Crevette fouisseuse (jour) et nageuse (nuit) de 2 à 5 cm
Rostre très court ne dépassant pas les yeux
Racine de l'éventail caudal blanche
Première paire de pattes avec pince à droite et griffe à gauche
Yeux de grande taille
Méditerranée occidentale et Atlantique Est jusqu’au golfe de Guinée
Zones DORIS : ● Europe (côtes françaises), ○ [Méditerranée française]Cette espèce est connue de Méditerranée occidentale et du proche Atlantique africain jusqu'au golfe de Guinée.
Cette crevette habite les abords des herbiers de posidonies (en Méditerranée) et les zones sableuses jusqu'à une quarantaine de mètres de profondeur. Elle ne supporte pas du tout les eaux saumâtres*, aussi ne se rencontre-t-elle pas dans les lagunes.
De jour, cette espèce est enfouie dans le sable. De nuit, elle recherche ses proies entre les touffes de posidonies et sur les zones sédimentaires voisines.
Cette crevette est de taille modeste à moyenne (mâles de 16 à 32 mm et femelles ovigères* de 20 à 43 mm). Son rostre* très court ne dépasse pas les yeux ; il se termine par une pointe avec une petite dent supérieure.
Les yeux sont nettement plus gros que ceux des autres crevettes.
Le jour, la couleur générale est blanche-transparente, parfois rosée, avec des ponctuations blanches (les chromatophores*) uniformément réparties à l'exception de la racine de l'éventail caudal qui est nettement plus blanche. De nuit, la crevette porte une livrée rose-rouge, surtout les femelles et peu après la mue. Les mâles sont presque transparents.
La première paire de pattes est asymétrique : la droite se termine par une pince et la gauche se termine par une griffe.
La seconde paire de pattes porte une pince de chaque côté, mais les pattes présentent des longueurs inégales. Les autres paires sont symétriques et sans pinces.
Une dizaine d'autres espèces de Processa existent en Europe. En Méditerranée, quatre autres espèces se rencontrent dans les posidonies et les zones sableuses adjacentes :
- Processa edulis a des yeux nettement plus petits et présente des chromatophores blancs bien répartis sur l'éventail caudal.
- Processa robusta a l'abdomen postérieur couvert de chromatophores blancs et de tout petits yeux.
- Processa acutirostris n'a presque pas de chromatophores blancs, à l'exclusion de quelques uns sur la ligne médio-dorsale, et son rostre est pointu (sans dent accessoire dorsale).
- Processa modica est très petite, a des œufs vert bleuté et se rencontre dans les sables fins à très faible profondeur.
D'autres espèces vivent plus profondément en milieu sablo-vaseux mais ne sont que rarement observées par les plongeurs.
Processa macrophthalma recherche activement la nuit les petites proies qu'elle consomme : “vers" (petits annélides, nématodes), crustacés (amphipodes, isopodes, ostracodes, larves de décapodes arrivant sur le fond à la métamorphose...), œufs, foraminifères, mollusques. Pour dilacérer ses proies, elle se sert de ses pattes avant un peu comme d'un couteau et d'une fourchette.
Comme chez Processa edulis, cette espèce pourrait présenter un hermaphrodisme protandre*, c'est à dire que la première partie de la vie est mâle (première année), puis intervient un changement de sexe et l'animal devient alors femelle l'année suivante.
La saison de reproduction commence en mars-avril et se termine en septembre-octobre. Au printemps et sur plusieurs intermues, la femelle commence sa première vitellogenèse* c'est à dire l'accumulation de réserves nutritives dans les ovocytes. A ce moment, l'ovaire est très visible dans le céphalothorax sous forme d'un organe massif dont la coloration varie avec l'état de maturation. A la tombée de la nuit, la femelle mue et s'accouple quand sa carapce est encore molle. Pendant plusieurs minutes, le mâle “cherche" la femelle en tournant autour. En trois à cinq secondes, il se positionne “en croix" sur la face inférieure de “sa" femelle, éjacule et se sépare de sa partenaire. Le sperme est déposé dans un réceptacle séminal externe, un repli formant une sorte de poche de kangourou ventrale. La femelle pond dans les minutes qui suivent plusieurs centaines à plusieurs milliers d'œufs (selon la taille de la femelle) ; ces œufs sont attachés par des filaments gluants sur les pléopodes (pattes abdominales).
