Langouste rouge

Palinurus elephas | (Fabricius, 1787)

N° 1193

Atlantique Nord-Est, Manche, Méditerranée

Clé d'identification

Taille jusqu'à 30 à 50 cm
Antennes très longues
Carapace bombée latéralement et recouverte de tubercules pointus
Couleur rouge à brun-violet, plus ou moins sombre, avec des marbrures plus claires
A l'avant de la carapace, deux fortes épines triangulaires
Cinquième paire de pattes locomotrices bien plus courte que les autres

Noms

Autres noms communs français

Langouste européenne, langouste commune, "Grill", grilh-mor, gavr-mor (noms bretons), Morc'hewr (Côtes d'Armor)

Noms communs internationaux

Common spiny lobster, crayfish (GB), Aragosta (I), Langosta, llagosta (E), Lagosta-castanhua (P), Europaïsche Languste (D), Langoest (NL)

Synonymes du nom scientifique actuel

Palinurus vulgaris Latreille, 1803

Distribution géographique

Atlantique Nord-Est, Manche, Méditerranée

Zones DORIS : ● Europe (côtes françaises), ○ [Méditerranée française], ○ [Atlantique Nord-Est, Manche et mer du Nord françaises]

La langouste est présente depuis le sud de la Norvège [un signalement douteux] (mais absente en mer du Nord) jusqu'en Mauritanie, et dans les 2/3 occidentaux de la Méditerranée.

Biotope

La langouste affectionne les anfractuosités, les failles notamment, où elle pourra se sentir en sécurité durant son repos diurne.
Elle se rencontre depuis la surface jusqu'à 150 m de profondeur. En Méditerranée, elle descend plus bas à cause d'une température d'eau plus élevée qu'en Atlantique. C'est surtout dans l'espace médian, aux alentours de 25 m qu'elle est observée.
Les juvéniles vivent à des profondeurs plus faibles, 15 à 25 m, et se rencontrent souvent dans les herbiers de posidonies.

Description

Avec sa taille pouvant atteindre 30 à 50 cm et ses antennes plus longues encore, il devrait être aisé de reconnaître la langouste commune. Elle possède un corps très allongé et une carapace bombée latéralement et recouverte de tubercules pointus. Elle est de couleur rouge à brun-violet, plus ou moins sombre, avec des marbrures plus claires, y compris sur les antennes, et elle possède des lignes blanches sur les péréiopodes* (pattes marcheuses). Celles-ci sont dépourvues de pinces (voir toutefois une exception chez la femelle). A l'avant de sa carapace on peut distinguer deux fortes épines triangulaires, dirigées vers l'avant et évoquant des cornes, elles dominent les yeux sur leur bord interne. Entre ces cornes il y a un espace pourvu de petits denticules et, en position médiane, un petit rostre*. Les yeux sont pédonculés.
Le premier péréiopode est granuleux et il possède un article, le propode* (celui qui porte la partie mobile de la pince) surmonté d'une épine en position antérodorsale. La cinquième paire de pattes locomotrices est bien plus courte que les autres.
Chez la femelle, cette paire de pattes se termine par une petite pince qui permet d'apporter des soins aux œufs au cours de l'incubation. La femelle possède également des appendices abdominaux biramés* (divisés).
Chaque segment abdominal porte une tache jaunâtre de part et d'autre de l'axe de symétrie.
La queue se termine en un bel éventail formé de cinq palettes très minces.

Espèces ressemblantes

La langouste rose, ou langouste de Mauritanie, Palinurus mauritanicus Gruvel, 1911 est très ressemblante, mais celle-ci

  • vit à des profondeurs bien plus importantes : surtout entre 150 et 300 m (jusqu'à 748 m),
  • possède une concavité moins importante entre les épines frontales,
  • ne possède pas d'épine sur le propode du premier péréiopode,
  • ne possède pas de ligne blanche sur les pattes marcheuses.

Alimentation

La langouste se nourrit surtout d'échinodermes de tous types et de mollusques dont elle parvient à briser les coquilles grâce à ses fortes pièces buccales. Opportuniste, elle peut se nourrir également d'algues, d'éponges, de bryozoaires, d'annélides et au besoin d'autres crustacés et de poissons. Elle ne dédaigne pas les cadavres, c'est d'ailleurs ce qui l'amène dans les casiers.

