Bryozoaire encroûtant
Plaque épaisse de quelques millimètres
Coloration beige orangé, mat
Aspect de surface rugueux et très irrégulier
Contour irrégulier, souvent anguleux
Duvet de lophophores très discret
Smittia rouvillei Calvet, 1902
Smittina rouvillei Canu & Bassler, 1930
? Smittina porosa Canu & Bassler, 1930
Smittina tropica Waters, 1909 est une espèce de mer Rouge et de l'océan Indien et absente de Méditerranée. Zabala & Maluquer utilise le nom de Parasmittina tropica (Waters, 1909), synonyme considéré comme non valide aujourd'hui.
Méditerranée
Zones DORIS : ● Europe (côtes françaises), ○ [Méditerranée française]Il s'agit d'une espèce endémique* de la Méditerranée où elle semble présente sur l'ensemble des côtes. Elle est commune sur le littoral français.
D'affinité modérément sciaphile*, ce bryozoaire encroûtant est rencontré sur les parois verticales et les surplombs de la roche et du coralligène* ainsi qu'au pied des posidonies dans les zones bien balayées par les courants marins. Il est présent depuis les premiers mètres et jusqu'à 40 mètres de profondeur environ.
Parasmittina rouvillei forme des colonies encroûtantes de teinte beige orangé plus ou moins clair, bien calcifiées. La taille des colonies est habituellement de 5 à 10 cm de diamètre, leur contour très irrégulier, souvent anguleux. Plusieurs colonies limitrophes peuvent couvrir de grandes surfaces verticales. L'aspect de surface est granuleux, mat et très irrégulièrement bosselé ou strié. Unilamellaires à la marge, les croûtes sont sur leur plus grande surface constituées par un empilement irrégulier et anarchique de plusieurs couches de zoïdes* (plurilamellaire) donnant une épaisseur de quelques millimètres aux colonies.
Les lophophores* de ce bryozoaire sont très discrets, petits, de couleur jaune clair, en forme de cloche, ils portent de 12 à 15 fins tentacules*. Déployés, ils forment un fin duvet translucide à la surface des colonies.
Voir la description microscopique dans la partie "Divers biologie".
Paramittina rouvillei fait partie des espèces difficiles à identifier, à moins de se servir d'une bonne loupe et d'avoir de bonnes figures de référence pour l'aspect des zoïdes. Nombre d'espèces de bryozoaires se présentent sous la forme de plaques encroûtantes de couleur jaune à orangée, en particulier les Schizomavella spp.. Sur les faces verticales des gros blocs (face est ou ouest de l'îlot de la Gabinière à Port Cros, par exemple), Parasmittina rouvillei voisine avec un Schizomavella sp., d'un jaune un peu différent.
D'autres espèces ressemblantes fréquentent les mêmes zones :
- Schizomavella mamillata forme des plaques encroûtantes similaires mais généralement de couleur tirant plus vers l'orange, plus régulièrement bosselées, un peu plus épaisses et à la surface plus régulièrement grenue. Méditerranée.
- Schizomavella monoecencis forme de fines plaques orangées légèrement fluorescentes. Méditerranée et Atlantique Nord-Est limitrophe.
La cellépore pierreuse orange Cellepora pumicosa forme aussi des croûtes orange, mais celles-ci sont nettement plus épaisses, souvent en coupole, de plus l'aspect de surface rugueux est plus régulièrement bosselé. Méditerranée mais aussi Atlantique Nord-Est, Manche et mer du Nord.
Schizobrachiella sanguinea forme des lames plates (croûtes) ou érigées (cornets) de coloration marron rougeâtre à orange foncé avec des bandes plus claires en périphérie (pas toujours). Ses lophophores sont rouge sang. Méditerranée, Atlantique Nord-Est et Manche.
Hors zone de distribution, dans le nord de l'Europe (mer du Nord et Manche), une espèce très proche prend le relais, Parasmittina trispinosa, dont l'aspect de surface est moins irrégulier sans être parfaitement lisse.
Comme les autres bryozoaires, Parasmittina rouvillei filtre activement l'eau de mer afin d'y puiser les particules nutritives et l'oxygène dont elle a besoin pour vivre.
Les autozoïdes* possèdent une couronne de tentacules ciliés*, le lophophore, qui crée un courant d'eau dirigé vers la bouche.
Ces tentacules ciliés, recouverts de mucus, piègent les particules nutritives, micro-organismes planctoniques* et particules organiques, qui sont ensuite amenés jusqu'à la bouche.
Les déchets sont éliminés par l'anus qui débouche à l'extérieur du lophophore.