Les œufs pondus virent progressivement au gris ; ils sont ainsi incubés pendant trois à quatre semaines (selon la température de l'eau), puis les larves sont libérées. Pendant l'incubation, une nouvelle vitellogenèse a lieu si bien que la femelle mue et pond à nouveau après l'éclosion des larves. Il peut y avoir ainsi d'avril à octobre cinq à six pontes successives.
Le développement larvaire* planctonique* dure trois à quatre semaines (selon la température). Les larves sont communes dans le plancton* de mai à novembre. Après la métamorphose, les juvéniles gagnent les herbiers de posidonies où ils poursuivent leur croissance. La longévité maximale de l'espèce est de l'ordre de deux à trois ans.
Processa macrophthalma est parasitée par deux isopodes épicarides, le bopyre branchial Urobopyrus processae et le bopyre abdominal Pliophryxus philonika.
Sur les branchies, on peut voir des petits points noirs qui sont des ciliés du genre Synophrya (animaux unicellulaires).
L'espèce est assez commune près des posidonies et sur le sable moyen à faible profondeur. On ne peut la voir que la nuit car elle est enfouie dans le sédiment pendant la journée. Ses principaux prédateurs sont les céphalopodes (poulpes, seiches, sépioles...), les poissons de fond, les gros crustacés (crabes nageurs, squilles).
L'espèce est sédentaire ; son activité est ralentie et sa croissance faible en hiver lorsque la température est basse.
En Méditerranée, la dispersion de certaines espèces envahissantes comme Caulerpa taxifolia conduit à la régression des posidonies et par voie de conséquence à celle des espèces associées à ce milieu, dont Processa macrophthalma.
Crevette-autruche (proposition P. Noël) se réfère à la particularité d'enfouissement des espèces du genre Processa ; ces dernières entrent dans le sable la tête en premier, en creusant à l'aide des derniers maxillipèdes* et des pattes avant.
À grands yeux parce que ses yeux sont les plus gros des espèces européennes de Processa.
Processa (latin) = qui avance, qui se porte en avant, c'est peut-être une allusion à sa façon de s'enfouir la tête la première.
macrophthalma = à gros yeux, du grec [macro] = grand et [ophthalmo] = œil.
Numéro d'entrée WoRMS : 107687
Termes scientifiques | Termes en français | Descriptif | |
---|---|---|---|
Embranchement | Arthropoda | Arthropodes | Animaux invertébrés au corps segmenté, articulé, pourvu d’appendices articulés, et couvert d’une cuticule rigide constituant leur exosquelette. |
Sous-embranchement | Crustacea | Crustacés | Arthropodes à exosquelette chitineux, souvent imprégné de carbonate de calcium, ayant deux paires d'antennes. |
Classe | Malacostraca | Malacostracés | 8 segments thoraciques, 6 segments abdominaux. Appendices présents sur le thorax et l’abdomen. |
Sous-classe | Eumalacostraca | Eumalacostracés | Présence d’une carapace recouvrant la tête et tout ou partie du thorax. |
Super ordre | Eucarida | Eucarides | Présence d'un rostre. |
Ordre | Decapoda | Décapodes | La plupart marins et benthiques. Yeux composés pédonculés. Les segments thoraciques sont fusionnés avec la tête pour former le céphalothorax. La première paire de péréiopodes est transformée en pinces. Cinq paires d'appendices locomoteurs (pinces comprises). |
Sous-ordre | Caridea | Caridés | Les Caridés sont caractérisés par des pléopodes natatoires. C'est à ce groupe qu'appartiennent une grande partie des espèces de crevettes. |
Famille | Processidae | Processidés | Rostre court ; première paire de pattes avec pince d’un côté et griffe de l’autre. |
Genre | Processa | ||
Espèce | macrophthalma |
Sur fond de sable
Cette espèce se rencontre habituellement en Méditerranée sur des fonds de sable moyen à grossier, et entre les posidonies, entre 2 et 15 m de profondeur.
