Animal planctonique sous forme libre ou agrégée en chaîne d'individus côte à côte
Zoïde cylindrique (forme libre) ou asymétrique avec prolongements coniques (forme agrégée)
Tunique lisse et transparente
Siphons avec orifices terminaux (forme libre) ou dorsaux (forme agrégée)
9 bandes musculaires indépendantes pour la forme libre, 6 plus ou moins fusionnées pour la forme agrégée
Système digestif en boule de couleur rouge-brique en position très postérieure
Taille moyenne de 12 à 15 cm
Giant salp (GB), Salpa maggiore (I), Salpa máxima (E)
Salpa africana Forskål, 1775
Salpa dubia Chamisso, 1819
Salpa birostrata blainville, 1827
Salpa forskalii Lesson, 1830
Cosmopolite
Zones DORIS : ● Indo-Pacifique, ● Caraïbes, ● Atlantique Nord-Ouest, ● Europe (côtes françaises), ○ [Méditerranée française], ○ [Atlantique Nord-Est, Manche et mer du Nord françaises]Une plus forte densité de population est rencontrée en Méditerranée et en Atlantique Nord mais elle est distribuée avec une abondance modérée dans tous les océans de 50° N à 45° S.
C'est une espèce strictement planctonique* que l'on pourra rencontrer en pleine eau, en surface en saison froide et à faible profondeur quand l'eau se réchauffe. Elle peut être présente jusqu'à 180 m.
Comme toutes les salpes, la salpe géante possède un cycle de reproduction où alternent les individus isolés ou oozoïdes* (asexués) et les individus coloniaux, agrégés côte à côte pour cette espèce, ou blastozoïdes* (sexués). En plus de leurs caractéristiques sociales, oozoïdes et blastozoïdes diffèrent morphologiquement.
Les oozoïdes ont une forme globalement cylindrique de petit tonneau sans prolongement de la tunique et pouvant atteindre 13-14 cm de longueur. Les ouvertures antérieure et postérieure sont situées en position terminale. Elles sont appelées respectivement siphon* buccal (ou inhalant*) et siphon atrial (ou encore cloacal* ou exhalant*). Le nucléus, une petite masse viscérale globulaire et compacte, de couleur rouge-brique constituée de l'estomac, de l'intestin et des gonades* mâles, est visible en position très postérieure. Cette masse tranche par rapport à la tunique transparente de la salpe. Il est parfois possible d'apercevoir le stolon* (voir reproduction) qui s'enroule autour du nucléus puis part vers l'avant avant de revenir vers l'arrière.
Neuf bandes musculaires indépendantes et parallèles sont localisées dorsalement et forment un demi-cercle interrompu ventralement. Ces muscles se contractent alternativement, permettant ainsi le déplacement de l'animal et la circulation d'un courant d'eau à l'intérieur. Ce courant participe aux fonctions respiratoires et nutritionnelles de la salpe.
Du siphon buccal jusqu'au nucléus, une forme allongée globalement cylindrique légèrement plus dense que la tunique parcourt la longueur de l'animal en position ventrale. Il s'agit de l'endostyle* (voir paragraphe nutrition). Une autre forme allongée obliquement et partant de l'arrière du siphon buccal pour aboutir vers le nucléus partage l'intérieur de la salpe en deux cavités internes. Il s'agit d'une branchie primitive étroite et creuse. La cavité pharyngienne vers l'avant et la cavité atriale vers l'arrière communiquent librement par des fentes branchiales situées de part et d'autre de la branchie.