Comme tous les bryozoaires, cette espèce est capable de se reproduire de manière sexuée. Les œufs fécondés sont incubés dans un zoïde modifié appelé ovicelle*, ils seront libérés sous forme de larves. La larve nageuse va ensuite se fixer pour bourgeonner une nouvelle colonie par multiplication asexuée.
La multiplication asexuée peut aussi se faire à partir d'un fragment cassé ou d'un clivage de la colonie.
Les embryons sont orangés et visibles dans les ovicelles quasiment toute l'année.
Ce bryozoaire est le plus souvent très propre, exempt d'épibiontes macroscopiques.
Description de la famille des Smittinidés (Smittinidae) Levinsen, 1909 :
Les Bryozoaires de cette famille présentent les caractères suivants :
- une paroi frontale (avant de la logette) portant des perforations régulières ou seulement périphériques ;
- un orifice primaire ou aperture* avec une petite dent proximale et médiane en forme de lyre (lyrula*) et/ou une paire de petites dents symétriques (condyles*) ;
- autour de cet orifice, une zone appelée péristome*, formant comme un petit tube avec ou sans épines ;
- des ovicelles* (poches incubatrices) proéminentes, perforées ou non et non recouvertes par l'opercule* ;
- zoïdes* séparés par des cloisons (septula*) entières ou perforées ;
- pas systématiquement présents, des aviculaires * en position suborale ou autour de l'orifice.
Description microscopique de Parasmittina rouvillei :
- Colonie encroûtante uni- ou plurilamellaire, bien calcifiée.
- Les autozoïdes polygonaux de tailles et de positions très variables, inorganisés les uns par rapport aux autres et séparés par des sutures* peu distinctes. Taille des autozoïdes : 0,5-0,9 x 0,3-0,5 mm.
- Paroi frontale légèrement convexe, granuleuse, bordée par un rang de larges pores (18-30), perforée de petits pores irréguliers (en position et en nombre) au centre.
- Ouverture secondaire allongée, piriforme. Ouverture (aperture*) primaire circulaire, péristome plus ou moins élevé, échancré, lyrula* (lyrule) étroite. Condyles* (cardelles) assez forts, au bord émoussé (minuscules denticules*) caractéristique et dirigés vers le fond de l'aperture.
- Le plus souvent non visibles sur les autozoïdes, 2-3 épines (ou tout au moins leur base d'insertion au MEB) peuvent être observées en distal (terminal) de l'ouverture (entre l'ouverture et l'ovicelle, cette zone est nommée l'anter).
- Aviculaires de formes et dimensions diverses présent sur tous les autozoïdes (6 au maximum observés par zoïde). Trois types d'aviculaires ; (1) de taille moyenne à grande, en position proximo-latéral par rapport au péristome et dirigé en proximal, plus ou moins spatulé ; (2) de petite taille, de forme similaire au type 1, emplacement sur la paroi frontal et orientation variable ; (3) de taille petite à moyenne, latéral au péristome et dirigé derrière ou latéralement, forme triangulaire.
- Ovicelle proéminente, globuleuse, criblée de très nombreux pores minuscules pour la portion distale et granuleuse et imperforée pour la portion proximale.
Le genre Parasmittina est très largement représenté dans toutes les mers du globe, plus d'une centaine d'espèces actuelles et plusieurs dizaines d'espèces fossiles sont dénombrées.
Parasmittine de Rouville est une traduction du nom scientifique.
Parasmittina : du grec [para] préfixe signifiant à côté de ou qui ressemble à et de smittina qui provient du nom du professeur Fredrik (Frits) Adam Smitt (1839-1904), un illustre bryozoologiste et ichtyologiste suédois. Il a travaillé au Muséum d'histoire naturelle suédois de Stockholm. Son nom a été utilisé sous plusieurs déclinaisons (espèce, genre, famille), toujours pour le groupe des bryozoaires : Smittina, smitti, Smittoidea, Parasmittina ...
Donc "ressemble au genre Smittina".
rouvillei : ? peut-être en l'honneur d'un certain E. de Rouville contemporain et collègue de l'auteur de la description L. Calvet.
