Colonies rigides (calcifiées) à port dressé
Structure formée par des zoécies* en réticule convoluté
Coloration variant du rose au jaune pâle
Structure finement dentelée d'une dizaine de centimètres, très fragile
Dentelle de Vénus est parfois aussi utilisé, giroflade (= œillet) de mer (Rondelet, 1555)
Neptune's lace (GB), Trina di mare (I), Retepora (E) , Neptunschleier (D), Neptunuskant ( NL)
Retepora cellulosa Waters, 1894
Sertella septentrionalis Harmer, 1933
Retepora septentrionalis (Harmer, 1933)
Retepora grimaldii Julien, 1903
Méditerranée, Atlantique oriental
Zones DORIS : ● Europe (côtes françaises), ○ [Méditerranée française]C'est une espèce commune de Méditerranée. On peut la rencontrer également en Atlantique oriental.
Il s'agit d'une espèce sciaphile*, c'est à dire qui aime l'ombre ; on la rencontre ainsi dans des zones sombres entre 10 et 70 m de profondeur : grotte, cavité, anfractuosité, surplomb rocheux.... Elle se développe souvent sur des substrats qui favorisent sa croissance dans les trois dimensions, comme les axes de gorgones.
Etant donnée la fragilité de la colonie, on trouve généralement la dentelle de Neptune à l'abri des eaux brassées par de forts courants ou de la houle de fond.
C'est une espèce coloniale calcifiée au port dressé, où chaque individu : la zoécie* (ou zoïde)* fait partie d'un réseau finement ajouré qui constitue la colonie (ou zoarium*). L'ensemble de la colonie forme une rosace complexe constituée de fines lames réticulées, ondulées, qui donnent ainsi un aspect dentelé.
Les réseaux formés sont plus denses (plus calcifiés) au centre de la colonie. La colonie est reliée à son support par un étroit pied très calcifié.
La coloration de la structure varie du rose saumoné au jaune pâle. Les parties centrales moins vivaces de la colonie sont blanches voire vertes car progressivement recouvertes par des microalgues.
La taille de la colonie peut atteindre 10 à 20 centimètres.
Il y a plusieurs espèces de "rétépores", qui se ressemblent beaucoup par la forme de la colonie. Seul un examen minutieux, à un fort grossissement, à la loupe binoculaire, des caractères morphologiques du squelette des zoécies, permet de distinguer ces espèces. Mais Reteporella grimaldii est la plus courante sur nos côtes dans les habitats les plus fréquentés par les plongeurs.
Plus reculées dans les grottes semi-obscures, Reteporella mediterranea (au sens de Hass) et Reteporella couchii sont des espèces également fréquentes et que l'on peut observer dans les zones d'évolution des plongeurs. Ces deux espèces sont plus plates, plus simples, plus petites, souvent en forme de coupe de couleur blanchâtre ou jaune-vert à orangé brillant pour R. mediterranea.
Comme chez tous les bryozoaires, la nutrition est assurée par la capture de particules alimentaires (phytoplancton, en particulier) par les tentacules du lophophore*, dont la sortie est assurée par une augmentation de la pression du liquide interne, phénomène obtenu grâce à la compression musculaire.
Une fois la gaine du lophophore dévaginée, un mouvement pendulaire et circulaire des tentacules ciliés composant le panache de ce lophophore va permettre le brassage de l'eau environnante et favoriser ainsi la capture des micro-organismes composant le régime alimentaire de la colonie.
Ces animaux sont dits filtreurs actifs c'est à dire, des filtreurs suspensivores* microphages*. Les diatomées (algues unicellulaires) et les bactéries sont la base de l'alimentation de ce type de bryozoaire.
