Squelette siliceux en forme de panier comportant un anneau basal hexagonal et un anneau apical également hexagonal, connectés par 6 tubes
6 longues épines, dont 2 parfois plus longues que les autres, à chaque sommet de l’hexagone basal
Présence de petites épines, orientées vers l’intérieur, sur l’anneau basal
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Dictyocha speculum Ehrenberg, 1839
Cannopilus calyptra Haeckel, 1887
Distephanus speculum (Ehrenberg) Haeckel, 1887
Stephanocha speculum (Ehrenberg) K. McCartney & R.W.Jordan, 2015
Atlantique, Méditerranée
Zones DORIS : ● Europe (côtes françaises), ○ [Atlantique Nord-Est, Manche et mer du Nord françaises], ○ [Méditerranée française], ● Atlantique Nord-OuestCette espèce, cosmopolite, se rencontre dans la plupart des eaux marines froides et tempérées mondiales. En Méditerranée, l’espèce est limitée au nord-est du bassin méditerranéen, où la température de l’eau descend sous les 12 °C en hiver.
Espèce planctonique*.
Octactis speculum est une algue unicellulaire (visible au microscope optique) qui peut se présenter sous plusieurs formes : une forme nue, une forme dotée d’un squelette et une forme plurinucléée. Une forme plurinucléée* amiboïde (qui se déplace par émission de pseudopodes*) a également été identifiée en culture, mais jamais observée en milieu naturel.
La forme la plus visible, faisant l’objet de cette fiche, est celle comportant un squelette siliceux, vraisemblablement externe, formé de tubes. Cet exosquelette* présente l’allure générale d’un panier orné de 6 longues épines : composé d'un anneau basal, hexagonal, relié à un anneau apical* nettement plus petit, également hexagonal mais presque circulaire en interne. La liaison entre ces deux anneaux est assurée par six tubes régulièrement répartis, appelés trabécules. L’anneau basal est orné de six longues épines, orientées vers l’extérieur, placées à chaque sommet de l’hexagone. Il est également orné de six petites épines, orientées vers l’intérieur. Les longues épines peuvent être de longueur égale mais il arrive fréquemment que deux épines opposées soient plus longues que les 4 autres.
Cette algue, comme beaucoup de silicoflagellés, présente d’importantes variations morphologiques intraspécifiques, mais les éléments évoqués ci-dessus sont généralement présents, même s’ils peuvent disparaître chez des formes régressées. Il existe également des formes aberrantes (notamment une forme présentant une symétrie d’ordre 7).
Le diamètre global du squelette est classiquement de l’ordre de 60 microns, le diamètre de l’anneau basal étant de 20 à 30 microns.
Chez les cellules vivantes, le contenu de la cellule occupe la quasi-totalité de l’espace circonscrit par le squelette et il donne naissance à de nombreux pseudopodes* très fins. La cellule algale comporte un pyrénoïde* au sein de chaque chloroplaste*, ces derniers, petits et discoïdes, de couleur jaunâtre à brun-verdâtre, étant plutôt positionnés en périphérie. Elle contient 6 appareils de Golgi. Le noyau est situé au centre de la cellule et est séparé des chloroplastes périphériques par des vacuoles* (caractéristique retrouvée chez toutes les dictyochales).
Sur les spécimens vivants, il est possible d’observer la présence d’un long flagelle*, courant le long d’une des épines. Ce flagelle est antérieur (donc tirant la cellule lors de ses déplacements). En microscopie électronique, il est possible d’observer la présence d’un second flagelle, limité à sa partie basale et donc très court (0,6 microns).
La forme nue a l'apparence d’une cellule presque circulaire, d’environ 20 microns de diamètre, avec un méplat sur la partie antérieure. Elle comporte deux flagelles, l’un très long (20 à 30 microns) et fin, l’autre court et épais, situé à côté. Elle ne comprend qu’un seul noyau et 5 appareils de Golgi, situés à l’avant du noyau. Les flagelles sont antérieurs. Les chloroplastes sont nombreux (entre 30 et 50 par cellule) et contiennent chacun un pyrénoïde. Des vacuoles séparent le noyau de la zone comportant des chloroplastes.
La forme plurinucléée resssemble à une sphère de grande taille (plus de 500 microns de diamètre), avec de très nombreux chloroplastes, souvent regroupés. De nombreux petits points rouges sont visibles dans le cytoplasme*. Celui-ci comporte de nombreuses vacuoles.
