Bivalve
Fiché verticalement dans le sédiment
Grande taille pouvant atteindre 1 mètre
Nacre, jambonneau de mer, jambonneau hérissé, pinne noble, pinne géante
Fan mussel, rough pen shell (GB), Pinna, nacchera, astura (I), Nácar, tridacna (E), Steckmuschel, Schinkenmuschel (D), Steekmossel (NL)
Pinna squamosa Gmelin, 1791 (individus jeunes),
Pinna incurvata Born, 1780
Pinna angustana Lamarck, 1819
Pinna squammosa Réquien, 1848
Pinna cornuformis Brusina, 1870
Pinna ensiformis Monterosato, 1884
Pinna nigella de Gregorio, 1885
Endémique de Méditerranée
Zones DORIS : ● Europe (côtes françaises), ○ [Méditerranée française]Espèce endémique de Méditerranée (non présente en mer Noire).
Fonds sableux ou sablo-vaseux, prairie de posidonies ou de zostères.
Bivalve de forme triangulaire avec une extrémité pointue enfouie dans le sédiment (jusqu'à la moitié au maximum) et une extrémité postérieure arrondie. Les faces extérieures des valves sont hérissées de petites épines en forme de gouttières qui disparaissent chez les individus âgés. Elles sont garnies d'une vingtaine de costules (petites côtes, stries) rayonnantes. L'intérieur des valves est lisse, brillant, nacré, de couleur brunâtre, l'extérieur est brun.
C'est le plus grand mollusque bivalve de Méditerranée (et l'un des plus grands du monde avec les bénitiers tropicaux) : il peut dépasser 1 mètre et vivre 40 ans.
Une espèce voisine, Pinna rudis (nacre épineuse) de couleur marron fauve porte de grosses écailles et ne dépasse guère 30 cm à 40 cm. Son habitat est rocheux et sa répartition est essentiellement l'océan Atlantique tropical occidental. Elle est assez rare en Méditerranée. On peut la confondre avec des jeunes individus de grande nacre (il est à noter que ces jeunes individus de nacres hérissés ont été décrits par erreur sous le nom de P. squamosa, qui est donc un synonyme de P. nobilis). Les faces externes de P. rudis ne sont garnies que d'une demi-douzaine de costules (une vingtaine chez P. nobilis). L'intérieur des valves de P. rudis comporte deux lobes nacrés de taille comparable alors que chez P. nobilis, le lobe ventral est plus long.
Atrina fragilis est une espèce de petite taille (20 à 30 cm) qui ne peut être confondue avec Pinna nobilis. Ses deux valves triangulaires ont la surface lisse et brillante. Elle est présente en Atlantique de l'Est, depuis les côtes anglaises jusqu'au Sénégal, ainsi qu'en Méditerranée (Camargue), sur des fonds vaseux ou sableux assez profonds (30 à 600 m). La zone nacrée à l'intérieure des valves est unique.
Les nacres sont implantées dans le sédiment et inclinées vers le courant. Elles filtrent leur nourriture : particules vivantes (plancton*) ou mortes (matières organiques). Les nacres filtrent 6,5 litres d'eau par 24 heures. Elles ont un métabolisme lent par rapport aux moules (100 L/24h) ou aux huîtres (40 L/24h).
P. nobilis est un animal à hermaphrodisme* successif à maturation asynchrone. La période de reproduction sur nos côtes s'étale de juin à août.
La grande nacre est un substrat* idéal pour de nombreux organismes épibiontiques* comme les ascidies (ex : Halocynthia papillosa), les algues (ex : Acetabularia acetabulum) ou d'autres bivalves comme l'huître plate (Ostrea edulis).
P. nobilis héberge entre ses valves un symbionte*, le crustacé décapode Nepinnotheres pinnotheres. Il semblerait qu'elle lui fournisse des particules nutritives en échange d'être prévenue de dangers éventuels. La crevette commensale Pontonia pinnophylax peut remplacer Nepinnotheres et être hébergée en couple au cœur des branchies.
