Mousse de mai

Phaeocystis globosa | Scherffel, 1899

N° 5874

Mer du Nord, Manche orientale

Clé d'identification

En surface :
Eau de mer verte ou brune
Odeur assez forte
Mousse ou écume sur l’estran (surtout après un coup de vent)

En plongée :
Visibilité très réduite
Petites sphères de quelques millimètres de diamètre en suspension dans l’eau de mer

Noms

Autres noms communs français

Vert de mai, eaux brunes, eaux fleuries, crasse (synonyme d'écume) ou gluant ou limon …

Noms communs internationaux

Tobacco juice, baccy juice, fisherman's signs, foul water, stinking water, Dutchman's baccy juice,weedy water, (GB), Schaumalge, Gallertalge, Algenblüte (ce dernier est un nom générique) (D), Schumalg (NL)

Synonymes du nom scientifique actuel

Autrefois avec l'orthographe Phœcystis.

Distribution géographique

Mer du Nord, Manche orientale

Zones DORIS : ○ [Atlantique Nord-Est, Manche et mer du Nord françaises]

Cette espèce est présente en mer du Nord (Allemagne, Pays-Bas, Belgique et jusqu'aux côtes du Pas-de-Calais et du Pays de Caux en Manche orientale), mais également en mer Noire, en Floride, au Brésil et au Surinam, en Afrique du Sud, dans le sud de la Chine, en Thaïlande, en Nouvelle-Zélande, en Tasmanie, et dans des îles de l' océan Pacifique (Palau, Galapagos) (Lassus & al. 2016).
Les données actuelles indiquent que Phaeocystis globosa est présente presque partout dans le monde, y compris sous les tropiques, mais peut-être à l'exclusion des pôles.

Biotope

Les scientifiques ont constaté qu'elle se développait dans une fenêtre de température de 4 à 22 degrés Celsius et dans des eaux enrichies en nutriments (eutrophes*).

Description

L'écume de couleur blanc crème à brunâtre voire grisâtre couvre l'eau (qui peut être verte ou brune) ou est déposée sur les plages et les rochers du littoral par la marée descendante. Cette écume est formée par une mer agitée, de mars à juin selon les années, à partir du mucus algal à la fin des efflorescences (ou blooms*) planctoniques*. Elle peut devenir nauséabonde quand elle est épaisse (elle a pu atteindre voire dépasser 2 mètres là où le vent et le courant l'accumulent).

Les organismes à l’origine de cette écume sont de petites algues unicellulaires, microscopiques, dépourvues de flagelle*. Elles sécrètent une matrice gélatineuse commune formant des colonies flottant librement. Ces colonies gélatineuses, sphériques, non mobiles, peuvent atteindre 8 à 9 mm de diamètre (et sont donc visibles à l’œil nu). Elles peuvent prendre également une forme ovale ou une forme de saucisse. Les cellules (d’environ 6 µm de diamètre) non flagellées, de couleur jaune-brun pâle sont uniformément réparties à la périphérie de la colonie (environ 10 000 cellules par colonies).

Le stade non colonial est représenté par des algues unicellulaires isolées (3 à 7 µm de diamètre) plus ou moins sphériques, munies de deux flagelles et d’un haptonème (appendice filiforme translucide plus ou moins long). Elles sont visibles uniquement au microscope. Trois types de cellules différentes peuvent être distingués, au microscope, par les spécialistes.

Espèces ressemblantes

Selon WoRMS, il y aurait 10 espèces décrites de Phaeocystis, mais seules huit sont reconnues et trois espèces seulement présentent un stade colonial, les cellules des autres espèces sont solitaires.

Les espèces coloniales sont :
  • Phaeocystis globosa Scherffel, 1900, il semble bien que seule cette espèce soit représentée dans la Manche et dans la moitié méridionale de la mer du Nord (Sournia & al, 1991).
  • Phaeocystis antarctica Karsten, 1905 est présente dans les eaux antarctiques (océan Austral) dans et sous la banquise.
  • Phaeocystis pouchetii (Hariot) Lagerheim ,1896 est présente en Arctique et dans l' Atlantique Nord-Ouest entre 0°C et 14°C. Les cellules sont en groupes, rarement sphériques, séparées les unes des autres par de larges zones de mucilage* sans cellules. Les colonies ont une taille maximale de 2 mm de diamètre.