Les zoïdes* de la forme agrégée s'appellent des blastozoïdes. Chaque blastozoïde a une forme asymétrique plus ou moins cylindrique portant un petit prolongement conique assez court à chaque extrémité. Le siphon buccal est positionné en arrière du cône apical et le siphon atrial avant le cône terminal. Les blastozoïdes s'organisent en chaines qui peuvent atteindre plusieurs mètres de longueur. Dans ces chaines, les individus sont partiellement accolés les uns aux autres côté à côte en une rangée simple de telle manière que tous les nuclei sont du même côté. Ainsi les ouvertures siphonales se trouvent perpendiculaires à l'axe de la chaine. La soudure entre individus est diffuse et il n'est pas rare que les chaines se disloquent pour former des chainons plus petits ou libérant même des blastozoïdes isolés qui peuvent être confondus avec des oozoïdes. La présence des cornes permettra cependant de les distinguer. Le nucléus est condensé à la base de la corne postérieure et apparaît bicolore (rouge-brique et rouge-orangé). La partie la plus foncée est constituée de la masse viscérale et la plus claire d'un testicule bilobé. Les bandes musculaires sont simplifiées et organisées différemment par rapport aux oozoïdes. Elles sont au nombre de sept et interrompues ventralement. Les bandes I et II ainsi que III et IV sont fusionnées deux à deux et forment deux paires rapprochées. Les bandes V et VI se rapprochent dorsalement mais sans fusionner.
Salpa maxima sous forme solitaire pourra être confondue avec toutes sortes de salpes et plus particulièrement avec Salpa fusiformis. D'ailleurs, Cuvier écrivait en 1804 à propos de S. fusiformis: "Cette espèce ressemble beaucoup au Salpa gigantea de Forskål (l'ancien nom de S. maxima), peut-être même est-elle celle que ce naturaliste regarde comme une petite variété de son espèce géante". Le critère de taille, petite pour S. fusiformis, plus grande pour S. maxima, sera le meilleur critère pour les distinguer car le critère taxonomique des bandes musculaires différentes entre les deux espèces n'est guère utilisable en plongée.
La contraction alternée des bandes musculaires qui parcourent la tunique de l'animal provoque un courant d'eau qui pénètre la cavité pharyngienne* par l'ouverture du siphon* buccal. Cette cavité est tapissée par un mucus sécrété en permanence par l'endostyle*. Le plancton* contenu dans l'eau est piégé par ce mucus, conduit à la cloison branchiale dont les cils amènent la nourriture collectée à l'œsophage puis à l'estomac. Le court intestin prolongeant l'estomac ouvre dans la cavité atriale et y déverse les fèces qui sont emportées vers l'extérieur via le siphon cloacal par le courant d'eau. S. maxima est donc un filtreur* actif. La nourriture est constituée de nano- et micro-plancton parmi lesquels des coccolithophores, des diatomées*, des dinoflagellés ou des radiolaires. Des bactéries entrent aussi au menu des salpes.
L'oozoïde se reproduit de manière asexuée par bourgeonnement en produisant un stolon* ventral qui démarre entre le nucléus et la base de l'endostyle, part vers l'avant de l'animal avant de se courber, repartir vers l'arrière et traverser la tunique. Ce stolon produira la forme agrégée des salpes par strobilation*.
Les salpes, et la salpe géante ne fait pas exception, sont métagénétiques. Cela signifie que le cycle de reproduction alterne entre une génération d'individus asexués solitaires, les oozoïdes*, qui produiront par bourgeonnement* à partir d'un stolon* des d'individus coloniaux sexués hermaphrodites* protogynes*, les blastozoïdes*.
Chez les blastozoïdes les plus âgés, les spermatozoïdes* produits par le testicule unique sont expulsés au voisinage de l'anus dans la cavité atriale puis évacués dans le milieu par le siphon postérieur. Ils pourront féconder les ovocytes* des jeunes blastozoïdes femelles d'une même chaine ou d'une autre chaine. Les blastozoïdes femelles ne portent généralement qu'un seul ovocyte dans leur ovaire. L'embryon unique se développera dans un placenta dans la cavité atriale pendant 2 à 5 jours jusqu'à son expulsion à partir de laquelle il mènera une vie solitaire d'oozoïde. Il faut noter que la maturation des gonades* mâles n'intervient qu'à la fertilisation de l'ovocyte, empêchant ainsi l'autofécondation. Le stolon se développe très rapidement après l'expulsion. Il porte des bourgeons blastogéniques qui vont maturer par groupes de 4 ou plus. Ainsi les groupes de l'extrémité distale* du stolon seront plus âgés que les groupes de l'extrémité proche de l'oozoïde et une même chaine portera à la fois des blastozoïdes mâles et des blastozoïdes femelles.