Longtemps exploitée par les romains qui tissaient des vêtements à l'aide de son byssus* et fabriquaient des boutons avec sa nacre (en Calabre, en Sicile et à l'île de Malte), elle est aujourd'hui menacée par la régression des herbiers de phanérogames marines, par les ancres des bateaux qui brisent sa coquille et par les plongeurs amateurs de souvenirs. En plus de l'homme ses principaux prédateurs sont la daurade (Sparus aurata) et le poulpe (Octopus vulgaris).
Les filaments de byssus*, fixés dans les grains de sable, et le pied permettent à la P. nobilis d'effectuer des déplacements plus ou moins importants. Couchée dans le sable, la nacre est capable de se redresser et de se replanter (Redressement de Pinna nobilis en milieu contrôlé - De Gaulejac et Vicente, 1990).
P. nobilis peut sécréter des perles de couleur rougeâtre, ne possédant aucune valeur marchande. Les particules pénétrant entre le manteau et la coquille provoquent parfois la formation, par les cellules de l'épithélium externe du manteau, d'un sac perlier qui va sécréter des substances s'arrangeant en couches concentriques fines autour du noyau constitué par le corps étranger (Vicente et Moreteau, 1991).
On estime aujourd'hui que la grande nacre dans de bonnes conditions peut probablement vivre plus de 40 ans.
____________________________________________________________________________________________________
Mortalité massive de Pinna nobillis (Source : Agence Française pour la Biodiversité)
Depuis 2016, un épisode de mortalité massive touche les grandes nacres de Méditerranée. Cette mortalité a commencé sur la côte méditerranéenne de l’Espagne où la mortalité a atteint 100 % dans certains secteurs.
Un protozoaire parasite, Haplosporidium pinnae, retrouvé dans la glande digestive des nacres est à l'origine de la mortalité. Le pathogène touche principalement la grande nacre Pinna nobilis et épargne la Pinna rudis, deux espèces présentes dans les eaux de Méditerranée française. On sait peu de chose du parasite sauf que sa prolifération s’accentue avec le réchauffement de la température de l’eau.
La situation en octobre 2018 faisait état de la présence du parasite dans les nacres du golfe d’Ajaccio, du Cap Corse, de Banyuls sur mer, dans la baie de la Ciotat, Alpes-Maritimes et des épisodes de mortalités importantes enregistrées. De nombreux signalements ont été apportés par les gestionnaires d’aires marines protégées, nombreuses sur la façade méditerranéennes et en Corse (réserve naturelle de Cerbère Banyuls, Parc naturels marin du Cap Corse, Parc marin du golfe du Lion, Parc national des Calanques et de Port-Cros, site Natura 2000 de la Corniche varoise). Des analyses sont également en cours sur des nacres en provenance d’autres secteurs (Bouches de Bonifacio, Baie de Calvi, rade de Villefranche….).
Face à ce phénomène, l’Agence française pour la biodiversité et les principaux acteurs (scientifiques, gestionnaires d’aires marines protégées, services de l’État, établissements publics…) ont mis en place un certain nombres d'actions :
Une légende prétend que le byssus* de Pinna nobilis servit à confectionner la "Toison d'Or".
Le pape Benoit XIV reçu en cadeau en 1754 une paire de bas fait de byssus* de grande nacre. La reine Victoria portait des gants de byssus* en provenance d'Italie.
L'épisode létal actuel (2018) dû au protozoaire parasite Haplosporidium pinnae est traité dans le § : vie associée.
Pinna nobilis a été inscrite au registre de l'UICN (Union Internationale pour la Conservation de la Nature) comme étant en Danger Critique d'Extinction (CR) suite à la mortalité massive due à Haplosporidium pinnae.
Elle est sur la liste des invertébrés dont "la destruction, la capture ou l'enlèvement, la naturalisation ou, qu'ils soient vivants ou morts, le transport, le colportage, la mise en vente, la vente ou l'achat" sont interdits (arrêté du 26 novembre 1992).