Numéro d'entrée WoRMS : 221563
Termes scientifiques | Termes en français | Descriptif | |
---|---|---|---|
Embranchement | Bryozoa / Ectoprocta | Bryozoaires / Ectoproctes | Petits animaux coloniaux filtreurs aquatiques fixés à un substrat. Tous les zoïdes sont en continuité physique et issus de bourgeonnement à partir d’un individu unique. Chaque zoïde porte un lophophore rétractile et est abrité dans une logette. |
Classe | Gymnolaemata | Gymnolèmes | Colonies polymorphes. Les zoïdes sont cylindriques ou aplatis, les lophophores circulaires. Les parois peuvent être calcifiées ou non. Presque tous marins. |
Ordre | Cheilostomatida | Cheilostomes | Bryozoaires calcifiés, zoïdes* en forme de boîte obturée par un opercule à charnière. Gymnolèmes les plus nombreux et les plus diversifiés des régions littorales, souples à rigides. Groupe au polymorphisme marqué où l’on trouve des individus différenciés (aviculaires, vibraculaires, ovicelles globuleux…). |
Sous-ordre | Neocheilostomatina/Ascophora | Ascophores | Paroi frontale calcifiée sous laquelle un sac flexible invaginé s'ouvre sur l’extérieur par un pore médian situé derrière le péristome et nommé ascopore. |
Famille | Smittinidae | Smittinidés | Zoïdes très calcifiés, colonies encroûtantes ou arbustives, 25 genres environ. |
Genre | Parasmittina | ||
Espèce | rouvillei |
Croûte dure jaune orangé clair
Parasmittina rouvillei forme des colonies encroûtantes bien calcifiées de 5 à 10 cm de long et de teinte beige orangé plus ou moins clair. Ce bryozoaire commun dans les eaux méditerranéennes françaises dans la zone d'évolution des plongeurs autonomes (0-40 m) s'implante préférentiellement sur des surfaces dures verticales ou les surplombs.
Les Fourmigues, Giens (83), 15 m
04/08/2007
Plaque granuleuse d'aspect mat
Le plus souvent les colonies présentent un aspect de surface mat, granuleux plus ou moins fripé, parfois irrégulièrement bosselé.
Les Fourmigues, Giens (83), 12 m
27/07/2008
Expansion rapide
Les stries de croissance de cette colonie en pleine santé s'observent facilement. Ce bryozoaire gagne du terrain sur les éponges et les algues encroûtantes avoisinantes.
Port Cros, la pointe du Vaisseau, 18 m
01/06/2009
Large couverture du substrat dur
Parasmittina rouvillei peut recouvrir de larges surfaces sur les tombants bien exposés aux courants réguliers. L'aspect bosselé de sa surface peut le faire confondre avec une espèce également très abondante dans le même biotope méditerranéen Schizomavella mamillata.
Port Cros, la Gabinière ouest, 17 m
31/05/2009
Au pied des posidonies
Parasmittina rouvillei affectionne l'herbier de posidonie en se fixant sur les rhizomes et les parties érigées de la matte, particulièrement dans les zones traversées par des courants constants.
Les lophophores de ce bryozoaire sont très discrets, petits, jaune clair et quasiment transparents, vous pouvez observer le duvet formé par ces derniers en vue rasante à droite et à gauche de cette colonie.
Galeria, La Faille, 15 m
16/10/2007
Croûtes beige orangé et granuleuses
La surface irrégulière, bosselée et plus ou moins fripée est caractéristique de cette espèce.
Le port, STARESO, Corse, 12 m
22/10/2008
Jeune colonie au pied des posidonies
Sur cette petite colonie la relative inorganisation des zoïdes entre eux est déjà bien perceptible. Les petits tubes érigés prolongeant les ouvertures par où s'extirpent les lophophores sont bien visibles.
Morsetta, Galeria, Corse, 20 m
15/10/2007
En compagnie de Reptadeonella violacea
Sur une surface dure récemment immergée, Parasmittina rouvillei (plaques beiges) s'est rapidement installé en compagnie d'un autre bryozoaire encroûtant noir Reptadeonella violacea.
Marseille (13), 26 m
06/10/2010
Colonie fille
La multiplication asexuée peut aussi se faire à partir d'un fragment cassé de la colonie en plusieurs colonies filles.
Calvi, STARESO, le Port, 8 m, de nuit
20/10/2008
Colonie partiellement prélevée (échantillon n°1)
Pour étude et observation microscopique, un petit fragment (nommé échantillon n°1) a été prélevé au centre de cette colonie. Noter que ce qui ressemble à de petites touffes d'algues brunes filamenteuses autour de Parasmittina rouvillei sont en fait aussi de petits bryozoaires rameux appartenant à plusieurs espèces et principalement à Savignyella lafontii.
Corse, Calvi, sud Revelatta, 22 m
20/10/2008
Colonie épaisse (échantillon n°2)
Pour étude et observation microscopique, un petit fragment (nommé échantillon n°2) a été prélevé sur cette colonie azuréenne.
Côte d'Azur (06)
31/07/2011
Organisation des zoïdes et colonie fertile
Si sur la marge de la colonie les individus (zoïdes) s'organisent en lignes radiaires relativement régulières, il n'en va plus du tout de même au centre où plusieurs couches de zoïdes s'empilent, au moins en apparence, de façon anarchique. La marge montre une fine lame translucide et conquérante responsable de la croissance horizontale.