La forme très particulière de Octactis speculum rend toute confusion impossible. Trois espèces, rattachées au genre Dictyocha jusqu’aux travaux de Chang & al. en 2017, présentent une morphologie approximativement similaire. Octactis speculum comporte six longues épines, Octactis octonaria comporte huit épines et Dictyocha fibula comporte 4 épines.
Octactis speculum est une algue autotrophe* photosynthétique*. L'algue tire son énergie de la lumière solaire, et grâce à la dissociation des molécules d'eau et à l'absorption de dioxyde de carbone et des sels minéraux dissous dans l’eau, elle fabrique les matières organiques nécessaires à son développement.
Bien que les différents stades de Octactia speculum soient aujourd’hui connus, la manière dont ils s’agencent dans le cycle de vie de l’espèce ne l’est pas (on trouve de manière simultanée des formes nues, des formes à squelette et des formes plurinucléées*). Il est aujourd’hui supposé que le stade plurinucléé correspond à une phase intermédiaire entre deux phases de croissance de l’espèce ou à une phase de dormance. La mise en culture d’individus de forme nue a conduit à l’apparition de cellules plurinucléées. La mise en culture d’individus de la forme à squelette a conduit à l’apparition de cellules reliées entre elle par des ponts cytoplasmiques, puis de cellules plurinucléées.
Il existe une reproduction asexuée chez les formes nues et à squelette. La reproduction asexuée de la forme à squelette, par division, conduit à l’existence d’individus temporairement à double squelette (individus en cours de division). Le second squelette est construit en miroir au premier et positionné face à l’anneau basal (le plus grand). Les deux squelettes sont très proches l’un de l’autre, au point qu’ils sont initialement indissociables. Contrairement à ce qui se produit avec les diatomées*, la taille du squelette fils est similaire à celle du squelette père. La reproduction asexuée maintient donc la taille des individus dans la colonie.
Il n’y a pas de reproduction sexuée connue chez cette espèce aujourd’hui.
Cette espèce est réputée pour ses efflorescences* qui peuvent causer des mortalités piscicoles, essentiellement par effet mécanique pour ce qui concerne la forme dotée d’un squelette (le squelette irrite les branchies* des poissons, qui sécrètent alors un mucus qui vient empêcher le fonctionnement normal des branchies). Des blooms* algaux sont également connus pour la forme nue et les dommages à la faune sont alors liés à l’anoxie* générée par ces blooms (des essais de toxicité sur des souris n’ont pas mis en évidence de toxicité particulière de cette forme). Ces blooms sont généralement dus à des apports massifs de substances nutritives, en particulier de phosphore et sont d’autant plus importants que ces apports s’accompagnent d’une baisse de la salinité.
Les chloroplastes* de Octactis speculum contiennent de la chlorophylle* a et les trois types de chlorophylle c accessoire (c1, c2 et c3) ainsi que de la fucoxanthine.
Des mises en culture de Octactis speculum ont été réalisées afin de mieux cerner son cycle de vie. Ces cultures ont permis de déterminer que l’optimum de salinité pour la forme nue se situe entre 20‰ et 25‰. L’optimum de température est compris entre 11 °C et 17,5 °C pour une salinité de 20‰ et est compris entre 11°C et 15°C pour une salinité de 30‰. L’espèce disparaît au-dessus d’une température de l’eau de 20°C.
Les silicoflagellés, groupe auquel appartient Octactis speculum, sont aujourd’hui représentés par un petit nombre d’espèces vivantes. Ces algues ont eu une importance considérable dans certaines périodes géologiques et l’accumulation de leurs squelettes siliceux, avec ceux de diatomées, a conduit à la création de roches siliceuses particulières (diatomites). Compte tenu de leurs preferenda bien spécifiques en matière de température, les silicoflagellés sont fréquemment utilisés en paléoclimatologie pour évaluer la température des océans (notamment en évaluant les ratios entre différentes espèces). Ils peuvent également être utilisés pour étudier les évolutions de l’apparition du phénomène El Niño dans le temps.
La classification des silicoflagellés a très longtemps été fondée sur l’étude morphologique de leur squelette siliceux (principalement celui des espèces fossiles), induisant des évolutions importantes selon les auteurs. La taxonomie des Dictyochales, ordre auquel appartient Octactis speculum, a fait l’objet d’une profonde révision très récemment (2017), sur la base d’une étude fondée sur des données morphologiques, ultrastructurales, biochimiques et moléculaires. Ceci a, paradoxalement, conduit à classer cette espèce à 6 épines dans un genre dont le nom fait référence à des espèces présentant 8 épines.
