Animal planctonique sous forme libre ou agrégée en chaîne droite double
Zoïde en forme de tonnelet (solitaire) ou de fuseau (agrégé)
Tunique lisse et transparente
Siphons diamétralement opposés, prolongés dans la forme agrégée par une excroissance pointue en forme de corne
9 bandes musculaires pour la forme libre, 7 pour la forme agrégée
Système digestif en boule de couleur variable en position très postérieure
Taille moyenne de 3 à 5 cm
Salpe commune, salpe fusiforme
Common salp (GB), Martiansalp (S)
Salpa moniliformis Macculloch,1819
Salpa runcinata Chamisso, 1819
Salpa emarginata Quoy & Gaimard, 1824
Salpa clostra Milne Edwards, 1828
Salpa tricuspidata Sars, 1829
Biphora depressa Sars, 1829
Biphora tricuspidata Sars, 1829
Salpa pyramidalis Lesson, 1831
Salpa coerulea Quoy & Gaimard, 1834
Cosmopolite
Zones DORIS : ● Indo-Pacifique, ● Caraïbes, ● Atlantique Nord-Ouest, ● Europe (côtes françaises), ○ [Méditerranée française], ○ [Atlantique Nord-Est, Manche et mer du Nord françaises]C'est l'espèce de salpe la plus abondante mais aussi la plus répandue. On peut la rencontrer de la surface jusqu'à 800 m. C'est une espèce eurythermique* (qui supporte de fortes variations de température de son milieu) présente de 70° N à 45° S dans l'océan Atlantique, jusqu'à 45° S dans l'océan Indien, et de 50° N à 45° S dans l'Océan Pacifique.
C'est une espèce strictement planctonique* que l'on pourra rencontrer en pleine eau, à faible profondeur. Cependant, les formes solitaires ou agrégées effectuent des migrations verticales de 300 à 800 m les ramenant en surface la nuit. Le temps de résidence en surface est irrégulier et peut dépendre de la période de reproduction sexuée (voir paragraphe reproduction). Des colonies de grandes densités peuvent se former en surface et y persister pour plusieurs jours. Il n'est pas rare alors que ces salpes s'échouent sur la côte au gré des courants ou des vagues. Ce phénomène est observé avec des pics en mars et au cœur de l'été.
Comme toutes les salpes, la salpe fuselée possède un cycle de reproduction où alternent les individus isolés ou oozoïdes* (asexués) et les individus coloniaux, agrégés en chaine double pour cette espèce, ou blastozoïdes* (sexués). En plus de leur caractéristiques sociales, oozoïdes et blastozoïdes diffèrent morphologiquement.
Les oozoïdes ont la forme de petits tonneaux pouvant atteindre 8 cm de longueur (2 à 5 cm en moyenne). Les ouvertures antérieure et postérieure situées à chaque extrémité du tonnelet sont appelées respectivement siphon* buccal (ou inhalant*) et siphon atrial (ou encore cloacal* ou exhalant*). Une petite masse viscérale globulaire constituée de l'estomac, l'intestin et les gonades* mâles est visible à proximité du siphon atrial sous forme d'une sphère de coloration jaune-orangée. Cette masse s'appelle le nucléus et tranche par rapport à la tunique transparente de la salpe. Peu visible, le cœur prend la forme d'un petit cylindre peu dense à l'avant du nucléus.
Bien que difficilement visibles en plongée ou en photos, neuf bandes musculaires parcourent le corps de l'animal. Ces bandes se rejoignent en partie dorsale et sont interrompues en partie ventrale. Cette particularité associée à la position du nucléus permet d'orienter l'animal et de définir l'avant, l'arrière, le haut et le bas. Ainsi les bandes musculaires sont numérotées de I à IX de l'avant vers l'arrière. Les bandes I, II et III fusionnent dorsalement ainsi que les bandes VIII et IX. Les autres sont indépendantes. Les muscles antérieurs et postérieurs se contractent alternativement, permettant ainsi le déplacement de l'animal et la circulation d'un courant d'eau à l'intérieur. Ce courant participe aux fonctions respiratoires et nutritionnelles de la salpe.
Une observation attentive permet de distinguer en position ventrale une forme allongée globalement cylindrique légèrement plus dense que la tunique et parcourant la longueur de l'animal du siphon buccal jusqu'au nucléus. Il s'agit de l'endostyle* (voir paragraphe nutrition). Une autre forme allongée obliquement et partant de l'arrière du siphon buccal pour aboutir vers le nucléus partage l'intérieur de la salpe et définit deux cavités internes. Il s'agit d'une branchie primitive étroite et creuse. La cavité pharyngienne vers l'avant et la cavité atriale vers l'arrière communiquent librement par des fentes branchiales situées de part et d'autre de la branchie.