Sa croissance se fait par bourgeonnement périphérique de nouvelles zoécies. La reproduction est sexuée et la colonie est hermaphrodite*. Les œufs fécondés produits par un zoïde femelle sont incubés dans une ovicelle* (petite chambre au dessus de l'orifice). Après maturation, il va y avoir émission de larves lécitotrophiques* ciliées, qui vont être dispersées par les courants. Après une courte vie dans la colonne d'eau, la larve va se fixer sur un substrat adéquat et se métamorphoser en un zoïde primaire ou ancestrule. Celui-ci bourgeonnera deux à trois zoïdes, qui bourgeonneront eux-mêmes en formant petit à petit la colonie réticulée.
C'est le développement d'une larve issue d'une reproduction sexuée et venue se fixer sur un support adéquat à son développement qui va donner un premier individu : le zoïde* (= zoécie*) primaire (ou ancestrule). Celui-ci permettra l'obtention d'autres zoïdes par bourgeonnement qui eux-mêmes bourgeonneront… faisant alors grandir la colonie.
Dès lors, par une reproduction sexuée de zoécie* pour la plupart hermaphrodites*, la nouvelle production de larves ainsi induite favorisera la dispersion de l'espèce et le peuplement de nouvelles surfaces.
Description microscopique :
- zoïdes* courts, tubuleux, bien différenciés chez les jeunes (sur la marge de la colonie), paroi frontale avec quelques gros pores calcifiés avec l'âge, parois latérales avec 4 – 5 pores, taille approximative des zoïdes 0,40 mm de longueur sur 0,20 mm de largeur ;
- aperture* plus large que longue, enfoncée, sub-semicirculaire, péristome* développé avec une longue et étroite fissure labiale, 2 courtes épines souvent cachées ;
- aviculaires* de 4 types : 1) grand à rostre calcaire et à mandibule triangulaire très saillantes, prés de la lèvre, perpendiculaire à la paroi frontale, inconstant, 2) petit, ovale, fréquent, plus ou moins enfoncé, frontal et dorsal, 3) petit, frontal, triangulaire, fréquent, 4) moyen, à la base des fenêtres côté dorsal, triangulaire transverse ;
- ovicelle* peu saillante ;
- face dorsale finement grenue parcourue de stries en reseau serré, irrégulières ;
- lophophores de petite taille à 12 tentacules.
C'est à Guillaume Rondelet (1507-1566), professeur à la Faculté de Médecine de Montpellier, que l'on doit la description en 1555 de la première espèce connue de bryozoaire. Celle-ci, formant dentelle est actuelllement connue sous le nom de Reteporella grimaldii (Jullien in Jullien et Calvet, 1903).
"Fleur" calcaire de forme complexe, de couleur rose, Rondelet lui donna poétiquement le nom de "giroflade de mer", giroflade (ou girouflade) signifiant en vieux français "œillet" (voir illustrations).
Dentelle de Neptune : le nom de dentelle fait bien évidemment référence au tissu brodé auquel ressemble la structure de la colonie et Neptune est le dieu de la mer. Littéralement, cela évoque donc un petit morceau de dentelle que l'on trouve dans la mer.
Reteporella : diminutif de Retepora, autre genre de bryozoaires créé par Lamarck en 1801. Reteporella s'en distingue par quelques caractères particuliers et constitue donc un genre séparé. Retepora : du latin [rete] = rets, filet, réseau et [pora] = pore, trou.
grimaldii : espèce dédiée à Albert Honoré Charles Grimaldi (1848-1922), Prince Albert 1er de Monaco, initiateur et acteur du développement de l'océanographie.