Actuellement, il existe deux espèces méditerranéennes (P. cordata et P. jahnii), mais elles ne produisent pas de colonies comme les précédentes.

Alimentation

Ces algues microscopiques possèdent deux chloroplastes* qui leur permettent d’effectuer la photosynthèse* en présence de lumière et des mitochondries (centrales énergétiques de la cellule) qui assurent la respiration à l'obscurité.
En présence de lumière, les cellules de la colonie sécrètent l'enveloppe gélatineuse. Les polysaccharides composant cette enveloppe seraient utilisés par les cellules pendant la période d'obscurité, ce qui permet à ces cellules de continuer à croître.

La présence de bactéries dans des vacuoles* de phagocytose de P. globosa ainsi que des analyses bioinformatiques à partir de données de génomique et de transcriptomique de plusieurs espèces d'Haptophytes laissent supposer que plusieurs (mais pas toutes) souches de P. globosa et de P. antarctica peuvent mettre en place une stratégie d’alimentation mixotrophe (les organismes pratiquant la mixotrophie sont autotrophes* -par la photosynthèse- aussi bien que hétérotrophes* consécutivement ou simultanément).

Reproduction - Multiplication

Les Phaeocystis avec un stade colonial comme P. globosa ont un cycle de vie complexe avec deux phases principales bien distinctes :

  • une phase pendant laquelle les cellules sont libres et solitaires ;
  • et une autre où elles se rassemblent en colonies.
C’est uniquement quand les cellules forment des colonies que les efflorescences* peuvent avoir lieu.

Une proposition de cycle est visible dans l'iconographie de cette fiche.

Vie associée

Ces micro-algues sont aussi impliquées dans des symbioses*, par exemple avec l'organisme unicellulaire Lithoptera fenestrata, un acanthaire (Sardet 2013 et 2023).

A l’intérieur des colonies de P. globosa, Scherffel a observé le dinoflagellé Oxyrrhis phaeocysticola Scherffel,1900.

Quelques espèces de diatomées* utilisent les colonies de Phaeocystis en tant qu'habitat mais aussi la gangue muqueuse comme substrat* de croissance (Sahzin, 2007).

De jeunes colonies de Phaeocystis commenceraient leur croissance accrochées aux soies* des diatomées du genre Chaetoceros.

Divers biologie

C’est le seul organisme du phytoplancton* connu pour être capable de devenir très rapidement l’espèce dominante d'un écosystème*.
Les colonies de P. globosa sont caractéristiques des zones eutrophes* et rares dans les colonnes d'eau stratifiée. La mer du Nord, de faible profondeur, est brassée du fond à la surface par les tempêtes d'hiver et n'est donc pas stratifiée.
Lors des efflorescences, on peut dénombrer de 1 à 100 millions de cellules par litre d'eau de mer (voire 4 milliards en août 2001 aux Pays-Bas).
Les efflorescences de P. globosa se développent après les multiplications des populations de diatomées* (printemps phytoplanctonique). Ces dernières sont à l'origine du processus d'épuisement des nutriments (l'azote et le phosphore plus particulièrement).
Du fait de la grande taille des colonies de P. globosa, les consommateurs de phytoplancton comme les copépodes* et les organismes unicellulaires hétérotrophes* peuvent difficilement les manger. Ces organismes ne peuvent donc pas participer à la limitation du développement de l'efflorescence.

Phaeocystis inhibe l’essor des autres organismes par l’utilisation massive des nutriments et par excrétion de substances nuisibles aux autres êtres vivants.
Après épuisement complet des nutriments, les colonies se déforment et commencent à se désintégrer. C'est alors la fin du printemps phytoplanctonique. Une partie tombe sur le fond et une autre est attaquée et consommée par de nombreux micro-organismes : virus spécifiques (provoquant la lyse des cellules), protozoaires* ciliés (comme Strombidium sulcatum), dinoflagellés (comme Gymnodium spp.), etc...
La sédimentation des colonies sur le fond marin peut entraîner un appauvrissement en oxygène (consommé par des bactéries) et la mort des organismes benthiques*.
Lors de la décomposition, en pleine eau, il y a libération de matière organique dissoute riche, entre autres, en mucopolysaccharides. Lors d'une tempête, le vent et l'agitation des vagues déferlantes vont favoriser la formation de la mousse qui se déposera sur le littoral.