L'oozoïde se reproduit de manière asexuée par bourgeonnement en produisant un stolon* ventral qui démarre entre le nucléus et la base de l'endostyle, part vers l'avant de l'animal avant de se courber, repartir vers l'arrière et traverser la tunique. Ce stolon produira la forme agrégée des salpes par strobilation* (voir paragraphe reproduction).
Les zoïdes* de la forme agrégée s'appellent des blastozoïdes. Chaque blastozoïde a la forme d'un petit cylindre fuselé de 3 à 6 cm. Chaque siphon, buccal ou atrial, est placé aux extrémités de ce fuseau. Partant de sous chaque ouverture siphonale, une excroissance en forme de corne prolonge la structure d'une longueur à peu près équivalente à celle du tonneau. Ces excroissances participent à l'organisation des chaines de blastozoïdes qui peuvent atteindre plusieurs mètres de longueur. Dans ces chaines, les individus sont partiellement accolés les uns aux autres par leur face ventrale et sont disposés en quinconce selon une double rangée avec les ouvertures siphonales se trouvant dans l'axe de la chaine. La soudure entre individus aux niveau des cornes est diffuse et il n'est pas rare que les chaines se disloquent pour former des chainons plus petits ou libérant même des blastozoïdes isolés qui peuvent être confondus avec des oozoïdes. La présence des cornes permettra cependant de les distinguer. Le nucléus est condensé à la base de la corne postérieure et apparaît bicolore. La partie la plus foncée est constituée de la masse viscérale et la plus claire par un testicule bilobé. Les bandes musculaires sont simplifiées et organisées différemment par rapport aux oozoïdes. Elles sont au nombre de sept et interrompues ventralement. Les bandes I à IV sont fusionnées en position médio-dorsale, les bandes IV et V se touchent latéralement, les bandes V à VII se rejoignent dorsalement et la fusion latérale des bandes VI et VII font que la bande VII est à peine visible.
Salpa fusiformis sous forme solitaire pourra être confondue avec toutes sortes de salpes et plus particulièrement avec Salpa maxima. D'ailleurs, Cuvier écrivait en 1804 à propos de S. fusiformis: "Cette espèce ressemble beaucoup au Salpa gigantea de Forskål, peut-être même est-elle celle que ce naturaliste regarde comme une petite variété de son espèce géante". La petite taille de S. fusiformis sera le meilleur critère pour les distinguer car le critère taxonomique des bandes musculaires différentes entre les deux espèces n'est guère utilisable en plongée.
La confusion avec la forme agrégée de Soestia zonaria (Pallas, 1774) devrait être évitée par l'observation d'un gros nucléus blanchâtre très différent de celui de S. fusiformis. Qui plus est, cette espèce n'a que 5 bandes musculaires (sous réserve de pouvoir les compter en plongée).
La contraction alternée des bandes musculaires qui parcourent la tunique de l'animal provoque un courant d'eau qui pénètre la cavité pharyngienne* par l'ouverture du siphon* buccal. Cette cavité est tapissée par un mucus sécrété en permanence par l'endostyle*. Le plancton* contenu dans l'eau est piégé par ce mucus, conduit à la cloison branchiale dont les cils amènent la nourriture collectée à l'œsophage puis à l'estomac. Le court intestin prolongeant l'estomac ouvre dans la cavité atriale et y déverse les fèces qui sont emportés vers l'extérieur via le siphon cloacal par le courant d'eau. S. fusiformis est donc un filtreur* actif. Les formes oozoïdes* et blastozoïdes* ont le même rendement de filtration. La nourriture est constituée de nano- et micro-plancton parmi lesquels des coccolithophores, des diatomées*, des dinoflagellés ou des radiolaires. Des bactéries entrent aussi au menu des salpes.
Les salpes, et la salpe fuselée ne fait pas exception, sont métagénétiques. Cela signifie que le cycle de reproduction alterne entre une génération d'individus asexués solitaires, les oozoïdes*, qui produiront par bourgeonnement* à partir d'un stolon* des d'individus coloniaux sexués hermaphrodites* protogynes*, les blastozoïdes*.