Termes scientifiques | Termes en français | Descriptif | |
---|---|---|---|
Embranchement | Bryozoa / Ectoprocta | Bryozoaires / Ectoproctes | Petits animaux coloniaux filtreurs aquatiques fixés à un substrat. Tous les zoïdes sont en continuité physique et issus de bourgeonnement à partir d’un individu unique. Chaque zoïde porte un lophophore rétractile et est abrité dans une logette. |
Classe | Gymnolaemata | Gymnolèmes | Colonies polymorphes. Les zoïdes sont cylindriques ou aplatis, les lophophores circulaires. Les parois peuvent être calcifiées ou non. Presque tous marins. |
Ordre | Cheilostomatida | Cheilostomes | Bryozoaires calcifiés, zoïdes* en forme de boîte obturée par un opercule à charnière. Gymnolèmes les plus nombreux et les plus diversifiés des régions littorales, souples à rigides. Groupe au polymorphisme marqué où l’on trouve des individus différenciés (aviculaires, vibraculaires, ovicelles globuleux…). |
Sous-ordre | Neocheilostomatina/Ascophora | Ascophores | Paroi frontale calcifiée sous laquelle un sac flexible invaginé s'ouvre sur l’extérieur par un pore médian situé derrière le péristome et nommé ascopore. |
Famille | Phidoloporidae | Phidoloporidés | |
Genre | Reteporella | ||
Espèce | grimaldii |
Dentelle jaune suspendue à une gorgone jaune
Ce beau bryozoaire dressé forme des rosaces convolutées pouvant se développer dans les trois dimensions de l'espace quand il est implanté sur un support filiforme comme ici sur une gorgone jaune ou des filins abandonnés.
Sec de la Jeaume Garde, Porquerolles (83), 25 m
17/06/2009
Dentelle blanche
La couleur plus claire de cette dentelle de Neptune traduit-elle une adaptation particulière ? Est-ce une version albinos ? Une espèce différente ?
Notez les nombreux très petits filaments terminés par de minuscules points blancs et poussant sur toute la colonie. Il ne s'agit pas des lophophores* mais d'un petit hydraire fréquemment associé aux bryozoaires. Cet hydraire du genre Zanclea porte des polypes longs et recouverts sur une bonne partie de leur corps par de courts tentacules capités.
Tombant de l’avion, Villefranche-sur-Mer (06), 36 m
16/10/2004
Variante de couleur
Cette espèce, à l'aspect dentelé, fuit la lumière, se développe sur des substrats durs et ombragés, à l'abri des courants. En général jaune pâle, elle peut présenter des variantes de couleur, comme sur cette photo où elle a été rencontrée rose saumoné.
Pointe de la galère, PortCros (83)
26/06/2005
Une espèce sensible
La dentelle de Neptune présentant une structure fragile, se retrouve à l'abri des eaux brassées par le courant. Les parties cassées ou mortes se voient rapidement colonisées par d'autres organismes (algues).
Pointe Lacroix, PortCros (83)
27/07/2004
Au pied des posidonies
Les conditions d’éclairement et de courant semblent être idéales au pied des posidonies pour ce bryozoaire, effectivement le diamètre de cette colonie ne fait pas loin de 20 cm. Notez les zones verdies au centre de la colonie.
Pointe de la Croix, Port Cros (Var), 25 m
03/06/2006
Dentelle orange à l'ombre d'une pierre
La couleur de la dentelle de Neptune est variable, elle va de l'orange comme ici au jaune, au rosée et au blanc.
Ile du Frioul nord, Marseille (13), 30 m
03/07/2010
Dentelle verdie en son centre
Des algues microscopiques envahissent souvent le centre des colonies.
Mejean est, Côte Bleue (13), 20 m
22/05/2009
Grosse colonie formant de nombreuses circonvolutions
Cette colonie catalane de 15 cm de diamètre s'est développée dans une zone bien balayée par les courants marins.
La Vaca, îles Medes, Estartit, Costa Brava (Espagne), 26 m
16/09/2011
Dentelle jaune claire
Cette colonie profonde cohabite avec d'autres bryozoaires à droite et l'algue verte udotée à gauche.
La Gabinière Est, Port Cros (Var), 45 m
19/06/2009
Grands aviculaires sporadiques et dressés
Sur les zones frontales vues de façon rasante, les grands aviculaires triangulaires et dressés (0,25 mm) sont aperçus (flèches rouge).
Ilot de l'Aragnon, Côte Bleue (13), 15 m
19/08/2005
A l'ombre
Roches et coralligènes ombragés constituent le biotope habituel de la dentelle de Neptune.
