit
Ce gros plan sur la partie antérieure de l'animal permet de voir le petit rhinophore lamellé droit, dont seul le tiers terminal dépasse de son fourreau.
On peut aussi observer le voile buccal peu développé, et quelques taches bleues sur la partie antérieure du corps.
N.B. : la possibilité qu'il s'agisse d'une espèce de Scyllaeidés proche, Crosslandia sp. par exemple, n'est pas exclue pour cet individu.
Le rocher à la voile, Baie des Citrons, Nouméa, Nouvelle-Calédonie (988), océan Pacifique, 9 m
13/03/2020
Rédacteur principal : Philippe BOURJON
Vérificateur : Alain-Pierre SITTLER
Responsable régional : Alain-Pierre SITTLER
Collingwood C., 1881, On some New species of Nudibranchiate Mollusca of the eastern seas, Transactions of the Linnean Society of London, Zoology, 2nd series, vol. II, part 2, 137-138.
Cuvier G., 1805, Mémoire sur la Scyllée et le Glaucus, avec des additions au Mémoire sur la Tritonie, Annales du Muséum d'Histoire Naturelle, Paris, 6, 416-436.
Pola M., Camacho-García Y.E., Gosliner T.M., 2012, Molecular data illuminate cryptic nudibranch species: the evolution of the Scyllaeidae (Nudibranchia: Dendronotina) with a revision of Notobryon, Zoological Journal of the Linnean Society, 165, 311-336.
Quoy J.R.C., Gaimard J.P., 1824-1826, Zoologie. In: L. de Freycinet (ed.), Voyage au tour du monde fait par ordre du roi, sur les corvettes de S. M: l'Uranie et la Physicienne pendant les années 1817 à 1820. iv + 712 pp. [pp. 1-328, 1824; 329-616, 1825; 617-664, 1826]. disponible à https://www.biodiversitylibrary.org/page/40871044
Vayssière A., 1902, Opisthobranches, in Expéditions scientifiques du "Travailleur" et du "Talisman" pendant les années 1880, 1881, 1882, 1883, Milne-Edwards A. & Perrier E. (éds.), 221-271.
Yonow N., Anderson R.C., Buttress S.G., 2002, Opisthobranch molluscs from the Chagos Archipelago, Central Indian Ocean, Journal of Natural History, 36, 871-872.
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Les pages sur Scyllaea fulva dans l'Inventaire National du Patrimoine Naturel : INPN