Chez les blastozoïdes les plus âgés, les spermatozoïdes* produits par le testicule unique sont expulsés au voisinage de l'anus dans la cavité atriale puis évacués dans le milieu par le siphon postérieur. Ils pourront féconder les ovocytes* des jeunes blastozoïdes femelles d'une même chaine ou d'une autre chaine. Les blastozoïdes femelles ne portent généralement qu'un seul ovocyte dans leur ovaire. L'embryon unique se développera dans un placenta dans la cavité atriale pendant 2 à 5 jours jusqu'à son expulsion à partir de laquelle il mènera une vie solitaire d'oozoïde. Il faut noter que la maturation des gonades* mâles n'intervient qu'à la fertilisation de l'ovocyte, empêchant ainsi l'autofécondation. Le stolon se développe très rapidement après l'expulsion. Il porte des bourgeons blastogéniques qui vont maturer par groupes de 4 ou plus. Ainsi les groupes de l'extrémité distale* du stolon seront plus âgés que les groupes de l'extrémité proche de l'oozoïde et une même chaine portera à la fois des blastozoïdes mâles et des blastozoïdes femelles.
Quand elles se détachent, les chaines peuvent comporter des centaines d'individus. Ceux-ci mènent une vie indépendante de l'oozoïde parent qui continue à produire de nouvelles chaines. Bien que coloniaux, les blastozoïdes mènent une vie individuelle. Les chaines peuvent se rompre et les individus se dissocier au gré de la houle, du courant ou de chocs.
Ce mode de reproduction avec alternance sexuée/asexuée ne comporte pas de stade larvaire* et est parmi les plus rapides du monde vivant.Les salpes sont des animaux planctoniques* portés par les courants mais peuvent aussi avoir une motilité* propre grâce aux contractions de leurs bandes musculaires qui pourront être synchrones pour les formes coloniales.
Les salpes possèdent de nombreux prédateurs parmi les consommateurs du macroplancton. Poissons (Mola mola), tortues (caouanne, luth) mais aussi cténaires (béroés) ou cnidaires (méduses, Pelagia noctiluca) se nourrissent de salpes. Mouettes ou poissons peuvent arracher le nucleus qui attire leur regard.
Elles peuvent être aussi colonisées pas de petits mollusques pélagiques* qui les consommeront par l'intérieur.
Salpe fuselée est la francisation du nom latin: Salpa fusiformis, en référence à la forme des individus agrégés.
Salpa: du latin, désigne une sorte de poisson de type saupe. Pour les salpes une autre origine est probable et reste à confirmer, Salpa viendrait du grec [salpinx] qui veut dire trompette car elles ont une forme de tube.
fusiformis: du latin [fusus] = fuseau et [formis] = forme, en forme de fuseau, en référence à la forme des individus agrégés.
Numéro d'entrée WoRMS : 137272
Termes scientifiques | Termes en français | Descriptif | |
---|---|---|---|
Embranchement | Chordata | Chordés | Animaux à l’organisation complexe définie par 3 caractères originaux : tube nerveux dorsal, chorde dorsale, et tube digestif ventral. Il existe 3 grands groupes de Chordés : les Tuniciers, les Céphalocordés et les Vertébrés. |
Sous-embranchement | Urochordata / Tunicata | Urochordés / Tuniciers | Chordés marins fixés (ascidies) ou pélagiques (thaliacés), solitaires ou coloniaux. Epaisse tunique cellulosique. Deux siphons, pharynx bien développé, la chorde larvaire régresse chez l'adulte (sauf chez les Appendiculaires). |
Classe | Thaliacea | Thaliacés | Tuniciers pélagiques qui ont perdu leur chorde larvaire. Organismes transparents libres et planctoniques, les siphons buccal et atrial sont terminaux et diamétralement opposés. |
Ordre | Salpida | Salpides | Thaliacés toujours solitaires, ou en chaînes de plusieurs dizaines d'individus mais jamais coloniaux. Bandes musculaires périphériques incomplètes. |
Famille | Salpidae | Salpidés | Unique famille de l'ordre des Salpides. |
Genre | Salpa | ||
Espèce | fusiformis |
Forme coloniale de Salpa fusiformis
Les blastozoïdes agrégés de S. fusiformis forment une grande chaine se déplaçant en peine eau au gré des courants et/ou par leur propulsion propre. Les individus sont disposés en quinconce selon une double rangée. Toutes les ouvertures siphonales se trouvent dans l'axe de la chaine, ce qui participe à l'efficacité de la propulsion. La tunique de S. fusiformis est très transparente et laisse voir le nucleus dense en position très postérieure.