Silicoflagellé à 6 branches : c'est le nom le plus explicite. Les noms scientifiques sont peu attractifs pour les franciser.
Le phycologue allemand Josef Schiller (1877-1960) a désigné en 1926 le genre Octactis sur la base d’un critère marquant de l’espèce type (Octactis octonaria), à savoir la présence de 8 épines. Ce nom est constitué du préfixe latin [octo-] signifiant 8 et du suffixe [actis] =épine.
Le nom d’espèce speculum provient du latin [speculum] qui signifie miroir, allusion à la ressemblance de cette espèce avec les miroirs de beauté.
Numéro d'entrée WoRMS : 1310442
Termes scientifiques | Termes en français | Descriptif | |
---|---|---|---|
Embranchement | Ochrophyta | Ochrophytes | ou Hétérokontes, ou Straménopiles: présence d'un stade unicellulaire à 2 flagelles, un lisse et un à poils tubulaires. |
Sous-embranchement | Phaeista | ||
Classe | Dictyochophyceae | Dictyochophycées | |
Ordre | Dictyochales | ||
Famille | Dictyochaceae | Dictyochacées | |
Genre | Octactis | ||
Espèce | speculum |
Vue au microscope d'un squelette
On peut observer l’anneau apical circulaire, au centre, et l’anneau basal hexagonal comportant de petites épines. Les 6 trabécules ( les 6 tubes) connectant les 2 anneaux sont également bien visibles.
Photographie
au microscope d’un individu prélevé dans le port de Binic (22) – Objectif x40 –
Image obtenue par empilement de plusieurs images afin d’obtenir une image nette
sur la totalité de la hauteur du spécimen
26/10/2024
Vue au microscope d’un squelette
Cette image,
composée d’un seul cliché contrairement à la précédente, permet de comprendre
l’organisation tridimensionnelle de Octactis
speculum. L’anneau apical, sur lequel est faite la mise au point,
est ici au premier plan et l’anneau basal, hexagonal, est en arrière-plan.
Photographie
au microscope d’un individu prélevé dans le port de Binic (22) – Objectif x40
26/10/2024
Vue au microscope d’un squelette en éclairage fond noir
Photographie au microscope d’un individu prélevé dans le port de Binic (22) – Objectif x40– Image obtenue par empilement de plusieurs images afin d’obtenir une image nette sur la totalité de la hauteur du spécimen
26/10/2024
Individu vivant vu au microscope.
Cette microphotographie permet de voir un individu vivant, ce qui est rare car les conditions de prélèvement habituelles stressent les cellules, qui quittent alors leur squelette. On peut observer les très nombreux chloroplastes sphériques, et les épines du squelette (il y en a ici 7, témoignage de la plasticité des formes chez les silicoflagellés).
Diamètre avec les épines : 63 µm, sans épines : 31 µm.
Cromer Pier, Norfolk, (Sud de la mer du Nord), Royaume Uni.
20/01/2025
Dessin illustrant la forme nue de Octactis speculum
Le flagelle (fl) est en position antérieure. Les chloroplastes* ou chromatophores (ch) sont répartis dans toute la cellule. Le noyau (n) est central et entouré de vacuoles (v).
Figure 2, Moestrup 0., Thomsen H.A.,1990, Dictyocha speculum (Silicoflagellata, Dictyochophyceae), studies on armoured and unarmoured stages
Reproduction de documents anciens
1990
Squelette double
La
reproduction asexuée de Octactis
speculum passe par l'existence d'individus à double squelette. Le
second squelette est construit en miroir au premier, avec une légère rotation,
et positionné face à l’anneau basal. Les deux squelettes sont très proches l’un
de l’autre, au point qu’ils sont initialement indissociables.
Au microscope d’un individu prélevé dans le port de Binic (22) – Objectif x40 –
26/10/2024
Vue de profil
Ce dessin permet de mieux comprendre la forme de ce squelette.
Au microscope, grossissement : 800. figure 16 planche 115, Deflandre 1947
Reproduction de documents anciens
1947
Rédacteur principal : Christophe QUINTIN
Vérificateur : Jean-Luc MOUGET
Responsable régional : Yves MÜLLER
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La page sur Octactis speculum sur le site de référence de DORIS
pour les algues : AlgaeBase
La page de Octactis speculum dans l'Inventaire National du
Patrimoine Naturel : INPN