Elle est également citée dans la législation communautaire (annexe IV de la directive habitat 92/43/CEE concernant la conservation des habitats naturels ainsi que la flore et la faune sauvage).
Elle figure enfin dans l'annexe II de la convention de Barcelone (1995) qui liste les espèces Méditerranéennes en voie de disparition.
Grande nacre : ce bivalve est d'une très grande taille par rapport aux autres bivalves (les moules, par exemple) et l'intérieur des valves est nacré.
Jambonneau de mer de par sa forme.
Pinne noble et pinne géante : traduction du nom scientifique.
Pinna : du latin [pinna] = plume, aile, eube de roure de moulin en référence la forme de la coquille.
nobilis : du latin = connu, célèbre, noble.
Numéro d'entrée WoRMS : 140780
Termes scientifiques | Termes en français | Descriptif | |
---|---|---|---|
Embranchement | Mollusca | Mollusques | Organismes non segmentés à symétrie bilatérale possédant un pied musculeux, une radula, un manteau sécrétant des formations calcaires (spicules, plaques, coquille) et délimitant une cavité ouverte sur l’extérieur contenant les branchies. |
Classe | Bivalvia / Lamellibranchia / Pelecypoda | Bivalves / Lamellibranches / Pélécypodes | Mollusques aquatiques, filtreurs, au corps comprimé latéralement. Coquille composée de 2 valves articulées disposées de part et d’autre du plan de symétrie. Absence de tête, de pharynx, de radula et de glande salivaire. |
Sous-classe | Pteriomorphia | Ptériomorphes | Muscle adducteur postérieur développé, antérieur réduit. |
Ordre | Pterioida | Ptérioïdes | Animaux à coquille en forme d'ailes, souvent inéquivalves. Charnière sans dents. Animaux fixés ou libres. |
Famille | Pinnidae | Pinnidés | Coquille enfoncée verticalement par l'extrémité pointue dans le sable ou la vase, et fixée par un byssus. |
Genre | Pinna | ||
Espèce | nobilis |
Dans une zone de courant
Cette grande nacre est un individu âgé recouvert d'épibiontes. C'est un animal filtreur qui, lorsqu'il n'est pas inquiété, laisse ses valves entre-ouvertes de manière à laisser passer l'eau qui assure sa nutrition et sa respiration (apport de particules planctoniques et d'oxygène par le courant).
Marseille, 15 m
10/2006
Au sein des Posidonies.
Les individus vivent enfouis à 50% sur des fonds sableux ou sablo-vaseux, souvent au sein d'un herbier de phanérogames (posidonies ou zostères).
La Ciotat, 15 m
09/2006
Symbionte
On distingue à l'intérieur de cette grande nacre un crustacé difficile à identifier, s'agit-il d'un Pinnotheres ou d'une Pontonia ?
Impérial de Terre, Marseille
11/08/2004
Epibiontes
Cette grande nacre s'est refermée à l'approche du plongeur. On remarque l'importante colonisation par de nombreux organismes (algues, spongiaires, hydraires,..). On aperçoit sur la droite un bryozoaire (probablement Myriapora truncata ?)
La Ciotat, 15 m
15/09/2006
Épines en forme de gouttière
On distingue bien chez cet individu les épines en forme de gouttière qui recouvrent les parties externes des valves. Le manteau* de l'animal est visible par l'ouverture des 2 valves.
Marseille, 15 m
10/2006
Crevettes commensales
On distingue parfaitement le couple de crevettes dans cette nacre. Il s'agit probablement de Pontonia pinnophylax, une crevette de la même famille que la crevette améthyste Periclimenes amethysteus. La crevette au premier plan est très reconnaissable, celle au second plan paraît blanche, peut-être un effet d'optique dû à l'éclairage ?
Cap d'antibes, 14 m
31/01/2007
Taille
La proximité avec le plongeur permet d'évaluer la taille de cette gande nacre. Elle peut atteindre 1 mètre et cela en fait le plus grand bivalve du monde avec le bénitier.