Informations complémentaires

La première observation de P. globosa, en mer du Nord, à Heilgoland (archipel du nord de l'Allemagne), a été faite par Scherffeln en 1893.
Une efflorescence a été observée en 1923, devant l’estuaire de la Tamise (Royaume-Uni).
Dans le sud de la mer du Nord et en Manche orientale, depuis 1977, les efflorescences ont lieu pratiquement tous les ans de mars à juin et certaines années un petit peu en octobre.
Les efflorescences dans le sud de la mer du Nord seraient liées aux importants apports fluviaux de sels nutritifs, à l'augmentation de la durée du jour et de la température.
Des observations de poissons comme les harengs (Clupea harengus) ou les maquereaux (Scomber scombrus) évitant les zones d'efflorescences sont citées par l'Ifremer et des effets nuisibles sont observés par les conchyliculteurs.

Les fortes pullulations gênent la pêche, surtout au filet fixe. Les fileyeurs sont plus gênés que les pêcheurs au chalut, notamment à cause du colmatage des filets fixes et des filets à mailles fines. Pour la pêche à la crevette en particulier, les filets sont colmatés ou alourdis par les mucilages* algaux. Par ailleurs, les crépines de prise d'eau de refroidissement des moteurs tendent à se boucher. Les pêcheurs signalent que le phénomène est de plus en plus précoce et long, et que le poisson pêché dans ces filets est anormalement gluant et malodorant et doit être lavé.
Prolifération et coloration des eaux peuvent s’accompagner de mortalité importante de poissons (en Chine, en 1999).

Les colonies de Phaeocystis à l'origine des efflorescences produisent également de grandes quantités d'une molécule soufrée comme le diméthylsulfide (ou DMS). Cette molécule diffuse dans l'air et intervient dans le cycle global du soufre, lequel permet la nucléation des gouttes d'eau et la formation d'une grande partie des nuages qui contribuent à la régulation climatique et aux pluies. En augmentant les pluies, ce type de phénomène peut se traduire par une augmentation du lessivage des terres et donc d'une augmentation de l'eutrophisation* des eaux littorales.

Origine des noms

Origine du nom français

Mousse de mai : une des dénominations donnée par les marins pêcheurs.

Origine du nom scientifique

Phaeocystis : du grec [phaeo- ou phaios] = sombre, brun-verdâtre et du grec [cysti- ou kistis] = vessie, sac, cellule.

globosa : du latin [globosa] = sphérique, rond.

pouchetii : le phycologue (botaniste spécialisé dans l’étude des algues) français Paul Auguste Hariot a décrit cette espèce en 1892 (alors sous le nom deTetraspora pouchetii) en la dédiant au biologiste marin et anatomiste français Georges Pouchet (1833-1894) qui lui avait donné des échantillons provenant des environs des îles Lofoten et des îles Feroe. Il s’agit de la première espèce de Phaeocystis observée et étudiée. Toutefois, le genre Tetraspora appartient à la classe des Chlorophycées (algues vertes, embranchement des Chlorophytes = plantes vertes). En 1893, le phycologue suédois Nils Gustaf Lagerheim (1860-1926) en étudiant ces organismes a précisé que ce taxon appartenait plutôt à un autre embranchement (les Haptophytes), une autre classe (les Coccolithophycées) et à une autre sous-classe (les Prymnesiophycidées) et il a créé le genre Phaeocystis.

Classification

Numéro d'entrée WoRMS : 160538

Termes scientifiques Termes en français Descriptif
Embranchement Haptophyta Haptophytes
Sous-embranchement Haptophytina Haptophytinés
Classe Coccolithophyceae Coccolithophycés
Sous-classe Prymnesiophycideae Prymnesiophycidés
Ordre Phaeocystales Phaeocystales
Famille Phaeocystaceae Phaeocystacées
Genre Phaeocystis
Espèce globosa

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