Port Cros, la pointe du Vaisseau, 18 m
01/06/2009
Aviculaires et ovicelles (échantillon n°1)
Les longs et volumineux aviculaires spatulés, inconstants d'un individu à l'autre, sont orientés dans l'axe du zoïde (voir "divers biologie", aviculaire de type 1).
Les ovicelles placées en arrière de l'ouverture (en position distale) montrent une paroi finement perforée.
Les gros pores, en périphérie et régulièrement espacés, de la paroi frontale délimitent le contour de chaque individu.
STARESO, Calvi, Corse, 22 m (prélèvement)
23/10/2008
Ovicelles, ouvertures et pores (échantillon n°3)
Les ovicelles sont proéminentes, globuleuses, les ouvertures arrondies avec une échancrure (sinus) proximale, les pores périphériques de grande taille au nombre de 18 à 30.
Côte d'Azur (06)
11/09/2009
Colonie ovicellée in situ
Portion centrale d'une grande colonie. Notez les ovicelles perforées et contenant des larves orangées.
Le Mugel, La Ciotat (13), 15 m
13/05/2017
Tubes péristomiaux (échantillon n°4)
La collerette bordant et protégeant les ouvertures peut présenter deux expansions latérales triangulaires.
Côte d'Azur (06)
11/09/2009
A la binoculaire (échantillon n°1)
Sur cette zone formée de plusieurs couches juxtaposées de zoïdes, une certaine anarchie semble régner ! Ouvertures, petits tubes péristomiaux et gros aviculaires spatulés sont bien visibles.
STARESO, Calvi, Corse, 22 m (prélèvement)
23/10/2008
Au MEB (échantillon n°1)
Cherchez bien !, il s'agit du même échantillon que la photo précédente.
STARESO, Calvi, Corse, 22 m (prélèvement)
23/06/2009
Petits aviculaires et pores
Les sutures entre individus sont bien visibles à ce fort grossissement ainsi que les nombreux petits aviculaires spatulés ou triangulaires (voir "divers biologie", type 2 et 3) autour des ouvertures.
Echelle : 200 µm.
Liban, Tripoli, île de Ramkine, 14 m, surplomb (prélèvement)
10/12/2008
Détail d'un individu avec six aviculaires ! (MEB)
Six aviculaires sont présents sur cet individu libanais, il s'agit du nombre maximal observé* à ce jour sur un seul autozoïde.
Echelle : 200 µm.
*Harmelin J.-G., Bitar G. & Zibrowius H. 2009, Smittinidae (Bryozoa, Cheilostomata) from coastal habitats of Lebanon (Mediterranean sea), including new and non-indigenous species, Zoosystema, 31(1), 163-187
Liban, Tripoli, île de Ramkine, 14 m, surplomb (prélèvement)
10/12/2008
Ovicelles partiellement perforées et épines inconstantes (échantillon n°3)
1 : ovicelle perforée dans sa portion distale,
2 : ovicelle imperforée dans sa portion proximale,
3 : très rarement visible, la base d'insertion des 3 épines (entre l'ouverture et l'ovicelle) est observée ici sur des individus jeunes en haut de cette photo (3 petites flèches verticales).
Côte d'Azur (06)
16/12/2009
Lyrules et condyles (échantillon n°1)
Lyrules ou lyrula (carrés orange) et sa paire de condyles ou cardelles (cercles orange).
STARESO, Calvi, Corse, 22 m (prélèvement)
2009
Lyrule et condyles à un très fort grossissement
Cette photo au Microscope Electronique à Balayage (MEB) illustre la difficulté à bien identifier un bryozoaire, le condyle ou cardelle (2) arrondi et bordé de minuscules denticules est un caractère spécifique de Parasmittina rouvillei, encore faut-il pouvoir l'observer !
1 : lyrule ou lyrula.
Echelle : 50 µm.
Liban, Tripoli, île de Ramkine, 14 m, surplomb (prélèvement)
10/12/2008
Rédacteur principal : Frédéric ANDRÉ
Correcteur : Jean-Georges HARMELIN
Responsable régional : Frédéric ANDRÉ
Calvet L., 1902, Bryozoaires marins de la région de Cette, Travaux de l'Institut de Zoologie de Montpellier & Station Maritime de Cette, mémoires (série 2) 11, 1-103
Harmelin J.-G., Bitar G. & Zibrowius H. 2009, Smittinidae (Bryozoa, Cheilostomata) from coastal habitats of Lebanon (Mediterranean sea), including new and non-indigenous species. Zoosystema 31(1), 163-187
Hayward P.J. & McKinney F.K., 2002, Northern Adriatic Bryozoa from the vicinity of Roving, Croatia, Bull. American Museum of Natural History 270, 1-139
La page sur le genre Parasmittina sur le site de référence Bryozoa.net