Cadaques (Espagne), 15 m
18/06/2008
Emission gamétique
Une grande nacre émet ses gamètes ! Ce phénomène n'est que très très rarement observé par les plongeurs (cette photo est peut-être une première dans les eaux azuréennes !) car il semblerait qu'une température minimale de l'eau (26° ?) soit requise, température peu souvent atteinte dans nos eaux.
Ceci avait été artificiellement reproduit en laboratoire par des scientifiques.
Le ruban muco-gélatineux va progressivement se désagréger à son arrivée dans l’eau, libérant ainsi les œufs dans le milieu.
Villefranche-sur-mer (06), 13 m
12/08/2018
Pinna rudis
Pinna rudis peut être confondue avec une jeune Pinna nobilis mais son biotope n'est pas le même. Elle affectionne plutôt les fonds rocheux.
Ténérife, Canaries, 30 m
28/03/2006
Une perle ?
Les Pinna nobilis peuvent sécréter des perles rougeâtres. S'agit-il de cela ici (étrangement située...) ou d'un artéfact ?
Impérial de Terre, Marseille, 22 m
11/08/2004
Environnement meuble
Sur un substrat typique. La transparence du haut des valves et la taille des écailles est caractéristique des jeunes "grandes nacres". Il ne peut s'agir de Pinna rudis absent de cette zone.
Face à l'église du Cros de Cagnes (06), 6 m, de nuit
08/05/2009
Jeune individu enfoui
Cette jeune nacre, à peine visible, est bien incrustée dans le substrat. Il ne peut s'agir de Pinna rudis absent de cette zone.
Plage de la Courtade, Ile de Porquerolles (83), 2 m
15/06/2006
Toque en byssus
Des objets d'apparat en byssus de Pinna nobilis, une toque et deux houppes.
N/A
N/A
Rédacteur principal : Géraldine TEISSEIRE BOISLEUX
Rédacteur : Michel PEAN
Correcteur : Jean-Georges HARMELIN
Responsable régional : Michel PEAN
Catanese G., Grau A., Valencia J.M., Garcia-March J.R., Vázquez-Luis M., Alvarez E., Deudero S., Darribae S., Carballa M.J., Villalba A., 2018, Haplosporidium pinnae sp. nov., a haplosporidan parasite associated with mass mortalities of the fan mussel, Pinna nobilis, in the Western Mediterranean Sea, Journal of Invertebrate Pathology, 157, 9-24.
Darriba S., 2017, First haplosporidan parasite reported infecting a member of the Superfamily Pinnoidea (Pinna nobilis) during a mortality event in Alicante (Spain, Western Mediterranean), Journal of Invertebrate Pathology, 148, 14–19.
De Gaulejac B., Vicente N., 1990, Ecologie de Pinna nobilis (L.) mollusque bivalve sur les côtes de Corse. Essais de transplantation et expériences en milieu contrôlé, Grand Forum de la Malacologie et Symposium int. d'écophysiologie des mollusques, Société Française de Malacologie. Ile des Embiez, Haliotis, 20, 83-100.
Maeder F., 2017, La soie marine et son histoire : un produit textile de la Méditerranée. In González Villaescusa R., Schörle K.,Gayet F., Rechin F., L'exploitation des ressources maritimes de l'Antiquité - Activité productives et organisation des territoires. XXXVIIe rencontres internationales d’archéologie et d’histoire d’Antibes & XIIe colloque de l'association AGER. Éditions APDCA, Antibes, 77-84.
Vicente N., Moreteau J.-C., 1991, Statut de Pinna nobilis L. en Méditerranée (Mollusque eulamellibranche), In Boudouresque C.F., Avon M., Gravez V., Les Espèces Marines à Protéger en Méditerranée, GIS Posidonie Publ., 159-168.
Beaucoup d'informations de cette fiche sont tirées du site dédié à Pinna nobilis : pinnanobilis.free.fr
La page de Pinna nobilis dans l'Inventaire National du Patrimoine Naturel : INPN