Quand elles se détachent, les chaines peuvent comporter des centaines d'individus. Ceux-ci mènent une vie indépendante de l'oozoïde parent qui continue à produire de nouvelles chaines. Bien que coloniaux, les blastozoïdes mènent une vie individuelle. Les chaines peuvent se rompre et les individus se dissocier au gré de la houle, du courant ou de chocs.
Ce mode de reproduction avec alternance sexuée/asexuée ne comporte pas de stade larvaire* et est parmi les plus rapides du monde vivant.
Les salpes peuvent être colonisées pas de petits mollusques pélagiques* qui les consommeront par l'intérieur.
Les salpes sont des animaux planctoniques* portés par les courants mais peuvent aussi avoir une motilité* propre grâce aux contractions de leurs bandes musculaires qui pourront être synchrones pour les formes coloniales.
Les salpes possèdent de nombreux prédateurs parmi les consommateurs du macroplancton. Poissons (Mola mola), tortues (caouanne, luth) mais aussi cténaires (béroés) ou cnidaires (méduses, Pelagia noctiluca) se nourrissent de salpes. Mouettes ou poissons peuvent arracher le nucleus qui attire leur regard.
Salpe géante est l'adaptation française du nom latin : Salpa maxima, qui signale la grande taille des individus.
Salpa : du latin, désigne une sorte de poisson de type saupe. Pour les salpes une autre origine est probable et reste à confirmer, Salpa viendrait du grec [salpinx] qui veut dire trompette car elles ont une forme de tube.
maxima : féminin du latin [maximum] = la plus grande. S. maxima n'est certes pas la plus grande des salpes, mais elle devait l'être au moment de sa découverte. Pour comparaison, la salpe Thétys (Thetys vagina) peut atteindre 30 cm de longueur.
Numéro d'entrée WoRMS : 137273
Termes scientifiques | Termes en français | Descriptif | |
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Embranchement | Chordata | Chordés | Animaux à l’organisation complexe définie par 3 caractères originaux : tube nerveux dorsal, chorde dorsale, et tube digestif ventral. Il existe 3 grands groupes de Chordés : les Tuniciers, les Céphalocordés et les Vertébrés. |
Sous-embranchement | Urochordata / Tunicata | Urochordés / Tuniciers | Chordés marins fixés (ascidies) ou pélagiques (thaliacés), solitaires ou coloniaux. Epaisse tunique cellulosique. Deux siphons, pharynx bien développé, la chorde larvaire régresse chez l'adulte (sauf chez les Appendiculaires). |
Classe | Thaliacea | Thaliacés | Tuniciers pélagiques qui ont perdu leur chorde larvaire. Organismes transparents libres et planctoniques, les siphons buccal et atrial sont terminaux et diamétralement opposés. |
Ordre | Salpida | Salpides | Thaliacés toujours solitaires, ou en chaînes de plusieurs dizaines d'individus mais jamais coloniaux. Bandes musculaires périphériques incomplètes. |
Famille | Salpidae | Salpidés | Unique famille de l'ordre des Salpides. |
Genre | Salpa | ||
Espèce | maxima |
Oozoïde de Salpa maxima
Dans sa forme isolée asexuée, appelée oozoïde, Salpa maxima a la forme d'un cylindre ouvert aux deux extrémités respectivement sur un siphon buccal et un siphon atrial. Sur cette photo, le siphon buccal s'ouvre sur la droite. La transparence de la tunique révèle les bandes musculaires en surface mais également l'endostyle qui parcourt la longueur de l'animal et la branchie primitive qui sépare la cavité pharyngienne de la cavité atriale. Le nucleus en position très postérieur est également parfaitement visible par transparence sous la forme d'une boule rougeâtre.