Reproduction - Multiplication

La maturité sexuelle est variable selon les sexes et selon les zones géographiques. En général elle est plus précoce pour le mâle (4 ans en Méditerranée).
L'accouplement se passe durant l'été, les deux individus mettent en contact leur sternum* (face ventrale de leur carapace). Le mâle place à la partie inférieure du sternum de la femelle une ou deux masses blanches et gélatineuses. Il s'agit des spermatophores*, qui contiennent dans une structure protectrice les spermatozoïdes.
Ensuite a lieu la ponte elle-même : la femelle dispose son abdomen replié vers l'avant pour recueillir les œufs. Avec les pinces de sa cinquième paire de pattes locomotrices (pinces que le mâle ne possède pas) elle déchire l'enveloppe des spermatophores, ce qui permet aux spermatozoïdes de féconder les ovules qui sont émis par les orifices génitaux situés à la base de la troisième paire de pattes. Les ovocytes fécondés deviennent alors des œufs d'un millimètre de diamètre environ qui se fixeront sur les soies des appendices abdominaux. Ils s'y agglomèreront par grappes. On dit alors que la femelle est "grainée".
Une femelle de 23 cm de longueur pond environ 13 000 œufs, une femelle de 34 cm pond 134 000 œufs.
L'incubation peut durer de 5 mois en Méditerranée à 8 mois en Atlantique, suivant la température de l'eau. 70 à 75 % des œufs pourront connaître l'éclosion qui se déroulera en hiver en Méditerranée et au printemps en Bretagne.
A la naissance les larves* font 3 mm de long et sont nommées "phyllosomes". Étymologiquement : "corps en feuille", car elles sont très aplaties dorso-ventralement. Cette forme permet un transport dans le plancton et donc une dissémination des individus. Comme tous les crustacés elle subira un certain nombre de mues, plus d'une dizaine, pour acquérir sa morphologie définitive. C'est vers 24 à 25 mm que celle-ci apparaît. Il faut 5 à 6 mois en Méditerranée pour atteindre ce stade. Durant cette période, les variations de paramètres de l'environnement peuvent affecter le développement des larves et donc celui des populations de langoustes.

Une langouste mâle de 15 ans pèse 2,250 kg environ. Parfois des individus de 4 kg sont pêchés (on cite également des individus de 8 kg...), ce qui laisse présumer une longévité importante (jusqu'à 130 ans).

Vie associée

Contrairement à ce qui peut être vu sur la carapace des homards, il semble rare d'observer une épibiose* sur celle des langoustes.

Divers biologie

La langouste est une espèce grégaire, il n'est pas rare d'observer plusieurs individus dans la même anfractuosité rocheuse.

Elle est capable d'émettre des bruits caractéristiques assez sonores, du type "grognements", en frottant la base de ses antennes contre la tête.

Son mode de déplacement ordinaire est la marche, mais elle est capable en cas de nécessité d'effectuer une nage de fuite vers l'arrière en repliant son abdomen de manière répétée et très rapide.

Certains auteurs indiquent des migrations vers des zones plus profondes en hiver.

Jean-Marc BADIE, moniteur au centre de plongée "Le Poulpe" de Barcarès (66), a été témoin d'une migration de langoustes.
Ce phénomène exceptionnellement observé s'est déroulé en mai ou juin, au début des années 2000, au large du Barcarès, plus précisément juste après le plateau rocheux appelé le Grand Roc.
Voici comment il décrit ce qu'il a observé :
"L'observation a été réalisée lors d'une plongée technique sur un fond sablonneux sur 42 m de fond, à proximité d'un sec rocheux. Avec mon élève nous sommes tombés sur des colonnes de langoustes qui avançaient les unes derrières les autres. Chaque colonne était composée d'une quinzaine d'individus. Ce jour là, nous avons arrêté la technique et, pendant 12 minutes de plongée nous avons pu apprécier le spectacle. Les langoustes avançaient à la file indienne, la première ouvrait le chemin et les autres la suivaient. Elles restaient en contact les unes avec les autres grâce à leurs antennes qui touchaient la carapace de la langouste qui la devançait. Elles n’avançaient pas très vite, mais toutes les colonnes allaient dans le même sens, du nord vers le sud, le long d'une cassure du sec. Ce jour là, j'ai du voir une vingtaine de colonnes."
Jean-Marc BADIE précise les conditions favorables à l'observation des langoustes dans ce secteur de plongée :
"L'été dernier (au mois de juillet) on a plongé sur ce site trois matinées d'affilées. Les deux premières matinée, l'eau au fond était entre 14 et 16°C et on a pu apprécier le site avec beaucoup de langoustes. La 3e matinée, il n'y avait plus de thermocline et l'eau était à 18°C au fond. Le site était dépourvu de langoustes aussi bien sur le sec que sur la cassure."