Cagnes sur Mer (06), 8 m, de nuit
09/07/2008
Femelle mature
Cette crevette se trouve sur un fond de sable moyen à grossier, pas très loin des posidonies, ce qui est typique pour l'espèce. Cette femelle est en livrée pigmentaire nocturne (pigments rouges étalés dans les érythrophores (chromatophores à pigment rouge) ; on voit très bien également quelques leucophores (chromatophores à pigment blanc) dispersés sur le corps, avec une concentration plus forte sur les uropodes (= l'éventail caudal) ; cette livrée est tout à fait caractéristique de Processa macrophthalma (de nuit elle serait blanche ou semi-transparente). En arrière des yeux, la tache noire correspond à l'estomac qui est presque vide : on est sans doute en début de nuit (22h07), et elle n'a pas encore beaucoup mangé ! En arrière de l'estomac, on voit bien l'ovaire en début de vitellogenèse ; elle a pondu ses œufs environ 5 ou 6 jours auparavant. On devine ses œufs fixés sous l'abdomen ; ils sont jaune-beige. Chez d'autres espèces et à ce même stade de développement, ils peuvent être verts ou bleu-vert.
La Love, Antibes (83), 12 m, de nuit
10/08/2007
Femelle grainée
Cette crevette a été photographiée sur du sable grossier, à quelques mètres d'un herbier de posidonies. Remarquer la "fourchette" sur la 1ère patte gauche.
Calanque de la Vesse (13), 12 m, de nuit
02/09/2005
Femelle grainée (bis)
De profil cette fois. A ce stade d'incubation, les œufs sont d'un bleu verdâtre.
Eglise de Cagnes (06), 8m, de nuit
28/04/2010
Prêt à plonger
Individu pouvant être un mâle. Il se trouve sur du sable relativement fin, avec cymodocées éparses, pas de posidonies à proximité. Le céphalothorax laisse entrevoir une zone floue, beige, qui est la glande digestive. Le ruban rouge en bas de l'abdomen est la chaîne nerveuse ventrale qui est entourée de cellules à pigment rouge (érythrophores). Noter la position inclinée : cette crevette se prépare visiblement à plonger dans le sable tête première pour fuir le photographe !
Les Remparts, Antibes (06), de nuit
11/08/2008
Enfoui !
Le même que sur la photo précédente. L'enfouissement est assez rapide : il faut environ 30 à 45 secondes pour être à ce stade d'enfouissement, à partir du moment où l'animal a décidé de se cacher.
Les Remparts, Antibes (06), de nuit
11/08/2008
Couple de Processa macrophthalma
Couple de Processa macrophthalma, en haut un mâle en coloration diurne, et en bas une femelle en coloration nocturne ; sur la femelle on voit bien le croissant blanchâtre à la racine de l’éventail caudal caractéristique de l’espèce. Animaux photographiés de retour au laboratoire (d’après diapositive).
Herbier de posidonies du Racou (66), environ 7 m, de nuit
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Yeux de Processa
Ce montage photo permet de comparer les tailles respectives des yeux de 3 espèces de Processa, du haut en bas : les petits yeux de Processa robusta, les gros yeux de Processa macrophthalma et ceux de Processa nouveli.
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Rédacteur principal : Pierre NOËL
Vérificateur : Anne PROUZET
Responsable régional : Anne PROUZET
Noël P., 1979, CONTRIBUTION A L'ETUDE DE LA FONCTION CHROMATIQUE DE PROCESSA EDULIS (CRUSTACE NATANTIA), Thèse de doctorat ès Sciences naturelles, Université Pierre et Marie Curie, Paris, 273p.
Fiche FAO : Processidae
La page de Processa macrophthalma dans l'Inventaire National du Patrimoine Naturel : INPN