Trou à corbs, Favone (Corse du sud), 5 m
12/03/2019
Blastozoïde de Salpa maxima
Il arrive de rencontrer des blastozoïdes isolés qu'il sera facile de distinguer des oozoïdes grâce à la présence des deux extensions en forme de cornes. La liaison diffuse entre les individus d'une chaine de salpes peut facilement se rompre par l'action d'une vague, du courant ou d'un choc avec un obstacle. Dans cette forme sexuée, le nucléus de la salpe est bilobé et apparaît bicolore. La partie foncée est la masse viscérale tandis que le testicule forme le lobe clair.
Favone sud (Corse du sud), 6 m
02/03/2019
Oozoïde de Salpa maxima
La contraction coordonnée des bandes musculaires permet à l'eau de pénétrer dans le corps de l'animal par le siphon buccal largement ouvert (à gauche sur cette photo). L'eau parcourt l'intérieur de la salpe pour être évacuée par le siphon atrial. Sur son passage, cette eau va permettre l'oxygénation de la branchie qui sépare l'intérieur de la salpe en deux cavités internes. Cette eau sert également au transport des aliments microscopiques dont se nourrit la salpe. Ces aliments vont se retrouver englués dans le mucus produit par l'endostyle avant d'être conduits au système digestif de l'animal.
Trou à corbs, Favone (Corse du sud), 4 m
12/02/2019
Blastozoïdes sous forme agrégée
Les blastozoïdes dérivent d'un stolon et peuvent former de très longues chaines de plusieurs centaines d'individus côte à côte. Tous les individus sont orientés de la même manière dans la chaine, avec tous les siphons buccaux du même côté et tous les nuclei de l'autre. Ceci permet une relative coordination du pompage de l'eau qui participe à la cohésion de la chaine. La taille de la chaine de salpe peut être appréciée par comparaison avec celle la coque du bateau ou des plongeurs.
Favone sud, Corse, 5 m
02/03/2019
Chaine de blastozoïdes
Dans la chaine de blastozoïdes, tous les individus sont orientés de la même manière, avec tous les nuclei du même côté qui vont attirer le regard de l'observateur. Cet observateur peut être un prédateur, poisson ou oiseau, qui peut arracher le nucleus pour s'en nourrir. Ces chaines sont fragiles et peuvent se rompre au moindre choc ou à cause de la houle. Comme chaque blastozoïde a un métabolisme indépendant, il pourra survivre même sous forme isolée.
La muraille, Tarcu, Corse Sud, 6 m
11/03/2020
Reproduction à partir des oozoïdes
La forme isolée est asexuée mais peut se reproduire par formation d'un stolon qui démarre en position postérieure entre le nucléus et la base de l'endostyle. Ce stolon part vers l'avant avant de se courber pour repartir vers l'arrière où il traversera la tunique de l'animal. Le stolon porte des bourgeons germinaux qui évoluent en salpes sous forme blastozoïde organisées en longue chaine. Quand la chaine se détache, un nouveau stolon apparaît qui produit une nouvelle chaine.
Cap d'Antibes (06), 3 m
18/03/2017
Chaine de salpe en formation
Vue de profil. La forme isolée est asexuée mais se reproduit par formation d'un stolon qui démarre en position postérieure entre le nucléus et la base de l'endostyle. Le stolon est généré franchement vers l'avant et parcourt la longueur du corps de l'animal en position ventrale avant de se recourber et repartir vers l'arrière. L'endostyle et la branchie, visibles par transparence, donnent l'illusion que la tunique est déchirée. Ce qui n'est pas le cas.
Cap d'Antibes (06), 3 m
18/03/2017
Reproduction de documents anciens
Manuel de Planctonologie Méditerranéenne, Trégouboff et Rose.
Reproduction de documents anciens
1957
Rédacteur principal : Jacques COVES
Vérificateur : Frédéric ANDRÉ
Responsable régional : Frédéric ANDRÉ
Van Soest R. W. M., 1974, A revision of the genera Salpa Forskål, 1775, Pegea Savigny, 1816, and Ritteriella Metcalf, 1919 (Tunicata : Thaliacea), Beaufortia, 22, 153-191.
La fiche de Salpa maxima dans l'Inventaire National du Patrimoine Naturel : INPN