Port-Cros (83), 40 m
13/05/2012
Oozoïde de Salpa fusiformis
Dans sa forme isolée asexuée, appelée oozoïde, S. fusiformis a la forme d'un tonnelet ouvert aux deux extrémités respectivement sur un siphon buccal et un siphon atrial. Sur cette photo, le siphon buccal s'ouvre sur la droite. La transparence de la tunique révèle les bandes musculaires en surface mais également l'endostyle qui parcourt la longueur de l'animal et la branchie primitive qui sépare la cavité pharyngienne de la cavité atriale. Sur cet individu, le nucleus a été mangé par un prédateur et n'apparaît donc pas. Par contre, en position postérieure, un début de stolon est visible. C'est à partir de ce stolon que la forme agrégée sera produite.
Port-Cros (83), 40 m
13/05/2012
Blastozoïdes de Salpa fusiformis
Cette chaine de blastozoïdes de S. fusiformis exclusivement constituée d'individus morts laisse voir l'organisation de la colonie. Les blastozoïdes qui ont pris naissance par bourgeonnement du stolon sont soudés les uns aux autres de manière diffuse par leurs faces ventrales et au niveau des excroissances cornues. La branchie séparant en diagonale le corps de l'animal et définissant vers l'avant la cavité pharyngienne et vers l'arrière la cavité atriale est parfaitement visible en transparence
Port-Cros (83), 40 m
13/05/2012
Blastozoïdes de Salpa fusiformis dans l'étang de Thau
Dans l'eau chargée de particules et avec cet arrière-plan, cette chaine de S. fusiformis serait presque invisible si le nucleus dense de chaque individu n'attirait le regard. La masse viscérale sombre se distingue facilement du testicule bilobé plus clair.
Ponton de la Bordelaise, Etang de Thau (34), 2 m
23/03/2021
Blastozoïde isolé de Salpa fusiformis
Il arrive de rencontrer des blastozoïdes isolés qu'il sera facile de distinguer des oozoïdes grâce à la présence des deux extensions en forme de cornes. La liaison diffuse entre les individus d'une chaine de salpes peut facilement se rompre par l'action d'une vague, du courant ou d'un choc avec un obstacle. Il est difficile de dire si l'individu de cette photo est encore vivant. Sa tunique qui semble translucide et épaisse peut évoquer celle d'un animal mort. Notons la position très postérieure du nucléus, typique de cette espèce.
Tombant du Tarcu, Golfe d'Ajaccio, Corse (2A), 33 m
10/03/2019
Blastozoïdes de salpes (Salpa sp.)
La rencontre avec une chaine de salpes en pleine eau est toujours magique mais l'identification in situ est difficile entre espèces présentant des caractères communs comme l'organisation en quinconce selon une double rangée. L'évaluation correcte des dimensions n'est pas nécessairement simple et l'accès aux critères taxonomiques des bandes musculaires typiques de chaque espèce est quasiment impossible pendant la plongée. Difficile dans ces conditions de distinguer ici entre S. fusiformis et S. maxima.
Ile de Groix (56), 4 m
16/08/2020
Salpes en laisse de mer
Les salpes sont des organismes planctoniques dont la prolifération intense et la migration en surface va favoriser l'échouage parfois en grandes quantités sur les rivages. Des pics d'échouage en fin d'hiver (février-mars) et au cœur de l'été sont fréquemment observés. La présence des deux extensions permettent d'identifier sans beaucoup d'ambiguïté Salpa fusiformis.
Marseillan plage (34)
17/02/2021
Salpes en laisse de mer
La main donne l'échelle et là encore la petite taille et la présence des deux extensions permettent d'identifier sans beaucoup d'ambiguïté Salpa fusiformis. Notons la totale innocuité de cet animal qui n'est absolument pas urticant.
Saintes-Maries-de-la-Mer, Laisse de mer
27/02/2021
Dessins anatomiques
Manuel de Planctonologie Méditerranéenne Tregouboff
Reproduction de documents anciens
1957
Rédacteur principal : Jacques COVES
Vérificateur : Frédéric ANDRÉ
Responsable régional : Frédéric ANDRÉ
Andersen V., 1985, Filtration and ingestion rates of
Salpa fusiformis Cuvier (Tunicata : Thaliacea): effects of size, individual
weight and algal concentration, oenocyst, J. Exp. Mar. Biol. Ecol.,
87, 13-29.
Sutherland K.R., Madin L.P., Stocker R., 2010, Filtration of submicrometer particles by pelagic tunicates, Proc. Nat. Acad. Sci. USA., 34, 15129-15134.