Pointe de la Galère, Port-Cros (83), 14 m
05/06/2006
Dentelle rose clair
La coloration rose saumoné est l'une des plus belle pour cette espèce.
Côte Bleue (13)
11/07/2011
Détail de la face dorsale sans lophophore
La face dorsale striée des lames réticulées de la dentelle de Neptune est souvent plus claire.
Côte Bleue (13)
29/05/2011
Dentelle blanche sur une gorgone
Sur un axe nécrosé de gorgone blanche en pays catalan.
Côte Vermeille (66)
N/A
Sous un surplomb
Belles circonvolutions jaune lumineux.
L'Ocell, Cerbère, Côte Vermeille (66), 13 m
03/07/2008
Sur fond de graviers détritique
La dentelle de Neptune est également présente jusqu'à 70 m sur les fonds de graviers détritiques côtiers balayés par des courants. La colonie est fixée sur un débris ; coquille morte ou autre substrat dur.
Ouest de l'îlot de l'Aragnon, Côte Bleue (13), 29 m
16/08/2012
Minuscules lophophores (échantillon n° MN19)
Les lophophores de petite taille portent 12 fins tentacules ciliés. Il ne sont présents que sur une seule face des lames réticulées, celle frontale.
Les ponctuations orangé au dessus des apertures* sont sans doute dus à la présence de larves matures dans les ovicelles.
Tombant du Vengeur, Iles de Lérins, 15 m (prélèvement)
01/08/2010
Face dorsale au microscope (colonie vivante)
La face dorsale de la lame est striée, plus lisse et finement grenue.
Tombant du Vengeur, Iles de Lérins, 15 m (prélèvement)
01/08/2010
Face dorsale au MEB
Noter les petits aviculaires elliptiques et le plus gros triangulaire et relevé à la base d'une des fenêtres (en haut).
Tombant du Vengeur, Iles de Lérins, 15 m (prélèvement)
2010
Face frontale au MEB
Les aviculaires* de Reteporella grimaldii sont de 4 types :
- 1) grand à rostre calcaire et à mandibule triangulaire très saillantes, prés de la lèvre, perpendiculaire à la paroi frontale, inconstant (2 bien visibles au centre de la photo),
- 2) petit, ovale, fréquent, plus ou moins enfoncé, frontal et dorsal (3 visibles),
- 3) petit, frontal, triangulaire, fréquent (non présent ici),
- 4) moyen, à la base des fenêtres côté dorsal, triangulaire transverse (voir photo de la face dorsale).
Tombant du Vengeur, Iles de Lérins, 15 m (prélèvement)
2010
Paire de courtes épines buccales inconstantes
Les deux courtes épines bordant le péristome* ne sont présentes que sur les individus jeunes à la marge de la colonie.
Tombant du Vengeur, Iles de Lérins, 15 m (prélèvement)
2010
Ovicelle
Visible ici au dessus de l'ouverture du haut, l'ovicelle de la dentelle de Neptune est peu saillante.
Tombant du Vengeur, Iles de Lérins, 15 m (prélèvement)
03/07/2010
Giroflade (œillet) de mer, premier bryozoaire dans la littérature !
Guillaume Rondelet (1507-1566), professeur à Montpellier est à l'origine de la description de cette espèce qui est la première espèce de bryozoaire connu.
Extrait de (page 93) : Rondelet G., 1558, L'histoire entière des poissons, ed. Mace Bonhomme, Lyon, 418 p.
Rondelet G.
Reproduction de documents anciens
1558
Rédacteur principal : Aedwina REGUIEG
Rédacteur : Frédéric ANDRÉ
Correcteur : Jean-Georges HARMELIN
Responsable historique : Aedwina REGUIEG
Responsable régional : Alain-Pierre SITTLER
D’Hondt J.-L., 2010, Les allergies aux bryozoaires, Arch. Sci. Nat. Phys. Math. Institut grand-Ducal Luxembourg, 45, 7-24.
Rondelet G., 1558, L'histoire entière des poissons, ed. Mace Bonhomme, Lyon, 418 p.