Les observations en plongée de Jean-Marc BADIE confirment une observation réalisée par le pêcheur du village de Port-Cros (dans les années 2000) et mentionnée dans une publication de Pierre NOËL : les langoustes feraient des déplacements orientés car il lui arrive de les capturer toutes disposées dans le même sens dans le filet.

Informations complémentaires

En aucun cas le plongeur ne saisira les antennes d'une langouste ! Il risquerait de briser ces appendices sensoriels relativement fragiles et importants pour l'animal. Tout au plus il pourra avancer ses doigts et laisser le crustacé explorer la surface des appendices charnus de cet étrange vertébré amphibie...

La langouste est bien une espèce benthique.... contrairement à ce que prétendaient deux plongeurs, surpris au palier avec des langoustes à leur côté par des forces de l'ordre sous-marines, et qui ont alors prétendu que celles-ci avaient nagé jusqu'à eux !

La mise en place d'une pêche spécifique à la langouste ne date que du début du vingtième siècle. Elle a connu un maximum de captures après la Seconde Guerre mondiale : plus de 2 000 tonnes annuelles débarquées dans les ports de France. Actuellement, les prises françaises se réduisent à moins de 100 tonnes annuelles ...

La langouste se capture au casier mais aussi au trémail ou au filet maillant. L'inconvénient de ces captures avec filets est qu'elles ne sont pas sélectives.

La longue durée du cycle de développement de la langouste est un obstacle au rendement de son aquaculture. Les premiers stades larvaires seulement sont assez faciles à obtenir, la suite du développement est actuellement quasi impossible à réaliser au moins au niveau semi-industriel.

Il y a "grave surexploitation de la langouste rouge", selon un rapport IFREMER (Brest) de 2005. Les expériences de lâchers de juvéniles tentées avec le homard ont des retours médiocres, et par ailleurs, il y a difficulté pour obtenir les juvéniles. Les seules solutions pour garantir la pérennité de la ressource semblent être :
- la limitation des individus capturés à une taille supérieure à la taille actuelle,
- la fermeture saisonnière de la pêche,
- le rejet des femelles "grainées",
- la modulation des pratiques de pêche dans certaines zones délimitées. Notamment en interdisant les filets là où subsistent des géniteurs.

Statuts de conservation et réglementations diverses

Convention de Barcelone : en Annexes II et III

CITES (Convention de Washington) : en Annexes I et II

Sur le littoral atlantique, la taille réglementaire de pêche est de 11 cm pour le céphalothorax.
En Corse, la taille réglementaire de pêche est de 9 cm pour le céphalothorax.

Depuis 2013, la langouste rouge est classé VU (Vulnérable) dans la Liste Rouge des espèces menacées de l'UICN*.

Origine des noms

Origine du nom français

La langouste tire son nom du provençal "langosta", dérivé du latin populaire "lacusta", dérivé du latin [locusta] qui désignait à la fois la sauterelle et la langouste elle-même.

Origine du nom scientifique

Palinurus : du grec [palin] = arrière, à l'envers, à rebours (même sens que l'anglais back), et du grec [oura] = la queue : donc qui se tient avec la queue repliée sous l'abdomen. Ce nom était aussi celui d'un pilote d'Enée.

elephas : probablement en raison de la taille imposante de ce crustacé en général, ou du spécimen qui a servi à la description de l'espèce.

Classification

Termes scientifiques Termes en français Descriptif
Embranchement Arthropoda Arthropodes Animaux invertébrés au corps segmenté, articulé, pourvu d’appendices articulés, et couvert d’une cuticule rigide constituant leur exosquelette.
Sous-embranchement Crustacea Crustacés Arthropodes à exosquelette chitineux, souvent imprégné de carbonate de calcium, ayant deux paires d'antennes.
Classe Malacostraca Malacostracés 8 segments thoraciques, 6 segments abdominaux. Appendices présents sur le thorax et l’abdomen.
Sous-classe Eumalacostraca Eumalacostracés Présence d’une carapace recouvrant la tête et tout ou partie du thorax.
Super ordre Eucarida Eucarides Présence d'un rostre.
Ordre Decapoda Décapodes La plupart marins et benthiques. Yeux composés pédonculés. Les segments thoraciques sont fusionnés avec la tête pour former le céphalothorax. La première paire de péréiopodes est transformée en pinces.  Cinq paires d'appendices locomoteurs (pinces comprises).
Sous-ordre Achelata Achélates Les achélates (anciennement palinoures) sont caractérisés par une première paire d'appendices dépourvue de pinces : ce sont les langoustes et les cigales de mer.
Famille Palinuridae Palinuridés
Genre Palinurus
Espèce elephas

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